CORPUS ARTISTIQUE ÉTAMPOIS
 
Bernard Gineste
La Porte de Vénus de l’Hôtel du Plateau
sculptures datées de 1538
     Cette étude en date de mai 2007 doit être corrigée et complétée à la lumière de la découverte que j’ai faite en 2009 du commanditaire et premier habitant de cet hôtel particulier, à savoir le receveur des tailles d’Étampes Jean Lamoureux.

B.G., novembre 2011

  
Amour à la pomme


Vénus au miroir Amour au glaive


Porte de Vénus (Hôtel du Plateau dit d'Anne de Pisseleu)      Le visiteur qui veut se renseigner au service du tourisme étampois passe par une porte sculptée en 1538, dont le symbolisme peut l’intriguer.
     Cependant, à ce jour, il n’existe pas de réponse toute faite à lui proposer. En effet, très curieusement, personne ne paraît encore s’être attaché à décrire ni interpréter cet ensemble de sculptures qui est pourtant sous les yeux de tout le monde à Étampes depuis 469 ans.
     Il semble même que personne n’ait encore remarqué ou en tout cas signalé le personnage qui commande le symbolisme de cette porte: Vénus. C’est une allégorie du bonheur domestique, hommage rendu à sa femme probablement par un robin étampois.
     Je donne en conclusion une série de parallèles qui permet de resituer cette allégorie dans sa tradition iconographique.
B.G., 25 mai 2007

     N.B. Depuis 2009, j’ai identifié le commanditaire, premier propriétaire de cet hôtel, Jean Lamoureux. Voyez cet article (cliquez ici).
B.G., 26 novembre 2011
   
Sur le premier propriétaire de cette demeure
[section périmée depuis 2009]


        Étampes conserve plusieurs hôtels particuliers du XVIe siècle. Au XIXe siècle les érudits locaux se sont persuadés que l’un d’entre eux, qui porte sur sa façade la date de 1538, avait été la propriété de la première duchesse d’Étampes, Anne de Pisseleu, célèbre favorite de François Ier. Anne de Pisseleu en effet avait été faite dame d’Étampes en 1534, et cette seigneurie avait été élevée au rang de duché en 1537.

     Cependant cette croyance ne repose sur rien de palpable. Voici ce qu’en a écrit Monique Chatenet en 1999: «Grâce à l’acte de 1716 qui nomme les propriétaires enregistrés sur les terriers précédents, on peut penser que le commanditaire est un ascendant de Jean Audren, possesseurs de l’hôtel à la fin du XVIe siècle: soit Guillaume Audren, prévôt d’Étampes vers 1512-1538, soit son fils Simon, également prévôt de la ville vers 1538-1557. Mais il peut s’agir aussi de Jean Berenton ou de Jean Renié, premiers possesseurs du bien à des dates malheureusement non précisées» (Étampes, un canton entre Beauce et Hurepoix, p. 145).

     Une autre hypothèse nous est suggérée par l’examen de notre porte: on observe que deux putti, au centre du linteau, présentent une sorte de blason où figure un heurtoir de porte du type appelé marmot. On appelait en ce temps-là marmot soit un singe, ou bien un heurtoir constitué d’une gueule de singe. On toquait en laissant retomber l’anneau pendant de cette gueule grotesque, bien dans le goût du temps. Et comme Marmot est bien attesté comme patronyme dès le XVIe siècle, on ne peut exclure qu’il s’agisse ici d’une indication du nom du commanditaire et premier propriétaire de notre Hôtel. Les archives diront si cette hypothèse tient la route, ou bien s’il ne s’agit, comme il est possible, que d’une métaphore signifiant que celui qui frappera à cette porte y trouvera un ménage heureux*.

     * N.B. Cette piste envisagée en 2007 est aujourd’hui abandonnée, depuis que j’ai démontré que le premier propriétaire de cet Hôtel à été le receveur des tailles d’Étampes, Jean Lamoureux, dont le nom est signifié par la ronde des Amours (B. G., 2001).

Le marmot au centre du linteau
 
La Porte de Vénus

        Au-dessus de notre porte, et la dominant d’assez haut, se présente un personnage qui en commande le symbolisme, et dont je n’ai lu le nom nulle part, dans le peu qui a été écrit de cette porte jusqu’à présent: c’est Vénus, déesse de l’amour et de la beauté féminine.

     Dans son état actuel, où le visage et la coiffure notamment présentent une usure importante, on peut être surpris du manque de grâce apparent de cette représentation de la déesse de la beauté. Mais il faut prendre en compte les importantes variations du canon de la beauté féminine au cours des siècles. On remarquera notamment que le début du XVIe siècle paraît avoir apprécié les silhouettes fines plutôt que les poitrines opulentes.

      Un linge ménage la pudeur. La déesse brandit de sa droite l’un de ses attributs traditionnels, le miroir, qu’on trouve déjà dans la statuaire gallo-romaine. Je donne plus bas l’exemple d’une statue retrouvée dans ce siècle à Vienne-en-Val, où une Vénus au miroir est accostée à gauche d’un Amour qui lui tend son autre attribut traditionnel, la pomme.

     Nous retrouvons précisément sur notre porte, en contrebas à gauche, cet Amour offrant à sa mère la pomme qu’elle a reçue lors du fameux Jugement de Paris, où il s’agissait d’élire la plus belle des déesses de l’Olympe.
Vénus au miroir
Attributs de Mars      En contrebas à droite, un deuxième Amour rend un autre hommage à sa mère. Il porte pour sa part les attributs de Mars, à savoir le glaive et le bouclier. Il s’agit là encore d’une représentation traditionnelle qui remonte à l’antiquité gréco-romaine. J’en donne plus bas pour exemple et pour comparaison une fameuse fresque de Pompéi consacrée aux amours de Mars et de Vénus, où Cupidon tient déjà lépée de Mars.

