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Préface. — Bibliographie. — 01. L’époque gallo-romaine dans la région d’Étampes. — 02. La Période gallo-romaine dans la région d’Étampes. — 03. Villa gallo-romaine a Souzy-la-Briche. — 04. Autre compte-rendu. — 05. La villa gallo-romaine. — 06. Fouilles et découverte d’une mosaïque gallo-romaine à Souzy-la-Briche. — 07. Bouteille gallo-romaine en verre découverte à Souzy-la-Briche. — 08. Lésions osseuses d’un squelette d’enfant trouvé dans un milieu gallo-romain. — 09. La borne milliaire de Saclas. — 10. Vase gallo-romain découvert à Morigny. — 11. Vase gallo-romain trouvé à Malassis. — 12. Une découverte gallo-romaine à Morigny. — 13. Chaudrons en bronze de Baulne. — 14. Fragments d’archives personnelles. — 15. Collection du comte au château de Morigny.
ISSN 2272-0685
Publication du Corpus Étampois Directeur de publication : Bernard Gineste 12 rue des Glycines, 91150 Étampes redaction@corpusetampois. com
BHASE n°32
Bulletin historique et archéologique du Sud-Essonne
publié par le Corpus Étampois
septembre 2016
Le monde des Saint-Périer. Tome 2
gallo-romain
Édité par le Corpus Étampois
COMITÉ DE LECTURE
Bernard Gineste Bernard Métivier Bernard Minet f Bernard Paillasson
Voici le deuxième volume des Œuvres Locales Complètes du comte de Saint-Périer. Il regroupe toutes les études qu’il a consacrées, de 1912 à 1947 à l’archéologie gallo-romaine de l’ancien arrondissement d’Étampes, qui correspond grosso modo à la partie méridionale de l’actuel département de l’Essonne.
On trouvera donc ci-après, tout d’abord, deux présentations générales de cette période dans la région d’Étampes, la première publiée en 1921, et la seconde en 1947.
Ensuite, cinq articles relatifs de près ou de loin à la villa gallo-romaine de Souzy-la-Briche, et publiés de 1913 à 1929.
Enfin cinq autres publications relatives à plusieurs trouvailles faites ailleurs dans la région, à quoi nous nous joindrons quelques fragments de notes et d’archives personnelles, ainsi que quelques données sur la collection du comte au château de Morigny.
B. Gineste et B. Métivier, septembre 2016
René de Saint-Périer (1877-1950)
A. — Présentations générales
01. René de Saint-Périer, « L’époque gallo-romaine dans la région d’Étampes », in L ’Abeille d’Étampes 110/43 (22 octobre 1921), p. 1 (d’après une coupure de presse conservée aux AD91).
02. « La Période gallo-romaine dans la région d’Étampes », in
Conférence des Société savantes de Seine-et-Oise 15 (1947), pp. 98-102.
B. — Autour de la villa gallo-romaine de Souzy
03. « Villa gallo-romaine à Souzy-la-Briche (Seine-et-Oise) »,
in Bulletin de la Société préhistorique française 3 (octobre 1912), pp. 607-609.
04. « Autre compte-rendu », in Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France 3 (octobre 1912), pp. 607-609.
05. « La villa gallo-romaine », in Bulletin de la Société des Amis du Musée d’Étampes 2 (1914), pp. 22-38.
06. « Fouilles et découverte d’une mosaïque gallo-romaine à Souzy-la-Briche, arrondissement d’Étampes (Seine-et-Oise) », in Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais 31 (1913), pp. 225-274 avec une double planche en couleur hors-texte. — Tiré à part (in-8° ; 51 p. et planche), Fontainebleau, M. Bourges, 1913.
07. « Bouteille gallo-romaine en verre découverte à Souzy-la-Briche », in Bulletin de la Société des Amis du Musée d’Étampes 7 (1925-1929), pp. 43-46.
08. « Lésions osseuses d’un squelette d’enfant trouvé dans un milieu gallo-romain », in Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris 6e série, tome 5 (1914), pp. 31-36 (séance du 15 janvier 1914). — Tiré à part (in-8° ; paginé 31-36 ; figures), Paris, Société d’anthropologie de Paris, 1914.
C. — Autres trouvailles
09. « La borne milliaire de Saclas », in Bulletin de la Société des Amis d’Étampes et de sa région 3 (1947), p. 50.
10. « Vase gallo-romain découvert à Morigny », in Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France (1920), pp. 278285. — Tiré à part (in-8° ; 8 p. ; figure), Paris, Société nationale des antiquaires de France, 1921.
11. « Vase gallo-romain trouvé à Malassis », in Bulletin de la Société des Amis du Musée d’Étampes 4 (1921), pp. 25-26.
12. « Une découverte gallo-romaine à Morigny », in Bulletin de la Société des Amis d’Étampes et de sa région 7 (janvier 1951), pp. 126-127.
13. « Chaudrons en bronze de Baulne », in Bulletin de la Société préhistorique française 36 (1939), pp. 192-196.
14. Fragments d’archives personnelles (1913-1927) conservées au Archives départementales de l’Essonne sous la cote 76J 5.
15. Collection du comte au château de Morigny, d’après les notices d’Émile Espérandieu, Recueil général des reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine. Tome onzième. Suppléments (suite), Paris, Imprimerie nationale, 1938, p. 15-16, et d’Adrien Blanchet, Inventaire des mosaïques de la Gaule et de l’Afrique. II. Lugdunaise, Belgique et Germanie, Paris, Ernest Leroux, 1909, pp. 50-52.
MUSEE d’ETAMPES
mm
Epoque Gallo-Romaine
Mercure et clef en bronze décourerlB
Morigny, près d’Etampe».
C’est de l’an 50 avant J.-C. que date l’entrée de la Gaule, aujourd’hui la France, dans l’histoire.
Antérieurement à cette époque, mais sans remonter aux âges préhistoriques de la pierre et du bronze, sur lesquels les fouilles archéologiques seules nous permettent de jeter quelques lumières, nous n’avons sur nos ancêtres gaulois que peu d’indications historiques. Strabon et Arrien, auteurs grecs du premier siècle de l’ère chrétienne, rapportent cependant, d’après Ptolémée, compagnon d’Alexandre, l’entrevue qu’eut Alexandre, le célèbre conquérant du IVe siècle avant J.-C., avec les chefs des Celtes de l’ Adriatique, tribus voisines des populations celtiques de la Gaule. « Ils sont, dit Arrien, de haute taille et ont d’eux-mêmes une grande opinion. » Alexandre pensa les intimider en leur demandant ce qu’ils redoutaient le plus, car il se flattait que sa renommée eût pénétré jusqu’à eux. Mais ils répondirent qu’ils ne craignaient rien, sinon que le ciel tombât
1 L’Abeille d’Étampes (22 octobre 1921) d’après une coupure de presse conservée à Chamarande aux AD91 parmi les anciennes archives personnelles du comte (B.G.). Texte précédé de l’introduction suivante : « Au cours de la visite-conférence qui a eu lieu dimanche dernier au Musée d’Étampes, M. R. de Saint-Périer a entretenu l’assistance assez nombreuse qui avait répondu à l’appel des Amis du Musée, de l’Époque gallo-romaine dans la région d’Étampes. Le conférencier a bien voulu résumer ainsi cette étude à l’intention de nos lecteurs. » sur leur tête. Alexandre rit, leur fit remettre des présents et dit qu’ils étaient de grands hâbleurs.
Mais en l’an 50 avant J.-C., Jules César entreprit la conquête de la Gaule. Divisés en nombreux petits peuples, souvent en lutte les uns contre les autres, les Gaulois ne purent repousser l’assaut des légions romaines. Coalisées néanmoins contre l’invasion étrangère, mais trop tardivement, leurs armées enfermées dans Alésia sous le commandement de Vercingétorix, virent le redoutable appareil de siège des conquérants romains encercler leur dernier refuge. On sait qu’Alésia dut se rendre et le chef gaulois se confia à la générosité du vainqueur. Mais César, impitoyable, le garda six ans en prison pour pouvoir le traîner enchaîné à la suite de son char, à Rome, lorsque le Sénat eut accordé les honneurs du triomphe au conquérant des Gaules. Puis le vaillant Gaulois fut exécuté. Cette dureté envers le chef vaincu ne s’étendit pas cependant à tous les habitants de la Gaule conquise. Les Romains montrèrent, au contraire, dans l’administration de ce pays, une sage tolérance et une grande habileté. Ils avaient réprimé avec sévérité les révoltes militaires : ils gouvernèrent avec douceur le pays pacifié. Respectueux des traditions gauloises, ils n’imposèrent point leurs dieux, mais reconnurent les dieux de leur nouvelle colonie. Ainsi s’établit en Gaule un culte mixte, pour ainsi dire, où les dieux de l’Olympe gréco-romain voisinèrent fort amicalement avec les dieux indigènes. On se borna à les identifier en quelque mesure. Mercure par exemple fut rapproché d’ un dieu gaulois fort populaire et, sous cette forme nouvelle, fut l’objet, en Gaule, d’ un culte très répandu.
Tolérants en matière religieuse, les Romains s’efforcèrent également de mettre en valeur le pays et d’accroître sa prospérité. Ils créèrent des routes, bâtirent des villes, creusèrent des canaux, édifièrent ces aqueducs gigantesques, dont les ruines, encore debout, attestent l’importance des travaux d’ordre public de ce peuple ingénieux et colonisateur. Aussi l’époque gallo-romaine, qui dura quatre siècles, fut-elle pour notre pays une ère de prospérité incomparable. L’empire romain s’étendait alors de l’ Inde à l’ Océan Atlantique ; l’ Afrique du Nord, toute l’ Europe jusqu’au Danube et jusqu’aux froides contrées de la Scandinavie obéissaient aux lois de l’Empire. L’on vit alors lapax romana, la paix romaine, régner deux siècles sur le monde, félicité que l’humanité n’a jamais connue depuis.
Dans ce monde si calme, d’une civilisation si raffinée, la Gaule formait une des plus belles provinces de l’Empire. Les Gallo-Romains avaient oublié leurs rancunes contre les vainqueurs ; ils aimaient Rome comme leur propre patrie. Le poète Ausone (310395), né à Bordeaux, dit en parlant de sa ville natale : « C’est mon pays, mais Rome surpasse tous les pays : j’aime Bordeaux, mais je vénère Rome. »
Il n’est donc point surprenant que les vestiges de cette époque si prospère se retrouvent à chaque pas, sur notre sol. Dans notre région d’Étampes, ils sont nombreux. Dans la plaine, au-dessus de Saclas1, une voie romaine, qui réunissait Lutetia (Paris) à Genabum (Gien), parée de grandes dalles, est encore visible par endroits. Saclas lui-même figure, sous le nom de Salioclita, sur l’itinéraire d’Antonin, guide officiel des distances séparant les villes de l’Empire, qui avait été dressé sur l’ordre de cet empereur. Sur le territoire de la même commune, des poteries, des monnaies, des restes de constructions gallo-romaines ont été maintes fois découvertes.
La voie de Lutetia à Genabum passait sans doute dans la vallée de la Juine, en aval d’Étampes, non loin de la route actuelle de Paris à Orléans. Près de Morigny, cette voie est jalonnée, pour ainsi dire, par des trouvailles d’objets gallo-romains : le priape de Saint-Phallier (musée d’Étampes), le Mercure en bronze de Brunehaut (musée d’Étampes), des monnaies, des poteries et notamment un curieux petit vase trouvé en 1920 par M. Riche, maire de Morigny.
La statuette de Mercure de Brunehaut nous montre un type de divinité gallo-romaine conçue dans le style gréco-romain, mais les dieux indigènes voisinaient, comme nous l’avons dit, en gaule, avec les divinités officielles du culte de Rome. C’est à l’un de ces dieux qu’il faut rapporter une très curieuse statue en bronze représentant un personnage accroupi, portant un collier ou torque, auquel les yeux en pâte de verre donnent une étrange expression, qui a été découvert, en 1845, dans le curage de la Juine, près de Bouray.
Enfin et sans sortir de l’arrondissement d’Étampes, le petit village de Souzy a été, à l’époque gallo-romaine, un centre d’habitation plus considérable que ne laisserait supposer son importance actuelle. Une villa, dont les substructions ont été en partie explorées, renfermait des mosaïques dont la plus grande est conservée au musée d’Étampes, des carrelages de marbres précieux et des objets d’art choisis avec goût par son propriétaire qui menait là sans doute la vie paisible et fastueuse des riches Gallo-Romains, à la fois administrateurs avisés de leurs domaines et protecteurs éclairés des arts. Une tête grecque et un torse en marbre blanc découverts en ces lieux témoignent de la splendeur passée de cette riche demeure.
Ainsi les découvertes qui ont été faites, à diverses époques, aux environs d’Étampes, nous permettent de revivre, en quelque sorte par la pensée, l’histoire de notre région du Ier au Ve siècle de notre ère. Et c’est un petit coin d’Italie que nous croyons apercevoir. L’art gallo-romain, en effet, emprunte bien plus aux traditions des conquérants qu’aux vieilles coutumes gauloises. L’art de nos ancêtres avant la conquête ne connaissait point la figure humaine ; à l’époque gallo-romaine, nous voyons apparaître des représentations humaines du style gréco-romain. Parfois, cependant, les artistes gaulois veulent représenter un type national. Et l’on connaît notamment la statue de Mercure, trouvée à Lezoux (Puy-de-Dôme), œuvre certainement locale, dont les traits reproduisent un Arverne à la barbe frisée, au torse large, à la face épanouie, dans lequel on reconnaît immédiatement la physionomie si caractéristique d’un pur Auvergnat. Mais ces essais sont rares et timides. Rome a vraiment conquis la Gaule par son style, ses mœurs, son langage. Nous ne connaissons plus guère de mots dans notre langue dont l’origine soit celtique, notre français actuel est presque tout entier dérivé du latin.
Mais on y retrouve aussi d’assez nombreuses racines germaniques. C’est que, en effet, les hordes barbares des Germains, longtemps contenues par Rome, ont fini par ruiner la splendeur du grand empire. Peut-être les incendies dont nous relevons les traces sur la grande mosaïque de Souzy ont-ils été allumés par ces envahisseurs qui déferlaient de l’est sur les fertiles provinces de la Gaule romaine.
Et c’est avec un juste sentiment de fierté et de reconnaissance pour nos héros que nous pensons, quinze siècles après ces invasions, que nous avons repoussé, nous, Français d’aujourd’hui, les descendants des Barbares qui ruinèrent à jamais l’incomparable majesté du peuple romain.
R. de Saint-Périer.
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La région qui nous occupe, limitée arbitrairement à l’ancien arrondissement d’Étampes, a montré des vestiges importants de la période gallo-romaine, principalement dans sa partie Sud. La grande voie qui, suivant un parcours sensiblement Nord-Sud, réunissait Lutetia à Genabum, ville qui, à n’en plus douter maintenant, est Orléans, passe, en effet par Étampes. Mais une autre voie, dont on ne peut que soupçonner l’existence en raison de quelques édifices antiques qui devaient la jalonner, se détachait de la voie principale vers Boissy-sous-Saint-Yon, venant peut-être d’Égly et d’Arpajon, et passait non loin de la butte Saint-Yon, dont les circonvallations et la porte antique, dite Porte de Bordeaux, indique l’existence en ce point d’un camp fortifié : on y a trouvé des meules en calcaire et le fond d’un grand vase en poterie noire contenant quelques fragments osseux. De là, la voie secondaire devait suivre la vallée de la Renarde et gagner Souzy, le principal établissement gallo-romain
3 Conférence des Société savantes de Seine-et-Oise. Quinzième réunion tenue à Étampes le 29 juin 1947 sous la présidence de M. Paul Deschamps membre de l’académie des inscriptions et belles-lettres, et de M. André Lesort vice-président de la commission départementale des antiquités et des arts de Seine-et-Oise. Compte-rendu des travaux, 1948, pp. 98-102. Le texte de cet article a été saisi par Mme Jeanne Augé ; qu’elle en soit ici remerciée (B.G.).
de la région, à 6 km environ à l’ouest de la grande voie Lutetia-Genabum.
La voie romaine passant par Souzy pourrait être représentée par le chemin rural dit « Le Pavé neuf » qui sépare le bois de la Guigneraie de celui de la Croix-Boissée, mais cette attribution reste douteuse. Non loin de la Renarde, au lieu-dit La cave sarrazine, existait, en revanche, d’ importantes substructions qui ont fait partie d’un édifice que nous pensons être une villa et qui comprenait de nombreuses salles, un hypocauste, des dallages en mosaïque, des revêtements de marbre et de stuc coloré, mais peu d’objets mobiliers, comme si cette demeure avait été pillée avant sa destruction. |99
De grandes mosaïques découvertes en 1865 par le Cte de Saint-Périer, notre grand-père, ont été reposées dans notre demeure à Morigny par ses soins et nous avons nous-mêmes fait placer au Musée d’Étampes, une autre mosaïque de 4 m x 5 m environ, que nous avons découverte en 1912, dans une salle en forme d’abside, au cours de fouilles qui nous ont permis de donner un plan d’une partie de la construction2.
Ces mosaïques sont toutes à sujets géométriques, les cubes d’environ 1 cm de côté sont en schiste, en marbre blanc et gris et en terre cuite rouge. Elles ne paraissent pas antérieures à la fin du IIIe siècle.
À quelques centaines de mètres de la villa de Souzy, au Moulin de l’Écury, on a découvert, dans le blocage d’un mur qu’on démolissait, une tête de jeune homme mesurant 10 centimètres de hauteur. Traité à la manière romaine dans les détails de la chevelure, ce fragment est certainement une copie d’un modèle hellénique de l’école de Scopas, sinon de Scopas lui-même (420350 av. J.-Ch.). L’expression est pathétique, les yeux enfoncés sous des orbites proéminentes, le cou puissant et musclé raidi dans un mouvement violent, tous ces caractères rattachent cette sculpture à la manière tourmentée de l’artiste grec.
On connaît quelques découvertes dans le prolongement de la vallée où Souzy formait sans doute un vicus gallo-romain de quelque importance, notamment à Villeconin, mais ces trouvailles isolées ne se rattachent à aucun édifice subsistant. Il nous faut donc revenir à la grande voie de Lutetia-Genabum jalonnée de stations romaines depuis son entrée dans la région d’Étampes où elle suit approximativement le trajet actuel de la route nationale n° 20 de Paris à Orléans. De la ferme de la Vieille Poste, elle gagne Étréchy (Strata via ?) où l’on a découvert des monnaies |100 romaines, laissant à l’Est Auvers-Saintt-Georges, où l’on connaît quelques substructions et une monnaie d’or d’Antonin. Puis elle passe à Jeurre, écart de Morigny, où nous avons trouvé nous-mêmes un fragment important d’un vase moulé en terre rouge de Lezoux, puis à Brunehaut, où une vieille tour romaine, encastrée dans les bâtiments du château construit par M. de Viart sous le premier Empire, a été signalée par le Dr Bourgeois avant la réédification, en 1875, de ce château. Dans le parc, où un gué des Sarrazins indique une origine romaine, comme la tour de Brunehaut, on a découvert des substructions, des poteries, une statuette de Mercure, un Priape en pierre calcaire, des clefs, des fragments de bronze. En 1941, les troupes allemandes qui occupaient le château de Brunehaut, découvrirent en creusant des tranchées dans le parc un nombre important de monnaies de bronze (Marc-Aurèle, Antonin, Tetricus). Ce lieu, ainsi que l’emplacement actuel du village de Morigny où l’on a retrouvé des monnaies de Marc-Aurèle à Valentinien, dut être le siège d’un établissement romain assez important.
De Brunehaut, la voie gagnait l’emplacement actuel d’Étampes par le faubourg Évezard, passait au petit Saint-Mars, puis suivait le tracé de l’ancienne route de Saclas, aujourd’hui chemin rural. Aucune découverte ne permet de penser que la ville d’Étampes existât à cette époque, seule une petite agglomération d’ origine gauloise a dû occuper vers Saint-Martin le débouché des vallées de la Louette et de la Chalouette dans la vallée de la Juine.
Saclas, où la voie traversait la Juine doit être identifiée avec Salioclita de l’ itinéraire d’ Antonin et de la carte de Peutinger, à mi-distance entre Lutetia et Genabum. Salioclita ou village des Saules, allusion à la végétation des bords de la rivière, a donné par métathèse, Sacliolita, d’où Saclas. La présence d’un village romain à Saclas n’est pas douteuse. Au lieu-dit Le Fort, en bordure de la voie, aujourd’hui chemin rural qui se dirige vers Estouches, nous avons trouvé nous-mêmes des substructions avec tegulæ en grand nombre, des poteries, des débris de cuisine, des petites monnaies en bronze. Cet ensemble se rattachait peut-être à un édifice destiné à protéger la voie. À quelque distance au Nord, au lieu-dit Roumare, un fossé encore visible en plein bois indique |101 l’emplacement d’un vallum et d’un camp. Des découvertes nombreuses de poteries et d’objets romains divers ont été faites sur tout le territoire de la commune. Notre voie se dirigeant vers Estouches, dernière localité du département, montrait il y a quelques années encore des dalles recouvrant un blocage où l’ appareil des grandes voies romaines était parfaitement reconnaissable. Enfin, en 1842, on découvrait sur le territoire de Saclas, lors de la construction du chemin de fer de Paris à Orléans, une borne milliaire, haute de 1 m 80 environ, portant les salutations impériales d’ Aurélien. Ce monument a été détruit en 1940 avec le musée archéologique d’Orléans, où il était conservé.
Telles sont les principales découvertes gallo-romaines de notre région. Il faut y joindre beaucoup de trouvailles isolées dans diverses communes que nous ne pouvons relater ici. D’une façon générale, c’est naturellement sur le tracé de la grande voie, Lutetia-Genabum, et les environs immédiats que les établissements gallo-romains ont été importants. Il faut signaler à ce propos qu’à Blandy, dernier village de S. et O. bordant le Loiret, non loin de l’ancienne voie se dirigeant sur Mérouville, en Eure-et-Loir, qui fut un gros centre gallo-romain, des fouilles récentes et encore inédites de M. Leroy, juge au Tribunal d’Étampes, ont amené la découverte d’un établissement gallo-romain vraisemblablement du IIe siècle, qui s’étendait peut-être sur plus d’un hectare.
Enfin, il n’est pas sans intérêt de remarquer que, à l’Ouest de notre région, vers Rambouillet, et à l’Est vers Malesherbes, aucune découverte de quelque importance n’a été faite. À l’époque gallo-romaine, ces territoires étaient occupés à l’Ouest par les bois de Montbardon qui formaient avec le grand massif de Dourdan et de Rambouillet l’Aquilina silva ou la forêt d’Yveline et s’étendaient jusqu’au voisinage d’Étampes, comme le prouve le nom du village La Forêt-le-Roi, à 10 km d’Étampes. À l’Est, un nom similaire, La Forêt Sainte Croix, à 8 km d’Étampes, indique l’extension de la Silva Biera, réduite aujourd’hui à la forêt de Fontainebleau et aux bois de Milly. Aucune grande voie ne devait traverser ce vaste domaine boisé. Les rares découvertes qu’on y a relevées se rapportent sans doute à de simples passages. Nous avons là une preuve archéologique, au moins négative, du défrichement tardif |102 de la partie Est et Ouest de notre région, aujourd’hui entièrement cultivée, et par conséquent de la date également tardive de son peuplement et de la création des villages.
Nous voyons donc par ce court résumé que l’ importance des bourgades et des villes a varié au cours des âges. Souzy fut probablement une petite cité florissante, ainsi que Saclas, alors qu’Étampes ne comprenait sans doute encore que quelques huttes gauloises et demeure sans histoire jusqu’à la fin du VIe siècle.
Comte de Saint-Périer.
Par le Dr René de Saint-Périer (Paris).
J’ai l’honneur d’informer la Société que j’ai entrepris, au mois de septembre 1912, des fouilles à Souzy-la-Briche (Seine-et-Oise), au lieu-dit « la Cave Sarrazine », sur l’emplacement d’une importante villa gallo-romaine, explorée en partie seulement par le Comte de Saint-Périer, mon grand-père, à deux reprises, en 1865 et en 1882. |608
Ces deux campagnes de fouilles avaient amené la découverte de plusieurs salles, pavées en mosaïques à dessins géométriques, dont trois furent relevées par mon grand- père et replacées à Morigny (Seine-et-Oise), où elles sont conservées. Cette découverte a été, peu après, signalée dans un article, très documenté, par M. Maxime Legrand3 4.
Depuis cette époque, aucune exploration n’ avait été faite à Souzy, avant la fouille actuelle. J’ai commencé, à quelque distance de l’emplacement présumé des salles précédemment découvertes, car aucun plan précis n’en avait été relevé, à faire ouvrir des tranchées qui ont mis à découvert des substructions de murs que j’ai suivies, afin d’obtenir un tracé de la construction, me permettant d’en faire exécuter un plan général.
J’ai ainsi retrouvé un grand mur, perpendiculaire à la vallée de Souzy, sur lequel s’amorcent des murs moins épais, qui délimitent des salles. Arasés par la culture, ces murs sont enfouis à une profondeur de 0m40 à 0m50 ; j’ai dégagé un certain nombre de ces salles, qui ne présentent plus que leur tracé ; en un point seulement, j’ai retrouvé une pierre de seuil en place.
Mais, le 1er octobre, à l’extrémité Sud de la fouille et au point le plus rapproché de la route de Saint-Sulpice-de-Favières à Villeconin, j’ai découvert une salle de 10m90 de long sur 5m15 de large, dont le pavage en mosaïque est partiellement conservé. Un fragment important de cette mosaïque existe à l’est de la pièce ; la bordure est conservée sur presque toute son étendue ; et, à l’extrémité opposée, la mosaïque est intacte sur la largeur totale de la pièce, soit 5m15 et sur une longueur de 5 mètres.
Constituée avec des cubes en marbre blanc et gris, en schiste et en brique rouge, cette mosaïque est composée d’une large bordure rouge et blanche, formant des créneaux réguliers ; puis, une série d’arceaux noirs sur fond blanc, entrecroisés, dont les intersections sont remplies en rouge, forme une seconde bordure intérieure encadrant une série d’ octogones noirs sur fond blanc, qui se coupent. Un carré occupe leur centre et comprend un motif géométrique, différent pour chaque octogone.
À la suite de cette pièce, au Nord, une salle, dont le dallage est détruit, renferme un bassin octogonal, qui était revêtu de parements en marbre blanc ; un de ces parements a été trouvé en place.
