Sur le premier
propriétaire de cette demeure
[section périmée
depuis 2009]
Étampes conserve plusieurs hôtels particuliers du XVIe siècle.
Au XIXe siècle les érudits locaux se sont persuadés
que l’un d’entre eux, qui porte sur sa façade la date de 1538,
avait été la propriété de la première
duchesse d’Étampes, Anne de Pisseleu, célèbre favorite
de François Ier. Anne de Pisseleu en effet avait été
faite dame d’Étampes en 1534, et cette seigneurie avait été
élevée au rang de duché en 1537.
Cependant
cette croyance ne repose sur rien de palpable. Voici ce qu’en a écrit
Monique Chatenet en 1999: «Grâce à l’acte de 1716
qui nomme les propriétaires enregistrés sur les terriers précédents,
on peut penser que le commanditaire est un ascendant de Jean Audren, possesseurs
de l’hôtel à la fin du XVIe siècle: soit Guillaume
Audren, prévôt d’Étampes vers 1512-1538, soit son fils
Simon, également prévôt de la ville vers 1538-1557.
Mais il peut s’agir aussi de Jean Berenton ou de Jean Renié, premiers
possesseurs du bien à des dates malheureusement non précisées»
(Étampes, un canton entre Beauce et Hurepoix, p. 145).
Une
autre hypothèse nous est suggérée par l’examen de
notre porte: on observe que deux putti, au centre du linteau, présentent
une sorte de blason où figure un heurtoir de porte du type appelé
marmot. On appelait en ce temps-là
marmot soit un singe, ou bien un heurtoir constitué
d’une gueule de singe. On toquait en laissant retomber l’anneau pendant
de cette gueule grotesque, bien dans le goût du temps. Et comme
Marmot est bien attesté comme patronyme dès
le XVIe siècle, on ne peut exclure qu’il s’agisse ici d’une indication
du nom du commanditaire et premier propriétaire de notre Hôtel.
Les archives diront si cette hypothèse tient la route, ou bien s’il
ne s’agit, comme il est possible, que d’une métaphore signifiant que
celui qui frappera à cette porte y trouvera un ménage heureux*.
* N.B. Cette piste envisagée en 2007 est aujourd’hui
abandonnée, depuis que j’ai démontré que le premier
propriétaire de cet Hôtel à été le receveur
des tailles d’Étampes, Jean Lamoureux, dont le nom est signifié
par la ronde des Amours (B. G., 2001).
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La Porte de Vénus
Au-dessus de notre porte, et la
dominant d’assez haut, se présente un personnage qui en commande
le symbolisme, et dont je n’ai lu le nom nulle part, dans le peu qui a
été écrit de cette porte jusqu’à présent:
c’est Vénus, déesse de l’amour et de la beauté féminine.
Dans son
état actuel, où le visage et la coiffure notamment présentent
une usure importante, on peut être surpris du manque de grâce
apparent de cette représentation de la déesse de la beauté.
Mais il faut prendre en compte les importantes variations du canon de la
beauté féminine au cours des siècles. On remarquera
notamment que le début du XVIe siècle paraît avoir apprécié
les silhouettes fines plutôt que les poitrines opulentes.
Un linge ménage la pudeur. La déesse brandit de sa droite
l’un de ses attributs traditionnels, le miroir, qu’on trouve déjà
dans la statuaire gallo-romaine. Je donne plus bas l’exemple d’une statue
retrouvée dans ce siècle à Vienne-en-Val, où
une Vénus au miroir est accostée à gauche d’un Amour
qui lui tend son autre attribut traditionnel, la pomme.
Nous retrouvons
précisément sur notre porte, en contrebas à gauche,
cet Amour offrant à sa mère la pomme qu’elle a reçue
lors du fameux Jugement de Paris, où il s’agissait d’élire
la plus belle des déesses de l’Olympe. |
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En contrebas à
droite, un deuxième Amour rend un autre hommage à sa mère.
Il porte pour sa part les attributs de Mars, à savoir le glaive
et le bouclier. Il s’agit là encore d’une représentation
traditionnelle qui remonte à l’antiquité gréco-romaine.
