LA FRANCE
PROTESTANTE
PAR
MM. EUGÈNE ET ÉMILE HAAG
DEUXIÈME ÉDITION
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA SOCIÉTÉ
DE L’HISTOIRE
DU PROTESTANTISME FRANÇAIS
ET SOUS LA DIRECTION DE M. HENRI BORDIER
TOME PREMIER
PARIS
LIBRAIRIE SANDOZ ET FISCHBACHER
RUE DE SEINE, 33
1877
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BARON (PIERRE)
professeur à l’université de Cambridge, vers 1575 [Haag I, 261].
Le surnom de Stempanus qu’il prenait, indiquerait qu’il était
originaire d’Étampes. Baron fit ses études à Bourges
où il prit le grade de licencié ès lois. Chassé
de sa patrie par les persécutions religieuses, il passa en Angleterre
où son mérite lui fit obtenir, quelque temps après,
une chaire dans l’université de Cambridge. Partisan des opinions pélagiennes,
il ne vécut pas longtemps en bonne intelligence avec son collègue
Whitaker qui avait des idées plus rigides sur la prédestination.
La querelle ne tarda pas à passer de l’école dans le temple
où, du haut de la chaire évangélique, les deux adversaires |867
s’attaquèrent avec une ardeur égale, mais avec un succès
différent. Baron soutenait la thèse que Dieu n’est point l’auteur
du péché, qu’il ne veut pas qu’on le commette, puisqu’il le
défend expressément, et que, s’il réprouve les hommes,
c’est uniquement à cause du péché qu’il hait. Il ne croyait
pas non plus à la prédestination absolue; il enseignait, au
contraire, que les fidèles ou les élus ne doivent point
se regarder comme assurés du salut. Cette doctrine choquait trop la
majorité du clergé anglican pour être approuvée.
L’archevêque de Cantorbéry, qui voyait ces disputes avec peine,
recommanda le silence aux deux champions dans l’intérêt de l’université;
mais Baron, ne pouvant supporter l’idée de passer pour un hérétique
aux yeux de ses élèves et des fidèles, entreprit, en
1596, de prouver son orthodoxie dans un sermon où il s’efforça
d’établir l’accord parfait de ses opinions avec les XXXIX Articles.
Il est reconnu aujourd’hui que l’archevêque Cranmer, le principal rédacteur
de ces articles dans leur forme primitive, goûtait peu les doctrines
fatalistes de Calvin, et qu’il penchait plutôt vers le semi-pélagianisme
de Luther. Dans tous les écrits qui nous restent de lui, il se prononce
en faveur de la rédemption universelle. «Mais, dit M. Le Bas
dans la Vie de l’archevêque Cranmer, dont Eug. Haag a donné
une traduction, des hommes d’un tout autre esprit ayant succédé
plus tard à nos réformateurs, la fièvre du calvinisme
devant en quelque sorte une maladie épidémique; et vers la
fin du règne d’Élisabeth, quelques-uns de nos meneurs théologiques
s’imaginèrent de parfaire nos Articles en y introduisant une forte
dose de la doctrine genevoise.» Même dans leur rédaction
actuelle, ces Articles, surtout le XVIIe, sont loin d’être favorable
à la prédestination absolue. Il était donc facile à
Baron d’avoir raison contre ses adversaires, et il paraît qu’il eut
effectivement trop bien raison, car il fut cité devant le consistoire,
sous l’accusation d’avoir avancé : 1° que Dieu par une volonté
absolue a créé tous les hommes et chacun d’eux en particulier
pour la |868 vie éternelle, et qu’il ne prive personne du salut,
sinon à cause de ses péchés; 2° qu’il y a une double
volonté en Dieu, une volonté antécédente
et une volonté conséquente; que par la première
Dieu ne rejette personne puisque autrement il réprouverait son propre
ouvrage; 3° que Jésus-Christ est mort pour tous les hommes, proposition