Près de la rivière de la Renarde, de petites salles symétriques m’ont montré un carrelage en marbres de couleurs variées, dont j’ ai pu, avec l’ aide dévouée de notre collègue G. Courty, que je tiens à |609 remercier tout particulièrement de son excellent concours, relever une portion, qui était encore bien en place.
J’ai recueilli, au cours des fouilles, des fragments de marbres, des tessons de poterie, dont trois débris de poterie samienne, des fragments de stuc coloré, dont l’ un présente encore un dessin régulier, rouge sur fond blanc, des clous et des débris de cuisine, dont plusieurs écailles d’huîtres.
Devant l’importance de cette construction, dont je n’ai découvert encore qu’une faible partie, je me propose de relever avec précision le plan général des bâtiments, en prenant des points de repère fixes, afin de pouvoir donner une idée d’ensemble de cet établissement romain, à coup sûr très considérable. Il m’est impossible d’avoir actuellement une idée exacte de la forme et de la disposition intérieure de cette villa, ce que des fouilles ultérieures éclairciront sans doute, mais j’ai tenu à signaler cette exploration, de suite, à la Société ; cette courte note n’ayant comme but que la prise de date de la découverte.
J’ai l’honneur d’informer la Société que j’ai repris, aux mois de septembre et d’octobre 1912, les fouilles qui avaient été pratiquées à deux reprises différentes, en 1865 et en 1882, par mon grand-père, à Souzy-la-Briche, canton d’Étampes (Seine-et-Oise), au lieu-dit la Cave Sarrazine, et qui avaient amené la découverte d’importantes |158 constructions de l’époque gallo-romaine et de six mosaïques à dessin géométrique du même âge5 6.
Ne possédant pas d’indications précises sur le point exact où les premières fouilles avaient eu lieu, car aucun plan coté n’en avait été relevé, j’ai fait commencer ma tranchée dans le champ cultivé qui s’étend entre un petit bois bordant la rivière la Renarde et la route de Saint-Sulpice-de-Favières à Villeconin, à l’est du village de Souzy. À 0m40 de profondeur, j’ai rencontré des murs arasés, construits en calcaire de Beauce et en meulière, non appareillés, dont j’ai fait poursuivre le tracé sur une superficie d’une douzaine d’ares environ.
J’ai mis ainsi à jour un corps de bâtiment orienté sensiblement du nord au sud, perpendiculaire au grand axe de la vallée de Souzy et d’une longueur de 73 mètres sur une largeur de 15 mètres. Malgré la destruction de certaines parties des murs, qui ont été arrachés jusqu’à leurs fondations à une époque moderne, pour se procurer de la pierre et niveler le terrain, on peut reconnaître que ce logis rectangulaire comprenait, au nord, une série de sept petites salles faisant suite à des pièces incomplètement dégagées et s’appuyant sur un gros mur de façade limitant à l’est une partie de la construction. Ces petites pièces, dont la plus grande présente, au sud, un tracé demi-circulaire, m’ont fourni un grand nombre de carreaux de marbres variés, de schiste et de calcaire rouge, fragmentés pour la plupart; dans l’une d’elles, un carrelage en place sur une partie du sol a pu être relevé et reconstitué, après avoir numéroté et repéré les pièces du pavage sur un plan établi au moment de la fouille.
Au sud de ces pièces, six grandes salles rectangulaires se font suite ; à l’est, le bâtiment principal est flanqué |159 de trois petites pièces et de deux absides demi-circulaires. Un mur, dégagé seulement sur une longueur de 17 mètres, se poursuit vers l’est ; il est traversé par une conduite en pierres sèches, dont le fond est dallé de grandes briques en terre cuite, rectangulaires. Cette conduite, orientée du nord au sud, a été incomplètement fouillée.
La salle qui termine le corps de logis au sud mesure 10m55 de longueur sur 5m40 de largeur ; elle est pavée en mosaïques et ce pavage est intact, au moment de la découverte, sur toute la largeur de la pièce à l’est et sur une longueur de 4m50 environ. La bordure est conservée le long du mur du sud de la salle et dans les angles sud-ouest et sud-est ; la partie centrale a subi des détériorations assez importantes.
Cette mosaïque est composée de cubes en pierre calcaire, marbre blanc et gris, en schiste noir et en terre cuite rouge ; les cubes, d’égale dimension, mesurent 12 à 15 millimètres de côté.
Le dessin géométrique de la mosaïque a conservé ses couleurs très vives ; vers le centre de la salle, on remarque seulement des traces noires qui ont profondément altéré la coloration du pavage et qui paraissent dues à un incendie.
Ce dessin comprend une large bordure, formée de créneaux rouges sur un fond blanc ; une seconde bordure d’arceaux réguliers, noirs sur fond blanc, dont les tympans sont remplis en rouge, limite la partie centrale. Celle-ci montre des files régulières de carrés noirs séparés par des trapèzes isocèles également noirs ; dans lesquels sont inscrits des trapèzes rouges. Les carrés sont au nombre de huit pour chaque file; ils sont ornés de motifs géométriques et de tiges florales stylisées. Le fond de cette partie centrale est blanc.
Malgré la détérioration qu’a subie la mosaïque, on peut s’assurer que le dessin géométrique se poursuivait sur toute l’étendue de la salle et qu’il n’y avait pas de motif principal au centre de la pièce. |160
Au cours des fouilles, j’ai recueilli des fragments de grandes tuiles à rebord et des faîtières demi-cylindriques ; des fragments de marbres très variés, blanc, noir, gris et des brèches et cipolins d’origine étrangère, des moulures et des frises en marbre, en terre cuite et en pierre calcaire, des stucs colorés à teinte plate où dominent le rouge, le jaune, le bleu et le vert, des verres irisés, quelques clous et un fragment de chaîne, ainsi qu’un anneau en bronze.
La poterie n’est représentée que par deux anses d’amphore et des tessons en terre rouge vernissée, en terre grisâtre, blanche et noire.
Parmi les débris osseux, j’ai identifié des dents de chèvre et de cochon et quelques fragments d’os de bovidé. À ces restes de cuisine appartiennent les écailles d’huîtres qui sont assez abondantes et qui se rapportent à une variété cultivée de l’ostrea edulis, remarquable par sa très grande dimension.
Je n’ai trouvé, dans les fouilles, qu’un très petit bronze assez effacé d’un Tetricus.
Cette exploration, encore incomplète, confirme l’existence à Souzy-la-Briche d’un établissement très important de l’époque gallo-romaine ; la véritable nature de cet édifice demanderait, pour être complètement élucidée, de nouvelles recherches. Je me propose de reprendre ces fouilles, si les circonstances me le permettent ; ayant fait établir un plan coté des murs découverts en 1912, il me sera facile de rattacher les constructions ultérieurement mises à jour aux tracés reconnus l’année dernière.
La mosaïque a été enlevée dès son dégagement, étant destinée à être replacée dans une des salles du Musée d’Étampes.
L’occupation romaine en Gaule, qui a duré de l’an 50 avant J.-
C., époque de la conquête par Jules César, jusqu’au Ve siècle après notre ère, date des grandes invasions barbares qui ruinèrent la puissance de Rome, a laissé dans notre région d’Étampes, des traces importantes ; à Souzy-la-Briche, à 12 kilomètres d’Étampes on a retrouvé les substructions d’un édifice gallo-romain considérable ; des voies romaines sont encore visibles sur plusieurs points de notre arrondissement ; à Saclas, des monnaies, des poteries romaines ont été recueillies et non loin d’Étampes, à Mérouville, des objets romains dont plusieurs sont conservés dans notre Musée ont été découverts à plusieurs reprises.
Il nous a donc paru intéressant de rappeler rapidement quel était le mode de construction en usage à l’époque de cette puissance merveilleuse de Rome et d’étudier, dans une revue forcément très générale, la disposition des logis en Gaule et en Italie, au moment où notre pays formait une province du plus grand empire qu’ait connu l’antiquité.
Pour bien comprendre la disposition d’une grande construction romaine civile, destinée à l’habitation et à l’exploitation agricole, d’une villa en un mot, à l’époque de la puissance romaine en 7
Gaule, il est nécessaire de connaître sommairement l’histoire de la maison romaine depuis les temps primitifs de Rome jusqu’à l’époque des empereurs, c’est-à-dire jusqu’à l’épanouissement complet de cette civilisation, qui a exercé son influence sur toutes les parties du monde antique, de la région glacée des Sarmates et des |24 Scythes (aujourd’hui la Russie) jusqu’aux confins de l’Inde, comprenant tout le bassin méditerranéen, l’Asie Mineure, l’Afrique du Nord et l’Europe centrale et occidentale.
Sans remonter aux terramares, bourgades fortifiées d’Italie, dont les habitations, bien qu’établies sur la terre ferme, étaient bâties sur les pilotis et qui datent de l’âge du bronze, période encore préhistorique, nous prendrons comme type de la plus ancienne demeure des populations d’Italie, la cabane primitive circulaire, au toit de chaume ou de roseau.
Aucune de ces demeures si anciennes ne nous a été conservée, mais leur forme nous est cependant bien connue, grâce aux urnes funéraires en terre cuite, retrouvées dans les tombeaux anciens et qui reproduisent l’image de ce logis, avec exactitude. Cette habitation était une hutte ronde à toit conique couvert de chaume, de paille ou de roseau (culmen). Une charpente de bois supportait le toit, qui ne portait pas d’ouverture à son sommet. Construite en branchages, cette cabane n’avait pas d’autre ouverture que la porte ; la fumée du foyer s’échappait au dehors par celle-ci ou par une lucarne percée à la partie supérieure de la porte. Il s’agissait là de la forme la plus primitive de l’habitation humaine.
Telle était, cependant, la demeure rustique qu’habitaient les Latins au moment de la fondation de Rome. Le 21 avril 753 avant J.-C., s’il faut en croire la légende, à la frontière Nord du Latium près de l’Étrurie, sur le mont Palatin, colline de 51 mètres à peine, dominant une plaine marécageuse et malsaine, Romulus, le fondateur de la cité nouvelle, vêtu d’une robe blanche, avait attelé un taureau blanc et une génisse blanche sans taches à une charrue au soc d’airain ; puis, autour de l’emplacement où il voulait construire sa ville, il avait conduit son attelage, creusant avec la charrue un sillon, qui en marquait l ’enceinte. Cette toute petite ville, d’environ 1.800 mètres de tour, de forme à peu près carrée, devait devenir la maîtresse du monde.
Chose curieuse, les Romains gardèrent toujours le souvenir de la cabane qu’habitèrent leurs ancêtres. Sa forme circulaire fut conservée dans les édifices sacrés qui jouissaient d’une particulière vénération ; ainsi, le Temple de Vesta |25 (ædes Vestæ) reproduisit dans ses parties essentielles la disposition de l’antique demeure. Le feu sacré, qui ne devait jamais s’éteindre, symbolise le foyer primitif qui brûlait constamment dans la cabane du Latium, à l’époque reculée où le feu était difficile à obtenir, à cause des moyens rudimentaires employés pour sa production. Le foyer de Vesta ne fut éteint que par Théodose à la fin du IVe siècle, lorsque le paganisme fut officiellement aboli ; depuis plus de 1.000 ans, il avait brûlé dans le sanctuaire vénéré, image du culte rendu au foyer dans la maison romaine, considéré lui-même, comme le foyer sacré du monde.
La cabane de Romulus, sur le Palatin, reproduisit également l’architecture du premier logis et la forme circulaire de ces temples fut imitée, dans notre pays, dans un but purement décoratif lorsqu’on copia, au XVIIIe siècle, donne une idée assez exacte de ce temple de Vesta à Tivoli, qu’Hubert Robert avait si souvent reproduit dans ses panneaux d’ornementation.
La forme circulaire de la première cabane fit place bientôt à la forme carrée ; cette nouvelle maison, dont le toit a deux ou quatre rampants, présentait, au sommet, une ouverture laissant échapper la fumée et pénétrer le jour et la pluie, nous est connue par des urnes funéraires et la disposition de certains grands tombeaux étrusques, qui reproduisent les dispositions de cette demeure. Cette maison, dont les pentes du toit, rejetaient l’eau à l’extérieur, ne pouvait être qu’isolée ; lorsqu’on juxtaposa les maisons, les pentes du toit furent tournées en dedans ; on obtint ainsi sur le toit de l’édifice, une sorte d’entonnoir ou impluvium, qui recueillait les eaux de pluie et les déversait à l’intérieur. Cette maison ou atrium fut d’abord adoptée par les Etrusques puis par les Romains, après la conquête de l’Etrurie. Pendant plusieurs siècles, ce type persista à Rome et dans les pays où se faisait sentir son influence. Examinons maintenant la disposition intérieure de cette maison étrusquo-romaine. Ce logis comprenait une grande salle carrée, éclairée par l’ouverture rectangulaire du toit, entourée de cases que séparaient des cloisons perpendiculaires |26 au mur. C’était la salle commune où se réunissaient les habitants de la maison, pour le travail ou le souper. La femme s’y tenait ne possédant pas d’appartement spécial, car elle ne fut jamais claustrée comme en Grèce et fut toujours de condition libre à l’époque romaine. La porte, en bois ou en bronze, était ouverte pendant le jour et on voyait en passant devant la maison, la table de famille. Chez les riches, cet atrium était précédé d’un vestibulum ; à droite et à gauche de ce vestibule, se trouvaient les écuries et les remises. Cette entrée pouvait d’ailleurs être commune à deux maisons. Au centre de Yatrium, un bassin carré ou impluvium recueillait les eaux de pluie tombant par l’ouverture du toit ; au-dessus de ce bassin, une table carrée en pierre ou cartibulum supportait les vases et les ustensiles domestiques. Un peu plus loin, dans l’axe de Y atrium, se trouvait le foyer et l’autel des dieux lares. Chez les riches, il y avait une pièce à part servant à la cuisine ou culina ; le grand foyer de Y atrium était réservé au culte. Au fond de Y atrium en face de l’entrée, se trouvait le lit conjugal. Quand l’usage des chambres à coucher spéciales se répandit, on disposa, au moyen de planches sur l’emplacement du lit, une pièce ou tablinum. Cette pièce, fort importante dans la maison romaine, servit alternativement ou successivement de salle à manger, de salon ou de dépôt pour les archives domestiques. À droite du tablinum, appuyé au mur de la maison, se trouvait le coffre-fort ou arca, qui contenait l’argent et les livres de comptes. Plus tard, la maison, dont la disposition reste la même dans ses parties essentielles, se complique dans sa disposition intérieure ; à droite et à gauche du tablinum deux pièces symétriques (alæ) renferment les trophées, les dépouilles des ennemis et les bustes des ancêtres ; les chambres latérales de l’atrium deviennent des magasins, des salles à manger, des chambres à coucher pour les fils mariés, car l’usage se prolongea longtemps, pour ceux-ci, d’habiter avec leurs parents. Dans les villes la disposition fut souvent moins typique ; on ajouta un premier étage, auquel conduisait un escalier et que l’on nommait cenaculum, car il fut d’usage, à un moment, d’y prendre les repas. D’ordinaire, |27 sous l’impluvium et la grande salle, étaient creusés les caves et les sous-sols, que l’on nommait cella ou crypta.
Ces vieux logis romains étaient construits en bois, couverts d’abord en chaume, puis en tuile ; l’aire de Y atrium était en terre glaise battue. Plus tard, cette salle fut pavée en carreaux de marbre monochrome, en plaques de marbre formant des dessins géométriques, puis en mosaïque en échiquier (opus tesselatum).
La disposition que nous venons de voir fut celle en usage depuis la conquête de l’Étrurie jusqu’à la fin des guerres puniques ; c’était celle de l’époque rustique des premiers temps de Rome. Elle ne comportait aucun luxe ni aucune décoration ; sa simplicité la faisait regretter au vieux Caton lorsqu’il combattait énergiquement les habitudes de luxe qui s’introduisirent à Rome à son époque.
Mais nous allons voir bientôt une transformation profonde se produire dans l’habitation romaine, sous l’influence des conquêtes nouvelles des armées de la République.
Incomparables soldats, doués de ce patriotisme ardent et peut-être trop exclusif qui mettait au-dessus de tout la gloire et la grandeur romaine, colonisateurs merveilleux, administrateurs sagaces, ingénieurs avisés et habiles, les romains n’étaient pas artistes et ne possédèrent jamais d’art vraiment national. Mais la conquête de la Grèce leur révéla le sens, inconnu pour eux jusqu’alors, de la beauté ; elle leur montra tout un domaine de la pensée et du sentiment qu’ils n’avaient pas soupçonné. Sans doute, ils n’en comprirent pas d’abord toute la portée et l’on sourit encore de la naïveté du général romain qui, envoyant à Rome les merveilles de la statuaire grecque qu’ils avaient recueillies à Athènes, recommandait à l’entrepreneur des transports de son armée, d’en avoir soin pendant le voyage, le rendant responsable sur ses deniers des détériorations que pourraient subir les statues en cours de route. Bientôt cependant, ils eurent une opinion plus justifiée du monde nouveau qu’ils avaient conquis, et la culture grecque et l’art divin des Hellènes trouvèrent à Rome une nouvelle patrie et un culte fervent. Il devint de mode de rechercher les œuvres grecques, d’imiter les auteurs grecs et un jeune homme n’avait pas fait de bonnes études, s’il ne les avait complétées et perfectionnées |28 à Athènes. Ce fut la revanche de la Grèce asservie et l’on peut dire, en vérité, que les grecs subjugués remportèrent une victoire morale sur leurs vainqueurs.
Une semblable admiration pour les œuvres du pays d’Hellas ne pouvait manquer d’avoir une influence profonde sur l’habitation même des Romains. À la manière des grecs de l’époque d’Alexandrie, lorsque l’hellénisme introduisit à Rome les habitudes grecques, séduits par l’architecture des pays d’Orient, dont la richesse et le luxe contrastaient avec la sévérité trop rude et la simplicité rustique de leur logis, les Romains ajoutèrent à Y atrium primitif les modes de construction rapportés des pays conquis et adjoignirent à leur primitive demeure le péristyle entouré de colonnes qu’ils avaient admiré en Asie et en Grèce. Si, dans les villages pauvres, la maison ancienne resta longtemps en usage, les riches Romains introduisirent, à partir de cette époque, les peintures et les ornements dans leurs logis.
Rien ne leur avait semblé plus riche, jusqu’alors, pour décorer les murs de leurs maisons que les badigeons à la chaux ; au IIe siècle avant J.-C. nous voyons, sous l’influence des artistes grecs, les murs s’orner de stucs peints, dont le dessin correct et les teintes délicates montrent des scènes empruntées à la mythologie ou à la vie de chaque jour, des panneaux décoratifs dont les motifs sont tirés du règne animal et végétal, d’élégantes arabesques et de gracieux rinceaux. C’est en Italie que se sont le mieux conservées ces peintures murales, dont Pompéi et Herculanum nous montrent encore tant d’admirables exemples.
L’architecture elle-même se modifie profondément ; la mode veut que chacun construise sa maison à la façon hellénique et Plaute et Varron raillent leurs contemporains de cette imitation d’un style étranger. Il n’est pas jusqu’au nom des pièces qui ne deviennent grecs pour copier plus servilement l’art qui vient de s’introduire. Horace rappelle, avec quelque mélancolie, comme le souvenir d’un âge disparu, qu’il a encore connu l’antique maison romaine, dépourvue de péristyle.
À partir du IIe siècle avant J.-C., et jusqu’à la fin de l’Empire, voici qu’elle était la disposition générale de cette habitation gréco-romaine. Pénétrant de l’extérieur, nous |29 trouvons d’abord un vestibulum, parfois précédé d’un portique extérieur, puis un couloir (ostium), précédant la porte richement ornée. Frappant avec le marteau suspendu à la porte, celle-ci est ouverte par le portier (janitor) qui tire les verrous ou la barre. Une case latérale sert de loge à cet esclave ; cette case porte souvent sur le sol une mosaïque avec inscription de bienvenue pour le visiteur, « Salve ! » (Salut !). Dans la description du festin de Trimalcion, Pétrone mentionne une mosaïque, placée à l’entrée de la maison, représentant un chien aboyant avec l’inscription : « Cave canem ! » (Prends garde au chien !).
Nous pénétrons ensuite dans Y atrium qui a conservé sa vieille disposition, mais que la famille n’habite plus : le foyer y brûle encore, mais c’est le plus souvent pour la forme, car les dieux lares possèdent une chapelle particulière : parfois, une niche dans la muraille abrite les statues des dieux, devant lesquelles brûlent des cierges et sont déposées les offrandes. Les pièces latérales de Yatrium communiquent avec des boutiques s’ouvrant sur la rue ou sont devenues des magasins. Le tablinum est en communication avec le péristyle : il sert de salon entouré de portes mobiles, que l’on place l’hiver pour les enlever l’été : il renferme les archives, les objets précieux. Les alæ servent d’asile aux bustes des ancêtres, devant lesquels on offre des sacrifices et on célèbre des cérémonies religieuses. À droite du tablinum, un couloir (fauces) conduit au péristyle, cour grecque entourée de colonnes, où se tient la famille, l’atrium étant réservé aux affaires, au culte et aux réceptions d’apparat. Le péristyle est orné, en son centre, d’un bassin avec un jet d’eau, entouré de plantes vertes, de massifs de fleurs, de statues et de bustes ; les galeries du péristyle sont munies de stores pour entretenir l’ombre et la fraîcheur pendant l’été. Au fond du péristyle se trouve l’œcus, salle de réunion où se tient souvent le maître du logis. À gauche de l’œcus, nous voyons la cuisine (culina), tout auprès d’une latrine. À droite et à gauche du péristyle, de nombreuses pièces sont disposées : ce sont des salles à manger ou triclinium (il y en avait souvent plusieurs pour les différentes saisons de l’année), des chambres à coucher (cubiculum) de jour et de nuit, des salles de conversations (exedra), des salles de |30 bains (balneum), des bibliothèques (bibliotheca), des galeries de tableaux (pinacotheca).
Parfois, un deuxième péristyle s’ajoute au premier. Par une porte placée au fond de l’œcus ou par un couloir latéral, on pénètre dans le jardin (hortus). Sous le péristyle, sont la cave et les sous-sols. Un escalier conduit au premier étage, où sont les chambres d’esclaves, les greniers et les magasins. Les fenêtres sont fermées au moyen de grilles et de volets ; au premier siècle de notre ère, l’usage du verre s’introduisit et les fenêtres furent parfois vitrées, mais cet usage fut toujours assez rare et considéré comme un signe de grand luxe.
La grande habitation gréco-romaine, telle que nous venons de la décrire, est caractérisée par l’accouplement bizarre de Y atrium étrusque et du péristyle grec ; la famille s’est logée dans la partie hellénique, le vieil atrium romain servant de lieu de réception.
La décoration intérieure de ces demeures somptueuses était d’une extrême richesse ; le sol, les colonnes, les fontaines, quelquefois même les murs étaient décorés de mosaïques de marbre. Ces mosaïques, à dessins géométriques, ou représentant des scènes mythologiques, des figures d’hommes ou d’animaux, se retrouvent dans la plupart des ruines des habitations romaines de toutes les provinces de l’Empire. Sans compter l’Italie où elles sont nombreuses, on en connaît dans toute la Gaule, en Asie et dans l’Afrique du Nord. Une des plus belles est celle du Musée de Naples représentant la bataille d’Arbelles ; l’inventaire des mosaïques de Gaule, qui est publié par l’Académie des Inscriptions, en a fait connaître déjà plus de 900 dans notre pays ; à Sens, il y a deux ans, l’une d’entr’elles a été découverte, qui représente la chute de Char du Soleil conduit par Phaéton, et l’on sait qu’à Souzy, près d’Étampes, les fouilles anciennes ont révélé la présence de six grandes mosaïques, et que les fouilles, que nous avons exécutées en 1912, ont mis à jour une septième mosaïque, qui couvrait le sol d’une pièce rectangulaire de 10 mètres de longueur sur 5 mètres de largeur.
Ces maisons étaient chauffées par des appareils nommés hypocaustes, très analogues à nos calorifères à air chaud. Un foyer, établi dans les sous-sols de l’habitation, échauffait le pavé surmontant la cave, et l’air chaud se répandait dans |31 toutes les parties de l’atmosphère des salles, au moyen de tuyaux carrés en terre cuite, incrustés dans les murs, dont les uns plongeaient dans l’hypocauste, tandis que les autres placés horizontalement faisaient le tour des appartements. Les fouilles de 1865 ont permis de retrouver à Souzy les restes d’un hypocauste semblable.
Nous ne pouvons entreprendre de décrire la décoration architecturale et intérieure d’une riche habitation romaine, car il faudrait passer en revue toute l’histoire de l’art gréco-romain, ce qui dépasserait de beaucoup le cadre de cette note. Il nous suffira de rappeler que les chefs-d’œuvre de l’art grec ornaient les demeures des riches Romains ; les marbres et les bronzes étaient recherchés par eux avec la passion de collectionneurs avisés et de véritables artistes. Les sculpteurs grecs étaient attirés à Rome par les riches habitants, désireux d’orner leur demeure et leurs œuvres se répandaient dans toutes les provinces de l’Empire ; c’est ainsi qu’une tête d’homme de marbre blanc, découverte à Souzy, a pu être rapprochée des œuvres du sculpteur grec Zénodore, qui avait été appelé en Gaule, au dire de Pline, par les Avernes, dans la moitié du Ier siècle de l’ère chrétienne, pour exécuter la statue colossale en bronze du dieu Mercure, destinée au temple, dont les ruines ont été retrouvées sur le sommet du Puy-de-Dôme.
De semblables habitations avaient une valeur considérable et les prix de ces demeures étaient fort élevés ; en 62 avant J.-C., Cicéron achète, à Rome, une maison qu’il paie 3 millions et demi de sesterces (900.000 francs). Exilé en 57, sa villa de Tusculum fut estimée 1 million et demi de sesterces, son hôtel à Rome 2 millions, sa villa de Formies 250.000 sesterces, et il se plaint que ces demeures aient cotées au-dessous de leur valeur.
