BHASE n°23 (décembre 2015)
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BHASE n°23 décembre 2015

ÉDOUARD BÉLIARD (1832-1912)

MAIRE D’ÉTAMPES ET LIBRE-PENSEUR

Béliard maire et libre-penseur 1-112

Préface 3-4

Béliard avant Béliard 5-11

L’action politique 12-19

L’Abeille, un ennemi implacable 21-34

Les affaires municipales 35-39

Les autres « affaires » 53-73

Les options idéologiques 75-84

Les faiblesses administratives et techniques 84-92

Les qualités personnelles 93-

Conclusion 108-110

Sources archivistiques 111-112

DOSSIER DOCUMENTAIRE 113-208

01-10. Du vivant de Béliard (1832-1912) 114-136

11-17. Hommages et souvenirs (1912-1947) 137-189

18-22. Études récentes (1978-2014) 190-203

23. Bibliographie (2015) 204-208

ISSN 2272-0685

Publication du Corpus Étampois

Directeur de publication : Bernard Gineste 12 rue des Glycines, 91150 Étampes redaction@corpusetampois.com

BHASE n°23

Bulletin historique et archéologique du Sud-Essonne


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Publié par le Corpus Étampois

décembre 2015


François Cavaignac

Édouard Béliard (1832-1912)

maire d’Étampes et libre-penseur


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Deuxième édition augmentée d’un dossier documentaire


Corpus Étampois 2015



Préface


Édouard Béliard est une figure remarquable de la fin du XIXe siècle étampois. Il a inspiré de près à son ami Émile Zola l’un des personnages secondaires de son roman L’Œuvre, à savoir le peintre Gagnière.


Mais ce n’est pas ici l’artiste-peintre qu’étudie François Cavaignac1 : c’est surtout sa carrière politique à Étampes, où il s’est replié à partir de 1876 et où il mourra en 1912, encore conseiller municipal d’une cité dont il parvint même à être maire de 1892 à 1900.


C’est aussi la personnalité d’un libre-penseur dont François Cavaignac est le premier à prouver qu’il fut effectivement franc-maçon ; car c’est bien ce dont l’avaient toujours soupçonné ses nombreux adversaires à Étampes, enragés qu’ils étaient de voir accéder et se maintenir aux responsabilités un personnage aux idées si différentes des leurs, idées d’ailleurs si clairement minoritaires dans une ville aussi provinciale et conformiste qu’Étampes.


Cette étude approfondie et fine de la carrière et de la personnalité de Béliard a déjà été publiée en 2014 sous un autre


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1 François Cavaignac est déjà connu des Étampois par une étude magistrale parue en 2007 sur La culture théâtrale à Étampes au XIXe siècle.

format par le Musée Intercommunal d’Étampes2. Ce qui la caractérise, ce n’est pas seulement le volume et la richesse de la matière traitée, la finesse de l’analyse et la clarté de la synthèse ; mais c’est encore la justesse avec laquelle l’auteur parle de l’homme qu’il a choisi d’étudier : avec sympathie, mais sans complaisance ; équilibre rare, qui ne se peut trouver qu’avec beaucoup de matière, de travail et de réflexion.


Il nous reste à remercier d’avoir autorisé cette réédition, tant l’auteur, membre éminent de notre association, que le premier éditeur, à savoir le dynamique Musée intercommunal d’Étampes, où nous n’avons que des amis, et qui depuis plusieurs années héberge même nos assemblées générales. Remercions aussi Franck Senaud et sa revue Préfigurations de nous avoir autorisés à reprendre ici son interview de l’auteur.


Profitant des commodités que procure le format numérique, nous augmentons cette réédition d’un épais dossier documentaire de 23 items. Il s’agit d’une bonne partie de ce qui s’est écrit sur Béliard, de son vivant jusqu’à nos jours, pour la commodité des études étampoises à venir. Il ne fera au reste que souligner et mettre en valeur la nouveauté et l’importance du travail de recherche opéré par François Cavaignac.


Bernard Gineste, décembre 2015


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2 Sous la forme de deux brochures au format A4 sur deux colonnes.


BÉLIARD AVANT BÉLIARD

par François Cavaignac


Généalogie et État-civil


Édouard Joseph Béliard naît à Paris le 24 novembre 18323. Son père est Pierre Célestin Béliard, né à Thouars (Deux- Sèvres) le 19 mai 1805 ; fils de notaire, il est lui-même négociant4 et marchand de nouveautés5. Il a épousé le 5 mars 1832 à Étampes Éloïse Rose Sergent, née dans cette même ville le 13 avril 1813. Nous ignorons les circonstances de leur rencontre mais plusieurs points méritent d’être relevés à la

lecture de leur acte de mariage. D’abord une formule curieuse sur l’époux, « domicilié de droit chez ses père et mère [donc à Thouars] et de fait à Paris depuis environ deux mois » ; ensuite, ce même époux a satisfait à la loi sur le recrutement de l’armée (classe 1825) en se faisant remplacer ; enfin, il faut noter que la jeune mariée est encore mineure puisqu’à peine âgée de 19 ans.


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3 L’acte de naissance originel est indisponible, l’état civil parisien antérieur à 1860 ayant été détruit lors des incendies pendant la Commune : il s’agit donc d’une fiche reconstituée. Il est par ailleurs impossible de distinguer précisément le numéro de l’arrondissement : 2ème ou 9ème ?

4 Ce point est controversé, certains affirmant qu’il exerce la profession

d’architecte : l’acte de mariage est pourtant sans ambiguïté. La notice nécrologique d’Édouard Béliard (L’Abeille du 30 novembre 1912) indique que ses parents étaient commerçants et tenaient une enseigne La petite Jeannette sur les boulevards.

5 Acte de décès d’Éloïse Rose Sergent, mère de Béliard.

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Les deux familles sont tout à fait honorables : la famille Béliard est dans le notariat et le commerce (le frère de Pierre Célestin est notaire à Thouars à cette époque), et la famille Sergent exerce aussi dans le commerce et l’agriculture (le père d’Éloïse Rose est marchand drapier et conseiller municipal d’Étampes pendant plusieurs années). Comme il est de coutume le mariage a été célébré au domicile de la mariée et les dates montrent qu’Édouard Joseph est le fruit direct de cet hyménée puisqu’il naît à peine plus de neuf mois après.


Édouard Béliard aurait affirmé avoir pour arrière-grand-père paternel le général Belliard (Augustin-Daniel, l769-1832), aide de camp de Napoléon. Cette affirmation, mentionnée dans un article dithyrambique du Journal des Arts (28 juillet et 4 août 1923) sous la plume du critique d’art Georges Denoinville et reprise depuis, ne résiste pas à l’analyse : le propre grand-père de Béliard étant né dans les années 1760 on voir mal comment l’arrière-grand-père aurait pu naître postérieurement ; de plus ce général étant décédé l’année de la naissance de Béliard on peut imaginer sans peine que son père aurait valorisé au maximum le souvenir d’un tel ancêtre. Cette recherche d’une filiation illustre est à l’évidence une exagération sinon une indélicatesse de la part de Béliard.


Béliard perd sa mère alors qu’il n’a pas encore trois ans : elle décède le 12 mars 1835 à Étampes à l’âge de 22 ans chez son père, Louis Jérôme Sergent, domicilié 9, rue du Haut Pavé6. Le père de Béliard se remarie dès l’année suivante, à Paris, le 20 juin 1836 avec Flore Adélaïde Bonnet. Béliard a donc vécu


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6 On comprend à cette occasion qu’elle est certainement venue se soigner chez son père, veuf depuis 1820. On apprend également que son domicile fixe parisien se trouve au n°9, boulevards des Italiens.

toute son enfance et grandi avec une belle-mère dont rien ne dit qu’elle ait été affectueuse ou marâtre7.


Pour suivre désormais l’évolution de Béliard pendant son enfance et sa formation les renseignements dépendent principalement des éléments fournis par Bouilloux-Lafont et Denoinville. Or celui-ci affirme sans apporter de preuves ni donner de références. Il faut donc faire montre de prudence, les textes naviguant entre louange et hagiographie sans présenter le moindre esprit critique scientifique.


Il est dit que le jeune Béliard passe ses vacances à Étampes, fréquente quelque temps le collège Henri IV à Paris et trouve un emploi à 15 ans chez un notaire étampois. A cours d’argent, il devient de 1848 à 1851 le secrétaire particulier d’Alphonse Esquiros (1812-1876), auteur romantique, journaliste et homme politique, d’opinion démocrate et socialiste, libre-penseur et

anticlérical militant, député en 1850 et exilé lors du coup d’État de 18518. Béliard se lance alors dans le milieu artistique parisien où il se livre à la peinture.


L’année 1861 semble marquer une date de rapprochement avec la ville d’Étampes. Le grand-père maternel de Béliard, Louis Jérôme Sergent, décède en effet le 21 septembre 1861 à l’âge de 75 ans et c’est Béliard en personne, en tant que petit-


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7 Le maire d’Étampes, Marcel Bouilloux-Lafont, dans son oraison funèbre lors de l’enterrement de Béliard, explique qu’il fut éloigné de foyer paternel par le remariage de son père (L’Abeille du 7 décembre 1912).

8 Malgré nos recherches multiples et approfondies sur Esquiros, nous n’avons trouvé à aucun moment confirmation de ce fait : il est plausible mais non prouvé, bien que largement mis en avant par Bouilloux-Lafont

lors du discours prononcé aux obsèques de Béliard (L’Abeille du 7 décembre 1912).

fils, qui vient déclarer le décès9. Dans la foulée, en octobre 1861, il demande une concession perpétuelle au cimetière Saint-Gilles, laquelle lui est accordée par arrêté municipal du 7 juillet 186210.


Les conjectures les plus hasardeuses planent sur l’attitude de Béliard durant la guerre de 1870 et la Commune. L’idée dominante veut que par devoir patriotique il se soit engagé dans la Garde Nationale pour faire le coup de feu contre les Prussiens11. Mais aucune preuve n’existe en l’état actuel des recherches. Ce qui est sûr, par contre, c’est qu’il est effectivement resté à Paris ou dans la proche banlieue, y compris pendant la Commune, car une lettre de Béliard à Pissarro du 22 février 1871 donne des nouvelles de tous leurs amis peintres communs vivant à Paris avant les événements12. La doxa veut aussi qu’à l’occasion de la paix retrouvée Béliard soit redevenu le secrétaire d’Esquiros, réélu député depuis février 1871; dans la même veine, il aurait été l’exécuteur testamentaire d’Esquiros décédé à Versailles en mai 1876. Aucune preuve n’existe sur ces points13.


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9 Il faut noter que Dosithé Bourdeau, que nous retrouverons plus tard dans la vie politique de Béliard et d’Étampes, est l’autre déclarant du décès : il semble qu’ils aient été de vrais amis d’enfance.