qu’il appuyait sur ce syllogisme: Christ est venu pour sauver ce qui était
perdu (Mat. XVIII, 11); or tous les hommes étaient perdus en Adam;
donc Jésus est venu pour les sauver tous; car le remède doit
être de la même étendue que le mal et Dieu ne fait point
acception de personne (Act. X, 34); 4° que les promesses de Dieu sont
universelles, et que ce sont les hommes eux-mêmes qui s’excluent du
royaume des Cieux, selon Osée (XIV, 1). Baron n’ayant fait aucune difficulté
d’avouer ces doctrines, on dressa un procès-verbal de l’interrogatoire
et on l’envoya au chancelier qui, convaincu que toute cette procédure
avait été provoquée par des inimitiés personnelles,
ne donna en conséquence aucune suite à cette affaire. Baron
continua donc à occuper sa chaire; mais ses ennemis se vengèrent
en l’abreuvant de dégoûts, en sorte qu’à l’expiration
de ses trois années de professorat, il donna tacitement sa démission
en ne faisant aucune démarche pour conserver sa place. Il se retira
à Londres où il mourut au bout de trois ou quatre ans. Il laissa
plusieurs enfants, dont l’aîné seul, nommé SAMUEL, est
mentionné particulièrement; encore les biographes se bornent-ils
à nous apprendre qu’il exerça la médecine et mourut
à Lyn-Regis dans le Norfolkshire. Les ouvrages de Baron pourraient,
encore de nos jours, offrir de l’intérêt, les questions qui
y sont traitées continuant à être agitées dans
l’Église; malheureusement ils sont fort rares. Nous en donnerons le
catalogue d’après Watt.
I. Quatre sermons sur le
Ps. CXXIII, Lond., 1560, in-8°.
II. In Jonam prophetam prælectiones
XXXIX; — Theses publicæ in scholis peroratæ et disputatæ;
— Conciones tres ad clerum catibrigiensis habitæ in templo Beatæ
Mariæ; — Precationes quibus usus est author in suis prælectionibus |869 inchoendis
et finiendis, Lond. 1579, in-fol. — Les thèses ont été
trad. en angl. par Ludham et publiées, la 1re sous le titre: «God’s
purpose and decree taketh not away the liberty of man’s corrupt will;»
la 2e sous celui-ci: «Our conjonction with Christ is altogether spiritual,»
Lond. 1590, in-8°.
III. De fide, ejusque ortu et
naturâ, plana et dilucida explicatio, Lond., 1580, in-8°. —
La Biblioth. Telleriana mentionne cet ouvrage, mais sous un titre un peu différent:
Explicatio de fide, ejusque ortu et naturâ, et alia
opuscula theologica, Lond., 1580, in-4°. Mais il n’est pas probable
qu’il y en ait eu deux éditions dans la même année.
IV. Summa trium sententiarum
de prædestinatione, imp. Avec des Notes de J. Piscator,
une Disquisitio de F. Junius et une Prælectio de Whitaker;
Hard., 1643, in-8°.
V. Special Treatise of God’s
Providence, and of comforts against all kinds of crosses and calamities
to be fetched from the same; with an Exposition on Ps. CVII.
VI. Sermones declamati coram
almâ universitate cantibrigiensi, Lond., in-4°, sans
date.
VII. De præstantiâ
et dignitate divinæ legis libri duo, in quibus varii de lege errores
refelluntur, et quomodò lex gratuitum Dei cum hominibus fœdus ac Christum
etiam ipsum comprehendat, fidemque justificantem à nobis requirat,
explicatur; eaque doctrina sacrarum literarum authoritate theologorumque veterum
ac recentiorum testimoniis confirmatur; adjectus est alius quidam Tractatus
ejusdem authoris in quo docet expetitionem oblati à mente boni, et
fiduciam ad fidei justificantis naturam pertinere, Lond., in-8° sans
date.
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