Nous venons d’examiner la maison dans les grandes villes ; à la campagne, les riches habitations romaines étaient construites sur un plan très analogue. Cependant, ces demeures à la campagne ou villas, possédaient souvent beaucoup plus d’ampleur et les principes de leur construction étaient appliqués avec plus de liberté. Il y avait souvent deux atria, le jardin était beaucoup plus considérable. Ce nom de villa, donné autrefois à des fonds de terre dont on tirait un revenu, |32 fut appliqué ensuite, soit à des maisons de plaisance, soit à des propriétés agricoles. Des premières, nous avons peu de choses à dire, car leur description se confondrait avec celle de l’habitation des villes que nous venons d’examiner. Les Romains en possédaient souvent plusieurs, passant de l’une à l’autre, pour suivre les saisons. Ils quittaient Rome d’ordinaire au solstice d’été, vers la fin de juin, évitant le séjour de la ville, à cause des fièvres, qui rendent Rome insalubre pendant l’été. Ces villas de plaisance, bâties sur des montagnes ou au bord de la mer, étaient construites et décorées avec toute la magnificence et la recherche des plus belles maisons de Rome ; Tibur ; Tusculum, Formies aux environs de Rome, Stabies près de Naples, étaient les principaux endroits de ces séjours de plaisance. Les empereurs, eux-mêmes, possédèrent des villas ; la villa Hadriana, à Tivoli, assemblage hétéroclite de constructions de tous pays et de tous styles, est un exemple bien conservé du luxe inouï et de la magnificence, souvent de mauvais goût, de ces villas impériales.
À Herculanum, la villa des Pisons a montré l’habitation d’un riche Romain, qui avait accumulé dans sa demeure une collection incomparable de bronzes et de marbres antiques ; la bibliothèque de cet amateur a pu être retrouvée et déchiffrée, grâce à la patience d’un archéologue italien. Ce travail, extrêmement difficile, car les rouleaux consumés par l’incendie ne formaient plus qu’un amas de cendres qu’il a fallu dérouler avec d’infinies précautions, n’a pas d’ailleurs, apporté à la science la documentation qu’on en attendait, car le propriétaire de la villa était un philosophe épicurien et les ouvrages de sa bibliothèque ne se composaient que de poésies légères et d’œuvres littéraires sans grand intérêt.
À Bosco-Reale, près de Naples, une villa considérable a fourni un trésor précieux, composé d’objets en argent, vases, coupes et plats ciselés d’un admirable travail, aujourd’hui conservé au Musée du Louvre.
À côté de ces habitations, uniquement destinées au repos à la campagne, pendant l’été, il y avait, dans le monde romain, des villas, consacrées à l’exploitation des terres, et ce sont de celles-ci que nous allons maintenant nous occuper.
Il faut, d’abord, dire quelques mots de la manière dont la culture était pratiquée à l’époque romaine. |33
Les trois modes d’exploitation en usage étaient, comme à l’époque actuelle : la location, le métayage et la culture par le propriétaire lui-même.
Une villa éloignée se louait parfois à un homme de condition libre nommé colon ; on lui faisait un bail d’un lustre (5 ans) ; il exploitait à ses risques et périls. La location se payait soit en argent avec une redevance en nature, soit tout en argent ou tout en nature. Dans ce dernier cas, le propriétaire envoyait quelquefois un agent sur les lieux pour contrôler sa part des fruits de la ville. Les fermages se payaient d’ordinaire tous les ans aux kalendes de mars.
D’autre fois l’exploitant, nommé politor pour les terres à blé et partiarius8 pour les vignes, recevait selon la qualité des terres la huitième, la septième ou la sixième partie du blé en épis, la cinquième partie du blé en grains, de l’orge ou des fèves. Le bétail, fourni par le maître, demeurait sa propriété comme la terre, mais le politor avait droit à la moitié de l’élevage et au fourrage nécessaire à la nourriture des animaux.
Quand le propriétaire de la villa l’exploitait lui-même, il confiait la direction de tous les travaux rustiques à un esclave nommé villicus. Ce chef de culture, qui remplaçait le maître pendant ses absences, jouissait d’un pouvoir absolu sur tout le monde de la villa, à l’exception du promus ou maître cellérier. Il jugeait des contestations entre les autres esclaves, les punissait, les faisait mettre aux fers, mais ne pouvait les délivrer sans en informer son maître. Sa femme ou villica secondait son mari et veillait à l’intérieur de l’exploitation.
Dans les très grandes villas, un homme de condition libre ou procurator était parfois chargé de tenir tous les comptes ; il passait avant le villicus dans la hiérarchie domestique.
Les travaux agricoles étaient exécutés par les esclaves du maître, aidés pour la moisson et la vendange, par des hommes libres, qui se louaient pour ces travaux et quelquefois se payaient en nature.
Ces esclaves s’achetaient six à huit milles sesterces (environ 1.300 à 1.800 francs) ; les plus intelligents, les plus sobres étaient choisis comme chefs de travaux, affectés à une culture spéciale ou maîtres du troupeau, chargés du bétail. Ces hommes, captifs de guerre pour la plupart, travaillaient enchaînés, |34 portant une chaîne rivée au bas de chaque jambe, assez longue pour leur permettre de marcher, mais non de courir. On les enfermait, pour punir leurs fautes, dans l’ergastulaire, prison souterraine, à fenêtres étroites et élevées, de manière à empêcher les prisonniers de les atteindre avec la main ; dans cette prison ils étaient également enchaînés.
Les travaux agricoles, variant avec la nature des terres et le climat de la province, comprenaient : la culture des céréales, de la vigne et des oliviers, des légumes et des fruits, et l’élevage du bétail qui prit une grande extension, lorsque l’Afrique et la Sardaigne envoyèrent à Rome leurs céréales et que les îles de Cos et de Chio expédièrent dans la capitale leurs vins renommés. Les esclaves étant coûteux et mauvais travailleurs, beaucoup de propriétaires transformèrent alors leurs labours et leurs vignes en prés, d’un rapport plus sûr et plus net.
Les propriétés étaient délimitées avec grand soin, au moyen de bornes en pierres, portant sur leur paroi le nom du territoire, celui du possesseur et l’étendue de la terre. On ajoutait parfois des formules comme celle-ci :
« Que celui qui arrachera cette borne ou la fera arracher meure le dernier des siens ! » (Flacc. De condit. agr.. p. 5.)9
Le bornage était une opération solennelle, précédée d’un sacrifice aux dieux.
Pénétrons maintenant dans l’intérieur d’une de ces villas, exploitée par un riche propriétaire, dont la disposition générale n’a guère varié dans les diverses provinces de l’empire romain et dont on connaît bien des exemples en Gaule. Notre description pourra donc s’appliquer, dans les grandes lignes, aussi bien aux villas d’Italie qu’à celles de notre pays.
Il est possible que l’édifice de Souzy ait été une de ces grandes exploitations dont Caton, Pline, Columelle, Varron, etc., nous fait connaître le plan jusque dans ses détails.
D’après Columelle, une villa complète possède trois parties distinctes :
La Villa Urbana ou Prætorium ;
La Villa Rustica ;
La Villa Fructuaria.
La villa urbana est le logis du maître ; nous savons qu’il peut être orné et décoré avec la même somptuosité que les |35 plus riches demeures de Rome. Construit généralement un peu en arrière des bâtiments d’exploitation, précédé d’une cour d’honneur à laquelle on accède par une avenue plantée d’une double rangée d’arbres, cette maison est parfois surmontée d’une tour qui sert de colombier ou columbarium.
À gauche de la villa urbana, une vaste basse-cour entourée de bâtiments constitue la villa rustica. Au centre de la cour de cette villa, un bassin ou compluvium recueille les eaux de pluie. Au-dessus de la porte d’entrée, se trouve le logement du procurator quand la villa en possède un ; il est situé en face du logement du villicus. La cuisine vient ensuite, puis les bains rustiques, au-dessus desquels l’apotheca sert à conserver le vin nouveau. L’étuve sèche pour la dessiccation, puis l’horreum ou magasin des outils agricoles leur font suite. Nous trouvons, continuant le plan carré des bâtiments, la bouverie, la bergerie, le poulailler, sous lequel est creusée la prison des esclaves ou ergastulum. Les hangars ouplaustra où sont abrités les chars massifs à roues sans rayons, destinés aux grosses charges avoisinent l’écurie, que suit l’étable à porcs.
À droite de la villa urbana, et placée symétriquement à la villa rustica, la villa fructuaria comprend, dans les pays d’oliviers, le pressoir à huile, puis la cuisine, le cellier au vin joignant la cortinale, où le vin est chauffé dans des chaudières pour le convertir en vin cuit. Viennent ensuite : l’office où sont préparées les conserves de viandes, de légumes et de fruits ; le fruitier, souvent revêtu de marbre pour entretenir la fraîcheur de l’air et le grenier, exposé au vent de l’Occident et du Septentrion, magasin voûté, élevé du sol par quelques marches et dans lequel des cases ou granaria renferment les différentes espèces de grains.
Il faut, pour être complet, ajouter à ces trois parties principales de la villa, les dépendances suivantes :
Le xyste ou jardin du maître, le rucher, aménagé avec sagacité, car les Romains portaient à l’élevage des abeilles un grand soin et l’on connaît les vers charmants que Virgile a consacrés dans ses Géorgiques aux travaux de l’apiculture. Le vivier ou vivarium faisait aussi partie des dépendances d’une villa importante ; c’était un vaste parc, parfois d’une étendue d’une douzaine d’hectares, entouré de murs, où l’on élevait |36 toute sorte de grand et de petit gibier : sangliers, cerfs, daims, chèvres, lièvres, etc...
Un enclos particulier de cette enceinte formait le glirarium ou parc aux loirs. Ces petits rongeurs, que les Romains estimaient fort et qu’ils mangeaient volontiers confits dans du miel, étaient engraissés au moyen de glands et de châtaignes. Dans une partie humide du vivarium se trouvait le cochlearium ou parc aux escargots, renfermant un grand nombre de ces mollusques, très recherchés des Romains et engraissés spécialement de farine délayée dans du vin cuit. On donnait aussi le nom de vivarium à des bassins remplis d’eau vive, destinés à conserver les poissons et les crustacés d’eau douce.
La basse-cour extérieure comprenait la pistrine ou four à pain, le bûcher, les magasins pour le fourrage et pour la paille. Enfin, l’area ou place pour battre le grain avec le lourd tribulum en bois garni de dents de pierre, le nubilarium pour rentrer la moisson non battue et l’umbraculum, où les ouvriers se mettaient à l’abri des rayons du soleil, lorsque celui-ci devenait trop ardent sur l’area, complétait cet ensemble de bâtiments dignes de figurer sur le plan d’une ferme modèle de nos jours.
En dehors de ces constructions si vastes, le potager, le verger, les champs cultivés, les prairies et les vignes constituaient le domaine du maître de la villa.
Nous avons maintenant une idée assez exacte de ces villas, dont le nom, conservé dans notre langue, s’applique aujourd’hui chez nous à des édifices bien différents de leur synonymes latins ; nous voyons que les villas romaines étaient, tantôt des demeures de plaisance de style gréco-romain, ornées avec magnificence, ne le cédant en rien aux plus riches demeures des villes, tantôt des centres d’exploitation agricole, parfois très étendus, dans lesquels la villa urbana proprement dite, semblable aux maisons de plaisance, était accompagnée de la villa rustica et de la villa fructuaria, bâtiments uniquement consacrés à la culture du sol et à l’utilisation des produits du domaine.
C’est à partir du IIe siècle de notre ère, que les villas romaines se multiplièrent en Gaule ; durant le règne des empereurs de la famille des Antonins, période la plus paisible |37 de l’Empire, elles connurent leur plus grande prospérité. La Gaule se couvrit alors de palais et de temples, de basiliques, de monuments publics ; d’immenses travaux d’adduction d’eau furent exécutés dans les villes, des voies de communication furent tracées, des ponts construits sur les grands fleuves. Le luxe des villes et la mode de Rome s’introduisirent dans les demeures privées et les colonnes et les revêtements de marbre précieux, les stucs peints, les statues et les œuvres d’art grecques, enrichirent les demeures des Gallo-Romains opulents.
Il serait intéressant de rappeler la vie privée des propriétaires de ces villas, d’étudier leur mobilier, les poteries sigillées dont ils faisaient usage (plusieurs fabriques en existaient en Gaule) et dont certaines, servant de coupe à boire, portent des inscriptions telles que celle-ci : « Vivas ! Valeas ! » (vis ! porte-toi bien !) ou encore : « Semper gaude ! » (réjouis-toi toujours !) etc., mais cette étude nécessiterait à elle seule bien des pages. Il suffira de dire que les Romains de Gaule faisaient venir de tous les points de l’Empire les produits et les aliments que nécessitait leur goût. Dans les fouilles de Souzy nous avons trouvé beaucoup de coquilles d’huîtres de grandes dimensions, appartenant à une espèce cultivée et engraissée et des coquilles de buccins qui avaient servi de repas aux Gallo-Romains de l’édifice.
Nous pouvons cependant nous figurer, jusqu’à un certain point, la vie d’un riche Gallo-Romain, propriétaire d’une de ces villas ; c’était, s’il est permis de s’exprimer ainsi, l’existence d’un gentilhomme campagnard et d’un amateur éclairé.
Souvent lettré et artiste en même temps que bon cultivateur, aimant la chasse, ne dédaignant pas les nouvelles de Rome que lui apportaient ses amis, voyageant sur les routes alors très sûres de l’immense Empire, le maître d’un de ces grands domaines de Gaule put jouir paisiblement de la vie saine des champs, à l’époque de cette paix profonde (pax romana) que connût l’Empire avant son déclin.
Il possédait tous les raffinements de la civilisation parvenue à son apogée, il n’avait rien à envier à ceux que la politique ou les affaires retenaient dans la Ville (Urbs) comme on nommait Rome, il n’avait pas à craindre les fantaisies parfois cruelles du Divin Empereur (Imperator Divus) ; il |38 pouvait dire, avec le poète qui a chanté avec tant de grâce l’incomparable douceur de la vie à la campagne :
« O fortunatos nimium agricolas ! » 10
Nous venons de passer en revue, très sommairement car le sujet est vaste et demanderait de longs développements, l’histoire de l’habitation romaine en Italie et dans les provinces de l’Empire. Nous avons vu la hutte de Latium se transformer, grâce aux influences étrusque tout d’abord, puis grecque et devenir de la rustique demeure d’un peuple simple et encore primitif, le palais somptueux de riches citoyens, amateurs éclairés d’art et de bon goût. Nous avons retrouvé, dans nos provinces de Gaule, le même souci d’élégance et d’harmonieuse décoration, la même admirable méthode de civilisation et de mise en valeur des pays conquis.
À la fin du IVe siècle après J.-C., alors que Souzy est encore habité par les Romains, ce monde si brillant est à la veille de sa ruine ; l’édifice de la grandeur romaine, si laborieusement établi par dix siècles de conquêtes et de luttes, est menacé de toutes parts. Bientôt, il va s’écrouler sous les coups répétés des hordes barbares qui l’enserrent ; les édifices seront incendiés, les provinces ravagées et la Ville Éternelle succombera elle-même aux attaques des Goths d’Alaric. Et pendant bien des siècles, il y aura un oubli profond de cet art gréco-romain autrefois si brillant ; les monuments du Forum, centre de la vie politique de Rome au temps de sa splendeur, serviront de carrière de marbre, exploitée pour construire la ville du moyen-âge. Le souvenir s’effacera des temps glorieux de Rome, jusqu’au jour où la Renaissance découvre ce monde perdu et en éprouve un éblouissement qui s’est prolongé jusqu’à nos jours. Alors, les styles grec et romain redeviennent en faveur et nous subissons encore leur influence, malgré la recherche d’un idéal nouveau auquel s’efforcent nos artistes ; nous sommes encore tributaires de cet art hellénique, de même que nous sommes les fils intellectuels de la Grèce, foyer dont ont rayonné la civilisation et la pensée sur tout notre monde occidental.
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Les ruines romaines de Souzy-la-Briche sont connues depuis longtemps déjà ; d’importantes substructions, au lieu-dit La Cave-Sarrazine, à cinq cents mètres du village, témoignaient, en effet, de l’existence, en ce point, de constructions anciennes considérables. Des cubes de mosaïque avaient été trouvés, à plusieurs reprises, dans le petit bois bordant la Renarde, au Nord-Est de Souzy. Une sorte de butte, formée par des constructions à demi-écroulées et envahies par la végétation, se trouvait à la lisière du bois, près de la bordure du champ cultivé, qui s’étend entre le bois et la route de Villeconin à Saint-Sulpice-de-Favières.
C’est en défrichant la lisière de ce bois et en aplanissant la butte, afin d’augmenter le terrain mis en culture, que des ouvriers découvrirent, le 20 novembre 1865, une mosaïque à dessin géométrique, à une profondeur de 40 centimètres environ. Prévenu de |226 cette découverte, mon grand-père, le comte de Saint-Périer, propriétaire du terrain, fit dégager cette mosaïque les 8 et 9 janvier 1866 ; elle mesurait 9 mètres sur 2 m. 54 de large. À gauche de cette première salle, les fouilles amenèrent la 11 découverte d’un second pavage dont le dessin était composé de huit rectangles et qui mesurait 4 mètres sur 2 m. 15.
À cette époque, un hypocauste, à demi-ruiné et de forme circulaire, existait non loin de la pièce où avait été découverte la seconde mosaïque. Des conduits, probablement dépendant de cet hypocauste, auraient été trouvés sous le sol d’une pièce voisine.
Au mois de janvier 1882, le défrichement fut repris et amena la découverte d’une nouvelle mosaïque de 3 m. 70 sur 2 m. 25. Mon grand-père fit continuer les fouilles, qui mirent à jour trois nouveaux pavages. Enfin, en janvier 1883, à droite des salles trouvées en 1866, on découvrit un fragment de mosaïque très détérioré ; dans un angle une partie de cercle contenait la moitié postérieure d’un poisson.
À l’exception de cette dernière, laissée en place et aujourd’hui probablement détruite, les mosaïques de Souzy ont été enlevées par les soins de mon grand-père et replacées, après restauration, à Morigny, près d’Étampes, à 12 kilomètres de Souzy, où elles sont actuellement conservées12.
Ces ruines romaines ont été signalées dans le Bulletin de la Commission départementale des Antiquités et des Arts de Seine-et-Oise13 ; M. Maxime |227 Legrand14 leur a consacré, ici même, un article très documenté, dans lequel il a publié les notes de mon grand-père sur ces fouilles et une planche des mosaïques alors connues. Celles-ci ont été, en outre, signalées dans l’Inventaire des mosaïques de la Gaule, publié sous les auspices de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres15.
Depuis 1883, aucune fouille systématique n’avait été pratiquée à Souzy-la-Briche ; à part quelques trouvailles isolées, en surface, sur l’emplacement des ruines, aucune exploration n’en avait été faite.
En septembre et octobre 1912, j’ai repris la fouille de cet établissement romain et c’ est le résultat de ma première recherche que je me propose d’exposer ici.
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Je ne possédais pas, avant de commencer ces fouilles, un plan détaillé et repéré exactement des substructions antérieurement mises à jour. L’emplacement où ont été découvertes les premières mosaïques, et le tracé des murs reconnus par les premiers explorateurs, ne me sont connus que très approximativement. J’ai l’intention de raccorder, si la chose est encore possible, les tracés des murs que j’ai découverts et de ceux que je découvrirai ultérieurement, s’il m’est donné de continuer cette exploration, avec les murs anciennement connus, de |228 manière à pouvoir reconstituer le plan d’ensemble des ruines et à déterminer la véritable nature de cette construction. Malheureusement, beaucoup de murs ont été arrachés totalement jusqu’à leurs fondations et il est à craindre que le plan d’ensemble ne présente de nombreuses lacunes.
Lorsque j’ai commencé la fouille actuelle, je n’avais aucune indication sur le point précis où j’avais quelques chances de rencontrer des substructions. En effet, un champ cultivé s’étend entre le bois et la route de Villeconin à Saint-Sulpice-de-Favières ; des fragments de tuiles, des cubes de mosaïque, épars à sa surface, montrent seulement l’emplacement possible des ruines, mais aucune dépression du sol, ni aucun bombement n’indiquent l’existence de constructions enfouies. À cent mètres de la route, le petit bois, parallèle à celle-ci et situé entre le champ et la rivière la Renarde, montre dans son intérieur des surélévations, qui peuvent faire penser à des amoncellements de décombres non explorés. À la lisière du champ, la terre est mélangée d’ une grande quantité de ciment de tuileaux ; d’ après les indications de témoins des premières fouilles, c’est là qu’aurait existé la butte dont j’ai parlé et c’est en ce point et à quelques mètres en arrière, dans l’intérieur du bois, qu’aurait été découverte la première mosaïque. À l’angle sud-ouest du petit bois, tout près du champ, aurait été reconnue la présence de l’hypocauste. La vallée de Souzy étant orientée assez exactement de l’Ouest à l’Est, les ruines couvertes par le bois étaient exposées au Sud, et constituaient, sans doute, comme le pense M. Maxime |229 Legrand16, un corps de logis parallèle à la rivière et d’une longueur de 60 à 70 mètres, sur environ 30 mètres de profondeur. Ce corps de logis rectangulaire aurait été flanqué, ajoute M. Max. Legrand, de deux ailes sortantes, se dirigeant par conséquent vers la route et dont les restes seraient enfouis sous le champ cultivé. Il semble bien que ce soit une de ces ailes que j’ai découvert à l’Est de la façade principale.
Ne pouvant fouiller dans le bois, avant de le faire abattre, j’ai fait porter ma première exploration sur le champ lui-même. En interrogeant le cultivateur qui labourait la pièce, j’ai appris que la charrue venait butter fréquemment sur des murs enfouis à une faible profondeur.
Le 25 septembre 1912, à une vingtaine de mètres environ en avant de l’angle Sud-Est du petit bois, je fis commencer à fouiller sur un de ces points et, à 0 m. 30 de profondeur, je découvris un mur arasé, dirigé perpendiculairement au grand axe de la vallée. En continuant à dégager ce mur, les ouvriers rencontrèrent, presque aussitôt, un mur perpendiculaire au premier, ce qui me fit penser que ma fouille avait porté au point de réunion de quatre salles contiguës. Dans l’angle d’une des pièces, celle dont le fragment de mosaïque est indiqué par la lettre D sur le plan, j ’ai trouvé deux anses d’amphores et quelques fragments d’os paraissant provenir de débris de cuisine, une molaire de cochon et une de chèvre, ainsi que plusieurs coquilles d’huîtres. |230 Celles-ci appartiennent à l’espèce Ostrea edulis (L.), mais à une variété cultivée ; elles sont de dimensions plus considérables que celles de l’espèce type. J’ai rencontré de ces coquilles sur plusieurs points des fouilles et l’ on sait que la plupart des ruines gallo-romaines en renferment de grandes quantités, car les Romains faisaient une grande consommation d’huîtres, qu’ils soumettaient à un engraissement spécial.
Dans ces premières salles, le pavage qui aurait pu exister est complètement détruit ; les fondations des murs, dont j’ai fait rechercher la base, s’enfoncent à plus de deux mètres dans le sol. Elles reposent sur une couche très épaisse de sable de Fontainebleau, apporté là des coteaux voisins qui en sont composés, afin d’assurer une base solide aux constructions élevées sur le sol tourbeux de la vallée. Les murs sont construits en calcaire de Beauce provenant de la région et en pierre meulière d’ origine également rapprochée, réunis par un mortier de chaux extrêmement résistant. Ces murs, détruits au-dessous du niveau des pavages intérieurs, ne présentent pas d’appareil de construction ; en un point seulement, dans l’intérieur d’une pièce, j’ai retrouvé un fragment de revêtement en plâtre, resté en place. Les objets, trouvés le premier jour des fouilles, ne sont pas non plus in situ, mais apportés là au cours de la démolition de la construction et de l’aplanissement du terrain nécessité par sa mise en culture.
Le lendemain et les jours suivants, j’ai fait poursuivre le déblaiement des murs, en suivant leur tracé, dans la direction de l’Est d’abord, puis vers |231-232 le Nord, en me dirigeant vers la rivière. Je pus ainsi me rendre compte que j’avais rencontré un corps de bâtiment orienté du Nord au Sud. Afin de déterminer le point le plus avancé de la construction, dans la direction la plus accessible à l’exploration, j’ai dirigé alors la fouille vers le Sud. C’est là où a été faite la découverte la plus intéressante. À l’angle Ouest-Nord-Est de la dernière pièce figurée sur le plan, j’ai trouvé un amas d’éboulements restés en place. Au-dessous de la couche de terre végétale remuée par la charrue et qui n’atteint, grâce au procédé de labour peu profond encore usité à Souzy, qu’une épaisseur d’une vingtaine de centimètres, existait, en effet, une couche grisâtre, composée de cendres, de charbons et de débris de la construction, parmi lesquels j’ai recueilli des fragments de stuc colorié, des tuiles, des morceaux de marbre, des débris de poteries et de verre irisé, enfin un petit morceau de pavage en mosaïque de 0 m. 15 carrés environ, dont les cubes étaient encore adhérents à la couche de ciment qui leur servait de base.
Fig 1. PLAN DES FOUILLES DE 1912.
A Grande mosaïque. B Bassin octogonal. B ’ Parement de marbre. D. Fragment de mosaïque. E Carrelage en place.
L’existence de cette couche archéologique intacte me fit penser que la salle, dont je n’avais encore découvert qu’un angle, avait pu être moins endommagée que les précédentes par les travaux de culture ; je fis donc déblayer avec précautions la terre qui la recouvrait et c’est ainsi que fut mise à jour, le 1er et le 2 octobre, une importante mosaïque, qui couvrait primitivement toute l’étendue de la salle et qui présente au moment de sa découverte quelques détériorations dans sa partie centrale et dans les angles Sud-Ouest et Sud-Est de la pièce. |233
Avant de passer à la description de ce pavage, examinons d’abord l’ensemble des constructions dont la dernière salle, qui contient la mosaïque, faisait partie.
La fouille de 1912 montre l’existence d’un corps de logis rectangulaire orienté presque exactement du Nord au Sud, d’une longueur de 75 mètres environ, sur une largeur maximum de 20 mètres. La face Est de la construction, perpendiculaire à l’axe de la vallée de Souzy, est limitée par un mur rectiligne, d’une extrême solidité, qui se prolonge depuis la première pièce au Nord, sur laquelle il s’appuie, jusqu’à l’extrémité de la construction. En suivant ce mur, depuis son origine au Nord jusqu’à la partie actuellement découverte, nous voyons qu’à un mètre de son départ existe un mur transversal, dirigé vers l’Est, qui est arraché jusqu’à ses fondations, ce qui ne m’a pas permis d’en poursuivre le tracé. Puis la façade Est s’étend sur une longueur de vingt mètres sans cloisons transversales ; cette partie du mur présente une épaisseur de 1 m. 20. À partir de la rencontre du gros mur avec le mur transversal dirigé vers l’Ouest qui limite la salle marquée D sur le plan, son épaisseur diminue brusquement et n’atteint plus que 0 m. 80, largeur qu’il conserve jusqu’à sa terminaison.