10 Ce document mentionne trois informations intéressantes sur la vie de

Béliard : il est qualifié de propriétaire à Étampes, ce qu’il laisse à penser qu’il a hérité de son grand-père ; son immeuble se situe 9, rue du Haut- Pavé ; enfin le prix de la concession à perpétuité est de 600 francs, soit environ 2300 €.

11 Affirmation de Bouilloux-Lafont et Denoinville, op. cit., qui indiquent de surcroît qu’il a servi comme artilleur.

12 Courrier trouvé dans les papiers de Pissarro, reproduit par J. Rewald,

Histoire de l’impressionnisme, Albin Michel, Paris, 1986, p. 169.

13 Les différents ouvrages et biographies publiés sur Esquiros ne mentionnent pas le nom de Béliard.

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Émilie Dubec, épouse d’Édouard Béliard


Entretemps Béliard s’est marié : il a épousé le 8 décembre 1873 à Saint Ouen L’Aumône (Département de Seine-et-Oise à l’époque) Émilie Clara Dubec, sans profession, née le 9 juillet 1857 à Passy et demeurant dans cette commune chez ses parents14. Deux éléments sont à relever : d’une part l’âge de la

jeune épouse mineure (16 ans) et la différence avec celui du mari (il a 41 ans) : ils ont 25 ans d’écart ; d’autre part l’un des deux témoins de Béliard n’est autre que Dosithé Bourdeau, futur maire d’Étampes également.


Nous émettrons une hypothèse sur ce mariage. Béliard était considéré, ou se faisait passer, comme le propriétaire de l’hôtel du Grand Cerf à Pontoise ; or les parents d’Émilie Dubec sont domiciliés à Saint-Ouen L’Aumône et exercent tous deux la profession de maîtres d’hôtel15 ; Béliard a-t-il épousé la fille des gérants de l’hôtel où il logeait ou a-t-il noué des liens dans ce milieu ? Nous verrons plus loin que d’autres liens se sont certainement tissés entre Béliard et son beau-père.


La question se pose de savoir à quelle date Béliard décide de quitter la vie parisienne et de s’installer définitivement à Étampes. Plusieurs indices laissent à penser que c’est à compter de l’année 1876. En toute hypothèse il se présente aux élections municipales de janvier 1878 et il est élu conseiller municipal.


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14 Émilie Clara Dubec décèdera à Étampes le 7 octobre 1939, à l’âge de 82 ans, étant restée veuve durant 27 ans. Elle est inhumée au cimetière Saint-Gilles avec son mari qui s’était auparavant fait inhumer avec sa mère.

15 Henri Mitterand, Zola, Fayard, 1991, p. 594, NBP n°1, affirme : « Le 7 août 1868, Guillemet, qui est depuis la veille à Pontoise, à l’hôtel de Grand Cerf, dont le propriétaire, Édouard Béliard, est également peintre… » Plus

loin (t. 2, p. 151) Béliard est qualifié de gérant de l’hôtel du Grand Cerf. Béliard lui-même parle de « son » hôtel.

BÉLIARD, CONSEILLER MUNICIPAL ET MAIRE

Par François Cavaignac


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L’ACTION POLITIQUE

Candidatures et élections


Une implantation politique difficile

Béliard est élu pour la première fois conseiller municipal à 46 ans lors du scrutin du 13 janvier 1878 au second tour avec 653 voix sur près de 1400 votants. Mais l’affaire commence mal pour lui : une erreur matérielle de 100 voix sur le pointage a permis au candidat Breuil d’être, dans un premier temps, déclaré élu. Béliard proteste et le Conseil de préfecture du département de Seine-et-Oise, dans sa séance du 16 février 1878, admet le bien-fondé de la requête, reconnaît l’erreur de décompte du bureau électoral, annule l’élection de Breuil et proclame celle de Béliard.


Lors des élections municipales de 1881 Dosithé Bourdeau16, devenu maire entre temps par le décès de Decolange, demande le renouvellement de son mandat avec une équipe composée de neuf nouveaux membres ; une dissidence semble avoir éclaté dans le conseil précédent puisque le maire sortant fait allusion à

« ceux qui se sont séparés de nous pour nous combattre » et il évoque « les modifications radicales et immédiates auxquelles ils entendent assujettir notre pays, s’ils sont élus ». Béliard ne fait pas partie de la liste du maire sortant et il est réélu au deuxième tour (622 voix, en septième position).


Bourdeau démissionne subitement de ses fonctions de maire en mars 1882, a priori pour des raisons de santé17 ; Théodore


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16 Il faut rappeler qu’il est un ami d’enfance de Béliard et qu’il a été très bien élu conseiller municipal en 1878 (dès le premier tour) au point d’être élu adjoint au maire Decolange durant la mandature.

17 Il est atteint de migraines.

Charpentier, vétéran de la politique locale18, est élu. Béliard tente de se faire élire premier adjoint, mais il n’obtient que quatre voix (séance du conseil municipal du 14 mai 1882).


Béliard n’en est pas découragé pour autant : il vise un mandat de conseiller général. Aussi monte-t-il une précampagne orientée à gauche. Ainsi le dimanche 3 juin 1883 il organise au Théâtre d’Étampes une réunion présidée par Sévériano de Hérédia, député de la Seine, avec la participation de Maria Deraismes — traitant du cléricalisme et de la libre-pensée — et de Paul Viguier, conseiller municipal de Paris et député — parlant de la politique du jour —19. Dans la foulée, en juillet

1883, il crée un comité républicain cantonal afin de collecter des soutiens à sa candidature. Mais il est battu aux élections du 12 août 1883 par Duclos20 de près de 200 voix.


En 1886, aux élections municipales de février, Béliard, candidat républicain, est réélu conseiller municipal mais il est à nouveau battu au fauteuil de maire, cette fois par Chenu, ancien avoué et conservateur monarchiste. Béliard essaie d’être élu comme délégué sénatorial par le conseil municipal mais il n’y parvient pas (séance du conseil municipal du 6 mars 1886). Cette même année 1886 Béliard est candidat aux élections du conseil général du 1er août : il est battu par Lefebvre,

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18 Conseiller municipal depuis plus de 30 ans, conseiller général et deux fois député, ancien maire d’Étampes (1865 à 1871).

19 Sévériano de Hérédia (1836-1901), conseiller municipal de Paris

(1873-1885), député de la Seine (1881-1889), ministre des Travaux publics (1887) ; Maria Deraismes (1828-1894), écrivain féministe, membre de la libre-pensée (à compter de 1875), possesseur du journal Le Républicain de Seine-et-Oise acheté en 1881 ; Paul Viguier (1828-1902), ingénieur, colon en Algérie, revenu en France après 1870, conseiller municipal de Paris jusqu’en 1900, député de la Seine en 1882.

20 Jules Duclos, ancien négociant en laines, conseiller municipal puis conseiller général, conservateur rallié à la République.

officiellement républicain libéral mais foncièrement opportuniste et fondamentalement conservateur, élu avec 1432 voix contre 980 à Béliard.


Cette défaite électorale meurtrit profondément Béliard. C’est ce qui ressort d’une lettre du peintre Paul Alexis à Émile Zola en date du 2 septembre 1886. Alexis était venu passer quelques jours de villégiature près de Lardy ; il écrit : « […] Le 10 août, parti pour Étampes, avec ma femme, votre filleule et Black (le chien). Nous avons passé deux semaines chez Béliard, un Béliard vieilli, mais surtout attristé, assombri, éteint par la politique, un Béliard endolori de la récente claque électorale

reçue (élections au conseil général du canton du 1er août 1886 où le conservateur Lefebvre fut élu, 1432 voix contre 980). Plus

même ce bel entichement de sincérité et de justice, ni cette ardeur de discussion à jet continu que nous lui connaissions ! Non ! Un taciturne, parlant à peine, ne touchant plus un pinceau cela va sans dire, passant des heures, pendant que j’élucubrais, debout devant la fenêtre du cabinet de travail, tantôt à regarder le talus du chemin de fer qui passe à cinquante mètres, dans le ciel, tantôt à se couper des poils de barbe ou à se brosser les

dents, et la langue, en face d’une petite glace portative mise devant la fenêtre. … »21. Cet abattement passe vite : au bout des quinze jours Paul Alexis note un rétablissement de Béliard qui semble avoir retrouvé sa vivacité et son entrain.


Mais Béliard n’a pas encore touché le fond. Il se représente comme conseiller municipal sortant aux élections de mai 1888. La campagne est électrique car, en tant que vice-président du comité radical départemental de Seine-et-Oise, il défend le programme du parti radical : séparation de l’Église et de l’État,


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21 Lettres inédites de Paul Alexis à Émile Zola, 1871-1900, présentées et annotées par B. H. Bakker, University of Toronto, 1971, p. 319-320.

suppression du budget des cultes, révision intégrale de la constitution par une assemblée constituante élue au suffrage universel, élection des juges, impôt progressif. Béliard est en ballottage au premier tour ; il est le premier non élu au second tour avec 660 voix (20 voix de moins qu’au premier tour). Chenu, ancien monarchiste converti à la République sous une liste intitulée Liste républicaine libérale, est élu maire. Pour la première fois depuis dix ans Béliard ne dispose d’aucun mandat électif.


Mais il va être servi par la chance, sa traversée du désert ne durant que deux ans. La mort du maire, Chenu, malade depuis plusieurs mois (23 janvier 1890), ainsi que celle d’un autre conseiller municipal, et la démission d’un troisième provoque en mars 1890 une élection partielle. Béliard arrive en tête devant tous ses concurrents au premier tour avec 572 voix sur 1386 votants ; il est confortablement élu au second tour avec 773 voix sur 1350 votants. Lefebvre, conseiller général, est élu maire ; Béliard n’obtient que deux voix à cette fonction tant convoitée.


La conquête de la mairie

En douze ans d’action politique, Béliard a manifesté une volonté d’implantation certaine et a été élu conseiller municipal pendant dix ans (1878-1888). Mais il collectionne aussi les échecs : battu à la fonction de premier adjoint en 1882, deux fois battu au poste de maire (1886 et 1890), et deux fois battu au conseil général (1883 et 1886).


Tout bascule pour lui aux élections municipales de mai 1892. Béliard, radical, et considéré en tant que tel comme

extrémiste22, semble avoir compris que son programme faisait peur ; il ne parvient pas à être élu conseiller général ni maire.


Parallèlement le corps électoral étampois penche plutôt en faveur des conservateurs : les deux maires précédents (Chenu et Lefebvre) sont des conservateurs monarchistes ; Lefebvre, maire et conseiller général qui s’est présenté comme républicain

libéral, soutient le député Dufaure, faux républicain resté monarchiste23 ; le conseil municipal sortant est jugé clérical et réactionnaire par le sous-préfet.