J’en donne plus bas pour exemple et pour comparaison une fameuse fresque
de Pompéi consacrée aux amours de Mars et de Vénus,
où Cupidon tient déjà l’épée de Mars.
Vénus
est la seule divinité capable de faire rendre les armes au dieu
de la guerre. C’est ce que symbolisent traditionnellement l’Amour ou les
Amours qui le déshabillent, qui s’amusent avec ses armes, ou qui
les brandissent comme des trophées de leur mère.
Indirectement,
le commanditaire de notre porte signale sa présence, et sa condition.
En tant que noble (et bien qu’il ne s’agisse sans doute que d’un robin,
dont la noblesse de robe n’est peut-être pas très ancienne),
il porte l’épée, et ne s’en défait que chez lui,
là où règne l’Amour et l’harmonie conjugale.
Le linteau
présente une ronde de putti. Le putto est l’un des
éléments les plus caractéristiques de l’art décoratif
du XVIe siècle. Il s’agit d’un petit enfant joufflu analogue à
l’Amour, à Cupidon, fils de Vénus, indéfiniment démultiplié
pour les besoins de la décoration, symbole un peu vague de joie
et de gaieté.
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Ils sont ici dix, pour les besoins de la symétrie; mais cette symétrie
est savamment agrémentée de tout un jeu de subtiles variations
qui animent joliment cette amusante sarabande. Au centre, deux putti
présentent la sorte de blason au marmot dont je viens de parler.
Aux deux extrémités se présentent des putti
plus personnalisés: à gauche l’un paraît accourir pour
se joindre à la ronde, et celui de droite joue de la flûte.
Le reste est rempli par deux groupes de trois putti. Les huits putti
du centre forment une ronde, soit qu’ils se donnent la main, ou qu’il tiennent
les deux extrémités de rubans, qui devaient être utilisés
dans les danses du temps. |
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Toute critique,
correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution
welcome.
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La bibliographie
relative à cette porte était totalement inexistante à
ma connaissance en 2007, puisque personne ne paraît jamais s’y être
intéressé.
Depuis les conférences
que j’ai données en 2009 et 2010 pour révéler l’identité
des commanditaires des hôtels particuliers des hôtels particuliers
dits d’Anne de Pisseleu et de Diane de Poitiers, à savoir deux les
receveurs du comté, Jean Lamoureux et Esprit Hacte, il m’a été
passé commande par les services du Patrimoine de la ville d’Étampes
deux articles en vue de la publication d’un des tout petits Cahiers de
notre belle Ville d’Art et d’Histoire.
Cependant la publication de
ce cahier relatif aux Hôtels particuliers étampois a
été annulée au dernier moment faute de crédits,
et cette publication s’est réduite à des panneaux d’exposition
en résumant les conclusions, splendides sans doute, mais par essence
voués à l’oubli. Ce qui pose la question de la répartition
des maigres crédits aloués à la valorisation du patrimoine
étampois, entre ses différents acteurs, qui devrait tenir compte
sans doute davantage du travail effectif de chacun.
B. G., 26 novembre
2011.
Bernard GINESTE, Deux conférences, Etampes,
2009-2010.
1) (avec une intervention de Gilles DROUIN), «Qui
a fait bâtir l’Hôtel du Saint-Esprit?» [conférence du 21
novembre 2009, sous l’égide du Corpus Étampois,
en l’église Saint-Basile d’Étampes],
fichier Open Office,
2009.
2) «Qui a fait
bâtir l’Hôtel du Saint-Esprit? et qui a fait bâtir l’Hôtel
des Amours?» [conférence du 6 novembre 2010, sous l’égide de la Bibliothèque
intercommunale, en l’hôtel dit de Diane de Poitiers], fichier Open Office, 2010.
Bernard GINESTE, «L’hôtel
de Jean Lamoureux à Étampes, de 1538 (texte des panneaux d’exposition de 2009)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-16-jeanlamoureux1538hotel.html,
2011.
Bernard GINESTE, «L’hôtel
d’Esprit Hattes à Étampes, de 1554 (texte des panneaux d’exposition de 2009)», in Corpus Étampois,
http://www.corpusetampois.com/cae-16-esprithattes1554hotel.html,
2011.
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