En partant de l’extrémité Nord de la fouille, nous trouvons, tout d’abord, une salle d’une largeur de 4 mètres, et d’une longueur encore indéterminée, faisant suite elle-même à une salle incomplètement dégagée, recouverte par un terrain planté de peupliers, où j’ai dû arrêter la fouille. Nous sommes en |234 ce point à une quarantaine de mètres à peine de la rivière la Renarde. À l’Ouest de cette salle, une petite pièce de 1 m. 50 de largeur seulement et d’une longueur indéterminée, forme la façade Ouest du bâtiment. Dans l’axe du gros mur, qui, comme je l’ai dit, s’appuie sur la première pièce décrite, j’ai trouvé un bloc de calcaire oolithique, de provenance étrangère à la région, d’ une longueur de 1 m. 30, sur une largeur de 0 m. 50 et une épaisseur de 0 m. 60, reposant sur un massif de béton. Ce bloc, orienté suivant l’axe du gros mur dont il est séparé par une distance de 0 m. 20, présente à sa surface supérieure une profonde rainure et deux entailles quadrangulaires creusées au ciseau sa partie postérieure porte une échancrure causée par une cassure ancienne.
Quelle est la destination de ce bloc de pierre ? Il faut tout d’abord remarquer que le dallage qui a dû former le sol de cette salle est entièrement détruit. Son niveau devait correspondre à la face supérieure du bloc de pierre qui était ainsi encastré dans le pavage le béton, sur lequel repose la pierre, s’étendait, sans doute, sur toute la surface de la pièce. Je serais tenté de croire que ce bloc constitue une pierre de seuil, respectée à cause de son poids au moment de la démolition des ruines romaines, et que les échancrures de sa face supérieure étaient destinées à recevoir les scellements d’une porte intérieure. Peut-être s’agissait-il aussi d’une pièce de soutènement d’ un poteau de la construction ; en tout cas, il semble que ce bloc n’ait eu qu’un rôle d’appui pour quelque partie importante de l’édifice. |235
En continuant à suivre le mur, du Nord au Sud, nous trouvons à l’Ouest quatre petites salles symétriques, larges de 1 m. 20 à peine sur 4 mètres de longueur pour les deux premières, et de 2 m. 40 de longueur seulement pour les deux autres, qui leur font suite à l’Ouest. Le mur transversal, qui sépare la première pièce de 4 mètres de la petite salle de 2 m. 40, située derrière elle, est en partie arraché jusqu’à ses fondations sur une longueur de 1 mètre. Il est très probable que ce mur devait se continuer jusqu’à sa rencontre avec le mur de la salle contenant le seuil de pierre, pour constituer ainsi quatre petites salles, symétriques deux à deux.
En enlevant la terre, qui recouvrait cette partie des ruines, j’ai trouvé une grande quantité de débris de marbre, de colorations variées, affectant la forme de carreaux fragmentés. Ce fait m’amena à penser que le sol de ces pièces était recouvert par un pavage constitué avec ces marbres, hypothèse qui fut confirmée par la découverte, dans la deuxième petite salle adossée au gros mur, d’un lambeau de carrelage resté en place et dont les parties avaient conservé leurs rapports réciproques.
J’ ai pu, avec l’ aide obligeante de mon collègue et ami G. Courty, que je tiens à remercier ici de sa complaisance, rétablir le plan de ce carrelage. Tous les morceaux, souvent fragmentés, ont été relevés et numérotés isolément, puis repérés sur un plan au moyen de ces numéros, ce qui m’a permis de reconstituer exactement ce débris de pavage comme le montre la figure 2.
Il est difficile, d’ailleurs, d’après ce seul fragment, |236 d’avoir une idée du dessin d’ensemble que pouvait former le pavage de la salle, lorsqu’il était complet. Cependant, en regardant le pavage, dans le sens de la plus grande dimension de la pièce, on peut voir que son dessin a été composé grâce à la juxtaposition de pièces de carrelage uniquement carrées et triangulaires. La combinaison de ces pièces donne lieu à une figure qui varie suivant la position de l’observateur. D’une façon générale, on peut décomposer le dessin en carreaux de 0 m. 30 de côté constitués par cinq pièces quatre triangles isocèles entourant un losange équilatéral plein. Dans une autre variété de carreaux, le losange central est plus compliqué ; il se compose de neuf pièces : un carré central de 0 m. 10 de côté, sur les côtés duquel s’appuient quatre triangles isocèles formant un carré de 0 m 155 de côté ; sur les côtés de ce deuxième carré, quatre triangles isocèles, plus grands que les premiers, achèvent le tracé du losange équilatéral. Cette combinaison géométrique forme un dessin d’un ensemble harmonieux ; la perspective, variant suivant le point où l’on envisage le carrelage, donne lieu à une variété dans l’ensemble du dallage qui est remarquable, étant donnée la simplicité de la combinaison adoptée.
Les couleurs très variées de ce dallage devaient ajouter encore à son effet décoratif. Mais, étant donné qu’il n’est resté qu’un morceau du carrelage, il est impossible de se rendre compte de la manière dont ces couleurs étaient disposées les unes par rapport aux autres dans le dessin complet. La figure 2 pourra, mieux qu’une description, assez |237 difficile à donner, faire comprendre la nature et la disposition de cette décoration.
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F/g. 2. Carrelage en place (au 1 10e).
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Quant aux matériaux employés, ils sont assez variés ; les parties blanches sont constituées par des marbres de très belle qualité à cassure saccharoïde, qui peuvent être d’origine italienne ; les carrières de Carrare fournissent des marbres très analogues, mais il ne faut pas oublier qu’à Saint-Béat, dans la Haute-Garonne, les Romains exploitaient déjà des bancs de marbre blanc actuellement encore très recherchés. Les carreaux noirs sont composés de morceaux de schistes ampéliteux, qui se trouvent dans les couches siluriennes de l’Ouest de la France. On trouve cependant quelques carreaux noirs veinés de blanc, qui sont constitués par des marbres. Le rouge a été fourni par un calcaire ferrugineux contenant une forte proportion d’argile, mais susceptible d’un beau poli et d’une grande dureté. Les autres couleurs appartiennent à des marbres, parmi lesquels on trouve de beaux échantillons de jaune de Sienne.
Bien que cette partie de carrelage ait été la seule que j’aie retrouvée en place, je crois que toutes les salles de cette extrémité de l’édifice, devaient être pavées de la même manière ; en effet les débris de carreaux analogues à ceux de la partie conservée sont très abondants sur ce point. De l’autre côté du petit bois, à l’Ouest de la fouille, un petit champ, qui borde le bois, fournit également une grande quantité de débris de carreaux analogues, qui sont ramenés à la surface du sol par les travaux de culture. Faut-il croire que ce champ recouvre l’emplacement |239 de salles symétriques à celles que nous venons de découvrir, dont elles seraient séparées par le corps de logis, que nous supposons s’étendre sous le bois ? Ces salles constitueraient alors le départ d’une aile sortante parallèle à celle que nous avons découverte. Ce n’est là qu’une hypothèse non vérifiée, puisqu’aucune fouille n’a encore été pratiquée dans ce champ.
Derrière la petite salle de 2 m. 40, vers le Sud, nous trouvons une salle de 4 mètres sur 2 m. 30, dont le pavage est complètement détruit ; entre la petite salle et celle-ci, existe une sorte de réduit de 2 m. 50 de longueur sur 0 m. 70 de largeur à l’Est, et 0 m. 50 seulement de largeur à l’Ouest, dont la destination demeure pour moi très énigmatique. J’ai fait pratiquer un sondage dans ce réduit, mais cette exploration n’a montré qu’une couche très épaisse de sable de Fontainebleau, atteignant près de 2 mètres d’épaisseur. Toute cette partie des ruines repose sur une assise semblable de sable, destinée, sans doute, à assainir les bâtiments, car le plan d’eau est ici très rapproché du sol, à cause de la proximité de la rivière, et remonte au moment des grandes pluies d’hiver jusqu’à 0 m. 50 seulement de la surface. Peut-être faut-il voir dans ce petit réduit un couloir destiné à faire communiquer les deux pièces contiguës.
À l’Est de la salle de 4 mètres et de ce couloir, s’appuyant au gros mur, s’étend une salle de 5 mètres de longueur sur 4 mètres de largeur, dont la paroi Sud est demi-circulaire, disposition que nous n’avons trouvée dans aucune autre partie de la construction. |240 Une cloison perpendiculaire au gros mur, et dans l’épaisseur de laquelle est ménagée la niche en forme d’abside de cette salle, sépare cet ensemble de pièces du reste de la construction.
Cette réunion de sept petites salles semble former un appartement isolé, pavé en carreaux de marbre, auquel nous serions tenté d’attribuer l’usage de salles de bains, bien qu’il n’ait été retrouvé en ce point aucune conduite pouvant amener l’eau.
Poursuivant l’examen des fouilles vers le Sud, nous trouvons une partie de la construction très détériorée. À l’Ouest un mur d’ une longueur de 23 mètres à partir de l’ angle Nord du bâtiment, et d’une épaisseur de 0 m. 80, paraît former la façade de ce côté. Sur cette longueur, aucune cloison transversale ne s’appuie sur lui ; à son extrémité un mur perpendiculaire s’en détache vers l’Ouest et se prolonge sous le bois. Je n’ai pu en poursuivre le tracé, qui doit se relier à celui des murs de la façade principale, si l’hypothèse du plan d’ensemble des ruines est exacte. Parallèlement à ce mur, une cloison de 7 mètres de longueur sur 1 m. 80 de largeur montre à sa partie supérieure une rainure creusée dans la maçonnerie, qui aboutit, à l’extrémité de la cloison, à une cavité irrégulière ménagée dans son épaisseur. Cette cloison est reliée au gros mur de l’Est par un mur de refend de 0 m. 70 d’épaisseur perpendiculaire à ce gros mur. Bien qu’en très mauvais état, cet ensemble paraît correspondre à une vasque, ou bassin auquel l’eau aurait été amenée au moyen d’un tuyau logé dans la rainure de la face supérieure de la cloison. |241
Au sud de ce bassin, un mur arraché, perpendiculaire au gros mur, limitait une salle de 3 m. 60 de largeur, au-delà de laquelle s’étendait une grande salle de 9 m. 20 de largeur, dont les murs sont détruits sur une longueur indéterminable. C’est dans cette pièce, à 0 m. 20 du gros mur et à son niveau, que j ’ai trouvé une partie du sol de la salle, que recouvrait encore un fragment intact de mosaïque de 0 m. 50 carrés environ (fig. 1, D). Cette mosaïque en petits cubes de marbre blanc formait un dessin en diagonale comme pour constituer une bordure ; elle reposait sur un béton de tuileaux, conservé sur une assez grande largeur de la pièce.
Il est vraisemblable que ce tout petit fragment faisait partie de la sixième mosaïque, décrite par M. Maxime Legrand et portée sous le n° 926 dans l’inventaire des mosaïques de la Gaule17. En effet, d’après un plan qu’a bien voulu me communiquer M. Maxime Legrand et d’après les indications qu’il m’a données sur le terrain, nous serions en ce point à l’extrémité de la partie de terrain fouillée en 1883. L’exploration de cette époque, pratiquée à l’Ouest de ma fouille, a été suivie par un arrachement presque complet des murs, exécuté à l’ insu de mon grand-père, par des cultivateurs désireux de se procurer de la pierre. M. Maxime Legrand, qui avait eu connaissance de cette destruction, pense que les murs arrachés venaient se raccorder au mur que j’ai découvert, et que c’est en ce point que se faisait la jonction du principal corps de logis, orienté au Sud, |242 avec l’aile sortante que j’ai fouillée. C’est pourquoi je crois que le fragment de mosaïque figuré en D sur le plan faisait partie de la mosaïque laissée en place en 1883 et dont une partie montrait l’extrémité postérieure d’un poisson. En reportant la distance mesurée en 1883 d’un petit fossé du bois à la mosaïque, je suis arrivé, à peu de chose près, à cette salle, ce qui confirme cette manière de voir. Ce témoin de la sixième mosaïque n’existe plus ; avant que j’aie eu le loisir de l’enlever et bien que recouvert intentionnellement de terre, il a été détruit par les visiteurs que les fouilles avaient attiré en grand nombre et qui ont brisé également la pierre de seuil déjà décrite, le parement de marbre du bassin B, et commencé à dégrader la grande mosaïque A de la dernière salle, malgré le grillage dont je l’ avais fait entourer, immédiatement après sa découverte.
À l’Est de la salle que nous venons de décrire et s’appuyant sur elle, s’étend une pièce de 7 m. 60 de long sur 1 m. 70 seulement de large, sorte de couloir, à la suite duquel se trouve une salle de 6 m. 50 de longueur et de 4 m. 20 de largeur. Cette salle forme l’extrémité Est du bâtiment ; elle était suivie au Nord par une pièce de même largeur dont les murs sont arrachés ; mais, se dirigeant vers l’Est, un mur, que j’ai suivi sur une longueur de 17 mètres environ, semble constituer la clôture d’une grande cour intérieure, ou d’un jardin. Il est traversé, à 11 mètres de son départ de la salle, par une conduite large de 0 m. 50, destinée sans doute à amener l’eau. Cette conduite, dont je n’ai dégagé qu’une faible longueur, est exactement orientée du Nord au Sud ; elle est |243 constituée par des parements en pierre sèche formant deux murs perpendiculaires, et son fond est dallé au moyen de grandes briques rectangulaires en terre cuite. N’ayant pas poursuivi le tracé de cette conduite, dont la profondeur atteint 1 m. 20, il m’est impossible de savoir d’où provenait l’eau qu’elle était destinée à amener ; ce point devra être recherché ultérieurement, en reprenant également le tracé du mur de clôture qui se poursuit au-delà de ma fouille.
Revenant alors à la salle de la petite mosaïque D, nous trouvons à sa suite, au Sud, quatre salles rectangulaires dont le grand côté mesure 10 m. 55 pour chacune d’elles ; à l’Ouest, elles s’appuient sur un mur de 27 mètres de longueur, d’une largeur de 0 m. 80, qui forme la façade extérieure du bâtiment. À l’Est, elles sont flanquées par deux constructions demi-circulaires qui mesurent respectivement 5 et 6 mètres de diamètre. Ces absides sont réunies à l’angle Nord et Est de la construction par un petit couloir de 3 m. 40 de long sur 1 m. 70 de large, faisant suite au couloir que nous avons rencontré à l’Est de la pièce D. Au Sud un couloir semblable s’appuie sur la plus large des deux absides ; il paraît suivi d’une petite pièce analogue formant couloir ; mais cette partie des ruines n’a été qu’incomplètement dégagée encore et le tracé exact de ces petites pièces n’a pu être figuré sur le plan.
Je dois signaler aussi que la pièce A est flanquée au Sud d’une construction demi-circulaire d’un diamètre égal au grand côté de la pièce, qui n’est pas portée sur le plan. Il m’a fallu, en effet, faire |244 rejeter sur les murs de cette construction toute la terre qui ensevelissait la salle A, afin de dégager la grande mosaïque, et je n’ai pu, pour cette raison, faire lever le plan exact de cette abside.
Ces contreforts, limitant la construction à l’Est et au Sud, sont-elles des tours de défense, dont on sait que les Romains flanquaient fréquemment leurs habitations à la campagne ?
L’épaisseur des murs des deux premières n’atteint que 0 m. 50 pour l’abside du Nord, et 0 m. 70 pour la suivante.
Revenons maintenant aux salles qui font suite à la pièce D. La première salle au Sud mesure 6 m. 50 sur son petit côté. Le mur qui la sépare de la pièce suivante est en partie arraché à l’Est, mais à l’Ouest nous trouvons un seuil en pierre demeuré en place. D’une largeur de 0 m. 90, cette dalle en pierre calcaire est brisée en son milieu et à ses extrémités ; elle se trouvait, au moment de sa découverte, dans l’intervalle des deux murs qui forme une ouverture de 1 m. 20 de largeur. Cette porte avait son seuil à un niveau inférieur à celui des autres pièces, car je n’ai trouvé, en aucun autre point des ruines, la trace des portes, soit que celles-ci aient été placées à un niveau supérieur à l’arasement actuel des murs, soit qu’il n’y ait eu que des cloisons de refend détruites et dont l’ouverture ne descendait pas jusqu’à la fondation des murs.
Au sud de cette salle s’étend la plus vaste pièce de la construction ; presque carrée, elle mesure 10 mètres sur 10 m. 55. Le sol ne présente aucune trace de dallage, mais un petit mur de refend de 2 m. 40 de longueur, s’appuyant au côté Ouest de |245 la salle, aboutit à un bassin octogonal construit en briques réunies par du ciment de tuileaux, et revêtues intérieurement de parements en marbre blanc (fig. 1, B). Au centre de ce bassin, qui mesure 1 m. 50 de diamètre, aboutit une conduite en maçonnerie qui suit le petit mur transversal. Ce bassin est dans le grand axe de la pièce, plus rapproché de sa face Ouest. Au moment de sa découverte, un parement de marbre vertical, figuré en B’, était encore en place, mais il a été détruit, peu après, par les visiteurs des fouilles. Ce petit bassin, auquel l’eau devait être amenée par une conduite logée dans la rainure de maçonnerie, est très régulièrement construit. Ses côtés mesurent 0 m. 80 de longueur ; sa profondeur, qui atteint 0 m. 60, est ménagée dans l’épaisseur d’un béton de tuileaux très résistant qui s’étend encore sur une partie de la pièce. Ce béton était recouvert, sans doute, d’un pavage aujourd’hui détruit, et les murs de la salle devaient être décorés de fresques, car j’ai trouvé quelques fragments de plâtre peints adhérant encore au soubassement arasé des murs.
Au Sud de cette salle, s’étend une pièce de 3 m. 20 de largeur dont le sol est entièrement détruit. À sa suite, une salle de 5 m. 40 de largeur contient la grande mosaïque, que nous allons décrire. Les murs de cette dernière salle présentent encore, au-dessus du pavage, une hauteur de 0 m. 40 environ ; grâce à cette circonstance, la mosaïque a été préservée partiellement des atteintes de la charrue, qui venait butter au-dessus d’elle, sur les murs de la pièce. C’est à l’angle Sud-Est que j’ai trouvé l’éboulement |246 ancien en place et que j’ai commencé à découvrir le pavage.
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La mosaïque s’étendait primitivement sur toute la surface de la salle, longue, comme nous l’avons dit, de 10 m. 55, sur 5 m. 40 de largeur. Au moment de sa mise à jour, elle ne présente plus qu’une longueur de 4 m. 30, demeurée intacte à l’Est sur toute la largeur de la pièce ; le long de la paroi Sud, la bordure est conservée sur une longueur de 0 m. 60. Les angles Nord-Ouest et Nord-Est sont à peu près conservés, mais la partie centrale est fortement détériorée.
Cependant, grâce à quelques fragments non détruits de place en place, on peut s’assurer que la répétition des motifs géométriques se poursuivait sur toute l’étendue de la pièce, et qu’il n’y avait pas, au centre, de sujet figuré ou emblema. Débarrassée de la terre qui la recouvre, et lavée, la mosaïque apparaît avec ses couleurs bien conservées ; vers le centre de la pièce seulement, non loin du point où s’arrête la grande partie intacte, on remarque des traces noires qui ont altéré certains détails et qui paraissent dues à un incendie. Il semble que les poutres enflammées de la toiture soient tombées en cet endroit, où elles ont achevé de se consumer.
Le pavage est constitué par des cubes de 0 m. 012 environ de côté et ne comprend, comme couleurs, que le blanc, le gris, le noir et le rouge. Les cubes blancs sont en pierre calcaire d’une coloration un peu jaunâtre et en marbre, ce dernier moins abondant ; les cubes gris sont en marbre ; le noir est fourni par ce |247 schiste ampéliteux que nous avons déjà vu employé comme carrelage, et le rouge par de la terre cuite. La dimension des cubes et les matières employées sont semblables à celles des mosaïques découvertes antérieurement et conservées à Morigny. M. Max. Legrand a noté que la sixième mosaïque était composée avec des cubes de moitié plus petits que ceux employés dans les mosaïques découvertes en 1866 et dans les trois premières, découvertes en 188218 ; le fragment D, que je crois pouvoir rapporter à cette mosaïque et que nous avons précédemment décrit, est également composé de cubes plus petits que ceux de la grande mosaïque, ce qui confirme mon opinion ; mais dans la salle A, je n’ai noté aucune différence entre les matériaux et ceux des mosaïques antérieures, à l’exception de la sixième.
Les cubes du pavage sont enfoncés dans un béton, composé de fragments de terre cuite pilée et agglomérés au moyen de chaux grasse. Cette couche, d’une épaisseur moyenne de 0 m. 10 à 0 m. 15, est très reconnaissable à la couleur rouge que lui donnent les fragments de tuiles concassées qu’elle contient. Ce béton est encore assez solide par endroits pour adhérer fortement à la mosaïque. À l’angle Sud-Est de la pièce principalement, l’enlèvement du pavage a rencontré une certaine difficulté, car les cubes, collés sur une toile, ne se détachaient pas, en retournant celle-ci, de la couche dans laquelle ils étaient implantés. En d’autres points, la mosaïque était « soufflée », suivant l’expression qu’emploient |248 les mosaïstes, et les cubes, reliés entre eux par le béton interposé, étaient décollés de la couche sous-jacente.
Sous cette couche de béton, une couche plus épaisse, de 0 m. 25 à 0 m. 30, est constituée par un blocage en calcaire de Beauce et en silex meulier, d’origine locale, réunis par de la chaux. Cette première assise, beaucoup plus grossière et plus épaisse que la seconde, repose sur une couche de sable qui la sépare du sol. Au point de contact des deux bétons, le premier blocage est très soigneusement dressé et uni, formant une surface parfaitement plane, lisse et égale, sur laquelle est appliqué le béton de tuileaux.
Le dessin de cette mosaïque, emprunté à des motifs géométriques, est assez singulier et diffère notablement des motifs des premières mosaïques précédemment découvertes. Nous trouvons, tout d’abord, une bande rouge qui suit tout le pourtour de la pièce ; large de 0 m. 38, cette bande est posée sur un fond blanc, et présente une série de créneaux réguliers, tournés vers l’intérieur de la salle. Très symétriquement dessiné, le long des parois latérales, ce crénelage est irrégulièrement disposé dans les angles. À la jonction de la paroi Est et de la paroi Nord, les deux lignes de créneaux viennent, en effet, se rencontrer, sans qu’il ait été prévu de créneau commun pour les réunir, et la suite des rectangles se trouve interrompue par une partie du fond blanc, qui empiète sur la bande rouge. À l’angle formé par la jonction des murs Est et Sud, la même disposition se retrouve, mais beaucoup plus accentuée encore. On |249 voit que l’ouvrier mosaïste a répété sur toute la longueur d’une paroi son dessin régulier, sans se préoccuper de la manière de le raccorder au dessin semblable qui suit la paroi perpendiculaire ; après l’achèvement des deux traces, il est resté un espace vide qui a été comblé par le fond blanc. Ce défaut d’exécution dans un travail, dont la technique est cependant très soignée, provient, à mon avis, de ce que l’ouvrier n’a pas tracé d’avance le dessin qu’il avait à exécuter, mais qu’il a répété ses rectangles le long des parois, comblant ensuite l’intervalle par des cubes blancs.
Faisant suite à cette première bordure, nous trouvons une bande rectiligne, composée de quatre rangées de cubes, deux extérieures rouges et deux intérieures constituées grâce à l’emploi d’un mélange de cubes noirs et gris. Sur cette bande linéaire, s’appuie une série d’arceaux réguliers, entrecroisés, dont le tracé, formé par une file de cubes noirs et gris, se détache sur un fond blanc. Ces arcs, légèrement surbaissés, ménagent, par leur entrecroisement, une manière de tympan qu’occupe un remplissage de cubes rouges, limité par une ligne de cubes noirs et gris. La série d’arceaux se poursuit régulièrement tout autour de la partie centrale, mais ses angles offrent, dans la grande partie conservée, une différence assez notable ; à l’angle Nord-Est les deux tympans d’angle, qui sont assez grossièrement dessinés et d’une forme presque quadrangulaire, montrent le remplissage que nous avons décrit, tandis qu’au Sud-Est les tympans d’angle, d’une forme semblable, sont occupés par des cubes blancs. S’agit-il |250 d’une restauration postérieure à la composition de la mosaïque, ou l’ouvrier a-t-il simplement manqué de cubes rouges pour achever son dessin ? C’est ce qu’il est impossible de savoir. Toutefois, je n’ai noté aucune différence entre les matériaux employés dans cette partie de la mosaïque et ceux du reste de la composition, ce qui me ferait pencher plutôt pour la seconde hypothèse. En effet, on connaît des mosaïques romaines restaurées postérieurement, mais la différence des matériaux employés permet de retrouver cette réparation. C’est ainsi, par exemple, que la grande mosaïque découverte en 189719 à Gaubert (Dordogne), et conservée au musée de Périgueux, présente des additions de l’époque carolingienne, reconnaissables à la différence des matériaux employés ; je n’ai rien noté de semblable à Souzy.
À la suite de la bordure d’arceaux, une bande linéaire, composée d’une file de cubes gris et noirs, de deux nies de cubes rouges et de deux files de cubes gris et noirs, forme l’encadrement du grand panneau central de la mosaïque. Celui-ci, à fond blanc, est décoré par une série de carrés égaux, mesurant 0 m. 30 de côté, disposés en rangées parallèles. De chacun des angles des carrés partent des bandes, constituées, comme les côtés des carrés, par deux rangées de cubes gris et noirs. Ces lignes, s’entrecroisant, forment, avec les côtés des carrés, des trapèzes isocèles, disposés verticalement entre les carrés d’une file horizontale et dans le sens opposé, entre deux files de carrés. Chacun de ces trapèzes |251 présente dans son intérieur un second trapèze, inscrit, constitué par une rangée de cubes rouges ; sur chaque grand côté de ce trapèze intérieur s’appuient six petits carrés constitués chacun par quatre cubes rouges et tournés vers l’intérieur de la figure. Dans le sens de la largeur de la pièce, nous trouvons huit grands carrés sur chaque bande ; sur la grande partie intacte, figurée ici, existent encore six de ces bandes complètes et une grande partie du septième, ce qui nous donne cinquante-six carrés pour ce fragment ; dans les parties détériorées, ces mêmes motifs devaient se répéter, car on en trouve des traces dans les points demeurés en place. Cette combinaison très simple de carrés parallèles joints par leurs angles est d’un bel effet décoratif, la régularité des lignes et leur entrecroisement donnant lieu à diverses apparences de figures géométriques. C’est ainsi que l’ensemble d’un carré et des quatre trapèzes qui l’entourent forme un octogone régulier, lorsqu’on l’envisage isolément. Mais cette décoration par lignes géométriques est rehaussée par l’ornementation centrale des trapèzes et des carrés. Chacun des grands carrés, en effet, contient un motif, formé de lignes droites ou courbes ; ces motifs ne paraissent pas se répéter régulièrement dans l’étendue de la pièce ; ils sont disposés sans symétrie apparente. Sans décrire |252 de cette grande partie, se trouvait aussi un carré à fond blanc contenant une branche de lierre stylisée, formée par une tige centrale chargée de six feuilles symétriques, trois à droite et trois à gauche ; le dessin de cette branche est en cubes noirs.