Aussi Béliard fait-il preuve de prudence. Il a contre lui une liste montée par le journal local L’Abeille et il ne se présente pas en tête de liste : il est en quatrième position. Il est élu dès le premier tour, mais toujours en quatrième position. La surprise vient de l’élection au poste de maire : alors que la logique aurait voulu que Moullé, tête de liste et élu dès le premier tour, soit facilement élu maire, c’est Béliard qui obtient 12 voix contre 7 à Moullé et 4 à Lefebvre. Sur le moment l’incompréhension et le scepticisme prévalent. Mais assez rapidement les opposants politiques de Béliard subodorent qu’il a monté une opération politicienne qui a réussi : en se présentant aussi et à nouveau aux fonctions de maire Lefebvre a dispersé les voix conservatrices, permettant à Béliard de récolter une majorité. Avec le temps, cette hypothèse d’un pacte Béliard/Lefebvre l’emportera dans les esprits : ils se seraient répartis les postes, même s’ils étaient de bord opposé : Béliard à la mairie et Lefebvre au conseil général. La majorité sur laquelle se fonde


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22 Il faut rappeler un élément contextuel important : depuis 1882, date de la mort de Gambetta, l’épithète « radical » correspond à l’extrême gauche menée essentiellement par Clemenceau. Celui-ci s’oppose aux républicains opportunistes dont les réformes sont considérées comme incomplètes, en particulier dans le domaine religieux.

23 Il se prétend républicain mais vote à la Chambre avec les royalistes.

Béliard au sein du conseil municipal est donc hétéroclite : on va s’en rendre compte au fur et à mesure de la gestion des affaires municipales où des majorités contre-nature émergent et où les deux protagonistes se soutiennent tout en affirmant leurs opinions distinctes. Cette hétérogénéité va fortement perturber le premier mandat de Béliard.


L’ambition politique de Béliard se poursuit et il tente de consolider sa situation électorale. En mars 1893 il prend l’initiative de créer un Comité républicain en vue des prochaines élections législatives ; mais la manœuvre échoue car des indices fuitent pour montrer que le comité de concentration républicaine a été monté par Béliard pour lui-même avec l’appui en sous-main du sous-préfet ; il n’est pas désigné comme candidat aux législatives. De fait la gestion de la mairie va l’accaparer pleinement jusqu’en 1900.


Aux élections municipales de mai 1896, Béliard et Lefebvre présentent une liste commune contre une liste républicaine comprenant dix conseillers sortants sur vingt-trois. Béliard est accusé notamment d’avoir fait réélire Lefebvre, royaliste, en 1895 au conseil général. Béliard n’est pas réélu au premier tour alors que Lefebvre l’est. Mais au second tour, tous décomptes faits, la liste Béliard l’emporte largement : neuf membres à peine sur vingt-trois conseillers font partie de la liste républicaine d’opposition au tandem Béliard-Lefebvre.


Béliard est réélu maire au scrutin secret par 13 voix contre 9. Pour beaucoup de républicains la liste composite allant de la droite à l’extrême gauche qui vient de gagner démontre une fois encore la réalité de l’accord entre Béliard et Lefebvre. La majorité qui se dégage ainsi au conseil municipal va toutefois diriger la ville jusqu’à la fin normale de son mandat.

Une fin de carrière atone

Béliard se représente en mai 1900 aux élections municipales ; mais l’habileté qui a permis le montage politique et son élection à la mairie pendant deux mandats ne fonctionne plus. Il est largement battu, n’obtenant que 647 voix sur 1060 votants (même nombre de voix pour lui au second qu’au premier tour).


À l’évidence toujours désireux de jouer un rôle il n’hésite pas à se représenter devant les électeurs aux municipales de mai 1904 : il est élu au second tour et persiste à se porter candidat à nouveau à la fonction de maire ; il est largement (il n’obtient qu’une voix, la sienne ?) battu par Pierre Louis, réélu maire.


Le scénario est identique quatre ans plus tard en mai 1908. Béliard est cette fois-ci élu dès le premier tour avec 912 voix alors que la majorité est de 873 mais il est une fois encore battu au poste de maire, Louis recueillant 17 voix en sa faveur au sein du conseil municipal contre 3 à Béliard. Il a tout de même la satisfaction en tant que doyen d’âge de présider la séance d’ouverture du conseil.


Malgré son âge (il a alors 80 ans) Béliard reste pris par la passion politique. Marcel Bouilloux-Lafont l’accepte sur sa liste aux élections municipales de mai 1912. A la surprise de beaucoup, Béliard est réélu au second tour avec 900 voix sur 1500 votants, preuve s’il en est qu’il a conservé une clientèle électorale fidèle à sa personne. Comme en 1908, il ouvre la séance inaugurale du mandat ; comme en 1908 — ce qui était certainement présomptueux — il se présente aux fonctions de maire : il n’obtient qu’une voix, contre 19 à Bouilloux-Lafont.


Obstinément candidat, Béliard venait de livrer là sa dernière bataille. Il décède quelques mois plus tard en sa maison 15, rue

de Chauffour le 28 novembre 1912. Ses obsèques solennelles sont civiles et réunissent une foule nombreuse ; Dosithé Bourdeau et Richou font partie de ceux qui tiennent le poêle. Même s’il termine sa carrière en demi-teinte, Béliard aura été, entre 1878 et 1912, conseiller municipal ou maire pendant 28 ans.


L’ABEILLE, UN ENNEMI IMPLACABLE

Créée en 1811, L’Abeille d’Étampes est au départ une feuille hebdomadaire neutre d’annonces légales et d’insertions judiciaires. En 1859, Auguste Allien, imprimeur à Étampes, en devient propriétaire-gérant. En 1877, sous l’impulsion décisive de son directeur et devant une concurrence imprévue, le journal se transforme en journal politique afin de défendre une position à la fois républicaine et conservatrice, revendiquant indépendance et attachement aux libertés publiques. L’engagement du journal dans la politique est très rapide, prenant des positions partisanes ouvertes : dès les élections municipales de 1881 le soutien à la liste républicaine de Dosithé Bourdeau est explicite. L’Abeille devient même un acteur direct de la vie politique locale au point de présenter une liste labellisée aux élections municipales de mai 1892 dont cinq des candidats sont élus dès le premier tour. C’est ce journal que

Béliard va trouver obsessionnellement jusqu’à sa mort en travers de sa démarche politique24.


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24 Pour de plus amples précisions sur l’évolution de L’Abeille, voir François Cavaignac, La culture théâtrale à Étampes au XIXe siècle, Paris, L’Harmattan, 2007, pages 18 à 23.

Les relations avec L’Abeille avaient pourtant bien commencé. À l’occasion du Centenaire de la mort de Voltaire une conférence publique avait été organisée au théâtre de la ville (juin 1878) ; devant le succès obtenu, Allien, directeur de L’Abeille et promoteur de cette manifestation, prend l’initiative de tenir une réunion privée dans les bureaux du journal pour la constitution d’une « Ligue étampoise de l’enseignement » ; parmi les conseillers municipaux présents se trouvent Béliard et Dosithé Bourdeau.


Mais ces relations se détériorent à partir de l’année 1880 : peu à peu on sent monter une animosité du journal contre Béliard, animosité qui semble fondée sur des divergences politiques, Béliard affichant de plus en plus ouvertement ses convictions radicales. Dès lors, progressivement mais régulièrement, L’Abeille va s’en prendre à la personnalité et au comportement de Béliard au point d’en faire une véritable « tête de turc ». La critique va prendre toutes les formes possibles : harcèlement, dénigrement, ironie, raillerie, contestation systématique.


Quelques exemples puisés dans la trivialité de la vie quotidienne et locale illustrent cette attitude médisante du journal : en août 1892 il suggère à Béliard l’achat d’une sonnette afin de rappeler à l’ordre les conseillers bruyants qui interrompent trop souvent les séances et qu’il ne parviendrait pas à discipliner ; en février 1895 L’Abeille note avec délectation qu’aucune peinture de Béliard ne figure au musée ; plus grave, en janvier 1897 elle insinue que Béliard utilise le produit des quêtes de la caisse des Écoles aux fêtes publiques pour distribuer arbitrairement des soutiens financiers ; durant ce même mois elle mentionne la mesquinerie de Béliard accusé de se venger du commissaire de police en lui fournissant pour se chauffer des culées d’acacia humides impossibles à fendre alors que ses prédécesseurs avait du charbon ou du bois sec ; en

novembre 1898, L’Abeille ridiculise Béliard qui ne serait pas parvenu à s’exprimer dans une réunion publique ; le sommet étant atteint en octobre 1894 où L’Abeille est tellement opposée à Béliard qu’elle présume de sa pensée en indiquant ce qu’il aurait aimé faire ou ne pas faire : on est dans le délit d’opinion. Cette attitude est d’autant plus hypocrite que L’Abeille s’abrite toujours derrière l’« opinion publique » pour délivrer un avis qui pourrait lui être contesté.


Deux domaines ont constitué toutefois les matières de prédilection de L’Abeille, indépendamment des crises qui ont parsemé les deux mandats de Béliard, lesquelles sont traitées spécifiquement : l’action politique et la salubrité de la ville.


La vie politique

Lors des municipales de 1881 L’Abeille, dans un long article, soutient sans réserve et ouvertement la liste du maire sortant Dosithé Bourdeau, Béliard est d’ores et déjà devenu un véritable ennemi politique, L’Abeille le qualifie d’« intransigeant »25.


L’ambiance va devenir exécrable et électrique aux élections municipales de mai 1888. L’éditorialiste de L’Abeille, Henri Percher, attaque violemment Béliard qu’il accuse d’être l’auteur d’une tentative continue de déstabilisation du conseil municipal par des injures ; par ailleurs il considère que Béliard veut se faire passer désormais pour républicain ; or il est curieux que les radicaux, qui se prétendent amis des ouvriers et qui critiquent volontiers les possédants, se fassent représenter par


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25 C’est le nom attribué aux radicaux.

un homme qui n’a « jamais rien fait de ses dix doigts ». Il exhorte les étampois à exclure définitivement Béliard du conseil municipal ; Béliard taxé implicitement de mauvaise foi, d’incertitude du jugement, d’opposition systématique, de calomnie et de dénigrement : « écartons-les sans pitié ». Le journal se laisse aller à la publication de textes anonymes alors qu’il se targue d’avoir comme principe déontologique de ne jamais rien publier qui ne soit signé. Béliard paiera au prix fort cet acharnement : il est battu au second tour.