     Vénus est la seule divinité capable de faire rendre les armes au dieu de la guerre. C’est ce que symbolisent traditionnellement l’Amour ou les Amours qui le déshabillent, qui s’amusent avec ses armes, ou qui les brandissent comme des trophées de leur mère.

     Indirectement, le commanditaire de notre porte signale sa présence, et sa condition. En tant que noble (et bien qu’il ne s’agisse sans doute que d’un robin, dont la noblesse de robe n’est peut-être pas très ancienne), il porte l’épée, et ne s’en défait que chez lui, là où règne l’Amour et l’harmonie conjugale.

     Le linteau présente une ronde de putti. Le putto est l’un des éléments les plus caractéristiques de l’art décoratif du XVIe siècle. Il s’agit d’un petit enfant joufflu analogue à l’Amour, à Cupidon, fils de Vénus, indéfiniment démultiplié pour les besoins de la décoration, symbole un peu vague de joie et de gaieté.

  La Pomme attribut de Vénus


 Frise du Linteau

     Ils sont ici dix, pour les besoins de la symétrie; mais cette symétrie est savamment agrémentée de tout un jeu de subtiles variations qui animent joliment cette amusante sarabande. Au centre, deux putti présentent la sorte de blason au marmot dont je viens de parler. Aux deux extrémités se présentent des putti plus personnalisés: à gauche l’un paraît accourir pour se joindre à la ronde, et celui de droite joue de la flûte. Le reste est rempli par deux groupes de trois putti. Les huits putti du centre forment une ronde, soit qu’ils se donnent la main, ou qu’il tiennent les deux extrémités de rubans, qui devaient être utilisés dans les danses du temps.
 

Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
BIBLIOGRAPHIE
     La bibliographie relative à cette porte était totalement inexistante à ma connaissance en 2007, puisque personne ne paraît jamais s’y être intéressé.
     Depuis les conférences que j’ai données en 2009 et 2010 pour révéler l’identité des commanditaires des hôtels particuliers des hôtels particuliers dits d’Anne de Pisseleu et de Diane de Poitiers, à savoir deux les receveurs du comté, Jean Lamoureux et Esprit Hacte, il m’a été passé commande par les services du Patrimoine de la ville d’Étampes deux articles en vue de la publication d’un des tout petits Cahiers de notre belle Ville d’Art et d’Histoire.
     Cependant la publication de ce cahier relatif aux Hôtels particuliers étampois a été annulée au dernier moment faute de crédits, et cette publication s’est réduite à des panneaux d’exposition en résumant les conclusions, splendides sans doute, mais par essence voués à l’oubli. Ce qui pose la question de la répartition des maigres crédits aloués à la valorisation du patrimoine étampois, entre ses différents acteurs, qui devrait tenir compte sans doute davantage du travail effectif de chacun.


B. G., 26 novembre 2011.

     Bernard GINESTE, Deux conférences, Etampes, 2009-2010.
     1) (avec une intervention de Gilles DROUIN), «Qui a fait bâtir l’Hôtel du Saint-Esprit?
» [conférence du 21 novembre 2009, sous l’égide du Corpus Étampois, en l’église Saint-Basile d’Étampes], fichier Open Office, 2009.
     2) «Qui a fait bâtir l’Hôtel du Saint-Esprit? et qui a fait bâtir l’Hôtel des Amours?» [conférence du 6 novembre 2010, sous l’égide de la Bibliothèque intercommunale, en l’hôtel dit de Diane de Poitiers], fichier Open Office, 2010.

      Bernard GINESTE, «L’hôtel de Jean Lamoureux à Étampes, de 1538 (texte des panneaux d’exposition de 2009)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-16-jeanlamoureux1538hotel.html, 2011.

      Bernard GINESTE, «L’hôtel d’Esprit Hattes à Étampes, de 1554 (texte des panneaux d’exposition de 2009)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-16-esprithattes1554hotel.html, 2011.


Source: clichés de Bernard Gineste, mai 2007.

Porte de Vénus (Hôtel du Plateau dit d'Anne de Pisseleu)


Frise du linteau: la ronde des Amours

Frise du Linteau


Frise du Linteau, partie gauche

Frise du Linteau, partie centrale
Au centre du linteau, deux putti tiennent un blason représentant un heurtoir de porte à tête de singe du type classique appelé marmot.

Frise du Linteau, partie droite


Quelques parallèles de Vénus au Miroir

Vénus au miroir gallo-romaine de Vienne-en-Val
Vénus gallo-romaine
Vénus au miroir
Hôtel du Plateau, 1538
Vénus au miroir (16e siècle, Musée de Mâcon)
XVIe siècle
Toilette de Vénus (XVIe siècle, Musée du Louvre, détail)
XVIe siècle (École de Fontainebleau)
   
Quelques parallèles de putti jouant avec les armes de Mars

Amour et l'épée de Mars
Pompei, avant 79
Amour au glaive et au bouclier
Hôtel du Plateau, 1538
Mars et Vénus de Véronèse (détail)
Véronèse
Amour et l'épée de Mars
Pompei, avant 79
   
Paolo Farinati: Frise de putti (dessin, fin XVIe s., détail)
Paolo Farinati
Botticelli: Vénus et Mars (1480)
Botticelli, 1480
Anonyme flamand du XVIIe siècle
Anonyme flamand, XVIIe s.
 
Explicit
   
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