L’exécution de ce panneau central, dont le travail est soigné et le dessin parfaitement correct, laisse supposer qu’elle est l’œuvre d’ouvriers exercés. Cependant, ils sont tombés dans l’erreur commise déjà aux angles Nord-Est et Sud-Est de la pièce, dans la pose de la première bordure. Si l’on regarde la manière dont sont disposées les bandes de carrés du grand panneau, on s’aperçoit qu’il y a un manque de symétrie entre les côtés opposés de la mosaïque. Partant de l’angle Nord-Est du panneau, nous trouvons tout d’abord un carré flanqué de quatre trapèzes, formant, si l’on veut, l’octogone dont nous avons parlé, s’appuyant sur la bordure du panneau et constituant le point de départ du dessin.
Puis la série linéaire des carrés et des trapèzes se continue pour aboutir à l’angle Sud-Est du panneau mais là, le dessin se trouve arrêté par la bordure, avant le trapèze symétrique à celui du côté Nord-Est. C’est un carré qui vient s’appuyer sur la bordure, et les trapèzes supérieurs et inférieurs de ce carré n’ont pas eu une place suffisante pour être dessinés complètement. Ils sont donc remplacés par un parallélogramme que le mosaïste a orné en traçant deux diagonales de même composition que les bordures des carrés et dont l’entrecroisement ménage un losange à l’angle supérieur du parallélogramme et trois triangles se réunissant par leurs sommets. Le |253 losange contient lui-même un losange intérieur, dont la bordure est rouge et le remplissage noir, et les triangles sont ornés de triangles intérieurs, qui sont rouges pour les triangles latéraux, le triangle de la base étant noir.
Cette disposition se répète sur toute la hauteur de la partie conservée ; je n’ai pu m’assurer de la manière dont se terminait le dessin sur le petit côté de l’ Ouest par rapport à la disposition du dessin sur le côté Est, car cette partie de la mosaïque est très détériorée. Comme je l’ai fait observer pour la grande bordure, l’ouvrier, qui a exécuté la mosaïque, a dû négliger de tracer sur le terrain le dessin complet de la décoration qu’il avait à reproduire ; n’ ayant pas repéré d’ avance le point où devait s’arrêter le dessin, il est arrivé sur la bordure au milieu d’un motif et il a terminé sa décoration en utilisant la place disponible au moyen d’une figure nouvelle.
Malgré cette gaucherie d’exécution, l’ensemble de la mosaïque est d’un bel effet décoratif ; son fond blanc fait ressortir vivement le tracé rouge et noir des motifs d’ ornementation ; et l’entrecroisement des lignes géométriques, formant les côtés des carrés et des trapèzes, offre quelque analogie avec les dessins que les Orientaux ont utilisés pour leurs décorations. La seconde bordure, formée d’arceaux, affecte, à mon sens, cette apparence orientale ; le remplissage en rouge des tympans, ménagés par l’entrecroisement des arceaux, donne à cette bordure l’aspect d’une suite rectiligne de fleurs de lotus stylisées, motif que l’on retrouve très fréquemment dans les arts égyptien et asiatique. Il n’est pas jusqu’aux |254 motifs centraux des trapèzes qui ne soient assez différents de ce que nous montrent d’ordinaire les dessins géométriques des mosaïques romaines de Gaule et d’Afrique. Il est vrai que les carrés et la grande bordure extérieure sont tout à fait dans le style de la décoration romaine ; on peut les comparer à des dessins analogues de la mosaïque de Souzy découverte en 1882, actuellement à Morigny et portant le n°923 dans l’inventaire des mosaïques de la Gaule. Mais, l’ensemble du dessin de notre pavage diffère sensiblement de celui des autres mosaïques de Souzy ; bien que les matériaux employés soient tout à fait identiques comme matière et de même grosseur, nous serions tenté d’attribuer à cette pièce un âge postérieur à celui des autres mosaïques. Si les premières paraissent dater du IIe ou IIIe siècle, notre mosaïque ne doit pas être antérieure au IVe siècle ; si sa technique ne diffère pas de celle des mosaïques précédentes, son style accuse une influence étrangère et comme une inspiration des arts d’ Orient, venue peut-être de Byzance. Nous reviendrons sur cette question après l’examen des objets recueillis au cours des fouilles.
Après avoir découvert la mosaïque, j’ai fait procéder à son enlèvement par des ouvriers spécialistes ; il aurait été intéressant de la laisser en place ; mais malgré les clôtures, les déprédations des visiteurs auraient rapidement anéanti ce pavage qui, restauré et replacé au musée d’Étampes, pourra offrir quelque intérêt pour l’histoire de la période romaine dans notre région. |255
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Examinons maintenant les objets recueillis au cours des fouilles ; ils sont peu nombreux et, comme l’avait déjà observé M. Max. Legrand, aucune pièce importante, aucun objet d’art, aucune arme, ne se rencontrent, en déblayant les ruines. L’édifice a dû être abandonné par ses habitants qui ont emporté tous les objets précieux avec eux, ou complètement pillé par des envahisseurs, avant l’incendie qui a anéanti la construction et dont les traces se retrouvent sur la grande mosaïque et en plusieurs points des substructions des murailles.
J’ai trouvé, le long des murs et dans l’intérieur des pièces, des fragments de grandes tuiles à rebord ; une d’entre elles est large de 0 m. 37 sur une épaisseur de 0 m. 025, et un rebord de 0 m. 03 ; elle est cassée dans le sens de la longueur. Un autre fragment porte l’empreinte d’un pied fourchu de chèvre ou de mouton, qui a été imprimé par le passage d’un de ces animaux sur la tuile, avant sa cuisson. Sur un autre fragment sont tracés, très superficiellement, deux cercles se coupant ; j’ai retrouvé ce tracé sur d’autres tuiles romaines, notamment sur une grande pièce complète conservée au musée de Cahors. Il doit s’agir là d’une marque de fabrique ; bien que je n’ aie trouvé aucune empreinte de potier sur ces fragments de tuiles. Avec ceux-ci, j’ai recueilli des faîtières demi-cylindriques en terre cuite, qui assuraient le recouvrement des tuiles à rebord.
Le premier jour des fouilles, j’ai trouvé deux grandes anses d’amphore, qui n’appartenaient pas |256 au même vase, car elles sont de dimensions inégales. Les tessons de poteries sont d’ailleurs assez nombreux, mais très fragmentés, répandus çà et là au milieu des ruines, sans qu’il soit possible de les réunir pour reconstituer une pièce entière.
Parmi ces poteries, on trouve des débris de vases, non ornés, en terre rouge, à couverte vernissée, très fine, appartenant à cette poterie dite samienne, si caractéristique de l’époque gallo-romaine. Ce sont des fragments de coupes d’une très faible épaisseur ; sur un fond de vase brisé, on voit une estampille incomplète et illisible. Un fragment, plus important, d’un vase moulé, est un fond de bol hémisphérique (forme 37 de M. Dragendorff), qui montre l’emplacement d’un pied circulaire ajouté à la pièce. Ce fond présente une décoration en relief, formée par trois lignes circulaires parallèles que surmonte une frise, dont une partie seulement est conservée. Elle comprend un fleuron, un chien lancé au galop, un ornement peu distinct (arbuste ?) et un second chien galopant. Le fragment ne porte ni marque, ni estampille sa pâte est d’ un rouge jaunâtre ; elle ne se laisse pas rayer par l’ongle ; le vernis en est peu brillant20.
Les autres poteries, non ornées, sont en terre grise ou blanche ; quelques-unes montrent une couverte noire très brillante ; la pâte de ces poteries est très fine, très résistante, sonore et bien cuite. J’ai trouvé des |257 goulots de vases et des débris de plats de ces variétés grise et blanche, mais aucune pièce qui ne soit très fragmentée. Un rebord mouluré en terre blanche devait appartenir à un de ces grands vases en forme de terrine, qui sont fréquents à l’époque gallo-romaine ; sa pâte est moins fine que celle des vases plus petits.
Quelques fragments de verre irisé ont été recueillis également dans les fouilles ; ils sont très petits, en verre très mince, pour la plupart ; cependant, le fond d’ une fiole, encore reconnaissable, présente une épaisseur de 0 m. 006 à 0 m. 007.
Parmi les objets métalliques, je n’ai trouvé que quelques gros clous à tête plate, un fragment de chaîne en fer, composé d’un anneau circulaire et de deux mailles ovales et un anneau ovalaire en bronze de 0 m. 06 dans son grand diamètre, sans aucune ornementation.
Les pièces de monnaie font presque complètement défaut ; aucune n’ avait été trouvée dans les fouilles antérieures et, dans mon exploration, je n’ai découvert qu’un petit bronze, dont l’effigie est très effacée, de Tetricus. Cette pièce de monnaie était à l’angle Nord-Ouest de la partie fouillée, à l’extérieur du mur de retour qui pénètre sous le bois.
Les salles de la construction devaient être richement ornées. J’ ai recueilli quelques débris de leurs parties décorées un fragment de corniche en marbre blanc, un fragment semblable, mais d’une plus grande épaisseur, d’une corniche en terre cuite moulurée, un débris de marbre blanc portant en bas-relief une partie d’ un rinceau de feuillage et une plaque de pierre calcaire, de 0 m. 013 d’épaisseur, |258 portant une fleur à quatre pétales entourée d’une collerette plus grande sous laquelle s’engage une tige courbe. Ce motif, qui devait se répéter symétriquement, de manière à constituer une frise, est d’une exécution assez fruste ; les détails en sont peu poussés et la sculpture peu accentuée ; je le crois d’une plus basse époque que le rinceau précédent. Cette plaque de calcaire a été trouvée par M. Max. Legrand lors d’une visite aux fouilles ; il a bien voulu m’en faire hommage, ce dont je tiens à le remercier.
Au pied des murs et dans l’intérieur des pièces, se trouvaient d’assez nombreux fragments de revêtements en plâtre, peints à fresque. Ces peintures, à teinte plate, comprennent le blanc, le rouge, le jaune, le vert et le bleu. Les morceaux recueillis sont généralement d’une teinte uniforme. Cependant, sur l’un d’eux, on peut distinguer un motif d’ornementation sur un champ rouge, traversé d’une ligne blanche, se détache une bande peinte en blanc, ornée de volutes rouges. D’autres fragments de ces plâtres peints, provenant des fouilles antérieures et que j’ai vus chez M. Max. Legrand, portent des décorations composées de lignes parallèles et de dents-de-loup de couleurs variées.
Les débris de cuisine, peu abondants, comprennent, outre les huîtres dont j’ai parlé, des os de chèvre, de cochon et d’un grand bovidé.
Quelques fragments osseux, taillés avec soin, constituent l’ébauche de ces pièces cylindriques que l’on sait aujourd’hui avoir été utilisées comme pièces de fermeture de petits coffres ou de boites et |259 |260 que les anciens auteurs décrivaient sous le nom de flûtes romaines.
Enfin, les débris de marbres et de carreaux de schiste sont abondants sur tout l’emplacement des ruines, mais plus particulièrement dans les petites suites, où j’ai retrouvé une partie du carrelage en place.
Ces marbres comprennent les variétés suivantes :
Un beau marbre blanc, à texture très cristalline, qui a été employé dans le carrelage, comme parement du petit bassin octogonal et aussi pour former les corniches, les entablements et les frises sculptées de l’édifice ;
Un marbre noir sillonné de veines blanches, qui a été utilisé dans le carrelage, concurremment avec les carreaux complètement noirs en schiste ;
Un marbre jaune veiné de rouge que nous trouvons également dans le carrelage ;
Un marbre à grandes veines longitudinales, d’un gris bleuâtre sur fond blanc ;
Une brèche à inclusions jaunes sur fond rouge brique ;
Une brèche à inclusions blanches sur fond rose ;
Un marbre gris, traversé de veines d’un gris bleuâtre plus clair ;
Une brèche violette à fond blanc ;
Un marbre à veines serpentineuses, d’un noir verdâtre sur fond blanc ;
Un marbre, dit Portor, dont le fond noir est sillonné de minces filons d’oxyde de fer, dont la section, après polissage, présente une apparence dorée ;
Fig. 3. 1 Frise sur plaque calcaire. - 2 Frise en marbre. - 3 Stuc colorié (ces trois pièces sont à !4 grandeur). - Corniche en terre cuite (au 1/3e).
Une marne calcaire, à inclusions circulaires, d’un |261 rouge brique assez foncé. Cette dernière roche, qui a été employée dans le carrelage et dont j’ai retrouvé des blocs assez importants non encore débités, est susceptible d’un beau poli, bien qu’elle ne constitue pas ce qu’on appelle un marbre en terme architectural.
Ces variétés de calcaires compacts, utilisés dans la décoration et de couleurs très variées, devaient donner à l’aménagement intérieur de l’habitation une grande richesse ; mais, il est assez singulier de constater que, possédant des matières d’une aussi belle qualité, les décorateurs de l’édifice aient utilisé le schiste pour le carrelage et la mosaïque et la terre cuite pour les parties rouges de la mosaïque, car la dureté et l’effet décoratif de ces matières sont bien moindres que ceux des marbres. Il est probable que le schiste a été employé à cause de la grande facilité avec laquelle on peut le débiter en plaques minces et aussi à cause de sa coloration noire uniforme, que ne donnait pas le marbre veiné de blanc, employé avec lui. La terre cuite permettait d’ obtenir une couleur rouge plus vive que le calcaire argileux, dont la teinte est assez terne.
Il aurait été intéressant de pouvoir déterminer les lieux d’ origine de ces matériaux, mais cette recherche donne des résultats assez problématiques. En effet, beaucoup de carrières exploitées par les Romains sont abandonnées aujourd’hui ; d’autres, plus récemment ouvertes, donnent des matériaux semblables à ceux des carrières anciennes, et l’identification de fragments anciens avec les produits actuels des carrières est rendue encore plus difficile par le |262 mélange fréquent de marbres de couleurs variées dans un même banc.
Cependant, en comparant les débris anciens aux échantillons de la galerie de minéralogie du Muséum et, d’après l’avis de marbriers et d’architectes, on peut voir approximativement quelles sont les régions qui fournissent aujourd’hui des matériaux analogues aux marbres employés à Souzy, à l’époque romaine.
Aucun de ces matériaux ne provient des environs de la construction, car le bassin de Paris ne renferme pas de roches de cette nature.
Le schiste, comme je l’ai dit, provient, sans doute, de l’ouest de la France ; l’étage gothlandien comprend, à Feuguerolles (Calvados), un schiste ampéliteux très voisin de celui-ci.
Le marbre blanc se rapproche des marbres de Carrare en Italie ; mais il est difficile de le distinguer des marbres de Saint-Béat, dans la Haute-Garonne, qui, comme nous l’avons dit, étaient déjà exploités par les Romains.
Le marbre noir veiné et la brèche à fond rose offrent de grandes analogies avec des marbres de Belgique et de Hollande ; toutefois, la brèche rose ne paraît plus employée de nos jours ; elle proviendrait de carrières abandonnées depuis longtemps.
Le marbre jaune appartient à cette variété nommée jaune de Sienne, dont les carrières de Toscane fournissent de beaux échantillons.
La brèche à fond rouge offre de grandes analogies avec la brèche que l’ on exploite dans la vallée du Thoulonet, près d’ Aix, dans les Bouches du Rhône. |263
Le marbre bleu veiné de blanc rappellerait le bleu turquin, qui vient d’Italie.
Le marbre serpentineux est un cipolin, dont on trouve de semblables échantillons en Grèce.
La brèche violette et le marbre gris sont analogues aux marbres des Pyrénées, qui sont encore activement exploités.
Enfin, je n’ ai pu déterminer l’ origine probable de la marne calcaire rouge employée avec ces calcaires cristallins.
Bien que ces indications ne soient pas très précises, elles suffisent à montrer que les constructeurs de l’édifice de Souzy utilisaient des matériaux précieux, provenant de contrées diverses et souvent fort éloignées.
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Il nous reste maintenant à examiner ce que représentait le vaste ensemble de constructions que nos fouilles ont mis à jour et à fixer, si la chose est possible, la date approximative de cet édifice.
Tout d’abord, il faut se demander s’il s’agit d’un établissement isolé, ou d’un vicus de quelque étendue ne faisant partie d’un pagus distinct. Le nom seul de Souzy indique une origine antique ; Susiacus, remarque M. Héron de Villefosse21, qui a bien voulu visiter mes fouilles le 20 octobre 1912, est le même nom que Suisy, dans la Marne, où l’on a trouvé de nombreux objets gaulois et romains et désignait un fundus gallo-romain. Une ancienne voie romaine, détruite aujourd’hui par l’établissement d’un tramway départemental, |264 menait d’Arpajon à Souzy, en passant par Saint-Yon, localité qui montre encore une porte cintrée, qui paraît appartenir à un camp romain, établi sur la butte escarpée de Saint-Yon. La situation même de Souzy, bâti dans une étroite vallée, abrité par des collines boisées, tout près de sources d’eau vive, qui jouissaient encore, il y a peu de temps, d’une grande réputation, était favorable à l’établissement de constructions romaines, presque toujours situées à proximité des cours d’eau.
Il est incontestable que toute la vallée de la Renarde est riche en substructions et en débris antiques les fouilles anciennes et celles de 1912 n’ont certainement révélé qu’une partie incomplète des constructions élevées à la Cave-Sarrazine. Celles-ci devaient être connues dès le haut moyen âge, car les expressions de Murs aux Sarrazins, Murs Sarrazinois... étaient usitées, à cette époque, pour désigner les ruines romaines.
Au Sud de notre fouille, de l’autre côté de la route, sur le versant de la colline, il existait, disent les habitants de Souzy, une construction demi-circulaire très considérable ; complètement détruit aujourd’hui, cet édifice que, d’après la description qui m’ en a été donnée, on pourrait prendre pour un théâtre, a fourni plus de huit cents mètres cubes de pierre, qui ont servi à charger les routes voisines. Peut-être serait-il possible de retrouver les substructions arasées de cet édifice. Non loin de là, une petite butte doit cacher encore quelques ruines ; un petit ruisseau aujourd’hui perdu, mais qui était canalisé et dallé de larges pierres, conduisait l’eau de ce point aux ruines |265 que nous avons fouillées, en traversant la route. Autour de cette butte, on a trouvé une grande quantité de fragments de poteries samiennes ; quelques débris de vases, provenant de ce lieu, sont ornés de frises à personnages et de scènes de chasse ; l’un d’entre eux porte une frise à sujet érotique.
En plusieurs autres endroits, tout autour du village de Souzy et de l’autre côté de la rivière, existent des murs arasés. Ces murs romains étaient autrefois bien plus nombreux sur le terroir de Souzy-la-Briche ; beaucoup de maisons du village ont été construites avec leurs matériaux et l’on sait qu’en démolissant un gros mur du moulin de l’Escury, situé à 800 mètres environ de la Cave-Sarrazine, on découvrit, il y a une cinquantaine d’années, un torse d’homme en marbre blanc, qui n’a pas été publié, et une admirable petite tête d’adolescent en marbre blanc, comparable aux plus beaux chefs-d’œuvre de la statuaire grecque, qui a été signalée par M. Max. Legrand22 et par M. Héron de Villefosse23.
Dans toute la vallée, on a recueilli des monnaies romaines et notre ami G. Courty possède un vase en verre romain, à deux anses, bien intact et d’une forme très élégante, qui a été trouvé en 1911, à Villeconin, au moment de l’établissement de la voie du tramway d’Étampes à Arpajon.
Toute la région a donc été habitée à l’époque gallo-romaine et Souzy constituait peut-être alors un pagus ou territoire rural distinct assez étendu, |266 bien qu’aucune identification ne puisse en être proposée avec une localité portée sur la carte de Peutinger ou dans l’itinéraire d’Antonin. Il faudrait, pour avoir la preuve de l’existence à Souzy d’une circonscription romaine de quelque importance, posséder des données plus précises sur tout l’ensemble des constructions, qui existaient autrefois depuis le Moulin-Neuf jusqu’au-delà du village de Souzy ; il faudrait retrouver le tracé de ce que nous supposons avoir été un théâtre ; il faudrait avoir, à défaut des ruines couvertes par l’emplacement du village et détruites par la culture, un plan d’ensemble, donnant le tracé de leurs constructions et de leurs rapports réciproques. Une telle reconstitution paraît bien difficile à réaliser à l’heure actuelle, mais, si les fouilles sont poursuivies à la Cave-Sarrazine, il sera toujours possible de rattacher les découvertes ultérieures de constructions au tracé des murs que j’ai mis au jour, car j’ai fait placer des bornes à une distance déterminée de points de repère fixes et il suffira d’appliquer ces distances sur le terrain pour retrouver exactement l’emplacement des parties fouillées en 1912.
Quant à la destination de l’édifice que j’ai découvert, elle est encore douteuse. Depuis longtemps, ces ruines étaient désignées sous le nom de Bains ou Thermes romains ; une piscine, découverte non loin de l’hypocauste, au Sud-Ouest de nos fouilles, donnerait une certaine vraisemblance à cette opinion. Mais cette piscine a été découverte et détruite par un habitant du pays, qui a rapporté le fait à Max. Legrand, et ce renseignement manque de |267 précision. Cependant, la présence de deux petits bassins dans les salles que nous avons fouillées et des petites pièces carrelées, situées au Nord, que nous prenons pour des salles de bains, montre que l’eau était distribuée en abondance dans cet édifice. Toute cette petite vallée de Souzy est, d’ailleurs, riche en eau vive ; à cent mètres à peine des ruines, une source abondante, nommée la Fontaine de Cœur, forme un petit ruisseau qui va se jeter dans la Renarde. Cette source a passé, pendant longtemps, pour posséder des vertus thérapeutiques. Les habitants de Souzy la tiennent encore en haute estime, bien que ses qualités se réduisent à une grande pureté, due à la filtration de ses eaux au travers des sables de Fontainebleau des coteaux voisins et à la fraîcheur qu’elle tient de son émergence profonde.
Peut-être, les gallo-romains avaient-ils déjà remarqué cette source et celles qui l’avoisinent et en utilisaient-ils les eaux ; mais le nom de Thermes désigne, d’ordinaire, un établissement de bains public plus important et dont les piscines sont plus considérables que celles de Souzy. Il faudrait plutôt supposer que cette piscine, peut-être chauffée par l’hypocauste voisin, faisait partie d’une très grande habitation particulière ou Villa. D’après l’avis de M. Max. Legrand et d’après ce que nous avons fouillé, cette Villa aurait présenté un corps de bâtiment de 40 mètres environ de façade, orienté au Sud ; ce principal corps de logis, dont il ne reste pas de plan, mais dont une partie au moins pourrait se retrouver, viendrait sans doute se raccorder à l’aile sortante de l’Est que j’ai découverte, aux environs de la salle où |268 j’ai trouvé la mosaïque marquée en D sur le plan. Ce rattachement des deux bâtiments ne peut être affirmé d’ une manière certaine ; il faudrait pour cela continuer les fouilles sous le bois, dégager les substructions au Nord et surtout connaître la disposition qu’affectaient les salles, aujourd’hui détruites, découvertes antérieurement.
Il est incontestable que la partie fouillée en 1912 ne forme qu’une très petite portion d’un édifice considérable mais, étant donné ce qui est découvert, il me paraît prématuré d’attribuer à cet édifice une destination précise. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un sanctuaire, car on n’a trouvé aucun objet votif ni dans les ruines, ni alentour d’elles, et j’inclinerais plutôt à croire que nous avons affaire à une importante maison de campagne, divisée, à la mode romaine, en deux parties : la Villa urbana ou habitation richement décorée du maître, dont une portion serait représentée par l’aile fouillée en 1912, et la Villa rustica, comprenant les bâtiments d’exploitation rurale, qui s’étendrait à l’Est de cette aile, limitée par le mur incomplètement dégagé, que nous avons suivi dans cette direction.
Cette hypothèse, je ne me le dissimule pas, est loin d’être démontrée et mes fouilles, qui s’étendent sur une superficie d’une douzaine d’ares, ne sont pas suffisantes pour donner la solution de la question ; je n’ avance cette idée que comme une supposition destinée à être vérifiée.
Quelle époque peut-on assigner à cet édifice ? Les monnaies romaines, trouvées dans la vallée (nous avons dit qu’il n’avait été trouvé dans les ruines |269 qu’un petit bronze de Tetricus) ne permettent guère de se faire une opinion à ce sujet. En effet, elles appartiennent à toutes les époques de la domination romaine en Gaule, depuis Auguste (31 av. J.-C. à 14 après J.-C.), jusqu’à Maximin (383-388), avec une plus grande abondance, il est vrai, à l’époque des Antonins. C’est de cette époque (fin du IIe siècle) que paraissent dater les deux seules œuvres d’art trouvées à Souzy, ainsi qu’un beau chapiteau d’ordre composite en marbre blanc, trouvé dans les premières fouilles, publié par M. Max. Legrand24 et que possède le Musée d’Étampes.
Au milieu du IIe siècle et au IIIe, Souzy aurait donc vu une civilisation romaine florissante ; M. Max. Legrand croit cependant que les constructions de cette époque sont venues s’ajouter à des constructions antérieures, à cause de la présence d’un fragment orné, trouvé dans le massif de béton d’une mosaïque, découverte en 1865 ; cette pierre sculptée proviendrait d’un édifice démoli, dont les matériaux auraient été utilisés pour la nouvelle construction.