Mais l’acrimonie de L’Abeille se poursuit malgré l’éloignement politique de Béliard : en avril 1888, Percher dresse à nouveau un violent réquisitoire contre Béliard considéré comme un politicien dangereux pour la république, dominateur (il a jeté sa peau de loup), intransigeant, malhonnête, déloyal : il faut se « débarrasser définitivement de cette race détestable ». A posteriori on peut penser que cette diatribe est motivée par le fait que Percher prépare de son côté sa candidature aux élections législatives de septembre 1889 et qu’il craint une manœuvre tactique de Béliard à son encontre ; si c’est le cas, l’affaire tournera court puisque Percher, malgré une campagne acharnée de L’Abeille en sa faveur, sera battu dès le premier tour, ne pouvant empêcher Amédée Dufaure, royaliste avançant sous les couleurs républicaines, d’être élu.


Aux élections municipales partielles de mars 1890, Béliard retrouve son siège malgré l’opposition systématique de L’Abeille et de Percher : « En résumé, je conseille seulement à mes amis de ne pas voter pour la liste de M. Béliard ; au second tour, L’Abeille d’Étampes recommandera impartialement les trois candidats non radicaux qui auront obtenu le plus de suffrages ».

L’élection de Béliard à la magistrature municipale suprême en 1892 va provoquer l’ire indéfectible de L’Abeille. Dès le mois de juin, un éditorial de Louis Terrier — qui alterne parfois avec Percher — critique le fonctionnement et les orientations du conseil municipal : un article en page locale intitulé « La pétaudière » souligne sa façon de penser pour qualifier le conseil municipal ; le journal est mécontent du vote relatif aux processions et à la laïcisation — qu’il faut respecter puisque le parlement l’a votée mais qui aurait justifié le maintien de la procédure précédente de laïcisation progressive au fur et à mesure des extinctions — ; il estime qu’il y a là un risque de création d’une école congréganiste, de son succès auprès des habitants et donc d’une augmentation des centimes additionnels.


L’Abeille profite à plein de la législation assurant la liberté de la presse pour démontrer sa puissance et attaquer sans complexe le sous-préfet d’Étampes, Martin-Feuillée, muté à Sedan ; elle manifeste sa satisfaction de voir enfin partir un fonctionnaire

« à la fois agité et incapable », qui n’a rendu aucun service à l’arrondissement, « le plus mauvais des sous-préfets de France », « personnage funeste » taxé d’impéritie et accusé de préparer en fait la candidature de Béliard à la députation26. Martin-Feuillée était également soupçonné d’avoir fait nommer Béliard dans plusieurs commissions administratives bien qu’il

ait été battu lors des municipales de mai 1888. Les attaques reprennent sous l’angle politique dès qu’une élection approche ou lorsqu’aucun autre secteur de la vie étampoise ne fournit plus d’occasion.


Dans une violente philippique de septembre 1894, Louis Terrier rappelle s’il en était besoin les griefs du journal contre


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26 L’Abeille du 18 mars 1893.

Béliard : il a trahi le parti républicain, il est en minorité dans son conseil municipal et il fait preuve de la plus éclatante incapacité administrative ; le sectarisme de Béliard est tel qu’il ne respecte pas le jeu démocratique : ainsi il « oublie » de transmettre à L’Abeille des informations locales auxquelles elle aurait droit.


Est-il nécessaire de mentionner l’abattement et la résignation de L’Abeille lors de la réélection de Béliard à la mairie ? En juillet 1896 le journal se fait l’écho d’une dégradation des relations entre Béliard et Lefebvre : Béliard aurait promis à Lefebvre le rétablissement des processions, ce qu’il vient de refuser catégoriquement, ainsi que l’insertion au budget d’un crédit destiné à accorder des secours aux enfants des écoles congréganistes. L’Abeille se délecte dans son compte-rendu du conseil municipal du 13 juillet de la discussion qui a lieu sur ce dernier point : Béliard fait de l’obstruction et Lefebvre lui reproche de ne pas tenir ses promesses. Les fêtes du 14 juillet donnent lieu à une autre diatribe, Béliard n’ayant pas invité le sous-préfet à la revue — ce que le journal considère comme une inconvenance —.


Cette affaire du secours aux enfants pauvres des écoles libres va permettre à Béliard de réaliser une manœuvre politique d’une grande habileté tactique. Dans la séance du conseil municipal du 20 juillet 1896 Béliard soutient que la loi ne permet pas cette opération alors que Hamouy, représentant Lefebvre absent, estime que dès lors qu’une promesse a été faite devant les électeurs, elle doit être tenue. Par deux votes distincts la proposition est repoussée. En réalité les neuf conseillers municipaux républicains anti-Béliard récemment élus — et soutenus par L’Abeille — ont été obligés de voter avec leur ennemi Béliard, pour éviter de faire passer une proposition manifestement antirépublicaine et trop cléricale.

Béliard montre ainsi sa capacité à manœuvrer un conseil municipal hétérogène où il y a des conseillers très favorables aux écoles libres.


Béliard va être servi un moment par la chance : en deux ans ses deux plus farouches ennemis viennent à décéder : Percher meurt dans un duel le 28 février 1895 et Terrier est terrassé par une maladie incurable à l’âge de 38 ans le 7 mai 1897. Le ton de L’Abeille va s’atténuer quelque peu mais Auguste Terrier, frère du précédent, reprendra vite la façon de faire de ses prédécesseurs.


Après avoir persisté dans son opposition à Béliard, L’Abeille s’étonne en mars 1898 que la désignation des délégués sénatoriaux par le conseil municipal s’effectue au profit de neuf délégués majoritaires sans aucune place laissée pour un membre de la minorité ; Béliard et Lefebvre mènent donc une politique arbitraire et antidémocratique. Aux élections municipales de mai 1900 une liste républicaine soutenue par L’Abeille est présentée contre Béliard qui est largement battu.


La rengaine de L’Abeille est simple : la situation de la ville est catastrophique matériellement et moralement. C’est cet aspect qui a constitué le second point de critique du journal sous les mandatures de Béliard.


La salubrité publique

L’Abeille n’a jamais cessé de relever le moindre défaut de fonctionnement de la municipalité Béliard, en particulier dans le domaine de la salubrité publique qui a représenté très rapidement un véritable cheval de bataille.


Eau, hygiène et santé publique


La distribution de l’eau est un problème récurrent à Étampes depuis 1879 : régulièrement des plaintes émanent des particuliers au motif que l’eau est trop chère et qu’elle est mal distribuée. C’est un élément essentiel de la salubrité publique car elle permet l’évacuation de la plupart des déchets domestiques ou industriels dans les rivières, bien dont la ville n’est pas dépourvue. Le conseil municipal en est saisi car il examine annuellement le compte de situation du Service des eaux.


Dans sa livraison du 4 juin 1892 L’Abeille relance une proposition qu’elle a déjà faite de laisser couler l’eau dans un souci de propreté, remerciant M. Richou d’avoir saisi le conseil municipal, mais déplorant que celui-ci l’ait renvoyé en commission, le rapport n’étant présenté qu’une fois les chaleurs passées. L’article attaque directement Béliard qui a refusé d’obliger les habitants à balayer devant leur demeure alors que cela se fait à Orléans ; l’argument du manque de cantonniers n’en est pas un, relève L’Abeille, car l’unique balayeur municipal actuel pourrait être suppléé par d’autres ouvriers municipaux pour cette seule tâche ou par un sapeur-pompier de bonne volonté ; si cela n’était pas possible, il est loisible de diviser la ville en six zones avec des heures d’arrosage

différentes ; c’est une mesure d’hygiène publique dont le non- respect menace la santé des habitants. On voit donc que L’Abeille non seulement accorde à cette affaire une grosse dimension mais encore se substitue à l’administration municipale pour proposer sa solution.


Béliard répond, dans la séance du 8 août 1892 du conseil municipal, que s’agissant de la gestion de l’eau, il ne peut pas prendre d’arrêté obligeant les habitants à balayer toute l’année devant leurs habitations ; mais le conseil décide de le faire malgré tout. En septembre, L’Abeille relance le débat : « Par ces temps d’épidémie, nous voudrions voir prendre par M. le Maire un arrêté obligeant les habitants à balayer devant leurs portes, en ordonnant à ce sujet au directeur des eaux de faire ouvrir les bouches d’eau afin qu’elle coule dans les ruisseaux au moins trois heures par jour. Peut-être se résignera-t-on à prendre cet

arrêté lorsqu’il sera trop tard »27. Le conseil dans sa séance du 14 novembre procède à une longue discussion sur la qualité

incertaine de l’eau potable à Étampes.


En avril 1895 L’Abeille note que le maire n’est pas satisfait de la propreté des rues et a donné l’ordre de dresser des procès- verbaux contre les personnes qui ne se conformeraient pas aux règlements. L’affaire reprend deux ans plus tard. Au mois d’août 1897 L’Abeille attaque le maire, accusé de ne rien faire pour assurer l’eau potable dans la ville alors que le point de Saint-Hilaire est devenu un monceau de détritus putrides. Dans la séance du 9 août le conseil évoque de nombreux problèmes de salubrité publique : détritus dans les rues et les ruisseaux, urinoirs fonctionnant mal, boues sur les abreuvoirs auxquels s’adjoignent des questions de pavage et de dégagement des rues. En octobre le journal relève que le fossé qui entoure le


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27 L’Abeille du 17 septembre 1892.

marché-franc n’est pas nettoyé malgré les nombreuses réclamations, ce qui porte atteinte à la salubrité publique.


L’année 1898 voit éclater une nouvelle affaire : à trois reprises durant la semaine du 20 août les réservoirs d’eau de la ville ont été à sec, entrainant de nombreux désagréments ; or, à aucun moment, la municipalité n’a cru bon d’établir un communiqué ni tenté de remédier à cette situation. L’Abeille souligne que c’est d’abord un défaut de surveillance, ensuite un défaut d’information et enfin une incurie technique dont la municipalité ne se préoccupe guère. Plusieurs conseillers municipaux évoquent explicitement la situation en séance (29 août 1898) ; Béliard estime qu’il y a eu exagération de l’incident, seules quelques maisons haut situées ayant été privées d’eau durant quelques heures et il assure qu’il n’a jamais manqué d’eau. Le conseil note toutefois que l’augmentation de la population étampoise va continuer à poser le problème du débit de l’eau.