Je crois, pour ma part, qu’une partie tout au moins de l’édifice peut être postérieure à l’époque des Antonins ; le style de la grande mosaïque que j’ai découverte et sa coloration me semblent indiquer une date moins ancienne et peut-être une influence venue de régions orientales, au moment où Byzance devenait la capitale de l’Empire. La première absidiole, au Nord de la salle dans laquelle existe le bassin octogonal, pourrait bien avoir été ajoutée à l’abside plus |270 grande qui lui fait suite au Sud ; cette dernière est placée dans l’axe de la grande salle et du bassin ; son contour est régulièrement demi-circulaire et le blocage de ses murs ne présente pas de différence avec celui des parois voisines. L’abside du Nord, au contraire, est maladroitement dessinée ; elle se raccorde à l’abside du Sud par un mur moins épais, en matériaux de moins grandes dimensions, et ne forme pas une portion régulière d’ un arc de cercle. Il y a toute apparence qu’elle a été construite postérieurement à l’abside principale, par des ouvriers moins habiles. La diminution d’épaisseur du mur de la façade Est, à partir de la salle D, est aussi assez singulière, bien que la continuation de ces deux portions de murs soit tout à fait rectiligne. Le mur de la façade Ouest n’est pas absolument parallèle au mur de la façade Est. Il est beaucoup moins épais que celui-ci ; enfin, le carrelage B, si bariolé de coloration, s’éloigne de ce que nous connaissons en ce genre, à l’époque romaine du Haut-Empire.
Je ne serais donc pas étonné que le plan primitif de la construction ait été modifié par des additions postérieures et que cet édifice, dont la fondation peut remonter à l’ époque des Antonins ou même avant, ait été habité jusqu’à la fin de la domination romaine en Gaule, en subissant des modifications successives au cours des générations qui l’ont occupé. Comme nous ne possédons plus que les fondations des murs de la construction, il est impossible de savoir quel était l’appareil employé pour le parement extérieur de ces murs ; l’agencement de cet |271 appareil aurait pu fixer, approximativement, la date de la construction.
Tous les objets recueillis au cours de la fouille étant franchement romains, le dessin de la mosaïque, malgré les différences que j’ai signalées, se rapportant encore à l’époque romaine et les matériaux de ce pavage ne différant aucunement des matériaux employés dans les autres mosaïques, j’attribue au IVe siècle environ la construction de l’aile que mes fouilles ont mise à jour.
Quelle a été la cause de la destruction de cet édifice ? Les traces d’ incendie que j’ ai relevées dans la partie que j’ ai fouillée, et qui avaient été signalées par les explorateurs anciens des ruines dans d’autres parties, prouvent que l’ édifice a été anéanti par le feu. Les traces noires laissées sur la mosaïque et la calcination de certaines parties des murs, indiquent un embrasement général de
l’habitation, et M. Max. Legrand m’a montré des fragments de métal fondu trouvés autrefois dans les ruines, au milieu de cendres et de charbons, qui attestent la violence de cet incendie.
C’est sans doute à l’invasion des hordes barbares des Francs qu’il faut attribuer la ruine de l’établissement romain de Souzy-la-Briche. M. Max. Legrand a recueilli, dans les fouilles précédentes, une clef en fer mérovingienne et il a vu une calotte en fer trouvée dans les ruines, qu’il pense être l’umbo d’un bouclier franc.
Dès l’établissement de la dynastie mérovingienne et la défaite définitive des Romains en Gaule, l’édifice de Souzy-la-Briche devait être abandonné, car |272 aucun indice ne nous permet, actuellement, de penser que la civilisation mérovingienne se soit superposée, en ce lieu, à la civilisation romaine qui y fut longtemps si brillante.
Les dates approximatives que nous donnons pour la construction et la ruine de Souzy sont donc assez peu déterminées ; un document, extrêmement important à ce point de vue, a peut-être existé et sa connaissance aurait éclairci bien des points qui restent encore douteux. J’ai appris, en effet, à Souzy que vers 1860, avant les premières fouilles de la Cave-Sarrazine, on avait découvert, dans un champ, tout près des ruines, une grande dalle de marbre blanc portant une inscription. D’après l’ ouvrier, auteur de la découverte, que j ’ ai interrogé, la dalle mesurait, très approximativement, 1 m. 50 de long sur 0 m. 60 de large ; elle était rectangulaire, mais ses coins étaient abattus en pans coupés. L’inscription comportait deux colonnes de lettres de forme romaine et non gothique, car j’ai bien fait préciser ce point ; l’ouvrier n’a pu déchiffrer l’inscription, car il s’agissait d’une langue étrangère.
Au-dessous des deux colonnes de lettres, une ligne était composée de lettres semblables à celles du cadran de la montre de l’ouvrier, mais qu’il n’a pu non plus déchiffrer. La dalle, dont l’épaisseur pouvait atteindre 0 m. 10 environ, ne portait aucun ornement en dehors de l’inscription ; elle reposait à plat, sur un massif de béton de tuileaux ; analogue à celui employé pour les mosaïques. Le propriétaire du champ, avisé de la découverte, fit venir un antiquaire de Paris, qui se rendit acquéreur immédiatement de la |273 dalle, à un prix relativement élevé. L’ouvrier, qui m’a raconté le fait, se souvient d’avoir chargé la dalle dans une voiture, envoyée de Paris pour la chercher, avec l’aide d’un autre habitant de Souzy, mort aujourd’hui. Cette découverte passa complètement inaperçue, car seuls les ouvriers en eurent connaissance et n’ y attachèrent aucune importance et le propriétaire du champ se défit de la dalle très peu de jours après sa trouvaille.
La description donnée par cet ouvrier ne peut se rapporter qu’à deux objets une inscription romaine ou une dalle funéraire chrétienne postérieure au XVIe siècle. Trouvée tout près des ruines, dans un champ où abondent les fragments de marbres et de tuiles de l’époque romaine, sur un béton analogue à celui des pavages antiques, cette dalle me paraît plutôt représenter une inscription romaine, dont la lecture aurait certainement éclairé d’un jour nouveau l’histoire de l’époque romaine à Souzy-la-Briche.
Malheureusement, ce document précieux est demeuré introuvable ; le propriétaire du champ est mort et je n’ai pu retrouver le nom de l’antiquaire auquel il avait vendu la dalle. J’ai cherché si l’inscription figurait au Corpus, mais celui-ci ne contient rien sur Souzy ; peut-être a-t-elle été publiée dans ce recueil sous une fausse indication d’origine et nous devons, dès lors, la considérer comme définitivement perdue pour nous.
J’ai exposé le résultat de ma première exploration à Souzy, mais cette recherche est encore bien incomplète ; à la Cave-Sarrazine et aux environs, il reste |274 beaucoup à découvrir. Bien des questions, dont je n’ai pu donner la solution, demandent, pour être élucidées, des fouilles nouvelles ; ce sera, si les circonstances me le permettent, l’objet de travaux ultérieurs.
René de Saint-Périer, Dr en médecine.
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Bouteille gallo-romaine de Souzy (1/3 gr. nat. environ).
Notre collègue, M. Georges Courty, a bien voulu me communiquer et m’autoriser à publier la bouteille romaine ci-contre qui fait partie de sa collection. Elle a été découverte vers 1910, dans les travaux d’établissement de la ligne du tramway départemental d’Étampes à Arpajon, sur l’emplacement de la gare actuelle de Souzy-la-Briche. L’ouvrier qui recueillit la bouteille et qui eut l’adresse de ne la point briser ne reconnut autour d’elle aucun autre objet. Il semble qu’elle ait été isolée dans le sol.
Il s’agit d’un ballon en verre verdâtre, d’une pâte assez peu transparente, contenant quelques bulles d’air et qui mesure 27 centimètres de hauteur sur un diamètre de 18 centimètres.
Deux anses arrondies sont fixées au col du ballon par leur extrémité supérieure, au moyen d’une bague formée par deux gros fils de verre superposés. Cette bague est située sensiblement au-dessous de la moitié du col. Les anses sont constituées par trois colonnettes, séparées par deux gorges peu profondes ; à leur extrémité inférieure, elles s’évasent pour s’appuyer sur les flancs de la bouteille. Le pied est annulaire, formé par un boudin qu’une étroite rainure sépare de la panse. Le galbe général est dissymétrique, le goulot n’ occupant pas exactement la partie 25 médiane du pôle supérieur du ballon. Cette bouteille a contenu un liquide qui a laissé un dépôt noirâtre dans son tiers inférieur.
La forme de la bouteille de Souzy est bien connue à l’époque gallo- romaine. Elle se rapporte à ces vases de verre, nommés parfois diotas (du grec diotê ou deux oreilles) à cause de leur anse double et qui, communs surtout dans le nord de l’Empire romain, apparaissent dès l’époque des empereurs |44 syriens (IIIe siècle). Ils deviennent abondants à l’ époque de Constantin, surtout dans les inhumations postérieures à la seconde moitié du IIIe siècle. Leur usage a survécu aux invasions barbares et l’on en connaît dans des sépultures de l’époque franque26.
La bouteille de Souzy présente cependant une particularité. Alors que les anses sont, dans ce type, constituées par une simple colonnette de verre, notre bouteille porte des anses à trois colonnettes et constitue une variante de la forme 42 de Morin-Jean27. Ces anses triples se retrouvent dans d’autres |45 formes de bouteilles romaines, notamment dans une variante de la forme 4628 et de la forme 5229 du même auteur.
De quelle fabrique venait la bouteille de Souzy et quelle date pouvons-nous lui attribuer ? On sait que le verre soufflé, qui ne fut guère usité qu’à partir de Jules César (101-44 av. J.-C.), fut d’abord une industrie orientale et que les verriers syriens, après avoir importé leurs produits, vinrent s’établir ensuite en Italie, puis dans la Gaule méridionale et, enfin, dans la Gaule belgique et au nord de l’Empire. Aux IIIe et IVe siècles, il y eut des verreries importantes à Boulogne, à Amiens, à Strasbourg, à Trêves et surtout à Cologne, où florissait une véritable école de
verrerie d’ art qui concurrençait les produits des fabriques plus anciennes de Lyon et même de Rome. Au IVe siècle, les formes des verreries de Gaule ne diffèrent pas des formes syriennes. Mais, après Constantin, la décadence s’annonce par une coloration jaune mate de la pâte, par de nombreuses bulles d’air et des « filandres » ou filaments opaques, résultat d’une fonte insuffisante de la pâte du verre. Notre bouteille de Souzy n’offre point ces défauts ; elle n’est point tout à fait incolore, il est vrai, et n’a pas cette transparence qui faisait ressembler, au dire des Anciens, les beaux verres des Romains à des récipients de quartz. Mais, en tenant compte de l’ altération produite dans le sol, la qualité de sa pâte, un peu verdâtre et présentant peu de bulles d’air, permet de la rattacher à la bonne époque constantinienne, c’est-à-dire au milieu du IIIe siècle environ.
Ce fut peut-être un vase à usage funéraire, contenant un liquide destiné à la boisson du mort, comme le fait supposer l’enduit intérieur qu’elle contient, qui peut avoir été déposé par un vin épais. On a trouvé, en effet, des bouteilles tout à fait semblables dans des tombes du IIIe et du IVe siècles, notamment à Cologne et à Arcy-Sainte-Restitute (Aisne)30.
Souzy a été, on le sait, une station romaine de quelque importance et la présence de mosaïques et de substructions d’édifices assez considérables peut faire penser qu’il existait |46 dans le voisinage un cimetière. Celui-ci est inconnu encore, mais la belle bouteille en verre que nous venons de décrire est une présomption en faveur de sa présence à Souzy. Souhaitons que de prochaines découvertes confirment ce qui n’est encore qu’une hypothèse.
R. de Saint-Périer.
Par M. de Saint-Périer
À 12 kilomètres d’Étampes (Seine-et-Oise), au bord de la petite rivière la Renarde, le village de Souzy-la-Briche groupe ses quelques maisons dans une étroite vallée, limitée par des coteaux boisés, dans un site plein de fraîcheur, dont le charme pittoresque contraste avec la nudité un peu monotone des grandes plaines de Beauce des plateaux environnants.
Cette vallée, riche en sources d’eau vive, était, à l’époque gallo-romaine, un centre probablement d’une certaine importance, car les substructions de cette date sont abondantes, le long de la Renarde, entre les villages de Villeconin et ceux de Saint-Sulpice-de-Favières et de Boissy-sous-Saint-Yon. La butte de Saint-Yon, qui domine cette dernière commune, montre les traces d’une voie romaine et l’emplacement d’un camp antique, dont une porte est encore debout.
À 800 mètres à l’Est du village de Souzy, au lieu-dit « La Cave Sarrazine » les ruines d’un établissement gallo-romain important 31
ont été explorées en 1865 et en 188232, et cette recherche a amené la découverte de six mosaïques à dessin géométrique bien conservées.
Ces fouilles, que nous avons reprises en 191233 nous ont permis de retrouver une partie du tracé des bâtiments romains, restes d’ un édifice important, thermes ou peut-être plutôt, riche villa.
En 1913, continuant ces recherches, nous avons mis à jour, à 7 mètres |32 de la route de Villeconin à Saint-Sulpice-de-Favières, dans un champ cultivé, deux tours concentriques, encore incomplètement dégagées, qui se rattachent, par leur construction et les objets trouvés dans leurs substructions à l’édifice découvert en 1912, qui en est distant d’une centaine de mètres environ.
Bien que le tracé de ces bâtiments ne soit pas reconnu en totalité et qu’il soit impossible encore d’en dégager un plan d’ensemble, il est certain que la construction, qui remonte peut-être antérieurement à l’époque des Antonins, n’est pas postérieure au IVe siècle. Le style de la grande mosaïque, trouvée en 1912 et une pièce de monnaie de Constantinus, découverte en 1913, leur assignent approximativement cette époque.
C’est en procédant au dégagement de la tour extérieure, près de la route, qu’a été rencontré le 28 septembre 1913, le squelette d’enfant. Il gisait, sans apparence de sépulture, au milieu d’un mélange de débris de constructions provenant du bâtiment romain, dans lequel on rencontrait une grande abondance de tuiles à rebord, des fragments de stuc colorié en teintes plates, des tessons de poterie noire et grise, quelques gros clous à tête plate et des coquilles d’Ostrea et de buccins. Malheureusement, le sol, très dur à cette époque de l'année, n'a pas permis de dégager le squelette, sans en détruire certaines parties et nous n'avons pu retrouver que les fragments suivants : portion du crâne, comprenant les orbites et les frontaux, les pariétaux fragmentés, les temporaux et une partie de l’occipital. La face manque et la mandibule n'offre qu'une branche montante la plupart des os longs, épiphysés, ont été recueillis, mais les extrémités des membres, ainsi que les vertèbres et le bassin sont absents.
L'âge du sujet peut être évalué à moins de huit ans, car la dernière incisive latérale inférieure de remplacement qui fait éruption de huit à neuf ans est encore visible dans la mandibule, qui est fracturée à son niveau.
Ce squelette, trouvé au milieu de décombres nettement gallo-romains, environné de tegulae et de poteries de cette époque, est-il contemporain du bâtiment antique ? Voilà la première question que nous devons nous poser.
Il faut avouer que la situation des ossements, sans trace d’inhumation (absence de sarcophage, aucune indication d’un cercueil détruit, car les clous trouvés près du corps ne paraissent pas être les clous d'une bière en bois) semble assez paradoxale. Il aurait fallu, pour affirmer l'époque du squelette, rencontrer d'autres inhumations près de lui, ainsi qu'un mobilier funéraire nettement daté. Or, jusqu’à présent, aucune autre tombe n’a été relevée près du squelette et aucun mobilier funéraire ne l’accompagnait.
La patine des ossements est bien la même que celle des débris osseux recueillis au cours des fouilles en 1912 et en 1913, et qui sont attribuables à des rejets de cuisine (os de chèvre et de mouton, de bovidé, défenses de sanglier). Ces débris de cuisine, dont la date est certainement contemporaine |33 de la construction romaine, sont de même teinte que les os du squelette ; comme eux, ils portent les empreintes des racines des plantes qui ont tracé des sillons sur la face externe des os.
Mais, cette identité de patine ne prouve pas une égale ancienneté des ossements. On sait que cette patine peut être acquise au bout de quelques années seulement dans certains terrains et qu'on ne peut se fier à cette caractéristique pour dater, avec une suffisante exactitude, un débris osseux.
Nous ne pouvons donc pas, avant la découverte, près de l’emplacement du squelette, de tombes nettement gallo-romaines, affirmer l'époque à laquelle cet enfant a été enterré près des tours antiques de Souzy-la-Briche.
Il semble, jusqu'à présent, qu'il s'agisse d'un enfouissement clandestin, à une époque indéterminée, qui, par suite de circonstances fortuites, s'est trouvé réalisé dans un milieu archéologique, peut-être très antérieur.
La proximité de la route, la faible profondeur de l'inhumation (80 à 90 centimètres environ) permettent de supposer qu'il s'agit là d'un enterrement de hasard, à moins qu'une trouvaille ultérieure ne nous permette, un jour, de dater ces pièces avec plus de précision.
Nous n'aurions donc pas entretenu la Société de cette découverte, dont la date précise est pour nous encore indéterminée, si les lésions pathologiques que présente ce squelette ne lui donnaient un intérêt particulier.
En effet, les os du crâne montrent sur les frontaux, sur les pariétaux et à la partie supérieure du fragment de l'occipital recueilli, des oxostoses circulaires, saillantes, à surface criblée de canaux perpendiculaires à la surface de la néoformation osseuse, qui témoignent d'une affection ostéitique grave, ayant, très probablement, entraîné la mort du sujet.
Sur le frontal droit, à la partie supéro-postérieure de la bosse frontale latérale, existe une formation osseuse saillante, à peu près circulaire mesurant 30 millimètres de diamètre. Cette exostose, complètement isolée sur le frontal, mesure en son centre 8 millimètres de hauteur ; ses bords ne sont pas séparés du tissu osseux sain par un bourrelet ou un sillon, mais se confondent progressivement avec la surface externe lisse du frontal. Une série de canalicules, quelques-uns horizontaux, la plupart perpendiculaires au plan supérieur de l'exostose, lui donnent une apparence criblée et un faciès ostéoporotique. Plus accusées à la partie postéro-supérieure de la néoformation, ces cavités occasionnent en ce point, par leur réunion, une perte de substance dans l'exostose, assez analogue à un début de ramollissement de la formation. La partie supérieure présente un moins grand nombre de ces ouvertures canaliculées et son tissu apparaît, sur une petite étendue, comme éburné.
Symétrique à cette exostose, sur la bosse frontale latérale gauche, existe une formation analogue, plus petite, mesurant seulement 17 millimètres son apparence est, en tous points, semblable à celle de l’exostose |34 du côté droit ; à sa partie antéro-inférieure, on remarque la même confluence des canalicules de néoformation, aboutissant à la présence d'une perte de substance dans l’exostose.
Exostoses frontales. Faces supérieure et antérieure (3/4 grand. natur.)
Les cavités orbitaires, dans leur partie supérieure, montrent le même processus d’ostéite, à un stade de début. La surface externe de la table osseuse est criblée d’orifices canaliculaires perpendiculaires ; au voisinage de l'apophyse orbitaire externe du côté droit, une exostose saillante, encore très petite, montre l’ébauche d’une formation identique aux saillies plus considérables des frontaux.
Ces néoformations sont développées aux dépens de la table externe de |35 l’os ; la table interne n’est pas intéressée par le processus, le diploé ne montre pas de modification de sa structure, tout au moins à un examen macroscopique. Il est seulement augmenté d’épaisseur au niveau de la néoformation du côté gauche, où une fracture le rend visible. Enfin, cette partie du crâne est synostosée ; on ne voit plus trace de la suture métopique, malgré le jeune âge du sujet.
Sur le pariétal droit incomplet, on retrouve une exostose analogue, mais plus diffuse, moins nettement circulaire ; les canalicules, pressés les uns contre les autres, perpendiculaires à la surface de la formation, très nombreux, donnent à cette lésion l’apparence d’un gâteau de cire d’une ruche, lorsque le miel en a été retiré.
Sur un autre fragment de pariétal, on retrouve les mêmes caractères avec lésions moins nettement localisées que sur les frontaux ; il en est de même sur le fragment recueilli de l’occipital.
Les temporaux sont normaux ainsi que la mandibule ; la première prémolaire et la canine gauche, seules dents conservées, n’ont aucun caractère pathologique.
Enfin, l’examen dos os longs du squelette qui ont été recueillis ne montre aucune lésion.
Il s’agit donc, comme on vient de le voir par cette courte description, de lésions d’ostéite, lésions nettement délimitées, multiples, frappant uniquement, parmi les os recueillis, les os crâniens.
L’absence de la face est regrettable, a ce point de vue, car elle aurait pu présenter des lésions pathologiques (léontiasis ?) intéressantes ; en tous cas, les os des membres sont indemnes.
À quelle cause attribuer ces exostoses ?
On peut éliminer, de suite, les traumatismes ; il faut, évidemment, rapporter ces lésions à des phénomènes de prolifération de cause inflammatoire, à une ostéite grave, d’origine infectieuse.
S’il est vrai de dire que les lésions inflammatoires constituées des os n’ont pas toujours un caractère spécifique nettement déterminé et que des processus irritatifs d’origines diverses peuvent aboutir à des lésions osseuses d’apparence assez analogue, on peut néanmoins, à notre sens, serrer le problème de plus près.
En procédant par élimination, nous mettrons d’abord de côte les fièvres éruptives, les grandes infections aiguës, fièvre typhoïde, peste, choléra, etc. Nous rejetterons également la tuberculose, dont les lésions osseuses ne présentent pas cette apparence.
Le rachitisme nous retiendra plus longtemps ; les lésions osseuses du rachitisme sont, en effet, la caractéristique de cette affection. Mais nous ferons observer que le rachitisme atteint, de préférence, les os longs et que ceux-ci sont précisément, dans notre sujet, les seuls qui ne soient pas atteints ; le rachitisme donne sur les côtes des nodosités et des altérations que ne montrent pas les côtes de notre squelette ; le rachitisme crânien s’accompagne de la saillie exagérée des bosses frontales et de la |36 persistance des fontanelles. Or, nos pièces montrent des bosses frontales très normales et une synostose prématurée du crâne.
Reste enfin la syphilis et c’est, à notre avis, à cette infection qu’il faut rapporter les lésions du squelette trouvé à Souzy. Tout milite en faveur de cette hypothèse : la multiplicité des lésions, leur siège, bien que celui-ci ne soit pas exclusif et que les lésions syphilitiques des os des membres soient fréquentes, l’apparence des néoformations. L’aspect criblé des lésions, causé par la perpendicularité à leur surface des canalicules de passage des vaisseaux de néoformation, est un signe de lésions osseuses syphilitiques sur lequel Virchow avait déjà insisté. Ces pertes de substance, très limitées, mais qui n’étaient qu’un début de ramollissement, que nous avons observées sur les exostoses, rappellent ces lésions perforantes de la syphilis crânienne, qui peuvent amener une complète destruction de l’os, sur une certaine étendue. Les lésions de notre pièce, encore au stade de début, auraient pu aboutir à ces perforations ou à ces cicatrices fibreuses, étoilées, limitées par du tissu éburné ou un bourrelet d’ostéophytes, que l’on voit à la période ultime de l’évolution des lésions syphilitiques crâniennes.
On pourra nous objecter que les dents du squelette de Souzy n’ont pas cette apparence crénelée des dents, dites d’Hutchison, si fréquentes dans la syphilis héréditaire, qui est évidemment, étant donné l’âge du sujet, celle à laquelle il faut penser dans ce cas.
Mais ce sont les incisives surtout qui montrent les caractères des dents crénelées et notre mandibule ne possédait plus ces incisives.
Écartant donc les infections susceptibles d’amener des lésions osseuses analogues à celles que nous venons de décrire, nous attribuons, par élimination et aussi à cause de leur apparence macroscopique, les lésions du squelette que nous avons trouvé à Souzy, à la syphilis héréditaire.
On voit maintenant l’intérêt considérable qu’aurait présenté ce squelette, s’il avait été possible de le dater d’une façon certaine. Il aurait pu apporter un document nouveau à une question encore non élucidée : la présence de la syphilis, avant le XVe siècle, en Europe.
Mais, il ne nous est pas possible encore d’être affirmatif sur la date de ce squelette et la plus grande prudence est nécessaire, dans cette matière, lorsque la stratigraphie n’est pas nettement établie.
Nous avons voulu seulement, en attendant, si la chose est jamais possible, que cette trouvaille soit mieux datée, présenter ces pièces, sans leur attribuer d’époque, à cause de l’intérêt anatomo-pathologique qu’elles présentent.
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Par le comte de Saint-Périer.
Il ne s’agit pas d’une découverte récente, car il y a plus d’un siècle que ce monument gallo-romain était connu. C’est en 1842 que les travaux d’établissement de la ligne de Paris à Orléans mirent à jour sur le territoire de la commune de Saclas l’une de ces grandes bornes que les Romains plaçaient de mille en mille pas pour jalonner les grandes voies, soigneusement bétonnées et couvertes de grandes dalles, qui réunissaient les principales villes de l’Empire. Notre borne mesurait 1m80 de hauteur. Cylindrique, en calcaire assez grossier, mais taillé d’une seule pièce, elle portait comme il était d’usage les salutations impériales de l’empereur qui en avait décidé l’érection avec la mention au-dessous : millia passuum, c’est-à-dire mille pas, distance qui la séparait de ses voisines.
Cette borne avait été placée sur le territoire de Saclas par l’empereur Aurélien, qui régna de 270 à 275 après J.-C. et qui reconstruisit et embellit la ville de Genabum, sur la Loire, à laquelle il donna son nom, Aurelianum, dont nous avons fait Orléans.
Notre borne évoquait avec les fastes impériaux : père de la patrie, consul, grand-prêtre, etc..., les victoires de cet empereur sur les Goths, les Parthes et les Daces, fruits des talents militaires de ce général élevé à la pourpre impériale par ses soldats, qui l’assassinèrent après cinq ans de règne, à la suite d’une de ces révoltes de palais qui réglaient si souvent la destinée des empereurs.
Entre sa ville d’Aurelianum et Lutetia, sa capitale de Gaule, Aurélien avait fait placer ces bornes, dont une seule a été retrouvée après plus de quinze siècles d’enfouissement dans le sol, près de ce village de Saclas situé à mi-chemin environ entre Lutetia et Genabum.
Le nom de Salioclita, « village des saules », qui fut certainement inspiré par la végétation des rives de la Juine, que la voie romaine traversait en ce point, est devenu par métathèse Sacliolita d’où est dérivé notre moderne Saclas. Salioclita est indiqué dans l’itinéraire d’ Antonin, sorte de carte des voies romaines de la Gaule, établi par l’empereur Antonin à la fin du IIe siècle, ce qui prouve l’ antiquité de cette voie de communication qui reliait Genabum à Lutetia.
Nous évoquons aujourd’hui le souvenir de ce petit monument précisément parce qu’il n’est plus hélas ! qu’un souvenir : nous venons d’apprendre, en effet, qu’il a été détruit en 1940, au cours des bombardements d’Orléans. Il avait été déposé, lors de sa découverte, au Musée archéologique de cette ville, où tous les visiteurs ont pu l’examiner dans la cour d’entrée parmi d’autres témoins régionaux de la grandeur romaine. Son inscription est heureusement publiée dans le Corpus des inscriptions latines, mais le monument lui-même a disparu avec tant d’autres vestiges intéressants.
Le malheur a voulu que notre petite ville d’Étampes ne possédât pas encore de Musée en 1842, lors de la découverte de la borne de Saclas : elle y eût certainement été déposée et ainsi préservée des haïssables destructions de la guerre.
Le petit vase qui fait l’objet de cette note a été trouvé en 1920 par M. Riche, maire de Morigny, dans un pré tourbeux, récemment labouré, sis au lieu-dit Malassis, commune de Morigny, à quatre kilomètres d’Étampes (Seine-et-Oise). Le labour avait ramené à la surface, en même temps que le vase, un assez grand nombre de tessons de poterie, les uns grisâtres, d’autres en terre rouge vernissée, appartenant à cette poterie dite samienne, incontestablement gallo-romains. Aucune fouille systématique n’a été pratiquée dans le champ, mais la proximité d’une rivière permet de penser qu’elles seraient sans |279 |280 grand intérêt, car la nappe d’eau n’est qu’à 0 m 50 de la surface du sol, et il est peu probable que des substructions d’un édifice de quelque importance puissent se trouver dans un semblable terrain. Il est utile de rappeler que des objets gallo-romains ont été trouvés non loin de ce point, à diverses reprises, notamment une statuette de Mercure en bronze36.
Le vase mesure 0 m 058 de hauteur sur une largeur de 0 m 079 et une profondeur de 0 m 035. Il se termine, à sa partie inférieure, par un pied qui a été brisé anciennement. Son bord supérieur présente, vers l’intérieur du vase, un rebord circulaire légèrement excavé, qui rétrécit l’ouverture ; celle-ci mesure 0 m 038 de diamètre. Ce prolongement est interrompu sur une largeur de 0 m 015 par une encoche un peu irrégulière qui s’avance jusqu’à 0 m 011 du bord extérieur. La pâte du vase est d’un noir mat ; elle est semée de quelques petites paillettes micacées. On voit, surtout au voisinage du pied, les traces circulaires du tour qui a servi à fabriquer le vase.
Cet objet n’est point unique. Le Musée de la Société archéologique d’Eure-et-Loir, à Chartres37, renferme, en effet, un vase absolument comparable au vase de Morigny. Sa forme est seulement plus conique ; l’encoche du prolongement de son bord présente une section carrée plus régulière. Son pied est également brisé anciennement. Il mesure 0 m 070 de hauteur sur une largeur de 0 m 082 et une profondeur de 0 m 050. Sa pâte est d’un rose jaunâtre. Il est porté au catalogue sous la mention : Fragment de vase en terre jaune, époque gallo-romaine. Donation Doré-Delante, et comme indication d’origine : Trouvé sous les fondations de la maison Châles, épicier, 1880.
À quelle époque faut-il attribuer ces vases et quel était leur usage ? Des deux exemplaires que j’ai pu examiner, l’un, celui de Chartres, n’est point daté, et l’autre |281 a été trouvé avec des tessons certainement gallo-romains. C’est donc à cette époque que je les rapporte, opinion que corrobore (bien que cette preuve soit insuffisante) l’apparence de leur pâte.
Leur usage m’est inconnu. Aucune trace de la matière qu’ont pu contenir ces vases n’est demeurée attachée à leur paroi intérieure. Leur rebord circulaire écarte l’hypothèse de vases à boire. On pourrait penser à une lampe, l’encoche servant alors à laisser passer la mèche, mais les lampes romaines sont plus plates et se prolongent d’ordinaire en un bec, surtout dans les formes primitives qui se rapprocheraient un peu de la forme de nos vases.
La présence du pied brisé, qui indique la présence d’un support élargi servant à poser le vase sur un plan, porterait à supposer que ces vases ont pu servir sur une table, peut-être à contenir un condiment que l’on aurait puisé au moyen d’une cuiller reposant dans l’encoche, comme nos saucières actuelles. Enfin, l’hypothèse d’un creuset peut être envisagée, bien qu’aucun résidu de creuset de fusion ni qu’aucune trace de feu ne soit visible sur ces vases.
Il serait intéressant de rechercher s’il existe des vases semblables exactement datés dans les collections publiques ou privées. La comparaison de leurs formes apporterait peut-être quelque lumière sur l’usage auquel ils étaient destinés. C’est pourquoi j’ai cru devoir attirer sur ces curieux objets l’attention de la Société des Antiquaires de France38.
Ce petit vase a été découvert, en 1920, par M. Riche, maire de Morigny, qui a bien voulu me le communiquer. Il avait été ramené à la surface du sol par le labour d’un pré au lieu-dit Malassis, entre le parc de Brunehaut et celui de Jeurres, avec de nombreux tessons de poterie, les uns de pâte grisâtre peu caractéristique, d’autres en terre rouge vernissée, dite samienne, certainement gallo-romains. Ces tessons me paraissent devoir dater notre vase de cette époque gallo-romaine, d’autant mieux que le lieu de la découverte est situé sur le trajet approximatif de la voie romaine d’Arpajon à Saclas, jalonné par de nombreuses découvertes d’objets du même âge, notamment une statuette de Mercure, en bronze, conservée au Musée d’Étampes.
Ce vase, en terre noire, fait au tour, présente à sa partie inférieure l’amorce d’un pied brisé. Son bord supérieur se prolonge à l’intérieur du vase en formant une sorte de gouttière, légèrement excavée, qui est interrompue en un point par une encoche irrégulière. Cette disposition est si particulière que je n’ai trouvé jusqu’ici aucun objet analogue dans les publications relatives à 1’art mobilier gallo-romain. 39
Cependant ce vase n’est pas tout à fait isolé : en effet, le Musée de la Société Archéologique d’Eure-et-Loir, à Chartres, possède un vase en terre jaunâtre, plus conique que celui de Malassis, mais de même dimension, portant aussi l’amorce d’un pied brisé et montrant la même disposition singulière du bord supérieur. Ce vase provient de la |26 collection Doré-Delante. Il a été trouvé sous les fondations d’une maison de Chartres en 1880.
J’ai communiqué le vase de Malassis à la Société Nationale des Antiquaires de France, le 4 novembre 1920. Aucun des membres de cette Société n’a paru connaître la forme spéciale de notre vase, ni l’usage auquel il a pu être destiné. M. Toutain a émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’un creuset, mais la présence d’un pied et l’absence d’un bec, destiné à faciliter la coulée, me font penser que cette destination est bien problématique. J’avais songé à rapprocher ce vase des lampes, soit romaines, soit médiévales ; mais on ne trouve aucune forme de lampe romaine qui se rapproche de notre vase. Quant aux lampes médiévales, assez communes dans les collections40, elles présentent toutes un bec qui manque ici. Enfin, j’émettrai une troisième hypothèse, fondée sur la présence de l’encoche : il a pu s’agir d’un vase destiné à recevoir un condiment quelconque, qui pouvait se tenir debout sur une table, au moyen du pied dont nous voyons encore l’amorce, et dont l’encoche avait servi à soutenir une cuiller pour prendre le condiment, comme dans nos moutardiers actuels.
Quoi qu’il en soit, ce petit objet, fort intéressant par sa rareté même, montre combien il reste de problèmes à résoudre avant que nous soit tout à fait connu l’ art mobilier gallo-romain. Je serais particulièrement reconnaissant aux membres de la Société qui connaîtraient un objet analogue, publié ou inédit, de me le signaler, afin de permettre d’élucider ce petit point obscur d’archéologie gallo-romaine.
R. de Saint-Périer.
par le Comte de Saint-Périer
À la fin du mois de mai dernier, M. Roger Cavoisy, habitant de Morigny, qui suivait, pour gagner Étampes, le chemin si fréquenté des Champains, aperçut peu après la sortie du village un grand fragment de poterie posé contre un poteau télégraphique. Il apprit, après une enquête, que ce tesson avait été placé là par un cultivateur qui l’avait trouvé sur un petit chemin de terre joignant la route du cimetière au chemin des Champains, en face des dernières maisons sur la route. C’est en passant avec sa herse qu’il l’avait détaché du sol.
M. Cavoisy a bien voulu nous remettre l’objet de sa découverte, que nous destinons au Musée d’Étampes.
C’est un fragment d’un grand vase, qui mesure 25 centimètres sur 40, d’une épaisseur de 2 centimètres à la panse ct de 4 centimètres au bord, et qui pèse 2 kilos 725. La pâte en est fine, bien cuite, de teinte rosée, très lisse. La panse est ornée de trois cercles en relief habilement exécutés, qui devaient se poursuivre régulièrement tout autour. D’ après la courbure, le vase devait 41 atteindre de 75 à 80 centimètres de diamètre, et d’après la pente de la panse, il ne devait pas être très élevé, mais au contraire de forme surbaissée, ne dépassant peut-être pas 60 centimètres de hauteur. Il ne peut s’agir que d’un dolium gallo-romain, grande jarre de terre cuite dans laquelle les anciens conservaient ou transportaient du vin, le plus souvent, et aussi de l’huile, des grains, des fruits séchés, figues ou raisin.
Ces vases de grandes dimensions furent en usage dès la plus haute antiquité, puisque Schliemann en a trouvé de nombreux dans la ville préhistorique qu’il attribuait à Troie. La littérature et les légendes confirment ces découvertes archéologiques quand elles nous disent que des hommes pouvaient se cacher dans ces tonneaux, que les pauvres même y vivaient parfois, que le philosophe Diogène y avait, par simplicité, élu son domicile, que le malheureux Piasos y fut noyé par son indigne fille Larissa.
Il existe des vases à provisions purement gaulois qui atteignent ces grandes proportions, mais ils sont d’une forme et d’une facture différentes et d’ une qualité de poterie inférieure à celle des Romains. Ce fragment ne peut être non plus attribué au Moyen Age, ni par sa nature, ni par son dessin.
Il est intéressant de noter cette découverte à Morigny, parce que peu de vestiges romains y ont été trouvés, quoique la terminaison en y de son nom soit une présomption à peu près certaine d’un ancien domaine (fundus) gallo-romain, comme Souzy, où l’on sait l’importance de l’occupation romaine, par les mosaïques et tous les objets qui les accompagnaient.
À Morigny, des découvertes romaines ont été faites à Brunehaut, à Saint-Phallier, à Malassis, dans la carrière de Jeurre, où nous avons trouvé nous-mêmes une poterie rouge sigillée, dite samienne. Tous ces points jalonnent la grande route, qui était la voie romaine de Lutetia à Genabum, c’est-à-dire de Paris à Orléans. Les découvertes dans le reste de la commune ont été limitées à quelques monnaies dans les jardins.
Jusqu’ici rien n’avait été signalé dans cette partie du village, qui a été habitée au Moyen-âge autour du cimetière et de l’ancienne église, mais qui ne semblait pas l’avoir été à l’époque gallo-romaine.
C’est ce qui donne un intérêt particulier à cette petite découverte.
Fragment de dolium gallo-romain trouvé à Morigny en 1950
Par R. de Saint-Périer.
Les deux chaudrons en bronze, que nous figurons ci -contre, ont été découverts à l’automne de 1937, par des ouvriers carriers qui exploitaient le banc de grès stampien au lieu-dit « Le bois de Baulne », sur la commune de Baulne, canton de la Ferté-Alais (S.-et-O.).
Après avoir fait sauter à la mine une grosse roche, éboulée en avant du banc gréseux en place, les ouvriers aperçurent les deux chaudrons emboîtés l’un dans l’autre, reposant sur leur flanc et non sur le fond, et presque totalement enfouis dans le sable sous-jacent à la roche. Ils les dégagèrent et constatèrent, non sans regrets, qu’ils ne renfermaient que du sable. Aucune pièce de monnaie et aucun autre objet ne gisaient autour d’eux. Abandonnés sur le sol, les chaudrons furent remarqués quelques semaines plus tard par un camionneur venu charger un lot de pavés dans la carrière. Il emporta le plus grand des chaudrons à Étampes, où M. Lasserre, Secrétaire de la Mairie et Membre de la Commission du Musée, informé de la découverte, nous en donna connaissance. C’est ainsi que nous pûmes retrouver nous-même le second chaudron dans la carrière et questionner les ouvriers qui les avaient recueillis. Lors de notre recherche, la disposition des lieux avait été déjà modifiée par l’exploitation continue du grès et il ne nous fut guère possible de fixer avec 42 précision le point où gisaient les chaudrons. Cependant, les ouvriers, auteurs de la découverte, nous dirent qu’ils les avaient trouvés sous une roche faisant partie d’un chaos d’éboulement en avant du banc, mais loin de la partie libre du sol, à 10 mètres au moins de celle-ci, sous le chaos, ce qui suppose ou bien qu’une galerie de cette longueur avait été creusée sous les roches pour y déposer les chaudrons ou bien que de nouvelles roches seraient venues s’ébouler entre le lieu du dépôt et la table gréseuse, ce qui paraît peu vraisemblable. Les deux pièces ont été données par nous au Musée d’Étampes.
Le plus grand des chaudrons mesure 0m323 de diamètre intérieur au niveau de son ouverture et 0m310 seulement de diamètre perpendiculaire, en raison d’une légère déformation ; sa profondeur est de 0m225. Il est constitué aux dépens d’une feuille de bronze mince, qui fut sans doute découpée d’abord circulairement, en ménageant les oreilles, puis, redressée et martelée, peut-être sur une forme en bois. On obtint ainsi le récipient sans le secours d’aucune soudure, |193 ni d’aucun rivet. Aucune trace de martelage n’est restée visible sur l’objet, dont la technique est parfaite. Le bord, rabattu sur 0m01, montre deux oreilles triangulaires mesurant 0m10 de largeur à leur base sur 0m066 de hauteur. Elles portent à leur partie inférieure une perforation circulaire, dans laquelle s’engage une anse cylindrique en fer dont l’extrémité libre, grossièrement appointée, est repliée sur l’oreille. Il ne subsiste que la moitié environ de cette anse.
Au-dessous du bord, les flancs du chaudron affectent d’abord la forme d’un cylindre, puis, s’évasent progressivement jusqu’à une arête circulaire, qui limite le fond en forme de calotte hémisphérique de 0m382 de diamètre extérieur. Il est difficile d’apprécier exactement l’épaisseur de la paroi : le bord atteint 0m003, mais il est couvert d’un dépôt d’oxydation ; au niveau de l’arête, qui présente des pertes de substance, l’épaisseur du métal, très altéré par suite de son long séjour dans le sol, ne dépasse pas celle d’une feuille de papier. Il n’est pas possible d’admettre qu’elle représente l’épaisseur réelle de l’objet au moment de la fabrication. On peut affirmer cependant que l’épaisseur initiale de la feuille de bronze ne devait pas atteindre 0m003, comme nous le montrent les bords, et qu’elle était moindre encore sur les flancs du chaudron et surtout au fond, où le martelage dût être plus accentué.
Nous avons évalué la capacité de notre chaudron en aveuglant les pertes de substance au moyen de bandes de papier collées et en le remplissant ensuite de sable sec et très fin. Nous lui avons reconnu ainsi une capacité de 23 litres qui, bien qu’un peu moins précise que |194 si nous avions pu opérer avec un liquide, doit être cependant très proche de la réalité.
Le second chaudron est du même modèle et de la même technique que le premier. Il mesure 0m250 de diamètre intérieur, sur une profondeur de 0m165 et une largeur extérieure, à l’arête, de 0m300. Les oreilles, de 0m084 de largeur à la base sur 0m028 de hauteur, sont également perforées circulairement, mais il ne subsiste qu’une partie insignifiante de l’anse. Les ouvriers de la carrière nous ont dit qu’elle était encore en place au moment de la découverte, mais qu’elle s’était effritée et fragmentée presque aussitôt. L’épaisseur de la feuille de bronze de ce chaudron paraît avoir été un peu inférieure encore à celle du premier. Elle ne dépasse pas, en effet, 0m002 au bord, recouvert de dépôts d’oxydation comme le premier. Les mêmes pertes de substance se remarquent au niveau de l’arête, où le bronze est réduit à une épaisseur infime. La capacité, jaugée comme celle du chaudron précédent, est de 10 litres. Le poids de ce second chaudron est de 730 grammes ; nous n’avons pu évaluer le poids du premier, car il n’est pas possible d’en détacher l’anse rompue, complètement transformée en oxyde de fer, et par là même d’une fragilité extrême, perdant même des fragments de sa substance au moindre choc.
Les chaudrons en bronze n’apparaissent qu’à la fin de l’Age du Bronze, époque que la présence d’anses en fer ne permet pas d’attribuer aux chaudrons de Baulne. Au premier Age du Fer, ils se montrent plus abondants, munis d’anneaux et non d’anses en fer, et leurs formes, assez analogues à celles de la période précédente, différent des nôtres43. Aux deux premières phases de l’Age de La Tène, les chaudrons de bronze, de dimensions très variées, présentent un type à peu près uniforme, hémisphérique. C’est seulement à la fin de cet âge qu’ils offrent parfois un profil qui rappelle celui des nôtres, comme le bel exemplaire découvert à Emmendingen (duché de Bade)44. Mais, à l’époque de La Tène comme à celle de Hallstatt, les chaudrons portent, au lieu d’une anse, deux anneaux de suspension adaptés à un cercle de fer de 0m060 à 0m070 de largeur, replié et riveté sur le bord supérieur du vase. Ces anneaux servaient à suspendre le chaudron au-dessus du feu au moyen d’une crémaillère à deux tiges terminées par un crochet qu’on passait dans l’anneau. Le chaudron d’Emmendingen était accompagné d’une de ces crémaillères45.
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L’anse de nos chaudrons, destinée aussi bien à la préhension qu’à la suspension au-dessus du foyer, est fixée, nous l’avons vu, par un procédé plus simple, le passage dans la perforation des deux oreilles ménagées sur le chaudron, procédé qu’on ne rencontre que plus tardivement. En effet, l’on connaît d’Alise Sainte-Reine des pièces tout à fait comparables aux nôtres. Il y a été découvert en 1906, dans un puits profond de la maison dite du Silène, cinq chaudrons en bronze mince, de 0m270 à 0m310 de diamètre, dont l’anse passe à travers deux oreilles et dont le galbe est également très voisin des chaudrons de Baulne46. Nous avons pu constater, en examinant, au Musée de Saint-Germain, les moulages (nos 50.827 et 29) de deux chaudrons d’Alise, leur grande analogie, surtout pour l’un d’eux, avec les nôtres.
D’autre part, nous devons à M. Schaeffer, Conservateur-adjoint du Musée des Antiquités Nationales à Saint-Germain, que nous sommes heureux de remercier ici de son extrême obligeance, la mention et le croquis d’un chaudron à pied dont l’anse traverse deux oreilles relevées, découvert à Waldkirch (ancien duché de Bade), dans un milieu daté, non postérieur à Hadrien.
Nous retrouvons encore ce mode d’attache de l’anse sur de nombreux vases en bronze découverts en différents points de l’ancien territoire de la Germanie, soit dans des sépultures, soit dans des cachettes, vases dit de Hemmoor et vases à cannelures47. Quelques-uns présentent, en outre, le même profil que nos pièces. Or ces vases de Germanie sont assez exactement datés, s’échelonnant depuis 150 après J.-C. jusqu’au milieu du IIIe siècle. Ils n’ont pas été retrouvés jusqu’ici dans les nécropoles romaines du IVe siècle en Germanie. Et cependant leur type s’est prolongé tardivement ailleurs puisque, en Angleterre à Long Wittenham (Berkshire), une sépulture chrétienne de la première moitié du VIIe siècle, contenait un squelette de jeune homme accompagné de divers objets mobiliers, dont un chaudron en bronze semblable aux nôtres, aussi bien par sa forme caractéristique que par le dispositif de son anse en fer (British Museum)48.
Ces diverses comparaisons nous permettent de rattacher les chaudrons de Baulne à l’époque gallo-romaine, sans qu’il soit possible de préciser davantage, en raison de l’absence autour d’eux de tout autre objet. Il semble donc que si la fabrication des chaudrons en bronze martelé remonte à la fin de l’Age du Bronze, c’est seulement à une |196 époque bien plus récente, aux premiers siècles de notre ère, qu’une seule anse fut directement adaptée au récipient grâce à des oreilles découpées dans le métal et perforées. Ce procédé, beaucoup plus simple que le premier, n’est donc pas primitif, ce qui confirme l’observation que les techniques les plus compliquées sont souvent les plus anciennes et que le progrès réside dans leur simplification. Ces deux chaudrons enterrés profondément sous des roches, dans un bois, au sommet d’un coteau, loin de toute voie antique et de tout vestige d’habitation humaine, paraissent bien avoir été cachés. Les populations des premiers siècles n’habitaient évidemment plus sous les roches, mais elles purent y chercher un abri momentané lors des grands troubles du IVe et du Ve siècles, soit pour elles-mêmes, soit pour les objets qu’elles voulaient conserver. On a découvert récemment sous des roches dans la région de la Ferté-Alais, non loin de Baulne, d’assez nombreux tessons de poterie gallo-romaine qui révèlent au moins une occupation passagère. Mais, d’autre part, nos chaudrons ont été fort peu utilisés, si même ils n’étaient pas absolument neufs lors de leur enfouissement. En effet, la très faible épaisseur du bronze de ces récipients, qui permettait de chauffer rapidement leur contenu, les rendait très fragiles et la plupart d’entre eux portent de nombreuses réparations : les chaudrons d’Alise sont criblés de pièces rivetées, quelques-unes même superposées, et le fond de l’un a été refait complètement. Au contraire, les chaudrons de Baulne ne montrent aucune trace d’usure, ni de restauration Ils ont dû être enterrés à peu près neufs dans une période troublée, soit par un habitant de la région, soit par un colporteur, qui voulaient les mettre ainsi à l’abri du pillage et qui ne les ont jamais retrouvés.
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Nous donnons ici d’abord quelques pièces relatives au projet de Carte archéologique de la Gaule romaine, auquel Saint-Périer fut officiellement associé à partir de 1927, projet pour lequel il est signalé encore en 1943 comme étant toujours « sur la brèche »49 50.
Nous y joignons deux brouillons manuscrits apparemment plus anciens, l’un relatif au cimetière de Saclas, l’autre au site de Jeurre.
Ces pièces se trouvent dans un petit fonds donné par sa veuve la comtesse de Saint-Périer aux Archives départementales de Seine-et-Oise, et aujourd’hui conservé aux Archives départementales de l’Essonne (B. G.).
La trouvaille dont il est question ici tout d’abord sera estimée plus tard médiévale, mais la suite est d’intérêt gallo-romain (BG.).
Le 22 avril 1913, été à Saclas avec Henri de Saint-Léon.
À l’occasion de l’agrandissement du cimetière de Saclas, décidé par la commune de Saclas, des fouilles sont pratiquées au lieu-dit « Sous le Cimetière », du côté O. du cimetière actuel et tout à côté de lui. Cette fouille, exécutée dans le but d’enlever les roches de grès éboulées du coteau, afin d’obtenir un sol meuble permettant les inhumations, s’étend parallèlement à la route qui monte sur le plateau, sur une longueur d’une vingtaine de mètres.
On a commencé par trancher à pic le remblai que forme la pente du coteau au-dessus de la route et on a découvert de 80 centimètres à 1 m. de profondeur de nombreux squelettes enterrés, les pieds au N. E. pour la plupart. Certains de ces squelettes sont en place et complets, mais beaucoup d’ossements 51
épars semblent indiquer des relèvements anciens de cadavres. Ces squelettes sont superposés, sans aucune trace de cercueil. Une grosse pierre, en forme de borne, indiquerait, d’après l’ouvrier qui fait la fouille, l’emplacement de chaque squelette complet. Je n’ai pu voir aucune de ces bornes, qui n’avaient pas été conservées. Sur quelques emplacements de sépulture, on aurait trouvé quelques pierres (calcaire de Beauce) brutes, sans inscription, ni décoration.
Le mobilier funéraire comprend uniquement des vases en terre cuite rouge, percés, dans lesquels on aurait trouvé des charbons et des cendres. Quelques tessons de poterie, noire et grise, romaine ? ont été également rencontrés. Aucun objet métallique, ni monnaie.
*
* *
Le vase était sur le thorax ? ou au pied des squelettes ; je n’ai pu faire préciser le fait.
J’ ai rapporté un de ces vases, qui m’a été donné par M. Auclert, maire de Saclas ; on en a trouvé |2 sur un certain nombre.
Rapporté : 2 crânes
1 fémur S |3
Au-dessus du cimetière, dans une sablière, où paraît-il il y aurait eu des tombes, un ouvrier a trouvé un vase qu’il m’a donné. Romain.
* *
Au lieu-dit « Le Fort » où j’ai fouillé, il y a deux ans, on a trouvé des monnaies, conservées à l’école de Saclas, de :
Tetricus ; Constantinus ; Antoninus Augustus.
*
* *
Enfin, au lieu-dit « Romard » il y a un promontoire avec une circonvallation de terre et de meurgers, qui pourrait bien être une enceinte. Il y aurait lieu de pratiquer une tranchée, pour s’en rendre compte, mais il faudrait opérer en plein bois.
J’ai trouvé, en avril 1917, dans le gisement de Jeurres, en face de la nouvelle grille - ancienne sablière - à la surface, un fragment de vase en poterie samienne à décor moulé.
En février 1919, M. Bozon, instituteur à Morigny, a trouvé dans un champ, à quelques mètres de là, un goulot de vase en terre cuite rouge, qui m’a paru romain, ainsi qu’un fragment de bracelet en schiste.
La découverte de ces trois objets, en surface, dans le même lieu, peut faire penser qu’il y a eu là une station romaine et peut-être préromaine (bracelet) de quelque importance. Il y aurait lieu, pour s’en assurer, de rechercher si d’autres objets de cette nature se rencontrent encore dans le voisinage.