La situation des bornes fontaines de la ville a donné lieu également à des polémiques. En décembre 1892 la neige et le gel recouvrent la ville ; le journal demande aussitôt si l’administration municipale a pris des mesures pour faire empailler les bornes fontaines ? Trois semaines plus tard une nouvelle attaque du journal dénonce l’« incurie » de la mairie qui a laissé geler les bornes fontaines, créant des difficultés aux habitants qui n’ont pas l’eau à domicile. En janvier 1893, relance de l’affaire : l’un des chefs du service des eaux aurait affirmé qu’il valait mieux ne pas protéger les dites bornes car la paille intérieure s’imprègne d’eau et gèle encore plus facilement les tuyaux ; la perplexité du journal est évidente. Un an plus tard, à la même époque, le rédacteur de L’Abeille apostrophe Béliard une fois encore. Il faudra attendre janvier 1900, à quelques mois des élections municipales, pour que Béliard,

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faisant preuve d’une inertie évidente — certainement pour ne pas donner l’impression de céder aux objurgations de son ennemi intime — consente à régler ce problème en publiant un arrêté spécifique.


Arrêté sur les bornes-fontaines

du 12 janvier 1900.


Travaux


Dès la première année de sa gestion Béliard se trouve sous le feu des critiques de toute nature. L’Abeille se plaint en novembre 1892 de la lenteur des travaux de restauration de la gare,

ouverte à tous vents avec des tas de plâtres disséminés partout sur le chantier ; de même la passerelle de Guinette n’est pas encore en place, ce qui gêne les promeneurs et les ouvriers :

« Nous prions M. le Maire d’Étampes d’être l’interprète au

rétablissement de la passerelle auprès de la Compagnie ou des entrepreneurs de travaux »28.


En avril 1894 le journal note qu’une voie de l’accès au port est encombrée de pavés déposés en désordre : « Nous osons espérer que M. le Maire voudra donner satisfaction aux justes réclamations de ses administrés ». Devant l’absence de réaction de la mairie, la presse réitère son exhortation : si le maire se casse le nez lui-même, il n’aura qu’à s’en prendre à lui !


Une autre étonnante affaire vient secouer la torpeur du mois de juillet 1895. Béliard est violemment pris à partie par L’Abeille car, en application d’un arrêté relatif aux concessions du cimetière, un agent municipal aurait détruit des tombes, pris les pierres tombales et les aurait utilisées pour recouvrir un caniveau public. Cette profanation est due au caractère du maire qui ne supporte pas les oppositions et les contradictions, ce qui

a abouti à évincer les collaborateurs les plus dévoués ; il est donc seul responsable de cette situation29.


Une nouvelle occasion mêlant travaux et salubrité va occuper les séances du conseil entre novembre 1897 et février 1898. Le conseil de fabrique de l’église Saint-Gilles demande à la mairie de faire cesser l’envahissement des abords de l’église par des constructions privées qui sont des cabanes à lapins et des cabinets d’aisance, ce qui est source de foyers d’infection. Béliard s’y oppose au motif que ces constructions sont très


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28 L’Abeille du 26 novembre 1892.

29 Cette anecdote nous semble avoir été montée en épingle par L’Abeille :

en effet il n’y a pas eu de plaintes auprès du conseil municipal et si les faits avaient été avérés leur gravité aurait suscité certainement de plus amples réactions. Béliard a tout de même porté plainte contre L’Abeille devant le procureur de la République pour avoir divulgué cette affaire mais le recours en justice est classé sans suite par le juge.

anciennes et risqueraient d’entraîner la municipalité dans d’interminables procès. La commission créée à cet effet conclut à la démolition de l’appentis construit récemment et à une entente avec les propriétaires pour rendre désormais tout empiètement impossible : le conseil adopte le rapport.


C’est la faute à Béliard !


On pourrait reprendre le célèbre refrain de Gavroche pour qualifier l’attitude de L’Abeille. Les exemples sont nombreux. Ainsi en juillet 1894 il fait chaud et les baigneurs vont dans la Juine faire trempette au Pont-de-Pierre ; mais le journal regrette qu’il n’y ait pas à Étampes un établissement de bains froids ; les mêmes amateurs de bains froids sont obligés de passer par l’allée de Bonnevaux, un chemin caillouteux, sale, plein de pierres, de pavés et de débris : qu’en pense M. le Maire ? Cette absence de piscine fera l’objet d’une diatribe véhémente dans le cadre d’une tribune libre en août 1899.


Un mois après la première interpellation (août 1894) une défaillance de la compagnie du gaz est soulevée en conseil municipal : Béliard est directement mis en cause du fait que le gestionnaire n’allume pas les becs de gaz en ville. En janvier 1895 le verglas empêche le déroulement d’un bal masqué : or c’est le maire qui a l’esprit de faire danser pour augmenter le sou des écoles ! En juin, les habitants de la rue Saint Mars se plaignent du fait que les éboueurs (on disait à l’époque les

« boueurs ») n’ont pas pu passer dans la rue à cause d’une pancarte indiquant rue barrée : c’est Béliard qui avait négligé de donner des ordres à son architecte-voyer ! Au même moment un bouchon de déchets se forme dans un bras de rivière en ville et c’est la faute du maire ! En septembre un scandale se produit avenue de Paris où une mégère a suscité des plaintes ; M. le Maire pourrait prendre un arrêté !

Quoi qu’il fasse, Béliard a tort ! En juin 1896 il prend un arrêté sur la circulation des cyclistes en ville avec interdiction de circuler sur la promenade Henri IV et celle du Port, sous peine de verbalisation ; L’Abeille regrette aussitôt qu’on ne puisse circuler jusqu’à 10h du matin sur la promenade Henri IV et que l’interdiction sur le port engorge la circulation dans d’autres rues.


Le journal a toujours été sensible à l’insécurité : délits (individuels ou en bande), agressions, vagabondage dans les campagnes, rixes, vols, tapages nocturnes, présence de bohémiens, qu’il ne manque jamais de mentionner sur le ton de

l’indignation, du respect de la morale et de l’atteinte aux bonnes mœurs30. A partir de 1899, les critiques de L’Abeille accentuent progressivement sur ce thème : l’approche des élections municipales n’est certainement pas étrangère à cette offensive. Ainsi, outre l’arrêté précité sur les bornes fontaines, Béliard signe, le 12 janvier 1900, deux autres arrêtés relatifs à

l’enlèvement des boues et à la gestion des mares communales.


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30 De la même façon L’Abeille se repait des faits divers : un cheval qui s’emballe, une charrette qui s’enfonce dans la rivière à un abreuvoir ; les audiences de police correctionnelle sont systématiquement décrites.

LES AFFAIRES MUNICIPALES

Le fonctionnement normal

Typologie d’un conseil municipal


Le conseil municipal traite des affaires communales classiques ; sur la période 1878-1900, on peut dresser un tableau des affaires courantes donnant lieu à communication (rapports des commissions) et à délibération. Deux exemples sont significatifs :


Compte-rendu du conseil du 4 février 1878 : secours à Mme Vve Blin, ancienne concierge de la mairie, approbation du devis des travaux supplémentaires de l’église Saint Martin, nomination de répartiteurs31, nomination de deux membres du conseil pour assister le maire aux adjudications, nomination d’un administrateur de la Caisse d’Épargne, établissement d’un préau et de cabinets d’aisance au collège, modification du règlement des sapeurs-pompiers32, pétition pour la création d’un nouveau marché, nomination d’un nouveau conservateur du musée.


Compte-rendu du conseil du 23 mai 1892 sous la présidence de M. Béliard, maire : Construction ou réparation du mur du


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31 Les répartiteurs sont des propriétaires fonciers chargés de répartir entre les contribuables d’une même commune les contributions foncières, personnelles, mobilières et des portes et fenêtres.

32 L’importance du rôle des pompiers est à mettre en évidence : des

concours de pompes à incendie existaient dans plusieurs grandes villes et de nombreuses communes participaient à ces exercices pour comparer les matériels et le niveau d’entraînement des sapeurs. Ceci nécessitait évidemment des subventions municipales qui donnaient lieu à discussion au sein du conseil.

cimetière de Saint-Basile ; assistance à une administrée ; musée : dépôt du compte de situation ; Service des eaux : dépôt du compte de situation ; Commission de l’hospice : nomination de deux membres ; Commission du bureau de bienfaisance : nomination de deux membres ; Nomination d’une commission de deux membres pour les adjudications communales ; Nomination des sept membres de la commission scolaire ; Remerciements du Comité de l’Afrique française pour la somme de 50 F votée par le conseil municipal ; Demande d’allocation pour prix aux élèves du cours municipal de dessein ; Cimetière, concession et demandes de conversion (de concessions trentenaires en concessions à perpétuité) ; allocations à diverses sociétés dont les pompiers et la société de gymnastique ; Collège : communication d’une lettre du Ministre de l’Instruction publique : des travaux de réparation du collège se montent à 2400 F mais le ministère ne veut en donner que 1200 ; renvoi à la commission du budget ; Traitement des maîtres répétiteurs : renvoi à la commission du budget.


Les arrêtés du maire


Béliard en tant que maire est amené à assurer l’exercice des fonctions ordinaires ; il prend les arrêtés les plus classiques qui permettent le fonctionnement normal de la vie publique. Cela concerne d’abord la vie urbaine : arrêtés sur le tirage au sort des obligations de l’emprunt municipal, le recouvrement du rôle supplémentaire des patentes, le recouvrement du rôle des poids et mesures ; le recouvrement du rôle de la taxe pour les chevaux et voitures ; le recouvrement du rôle de la taxe sur les billards ; le recouvrement de la taxe sur les concessions d’eau ; le projet de modification des alignements de rues (exemple : la rue Sainte Croix et de la petite rue Sainte Croix). L’aspect rural n’est pas à négliger : arrêtés relatifs aux chiens errants pour la chasse, aux déchets de fumier, au recouvrement de la taxe

municipale sur les chiens, à la destruction des corbeaux nuisibles aux agriculteurs, à la date des vendanges, à l’interdiction de parcourir les terres ensemencées en avoine. Plus globalement le maire fixe la date du recensement pour le conseil de révision et l’incorporation au service militaire ou sur les droits et devoirs des habitants pour le carnaval (port de masques, interdiction de se déguiser en militaire ou ecclésiastique). Enfin, de façon plus originale, il est amené à prévenir les habitants des exercices de tirs à la cible des

brigades de gendarmerie de l’arrondissement d’Étampes afin de ne pas se risquer dans les environs33 !


Les grandes questions étampoises

À part le traitement de l’eau qui a été évoqué précédemment avec la question de la salubrité publique, la ville d’Étampes durant cette période a été confrontée à deux problèmes particuliers : l’éclairage au gaz et le passage du chemin de fer34.


L’éclairage au gaz


Le dispositif existe déjà en ville mais le problème rebondit au conseil municipal en novembre 1892 à propos de son installation sur le boulevard Saint Michel. Béliard explique que l’affaire est impossible à mettre en œuvre pour des raisons techniques (insuffisance des canalisations), juridiques (le traité prévoit que pour un bec de gaz pris en charge par la ville les


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33 Ces tirs à la cible ont lieu la plupart du temps au lieu-dit La Côte (les Blandars).