Des tranchées d’exploration seraient sans doute intéressantes s’il était possible de les faire pratiquer en ce point. 52
14.03. Vases trouvés à Puiselet-le-Marais en 1898 (1921) 53
Ces vases ont été trouvés, en 1898, à Puiselet-le-Marais, au lieu-dit « La Vallée Rouillée », derrière la ferme du Petit-Marais (ancien château du Puiselet). Il y avait cinq vases dans un entourage de pierres sèches, exploité pour mettre sur les routes. Peut-être y avait-il des [os54] ou squelettes dans cet entourage qui aurait représenté une tombe, mais la chose n’a pu m’être assurée. Peut-être y a-t-il encore d’autres « entourages » non fouillés. Il faudrait y aller voir. Je n’ai pu avoir aucun renseignement sur le mobilier, s’il y en avait avec les vases.
Ceux-ci ont été donnés à M. Amodru. Le voir.
Ces vases me paraissent gaulois plutôt que gallo-romains.
Vase en terre rouge tournassé. Enduit noir intérieur et extérieur bien conservé.
Vase en terre rouge tournassé. Couverte noire intérieur et extérieur, avec dessin fait à la pointe bien conservé.
Ce vase est tournassé. Vase en terre grise avec enduit noir à demi-effacé.
Bibliothèque de l’Institut national de France
Confidentielle
23, quai de Conti 10, Bd Émile-Augier Paris-XVIe
Paris, le 3/VII/1927
Monsieur et cher confrère
L’Union internationale des Académies a résolu de publier la carte archéologique du Monde romain (Forma orbis romani) ; chaque pays restant indépendant pour la publication de sa partie. L’Union a demandé au Représentant de la France si l’Académie des Inscriptions et B. L. se chargerait de sa partie. Il n’y avait qu’à répondre oui. L’Académie m’a demandé d’être directeur de ce travail et m’en a chargé par un vote officiel. J’ai dû accepter puisqu’il s’agit d’intérêt |2 scientifique et national ; je n’ai pas besoin de vous dire que je m’en serais dispensé avec plaisir.
Je suis naturellement obligé de recruter des hommes de bonne volonté, par toute la France, car j’aurai à correspondre avec une soixantaine de collaborateurs, à « unifier » les renseignements, etc.
J’ai pensé que vous pourriez faire le travail pour le Dépt de Seine-et-Oise : texte concis, précis, avec bibliographie, report du n° du texte sur une carte au 1/80.000 É.M. Durée, 4 ans. Instructions plus détaillées envoyées à mes collaborateurs. Antiquité romaines seule. Remboursement des frais de poste et
de bureau ; titre d’Auxiliaire de l ’Institut ; nom |3 des collaborateurs cités pour leur partie.
Le vieux géographe D’Anville disait, dans une lettre du 29 juillet 1739 : « Je compte sur votre amour pour l’avancement des sciences et en particulier pour la connoissance des antiquités de votre pays. » Je n’ajoute rien au plaidoyer du vieux géographe.
Veuillez croire, Monsieur et cher Confrère, à mes sentiments cordialement dévoués.
Académie des Inscriptions et Belles Lettres
Paris, 1er décembre 1927
La Commission des Travaux littéraire confère à Monsieur le Comte de Saint-Périer, associé correspondant de la Société des Antiquaires de France, à Morigny, le titre d’Auxiliaire de l’Académie des Inscriptions pour la Carte archéologique de la Gaule romaine.
Elle sera reconnaissante à tous ceux qui voudront bien lui prêter leur concours, afin de lui permettre de réaliser les recherches nécessaires pour le travail scientifique et national auquel il a accepté de prendre une part désintéressée.
Morigny
Par Étampes (S.-et-O.)
Téléph. 73 Étampes
Monsieur l’Instituteur,
Chargé par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de relever les découvertes gallo-romaines faites en Seine-et-Oise, je n’ai trouvé dans aucune publication, ni dans les monographies communales faites par les Instituteurs en 1899 et que j’ai consultées à l’Inspection académique de Versailles, la mention d’une découverte qui aurait été faite dans votre commune. Mais j’ai pensé que vous pourriez avoir connaissance d’objets recueillis dans votre commune et qui n’auraient pas été mentionnés dans ce que j’ai consulté, objets tels que des monnaies, des poteries, des tuiles à rebord, des bronze, etc.
Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir en ce cas me signaler avec une petite description, le lieu (lieu-dit du cadastre) et la date de découverte et si possible un croquis sommaire. Dans le cas où vous n’auriez jamais entendu parler d’aucune découverte gallo-romaine, vous seriez très aimable de me le dire également afin que je puisse terminer en toute certitude mon inventaire.
L’inventaire archéologique du gallo-romain dans le département de Seine-et-Oise, qui suit, a été dressé, conformément aux indications données par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en notant les découvertes faites dans toutes les communes du département.
Nous avons utilisé pour établir notre texte les sources suivantes : tout d’abord, les enquêtes prescrites par
l’administration préfectorale auprès des autorités communales, maires et instituteurs. La première de ces enquêtes remonte à 1810 ; l’administration du département, dès cette époque, adressa une circulaire aux maires pour demander un état des châteaux, monastères, antiquités et objets remarquables de leurs communes. Un certain nombre de réponse parvint à la préfecture est conservé aux Archives départementales de Seine-et-Oise. Malgré On y trouve quelques indications qui sont à retenir, grâce à leur précision, malgré l’époque lointaine l’ignorance presque absolue où l’on était alors, au moins dans les villages, relativement à l’archéologie gallo-romaine.
En 1833, une nouvelle enquête fut prescrite par Aubernon, préfet de S. et O. Elle devait porter, entre autres sujets, sur « les monuments de la Gaule romaine depuis Jésus-Christ jusqu’au Vème siècle, tombeaux, temples, églises, monastères, hospices, camps, châteaux, etc. » Les dossiers relatifs |2 à cette enquête et qui sont conservés aux Archives départementales de S. et O. à Versailles donnent eux aussi, quelques renseignements dignes d’attention. C’est ainsi que le cachet d’oculiste de Saint-Chéron, dont on ignore la destinée, nous est connu par l’empreinte en cire
que le maire de Saint-Chéron a eu l’heureuse idée de joindre à sa réponse au préfet.
En 1883, une Commission départementale des antiquités et des arts permanente était instituée et dotée par le Conseil général d’une subvention permettant la publication d’un bulletin. Dès sa fondation, cette commission provoqua une nouvelle enquête qui, complétée dans les années suivantes, aboutit à la rédaction d’une carte archéologique du département, présentée à l’exposition de 1889. Le dépouillement des dossiers de ces enquêtes, malheureusement trop peu nombreux, nous a fourni des indications qui complètent le travail publié par la Commission dans son bulletin de 1889.
À ces recherches aux Archives de S. et O. nous avons joint le dépouillement des publications imprimées, notamment les Bulletins déjà cités de la commission départementale, la série des Annuaires de S. et O. qui dès le début du XIXe siècle, renferment des notes d’histoire et d’archéologie locale |3 souvent excellentes, comme le travail si consciencieux de Dutilleux sur les routes anciennes de S. et O. Les revues d’histoire et d’archéologie du département et des régions voisines nous ont donné également quelques références ainsi que les revues d’ordre plus général, comme la Revue Archéologique, le Bulletin de la Société des Antiquaires de France, etc. Citons encore les bibliographies, comme la Bibliographie générale de Montandon, souvent publications si étendues qu’elles demeurent trop souvent incomplètes.
À ces sources bibliographiques, nous avons ajouté les indications fournies par les auteurs de découvertes, par les nos collègues de la Commission départementale et par nos propres recherches.
Nous avons, pour chaque commune, indiqué. Ainsi, nous pensons avoir présenter une tableau liste de découvertes aussi complète que possible, à l’époque actuelle, liste qui sera rapidement incomplète, ce qui est le sort de tout travail de cet ordre.
Nous avons indiqué par un point d’interrogation, toutes les découvertes dont l’attribution au gallo-romain pouvait laisser un doute ou bien celles qui demeurent incertaines à cause du manque d’esprit critique ou même |4 de la mauvaise foi connue de leur auteur. Nous avons indiqué, lorsque cela a été possible, la collection où l’objet a été conservé avec la date de cette référence. Trop souvent, les collections ont été ensuite dispersées et les objets aujourd’hui ont disparu.
Peut être Cette dispersion des découvertes, l’ignorance à peu près absolue où l’on se trouve dans les villages des découvertes quelque peu anciennes du lieu, fait que nous avons souvent constaté, nous—portent doivent montrent la nécessité de photographier ou de faire dessiner tous les objets de quelqu’intérêt découvert à l’avenir. Un texte de quelques lignes, indiquant le lieu, la date et la circonstance de la découverte suffiraient à donner à ce document un intérêt que ne présentent point les dissertations étendues.
Ainsi pourrait se poursuivre le travail entrepris par l’Union internationale des Académies, travail forcément fragmentaire dans le passé et qui risque de le devenir dans l’avenir si les découvertes ne sont pas notées avec soin dans chaque province du monde romain.
15.01. Tête de Montmaurin (avant 1938) 55 56
7666. Bloc quadrangulaire trouvé à Montmaurin (Haute-Garonne), « il y a cinquante ans environ », par M. Mirot, maire de cette commune. À Morigny (Seine-et-Oise), chez M. de Saint-
Périer57. Pierre commune. Hauteur, 0 m. 23 ; largeur, 0 m. 20 ; épaisseur, 0 m. 16. |16
Visage imberbe, de faible relief, le front bas, les yeux clos et proéminents, le nez attaché très haut brisé à la partie inférieure. Sculpture préromaine rappelant celles d’Entremont. On aurait aussi trouvé à Montmaurin « une tête d’homme, en marbre blanc, de bonne époque romaine, encore inédite » [Saint-Périer].
Gravure tirée de Saint-Périer. — Comte de Saint-Périer, Bull. des Ant. de France, 1927, p. 264 (gravure). — Lantier, Deutsches Archaol. Institut, Rom.-Germ. Komm., Bericht, 1930, p. 144
8338. Fragment de stèle trouvé dans un jardin, à Saint-Germain-lès-Arpajon (Seine-et-Oise). Dans la collection du 58
comte René de Saint-Périer, au château de Morigny59. Grès très siliceux. Hauteur, 0 m. 46 ; largeur, 0 m. 36. (Pl. XI).
Photographie et renseignements communiqués par M. R. de Saint-Périer.
Partie supérieure d’une stèle funéraire très mutilée. Dans une niche à sommet arrondi, une femme debout, brisée à mi-corps. Les traits du visage, ainsi que les ondulations de la chevelure, ont disparu. Le bras droit est ramené sur la robe, en avant de la poitrine, la main tenant un gobelet.
64
920. Souzy la Briche (Con d’Étampes, Seine et Oise). — Au nord-est et à 500 mètres du village, substructions au lieu-dit la Cave-Sarrazine, près d’un ruisseau, dans un petit bois ; cubes trouvés à diverses reprises ; puis mosaïque découverte en défrichant, le 20 novembre 1865, et dans des fouilles intentionnelles, exécutées les 8 et 9 janvier 1866 ; 9 m. X 2 m. 54 environ.
Cercles se coupant en noir, bleu et jaune, avec points rouges et noirs au centre.
Encadrement formé d’une bande rouge, d’une bande jaune, d’une noire et bleue et d’une rouge, noire et bleue ; puis torsades à quatre cordes.
Château de Morigny, près d’Étampes (au comte de Saint-Périer).
Commission dép. des Antiq. et des Arts de Seine-et-Oise, II, 1882, p. 66, et III, 1883, p. 9. ; .Max. Legrand, Annales de la Soc. hist. et arch. du Gâtinais, III, |51 1885, p. 92 et 93 (d’après les notes du comte de Saint-Périer, et un dessin colorié exécuté par le même) ; Commission dép. des Antiq. et des Arts de Seine-et-Oise, VII, 1887, p. 99 à 109.
921. Souzy la Briche. — Ibid. ; à gauche de la première mosaïque ; fouilles de janvier 1866 ; 4 m. X 2 m. 15.
Mosaïque de huit rectangles, ornés :
1° D’une torsade et d’un petit rectangle ; 2° d’arceaux et d’olives ; 3° de losanges ; 4° de huit annelets ; 5° de demi-cercles 60 61
formant des figures complexes ; 6° demi-cercles ; 7° comme le premier ; 8° rosace à quatre feuilles.
Jaune, bleu, noir, blanc, rouge, rose. Bordure de carrés noirs contenant des carrés blancs ou rouges, et de lignes noires, blanches, rouges, droites ou dentelées.
Château de Morigny, près d’Étampes (au comte de Saint-Périer).
Max. Legrand, loc. cit., p. 95 à 98.
922. Souzy la Briche. — Ibid., à droite des salles trouvées en 1866, sur la face méridionale de la villa ; en janvier 1882, en défrichant ; 3 m. 70 X 2 m. 25. Restaurée par des mosaïstes italiens, venus de Paris.
Quatre carrés, séparés par des losanges et carrés plus petits. Le tout encadré par une large bordure comprenant des bandes et une torsade.
Château de Morigny, dans le vestibule.
Max. Legrand, loc. cit., p. 102, 103 et 106, pl.
923. Souzy la Briche. — Ibid., à droite des salles trouvées en 1866 ; en janvier 1882, dans des fouilles intentionnelles ; 3 m. 40 X 1 m. 30. Restaurée par des mosaïstes italiens, venus de Paris.
Semis de cercles de plusieurs couleurs, séparés les uns des autres par des carrés tangents aux cercles par le sommet des quatre angles. Fond blanc ; carrés noirs, blancs et rouges.
Château de Morigny, dans le vestibule.
Max. Legrand, loc. cit., p. 103, pl.
924. Souzy la Briche. — Ibid., à droite des salles trouvées en 1866 ; janvier 1882, dans des fouilles intentionnelles ; 5 m. 90 X 3 m. 90. Restaurée par des mosaïstes italiens.
Quatre panneaux contenant chacun quatre rectangles séparés par |61 une torsade ou par une chaîne de damiers. Les rectangles sont ornés de demi-cercles, losanges, damiers. Polychrome. Bordure de damiers, torsades et bandes diverses.
Château de Morigny, dans le vestibule.
Max, Legrand, loc. cit., p. 104, pl.
925. Souzy la Briche. — Ibid., à droite des salles trouvées en 1866 ; janvier 1882, dans des fouilles intentionnelles.
Probablement le bord d’une mosaïque détruite : travail plus fin que celui de mosaïques précédentes. Petite bordure chargée de deux ornements.
Château de Morigny, dans le vestibule.
Max. Legrand, loc. cit., p. 102, 104 et 105.
926. Souzy la Briche. — Ibid., à droite des salles trouvées en 1866, au sud de la villa et près de la petite bordure (mos. précédente) ; janvier 1883 (dans des fouilles intentionnelles ?) ; 3 m. 75 de largeur environ.
Fragment d’une mosaïque très détériorée. Encadrements formés de filets noirs avec ornements rouges en fer de lance. Dans un angle, partie de cercle contenant la moitié postérieure d’un poisson ; autre cercle dans l’autre angle. Champ blanc.
Laissée en place et sans doute détruite.
Max. Legrand, loc. cit., p. 105 à 108.
160
CREDITS PHOTOGRAPHIQUES
Logo du Corpus Étampois dessiné par Gaëtan Ader. — Ex-libris du comte de Saint-Périer, p. 1. — Archives des Saint-Périer aux AD91, cote 76J 17 (cliché de Bernard Métivier), p. 6. — Cliché d’Eugène Rameau, scanné sur des cartes postales des années 1920 par Jean-Michel Rousseau, pp. 8, 16, 26. — Cliché Wikicommons (signé Havang), p. 112. — Clichés de Bernard Gineste sur les Annales du Gâtinais de 1885 aux Archives municipales d’Étampes, p. 52 ; au Musée d’Étampes, p. 124 ; aux AD91, pp. 138, 139, 142a, 142b, 143, 144, 145, 147, 148, 149 (grâce à la courtoisie des personnels du Musée d’Étampes, des archives municipales d’Étampes et des AD91, toujours serviables et sympathiques). — Illustrations des éditions d’origine, pp. 58, 63, 82, 96, 100, 106, 116, 120, 127, 128, 131, 153, 155.
162
Table des Matieres
01 L’époque gallo-romaine dans la région
02 La Période gallo-romaine dans la région
03 Villa gallo-romaine à Souzy-la-Briche (1912) 23-25
04 Autre compte-rendu (1912) 26-30
05 La villa gallo-romaine (1914) 31 -49
06 Fouilles et découverte d’une mosaïque gallo -
romaine à Souzy-la-Briche (1913) 51-94
07 Bouteille gallo-romaine en verre découverte à
08 Lésions osseuses d’un squelette d’enfant
trouvé dans un milieu gallo-romain (1914) 100-110
09 La borne milliaire de Saclas (1947) 112-115
10 Vase gallo-romain découvert à Morigny (1921) 116-119
11 Vase gallo-romain trouvé à Malassis (1921) 120-123
12 Une découverte gallo-romaine à Morigny
(1951) 124-127
13 Chaudrons en bronze de Baulne (1939) 128-135
14 Fragments d’archives personnelles (19131927) 137-152
15 Collection du comte au château de Morigny
(1909 et 1938) 153-159
Crédits photographiques 161
Table des matières 163
164
Préface. — Bibliographie. — 01. L’époque gallo-romaine dans la région d’Étampes. — 02. La Période gallo-romaine dans la région d’Étampes. — 03. Villa gallo-romaine a Souzy-la-Briche. —04. Autre compte-rendu.—05. La villa gallo-romaine. — 06. Fouilles et découverte d’une mosaïque gallo-romaine à Souzy-la-Briche. — 07. Bouteille gallo-romaine en verre découverte à Souzy-la-Briche. — 08. Lésions osseuses d’un squelette d’enfant trouvé dans un milieu gallo-romain. — 09. La borne milliaire de Saclas. — 10. Vase gallo-romain découvert à Morigny. — 11. Vase gallo-romain trouvé à Malassis. — 12. Une découverte gallo-romaine à Morigny. — 13. Chaudrons en bronze de Baulne. — 14. Fragments d’archives personnelles. — 15. Collection du comte au château de Morigny.
En marge de la coupure de presse conservée à Chamarande est noté au crayon : « À Saclas, monnaies de Tétricus et d’autres. » (B. G.)
Adrien Blanchet, Inventaire des Mosaïques de la Gaule, II, nos 920 à 926 et Pl. 921-924.
Maxime Legrand, Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, 1885, p. 85.
R. de Saint Périer, ibid., 1913, p. 225.
Bulletin de la Société préhistorique de France 9/10 (1912), pp. 607-609 (B.G.).
Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, 1885.
Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France (1913), pp. 157-159 (Séance du 12 mars 1913). L’article est introduit par les mots suivant : « M. le comte de Saint-Périer, associé correspondant national, fait la communication suivante : etc. ») ; il est conclu par ceux-ci : « MM. Blanchet et Toutain ajoutent quelques observations. » (B.G.)
Voir : Max. Legrand, Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, 1885; Bulletin de la Commission des antiquités et des arts de Seine-et-Oise, 1882, 1883, 1887 ; A. Blanchet, Inventaire des mosaïques de la Gaule. Paris, Leroux, 1909, p. 50.
Bulletin de la Société des Amis du Musée d’Étampes 2 (1914), pp. 23-38 (B.G. ; la plus grande partie de cet article a été saisie par Mme Jeanne Augé ; qu’elle en soit ici remerciée).
Saint-Périer a porté ici l’accusatifpartiarium par distraction. D’après le plus récent et très remarquable Dictionnaire de Pierre Flobert, alias Grand Gaffiot, de 2000, la partiarius est en fait plus largement le « colon partiaire (qui verse une part des produits en guise de loyer) » (B.G.).
Nous corrigeons ici le texte de Saint-Périer qui par distraction a mal résolu l’abréviation du titre qu’il cite de seconde main et porte bizarrement :
« De conditio (sic) agraria » au lieu de « De conditionibus agrorum ».
« Trop heureux, les cultivateurs ! » Citation classiquement abrégée d’un vers célèbre de Virgile, Géorgiques, chant II, vers 458-459 : O fortunatos nimium, sua si bona norint, / Agricolas ! « Trop heureux, les cultivateurs, s’ils connaissaient leur bonheur » (B.G.).
Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais 31 (1913), pp. 225-274 (B.G.).
Elles sont aujourd’hui au Musée d’Étampes (B.G.)
Commission départementale des Antiquités et des Arts de Seine-et-Oise, II (1883), p. 66, et III (1883), p. 9 ; ibid., VII (1887), pp. 99 à 109.
Max. Legrand, Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais III (1885), p. 85.
Adrien Blanchet, Inventaire des Mosaïques de la Gaule, II (1909), p. 50 à 52.
Cf. Max. Legrand, loc.cit.
Cf. A. Blanchet, loc. cit.
Cf. Max. Legrand, p. 105.
G. Lafaye, Inventaire des Mosaïques de la Gaule I, n°554.
Il est bien difficile, en présence d’un fragment anépigraphe, dont la décoration est si incomplète, de préciser l’origine de cette poterie, bien qu’il nous semble que ce soit d’un produit de la fabrique de Lezoux qu’elle se rapproche le plus. Ce vase daterait donc, au plus tard, de la seconde moitié du IIIe siècle.
Héron de Villefosse, Bulletin d’archéologie, 11 novembre 1912.
Max. Legrand, Étampes pittoresque ; L arrondissement, t. I, p. 131.
Héron de Villefosse, Bulletin archéologique, 1913.
Max. Legrand, loc. cit., p. 131.
Bulletin de la Société des Amis du Musée d’Étampes 7 (1925-1929), pp. 43-46 (B.G.).
Morin-Jean, La verrerie en Gaule sous l’empire romain, p. 95.
Op. cit, pl. VIII.
Ibid., fig. 119, p. 101.
Ibid., fig. 130, p. 108.
Morin-Jean, op. cit. , fig. 336, p. 258 et fig. 344, p. 264.
Bulletin de la Société d’anthropologie de Paris 5/1 (15 janvier 1914), pp. 31-36 (B.G.).
Max. Legrand, Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, 1885.
R. de Saint-Périer, id., 1913.
Bulletin de la Société des Amis d’Étampes et de sa région 3 (2e et 3e trimestre 1947), p. 50 (B.G.).
Bulletin de la Société nationale des Antiquaires (1920), pp. 278-281, dans la « Séance du 3 novembre. Présidence de M. Cl. Pallu de Lessert, président. » Texte ainsi introduit : « M. le comte de Saint-Périer, associé correspondant national, étudie un vase gallo-romain trouvé à Morigny, près d’Étampes. » Le titre est donné par la seule table des matières. La légende de la photographie porte : « (5/6 de la grandeur réelle) » [dans l’édition originale] (B.G.).
Conservée au Musée d’Étampes.
N°619 du catalogue.
Le texte de cette communication est suivi de ces mots : « M. Toutain, membre résidant, exprime l’opinion que ce vase pourrait être une sorte de creuset en terre réfractaire. - MM. Delaborde et Durrieu ajoutent quelques observations. »
Bulletin de la Société des Amis du Musée d’Étampes 4 (1921), pp. 2526 (B.G.).
Collection de M. Maxime Legrand, à Étampes : lampe provenant de l’ancienne église Sainte-Croix à Étampes. - Collection de M. Joseph Guyot, à Dourdan : lampe provenant de Saint-Martin-de-Bréthencourt.
Bulletin de la Société des Amis d’Étampes et de sa région 7 (janvier 1951), pp. 126-127 (B.G.).
Bulletin de la Société préhistorique française 36/4 (1939), pp. 192-196 (B.G.).
Déchelette, Manuel d’Archéologie préhistorique, t. II. p. 285. fig. 107. p. 288, fig. 109 et p. 777, fig. 301.
Déchelette (Joseph), La Collection Million, Paris, Geuthner, 1913, p. 180, fig. 27.
Déchelette, loc. cit.
Bull. de la Soc. des Sciences histor. et natur. de Semur-en-Auxois, t. XXXV, 1906-1907, pp. 277-278 et pl. I.
J. Werner, Bonner Jahrbücher, 1936, p. 395, Taf. VIII et IX. Id., « Die Romischen Bronzegeschin Depots des 3 Jahrhunderts », in Marburger studien, 1938, p. 259, Taf. 108, 111, 114, 117, 119.
Guide to Anglo Saxon antiquities, Londres, 1923, p. 68, fig. 77.
AD91 cote 76J 5.
Adrien Blanchet, « Quelques remarques à propos de la carte archéologique de la Gaule romaine (Forma orbis romani) », in Comptes rendus des séances de l ’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 87/4 (1943), p. 587.
Note manuscrite sur feuille libre, cotée « Etampes VIII », dans les papiers du comte donnés par sa veuve aux Archives départementales. On notera la première fouille mentionnée est l’objet la même année dans l’Abeille d’Étampes où les sépultures sont en fait datées du XIIIe ou XIVe siècle.
Note manuscrite sur feuille libre, cotée « Etampes VIII », dans les papiers du comte donnés par sa veuve aux Archives départementales.
Note manuscrite sur feuille libre non cotée, sans titre (celui-ci est nous), accompagnant trois dessins à l’encre sur calque, dans les papiers du comte donnés par sa veuve aux Archives départementales.
Nous supposons que c’est ce mot qui a été oublié ici.
AD91 cote (B.G.).
Émile Espérandieu, Recueil général des reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine. Tome onzième. Suppléments (suite), Paris, Imprimerie nationale, 1938, p. 15-16.
Cette sculpture a depuis été offerte par la comtesse au musée de Saint-Gaudens.
Raymond Lantier, Recueil général des reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine. Tome quatorzième. Suppléments (suite), Paris, Presses universitaires de France, 1955, p. 15-16.
Cette sculpture a été depuis offerte par la comtesse au musée d’Étampes.
65 Adrien Blanchet, Inventaire des mosaïques de la Gaule et de l'Afrique. II. Lugdunaise, Belgique et Germanie, Paris, Ernest Leroux, 1909, pp. 50
sous le titre : « Territoire d’Étampes ». Précédé de cette brève notice : « 919. Étampes (Environs d’Étampes, Seine et Oise). — Dans les fouilles de M. Marquis. — Fragments non décrits. — Grave, Commission dép. des Antiquités et .Arts de Seine-et-Oise, VI, 1886, p. 50. »
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