34 Chacun de ces points n’est évoqué que superficiellement ici car ils peuvent faire l’objet d’une monographie plus approfondie.

particuliers doivent en prendre deux) et financières (5000 à 6000 F, le budget est trop lourd pour la ville). En 1898 il faut préparer le renouvellement du traité avec la compagnie du gaz ; il y a à Étampes 190 becs éclairés pendant 1400 heures pour la somme de 12535 F. L’Abeille s’en mêle par le truchement d’une chronique sur l’éclairage public à Étampes (juin 1898) destinée à faire pression sur la municipalité et la compagnie d’éclairage pour faire baisser les prix et améliorer le fonctionnement. Il semble que le conseil municipal ait saisi la nécessité de ne pas se laisser faire : une commission du gaz a été créée et a rendu son rapport en novembre ; en décembre le nouveau texte de traité est examiné, contenant notamment un article sur la liberté de l’éclairage à Étampes : ainsi il est acquis que la compagnie n’a pas le monopole de l’éclairage, du chauffage ou de la force motrice. En février 1899 le traité entre la ville et la compagnie du gaz reçoit définitivement l’approbation préfectorale. La seule grande question qui se pose désormais est celle de l’emplacement des quarante-six lanternes supplémentaires créées par le nouveau traité d’éclairage ; les désaccords réapparaissent aussitôt parmi les conseillers, la somme des demandes aboutissant à soixante lanternes réclamées. Béliard s’abstient de voter pour ne gêner personne et Lefebvre lui reproche d’avoir voté le rapport en commission et de ne pas le voter en séance. On n’est là encore pas très éloigné des élections municipales et Béliard joue manifestement la prudence.


Le chemin de fer


Le tracé de la ligne transversale35 a constitué un enjeu technique mais également politique. Dès le mois d’avril 1878 les étampois ont pétitionné pour la création d’une voie de


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35 Le chemin de fer Paris-Orléans passe par Étampes depuis 1843.

chemin de fer de Chartres à Melun qui s’arrête à Étampes. Ce projet a donné lieu à des désaccords réguliers et sévères entre les conseillers municipaux ainsi qu’à des rebondissements, chacun assurant avoir trouvé un accord avec la compagnie de chemin de fer ou avec le Ministre des Travaux publics. La nomination de la commission du chemin de fer de Beaune-la- Rolande n’intervient qu’en juin 1892. En février 1897 le désaccord est persistant : le conseil souhaite la création d’une gare de marchandises à Étampes alors que la compagnie n’en veut pas. Bien sûr L’Abeille attaque Béliard à propos du tracé de la voie ferrée Étampes-Pithiviers (mai 1897). Lefebvre tente d’obtenir du conseil un arrêt du train à Saint-Martin plutôt qu’une gare de marchandises : sa proposition est repoussée par dix voix contre quatre et sept abstentions (séance du 3 mai 1897). Dans sa livraison du 29 mai 1897 L’Abeille critique, dans une chronique non signée, la décision du conseil et bien sûr de Béliard. L’affaire rebondit longuement en août et septembre mais il faut constater que Béliard parvient à ne pas être mêlé aux polémiques qui se teintent rapidement de considérations électorales, Amodru, député républicain aux couleurs de L’Abeille étant crédité d’un rôle décisif et unique pour obtenir le passage du train à Étampes. À la fin du mandat de Béliard, l’affaire n’est toujours pas réglée.


Les turbulences du premier mandat (1892-1896)

Les escarmouches du début de l’année 1893


Les difficultés d’approbation du procès-verbal de la séance précédente ou de désignation du secrétaire de la séance qui commence sont souvent les signes avant-coureurs de la dégradation du fonctionnement d’un conseil municipal. Viennent ensuite les accrochages sur les affaires où les convictions personnelles apparaissent rapidement.


Tout au long de son premier mandat Béliard aura à faire face à ce type d’obstacles dont plusieurs de ses maladresses sont également la cause. La séance du 13 février 1893 est significative. Lefebvre demande la modification du procès- verbal de la précédente séance au motif que ses déclarations sont insuffisamment retranscrites sur les travaux de réparation du théâtre, sur la réparation de la passerelle de la promenade des Près et sur l’interdiction des processions ; d’une façon générale ajoute, t-il, les procès-verbaux de L. Poussard ne sont pas l’exacte reproduction des séances. Lefebvre demande en outre ce que sont devenues les deux tables de l’école du Centre dont on avait pressenti l’usage lors de la précédente séance ; Diamy affirme qu’elles ont été détruites. Béliard, après quelques hésitations, consent à dire que ce n’est pas lui qui a donné l’ordre de les détruire ; le conseil décide de faire une enquête. Le renouvellement triennal des cinq administrateurs de la caisse d’épargne donne lieu à un autre éclat : le maire devait consulter les cinq titulaires précédents pour savoir s’ils consentaient à se représenter ; il répond qu’il n’a rien fait. Moullé prétend que Béliard a confectionné une liste à lui et L.

Poussard révèle que c’est lui qui a fait la nouvelle liste composée de républicains : le conseil vote et élit les administrateurs dont deux sont renouvelés. Nouveau vif accrochage à propos de la troisième classe de l’école des Près : Béliard informe le conseil qu’aucun des menuisiers et marchands de meubles d’Étampes n’a voulu soumissionner ; mais Diamy affirme qu’il n’a pas informé les entreprises étampoises du rabais important consenti par l’entreprise parisienne pressentie (15%), ce qui est du favoritisme ; il est convenu de prévenir la maison Durut, étampoise, du rabais de la maison Delagrave, parisienne. Mais parallèlement, de nombreuses affaires ne donnent pas lieu à des accrochages (soutiens de famille, conversions de concessions, échanges entre un propriétaire et la ville).


La séance suivante du 20 février 1893 est tout aussi haletante. Parmi d’autres points le receveur municipal, en raison du grand surcroît de travail résultant des emprunts communaux, demande conformément à la loi une augmentation de 10% de son traitement : le maire approuve mais au scrutin secret la demande est rejetée par quatorze voix contre et six oui. Béliard relance imprudemment l’affaire des deux tables, affirmant qu’elles ont été retrouvées mais que leurs pieds sont vermoulus ; Diamy propose de nommer deux commissaires car selon lui ces tables ont été détruites ; Béliard hausse le ton en demandant qui a renseigné Diamy et en s’opposant à la nomination des commissaires ; Langumier laisse entendre que le maire a usé de son influence sur un fonctionnaire ; Lefebvre propose alors la création d’un inventaire, suggestion qui est acceptée par le maire et le conseil. Suit un long débat sur l’agrandissement des marchés où Diamy conteste le rôle du maire qui ralentit les décisions du conseil votées règlementairement et qui réfute toute responsabilité en prenant des décisions contraires à la commission des travaux ; Sanlay et

A. Poussard menacent de démissionner de la commission des travaux, sans réaction du maire ; Béliard est dépassé : « Je veux bien faire tout ce que vous voudrez, moi, même rien du tout si cela vous fait plaisir ! »


La séance du 27 février 1893 voit s’affronter plusieurs conseillers sur des dossiers engageant l’avenir de la ville : faut- il agrandir les marchés ou paver les rues ? Le conseil en arrive à repousser un projet qu’il avait déjà adopté l’année précédente ; Béliard avec vivacité coupe la parole et furieux lève la séance dans un tumulte indescriptible.


La séance du 6 mars voit de nouveaux affrontements. Lamgumier demande l’insertion intégrale au procès-verbal de sa déclaration coupée par le maire de façon discourtoise et despotique ; après plusieurs éclats de voix Béliard fait voter le procès-verbal en oubliant l’intervention de Langumier. Une telle ambiance délétère ne pouvait que dégénérer.


L’intervention policière au conseil municipal (juillet 1893)


Élu maire depuis quatorze mois, Béliard a pu voir se former les affinités et les antipathies au sein du conseil, fondées sur les orientations politiques mais aussi sur les relations personnelles ; il navigue comme il peut dans ces agitations, soumis aux critiques vives et répétées de L’Abeille et contraint de tenir compte d’une importante opposition au sein du conseil.


Dans la suite des agitations précédentes le premier débordement sérieux a lieu au cours de la séance du 10 juillet 1893. À la suite du vote du procès-verbal de la précédente réunion le conseiller Diamy propose de voter un blâme contre

Louis Poussard en raison des insultes qu’il a proférées contre deux conseillers lors de la séance précédente : il a accusé l’un d’être un menteur et l’autre d’être un faux républicain et un boulangiste.


Le maire, passé le moment de stupéfaction, ergote sur le sens des formules utilisées par Diamy : il feint d’ignorer ce qu’est un rappel à l’ordre et il soutient, contre l’avis de nombreux conseillers, qu’il peut lever la séance du conseil alors que Diamy estime que ce ne peut être qu’une suspension. L. Poussard prétend qu’il a été provoqué et qu’il n’a fait que se défendre : ceci déclenche un tollé général. Les invectives fusent dans tous les sens, même Anselme Poussard, oncle de l’accusé et également conseiller municipal, condamne son neveu car il l’a traité de réactionnaire. Après quelques admonestations, il est procédé à un vote secret alors que L. Poussard réclamait un vote nominal : par 15 voix contre 1 le blâme est voté. L’Abeille, jamais en reste, soupçonne que la seule voix en faveur de L. Poussard est celle du maire.


On passe à l’ordre du jour. Les questions évoquées donnent lieu à des échanges exacerbés : est-on en session ordinaire ou non ? Peut-on discuter du budget ? Une proposition de Béliard de payer certains travaux avec les rabais provenant des adjudications est repoussée par 10 voix contre. Béliard voyant le conseiller Langumier rayer certains passages de son rapport sur le compte administratif apostrophe Langumier, lequel répond que ces passages n’ont pas été lus et qu’il peut donc les supprimer. L’atmosphère est certainement à son comble lorsqu’à la fin de la séance Diamy bouscule L. Poussard et l’empoigne par le bras à propos d’un article paru dans un autre journal local. Devant le tohu-bohu Béliard s’esquive et appelle le commissaire de police pour faire dégager L. Poussard, et faire évacuer la salle, ce qui est fait immédiatement ; dans la

cour de la mairie, la dispute rebondit à la grande surprise des passants. L’Abeille, dans ses commentaires, en profite pour égratigner Poussard, accusé d’être un clérical passé chez les radicaux.


La grève du conseil municipal (septembre-décembre 1893)

C’est la crise la plus grave qu’ait eu à affronter Béliard durant ses deux mandats.


Le contexte politique


Comme cela a été vu précédemment Béliard avait constitué un comité de concentration républicaine, a priori pour préparer sa propre candidature aux élections législatives de l’été 1893. L’opération échoue car le comité, en août 1893, désigne à l’unanimité Amodru, soutenu par L’Abeille. Le journal accentue ses attaques contre Béliard, associé à Louis Poussard, son compère, en les accusant d’avoir tenté de saboter le comité.


L’affaire rebondit brusquement quelques jours plus tard. Une affiche, faite au nom de Jouvencel (ancien député d’Étampes, radical, candidat également), portant sa signature et traitant Amodru de clérical, est placardée dans la ville. Jouvencel s’en désolidarise publiquement après sa défaite au premier tour ; mais il laisse filtrer le fait que Béliard et Poussard sont les auteurs de l’affiche. L’Abeille crie au scandale et n’hésite pas à les désigner comme les vrais auteurs de cette turpitude, qui est une malhonnêteté politique car ils veulent en réalité faire réélire Dufaure, député d’Étampes en titre, conservateur libéral, fortement soupçonné par L’Abeille d’affinités royalistes. Béliard et Poussard sont directement accusés d’être les

inspirateurs et les auxiliaires du Postillon, journal catholique et monarchiste36 ; est évoquée leur « opposition enragée » à la candidature Amodru. L’affaire dérive au niveau municipal lorsque plusieurs conseillers signent un appel publié par L’Abeille désapprouvant, sans le nommer, l’attitude de Béliard et invitant à voter pour Amodru.


Une fois l’élection de ce dernier acquise (septembre 1893), un éditorial de L. Terrier poursuit et relance les hostilités. Le parti républicain a été trahi de deux côtés, explique-t-il : par Lefebvre, qui a basculé dans le camp royaliste, et par Béliard et Poussard qui, « sans autres mobiles que des rancunes personnelles ont fait défection à la République » ; le journal conclut qu’ils ne peuvent plus être admis dans le parti républicain37. Il va plus loin encore en demandant la démission

de Béliard : « En particulier, il semble impossible que M. Béliard demeure maire d’Étampes »38.


Cette interpellation est accompagnée de l’envoi par lettre recommandée d’une motion de défiance publiée dans le journal et signée de douze conseillers municipaux indiquant qu’ils n’accordent plus leur confiance à Béliard en raison de son attitude pendant la campagne législative : il est notamment accusé d’avoir explicitement recommandé de voter pour le candidat royaliste.


Béliard réplique le 10 septembre à Diamy, expéditeur de la lettre initiale, à charge à lui de transmettre la réponse aux pétitionnaires : il nie les faits, considère que sa participation à la campagne électorale s’est effectuée en tant que citoyen et


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36 L’Abeille du 2 septembre 1893.

37 L’Abeille du 9 septembre 1893.

électeur et non en tant que maire, invoque son passé républicain comme garant de toute accusation de trahison politique, regrette que les conseillers municipaux se soient laissé tromper, assure qu’il a rempli son devoir en tant que républicain et administrateur de la ville et affirme qu’il restera à son poste de maire pour exécuter les décisions du conseil pour les affaires administratives.


Après une nouvelle réponse d’invectives à l’encontre de Béliard L’Abeille se plaint que la mairie ne lui fournit pas tous les renseignements nécessaires à l’information du public :

« Nous laisserons nos lecteurs apprécier à sa juste valeur l’administration municipale qui emploie des procédés aussi mesquins… »39.


La crise municipale


La crise éclate lors des séances suivantes. Le conseil municipal ne peut se réunir valablement, le quorum n’étant pas atteint : huit membres seulement avaient répondu à la convocation du 26 septembre et dix à celle du 2 octobre ; dans les deux cas la séance est levée immédiatement. Lors de la séance du 10 octobre 1893 seuls huit conseillers sont présents. Lefebvre propose de passer outre cette situation et de délibérer, comme la loi le permet ; Poussard est élu secrétaire et la réunion se tient avec sept présents puisque l’un des conseillers a quitté la salle en désaccord avec la proposition de Lefebvre. Il est clair que Béliard n’a plus qu’une minorité sur laquelle s’appuyer pour diriger la ville.


Quelques jours plus tard, le 15 octobre 1893, une interpellation, sous forme de lettre signée par plusieurs


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conseillers municipaux, est publiée par L’Abeille : ils demandent au maire, en application de la loi, de convoquer immédiatement une session extraordinaire du Conseil avec comme ordre du jour : déclaration de la majorité du conseil sur l’attitude de M. Béliard, maire, déclaration motivée par la nécessité d’établir sans retard les responsabilités de chacun.


La séance extraordinaire a lieu le 24 octobre. Diamy lit une motion dans laquelle on peut lire : « Depuis longtemps la majorité du conseil a des griefs sérieux contre M. Béliard […] ; comme Président, sa partialité et son insuffisance sont notoires. Il en est résulté plusieurs fois des scènes regrettables : une levée arbitraire de séance en session ordinaire, des colères non justifiées de M. le maire et sur son ordre, un jour, l’intervention inqualifiable du commissaire de police et des agents de ville dans la salle de nos réunions ». Suit le rappel des faits :


1°) Bris de table de l’école du centre alors que le conseil voulait les utiliser et refus d’une demande d’enquête ;

2°) Lésion des intérêts des habitants quand il donne des travaux en dehors ou sans adjudications ;

3°) Mauvaise volonté d’organiser la tombola votée par le conseil en novembre 1892 au profit des victimes de la grêle ;

4°) Opposition aux délibérations successives de la majorité du conseil ;

5°) Négligence à convoquer les commissions et à faire exécuter les décisions prises.


Ceci explique que depuis le 5 septembre il n’a plus la confiance du conseil et que cette majorité refuse depuis trois séances de se rendre aux convocations du conseil ; dès lors les soussignés blâment le maire explicitement, reprennent séance sous une présidence qu’ils désapprouvent « et qui moralement a cessé d’exister », demandent l’inscription de cette déclaration

au procès-verbal. Cette déclaration est signée de onze conseillers. Deux observations viennent immédiatement à l’esprit : d’une part ce groupe ne conteste pas la légalité des réunions minoritaires précédentes du conseil ; et, surtout, d’autre part les griefs énumérés n’ont aucun lien avec les causes initiales nées en principe de la campagne des élections législatives. On est davantage dans un registre de critiques fonctionnelles que dans celui de la trahison politique. Un violent échange verbal suit cette lecture ; Béliard déclare qu’il ne quittera pas ses fonctions, sauf si le conseil démissionnait dans son ensemble, que ces griefs sont imaginaires et qu’il se rangera à la décision du suffrage universel. Il lit une lettre de soutien de Lefebvre. Un vote pour savoir si on insère la protestation lue au procès-verbal intervient nominalement ; ont voté pour : 11 ; contre : 4 ; abstentions : 4 ; Béliard n’a pas pris part au vote.


Le seul point prévu à l’ordre du jour étant traité, Béliard lève la séance. Une violente altercation intervient alors entre lui et Diamy : Béliard frappe Diamy d’un coup de poing à l’épaule ; après des échanges vifs, Béliard déclare ne pas l’avoir fait exprès ; Chénault et Poussard en viennent également aux mains.


L’Abeille du 4 novembre 1893 publie la lettre de Lefebvre (ancien maire, conseiller municipal et conseiller général) à Béliard. Elle est construite autour de deux arguments essentiels : d’abord le groupe protestataire n’a qu’une voix de majorité au conseil et ce groupe n’a pas l’autorité morale pour

voter la méfiance car les républicains n’ont pas eu la majorité à Étampes40 ; ensuite Lefebvre se refuse à introduire la politique nationale dans les conseils municipaux où seuls les intérêts


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40 Les républicains soutenant Amodru ne sont pas arrivés en tête au premier tour dans l’arrondissement d’Étampes.

locaux doivent prévaloir. La publication de cette lettre semble avoir atténué les ardeurs de contestation : la séance du conseil du 6 novembre se tient normalement et les affaires courantes sont traitées comme si de rien n’était. Lors de la séance du 13 novembre les conseillers « grévistes » sont présents ; Béliard ne change pas d’attitude et le conseil reste divisé sur les affaires.


La régularisation administrative de la crise s’effectue dans la séance du 11 décembre : le préfet a estimé que les points votés par les conseils minoritaires ne pouvaient être considérés comme valides dès lors qu’ils n’avaient pas été portés trois fois à l’ordre du jour ; toutes les affaires sont donc de nouveau approuvées par le conseil sans coup férir.


Béliard est parvenu à rester à son poste dans une crise grave qui le menaçait directement. Mais les cicatrices de ce conflit ne s’effaceront pas de sitôt et le conseil municipal, divisé, va rester plus ou moins un bateau ivre pendant ce premier mandat.


L’après-crise (1894-1896)


Bien que les conseillers grévistes de l’automne 1893 aient repris leurs fonctions les réunions du conseil ne sont pas redevenues des havres de paix collective.


Un nouveau violent incident de séance a lieu le 23 juillet 1894 : le secrétaire de mairie a oublié de faire copier le procès- verbal de la précédente séance sur le registre des délibérations ; personne ne croit à cette excuse mais le maire maintient qu’il y a eu oubli ; après une discussion orageuse Langumier, désigné secrétaire de la séance précédente, refuse d’assurer cette fonction aujourd’hui et quitte la salle avec quatre autres conseillers ; après plusieurs scrutins c’est Poussard qui est élu ; les conseillers sortis reviennent en séance et contestent aussitôt

la tenue du secrétariat par Poussard. Une vive discussion s’engage, Richou proposant de tous démissionner ! Langumier accepte à condition que Béliard ne se représente pas. Finalement Langumier est réinstallé dans ses fonctions et l’ordre du jour reprend. L’Abeille relève que cette séance a été l’une des plus agitée et que l’oubli de Béliard n’a convaincu personne.


Le plus extravagant intervient durant la séance du 3 septembre 1894. Chénault interpelle Béliard dès l’ouverture pour demander le statut de la séance du jour : la loi oblige les maires à convoquer les conseillers municipaux en session ordinaire quatre fois par an, en février, mai, août et novembre ; les sessions ordinaires permettent à chaque conseiller au cours de la séance de faire les propositions qu’il juge à propos, alors que dans les sessions extraordinaires l’ordre du jour est fixe et déterminé par le maire ; or Béliard n’a pas convoqué la session du mois d’août. Béliard affirme qu’il n’a pas reçu le bulletin de la préfecture et qu’il a demandé à un employé de la sous- préfecture ; Diamy quitte la séance sur le champ et va à la sous- préfecture demander ce qu’il en est ; il revient en indiquant que Béliard ment ! De violents échanges ont lieu et un accrochage entre Diamy et Béliard est violent ; le sous-préfet estimant que la séance est illégale, il n’y a pas lieu de délibérer ; Béliard lève la séance.


La séance suivante du 10 septembre revient à des comportements plus normaux. En vertu d’une autorisation du sous-préfet la session d’août est prolongée de quinze jours ; L’Abeille relève que cette séance a été la plus calme depuis bien longtemps permettant de prendre des décisions fécondes, utiles et sérieuses. Même avis pour celle du 17 septembre qui comprenait seize points à l’ordre du jour : L’Abeille note que là encore le conseil s’est déroulé dans d’heureuses conditions.

Mais la tension s’exerce aussi entre partisans du même bord : au cours de la séance du 3 décembre 1894 Poussard, soutien indéfectible du maire, fait une proposition de construction d’un pont rue de la Pirouette et menace de faire signer une pétition dans ce sens ; Béliard veut donner des explications mais cela déclenche la colère de Poussard qui s’estime capable de défendre seul ses idées ; Béliard se met en colère à son tour en rappelant que : « C’est moi qui préside ! » Les plaies ont du mal à se cicatriser. Dans la séance du 31 décembre 1894 Béliard se plaint que la commission municipale chargée de recueillir la souscription pour le vaccin antidiphtérique se soit rendue, sans le prévenir, à l’Institut Pasteur à Paris pour remettre les fonds récoltés.


L’alternance de moments de fonctionnement normal et de coups de chaleur semble être la règle. L’examen du budget en juillet 1895 montre que Béliard a entravé le fonctionnement de la commission en détournant des dossiers qu’elle devait examiner et en se mettant en colère immédiatement au point que la commission a dû déménager de local pour travailler sereinement ; il s’avère que Béliard a caché l’existence d’une dépense de 1200 F consacrée aux écoles et utilisée sans l’assentiment du conseil. Cette discussion budgétaire se poursuit à la séance suivante (29 juillet 1895) où la commission proteste contre le fait que Béliard ne lui a pas fourni les pièces justificatives nécessaires ; elle déclare voter un blâme au maire et ne pas approuver ses comptes d’administration avant d’avoir obtenu satisfaction ; les comptes ne sont pas approuvés et Béliard reprend l’examen de l’ordre du jour prévu.


Progressivement le conseil est devenu le lieu d’une bataille rangée systématique à toute occasion ; c’est une suite d’incidents où Béliard refuse systématiquement de fournir des explications et ne répond pas aux questions ; le conseil est bien

conscient d’être divisé entre une minorité et une majorité. Au cours de la séance du 25 août 1895 Béliard, accusé par Langumier, entre dans une grande colère mais garde suffisamment ses esprits pour empêcher Richou de frapper Moullé, l’un des membres les plus âgés du conseil (76 ans). Lors de la séance suivante (5 septembre) quatorze conseillers sont absents, le quorum n’est pas atteint pour délibérer. Il s’avère que le conseil avait demandé que ses délibérations n’aient plus lieu le soir mais le dimanche après-midi ; or Béliard a convoqué le conseil le soir !


Lefebvre propose de le remettre le lundi après-midi comme avant ; les présents se dispersent. L’Abeille explique que les incidents de la séance précédente qui ont été injurieux et violents, ont dissuadé la majorité de venir participer au conseil.


À quelques mois des élections municipales de mai 1896 (séance du 3 mars) une banale réunion dégénère encore : Langumier accuse Béliard d’avoir fait signer par surprise le 13 octobre à quatre conseillers une délibération sans date du conseil municipal approuvant ses comptes budgétaires contestés par la préfecture l’année précédente ; colère de Béliard, violentes invectives, menaces physiques avec Langumier. Dans la réunion du 9 mars suivant Béliard est accusé d’avoir certifié conforme un document sur les comptes budgétaires qui n’a jamais été lu en conseil : c’est donc un faux ! Béliard refuse de signer le procès-verbal.


Tous ces accrocs montrent la difficulté qu’a eue Béliard à diriger convenablement la ville entre 1892 et 1896. Or ces incidents, dont certains ne participent pas de la simple gesticulation de Clochemerle, ont coexisté avec des « affaires », qui ont représenté autant de situations compliquées et irritantes dans la vie municipale.

LES AUTRES « AFFAIRES »

Les relations avec l’Église

A l’époque de la mise en place des grandes lois laïques et de la consolidation de la République les relations avec l’Église étaient pour un radical comme Béliard une question essentielle.


La construction de deux écoles laïques


En tant que conseiller municipal Béliard pose très vite le problème de l’enseignement laïc à Étampes : lors d’une séance extraordinaire du conseil municipal du 28 juin 1878, il propose l’établissement de deux écoles primaires laïques et gratuites, l’une dans le quartier Saint Pierre et l’autre dans le quartier Saint Martin ; il insiste sur la nécessité absolue qu’il y a de fournir aux parents qui, comme lui41, se montrent peu désireux de l’enseignement des Frères de la Doctrine chrétienne, la

faculté de conduire leurs enfants dans une école laïque.


Cette proposition pose ipso facto le problème du maintien ou non de la subvention annuelle de 2600 F accordée aux Frères des Écoles chrétiennes : le conseil se prononce par 14 voix contre 8 pour le retrait immédiat de cette subvention, Béliard votant pour la suppression.


Une commission dont fait partie Béliard est nommée pour étudier la question de la construction des deux écoles ; dès le 29 juillet la commission a trouvé un accord avec un propriétaire pour le quartier Saint Martin tandis que pour le quartier Saint Pierre le prix exorbitant demandé par les propriétaires du terrain


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41 Il est étonnant qu’il insiste sur son cas personnel puisqu’il n’a pas d’enfant.

pressenti retarde le projet. Malgré l’avis momentanément négatif du préfet sur le dossier de la création des deux écoles, le conseil décide de maintenir la suppression de la subvention aux Frères des écoles chrétiennes au nom du principe de laïcité (séance du 19 août 1878). En décembre 1878 une lettre du sous- préfet indique que la procédure administrative relative aux deux écoles laïques est retardée mais en cours. En mars 1879 le dossier des plans des deux nouvelles écoles est présenté et adopté par le conseil (séance du 3 mars 1879) ; en avril le

conseil transmet au préfet la délibération approuvant l’enquête relative à la construction des écoles nouvelles42.


Béliard est actif dans tout le domaine de l’instruction : il est membre fondateur de l’association philotechnique d’Étampes dont les statuts sont approuvés par la préfecture de Versailles en février 1879 et qui a pour objet l’instruction gratuite aux adultes43. Béliard vote également pour le projet d’acquisition de la maison Prévost qui pourrait être utile pour l’agrandissement de l’École mutuelle ou pour la création d’annexes scolaires : cette proposition est toutefois rejetée à une forte majorité lors

du conseil municipal du 19 mai 1879.


Le remplacement des institutrices congréganistes


Béliard tente sans succès de convaincre le conseil municipal de substituer l’instruction laïque à l’instruction congréganiste dans les deux écoles de filles de la ville (séance du 18 août 1879) en remplaçant les institutrices ; il a à ce moment-là sur ce point l’appui de L’Abeille. Béliard est nommé membre de la commission des écoles (séance du 24 janvier 1881) ainsi que

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42 En août 1892 Béliard, désormais maire, proposera encore de construire une nouvelle école de filles au quartier Saint Pierre.

43 On relève aussi parmi ces fondateurs Allien (directeur de L’Abeille) et Bourdeau (le maire).

membre de la commission chargée d’étudier la transformation de l’école en école professionnelle (séance du 7 février 1881).


Au cours de la séance du 25 mai 1881 Béliard demande le remplacement, à partir du 1er octobre prochain, des institutrices congréganistes par des institutrices laïques dans les écoles de filles et asiles de Saint Pierre et de Saint Martin. La proposition de Béliard est mise aux voix ; 3 membres seulement votent en sa faveur ; en conséquence la proposition est rejetée par le conseil.


Malgré cela on peut dire que Béliard a eu un rôle d’impulsion essentiel dans la laïcisation scolaire à Étampes.


La suppression des processions


Le premier conseil municipal de Béliard (23 mai 1892) se déroule normalement : on y traite d’affaires courantes. L’ordre du jour épuisé le conseiller Diamy propose la laïcisation immédiate des écoles de filles ainsi que la suppression des processions en ville ; après l’effet de surprise et des échanges vifs montrant un désaccord entre certains membres du conseil, ces deux propositions sont reportées à une autre séance.


Lors de la séance suivante (30 mai 1892) Diamy repose à nouveau la question de la suppression de toute procession ; plusieurs conseillers municipaux quittent la séance, il n’en reste que douze. Le conseiller Perreau considère que c’est une affaire de police municipale purement administrative relevant uniquement des attributions du maire. Béliard déclare : « Je ne vois jusqu’à présent aucune utilité à supprimer les processions et j’ajoute que je ne prendrai aucun arrêté en ce sens. Cependant si quelque accident, quelque incident fâcheux, occasionnés par les processions, survenaient, si je recevais des plaintes à ce

sujet, je verrais alors ce que j’aurais à faire. Maintenant je n’empêche pas le conseil d’émettre un vœu contre les processions, déclarant à l’avance que je ne me considèrerai pas comme obligé de le prendre en considération ». Chenault souligne immédiatement la contradiction de la réponse du maire qui dit au conseil d’émettre un vœu mais ne le prendra pas en considération. Mis au pied du mur Béliard se rétracte : il se conformera au vœu du conseil à condition que le vote ait lieu avec le conseil au complet ; Diamy demande alors que sa proposition soit mise à l’ordre du jour du prochain conseil.


Les échanges dans la séance du 13 juin font apparaître 2 thèses : celle de Diamy qui souhaite un vote du conseil car les processions portent atteinte à la liberté de conscience et à la liberté individuelle ; celle de Lefebvre qui estime que cette décision est du strict ressort du maire et constituerait une erreur car les processions rapportent des revenus aux commerçants. Diamy demande le vote à bulletins secrets, suivi par le quart des membres du conseil. Les résultats sont équilibrés : 9 voix pour la suppression, 7 voix contre, 2 bulletins blancs, 2 abstentions. L’Abeille par l’intermédiaire d’un éditorial de L. Terrier du 18 juin 1892 manifeste son mécontentement devant ce vote tout en rappelant à respecter la laïcisation puisque le parlement l’a votée ; mais il aurait fallu maintenir la procédure précédente de laïcisation progressive au fur et à mesure des extinctions ; il y a en outre le risque de la création d’une école congréganiste, de son succès auprès des habitants et donc d’une augmentation des centimes additionnels.


L’affaire traîne en longueur devant une majorité aussi restreinte. Béliard ne prend pas l’arrêté. D’autant que la séance suivante (13 juin 1892) débute par un vif incident : Lefebvre a ajouté sur le procès-verbal de la précédente séance un alinéa manuscrit : « Je déclare que la laïcisation a été votée en

principe, mais qu’elle n’a pas été votée immédiatement. 2 juin 1892. Signé : Lefebvre ». Plusieurs conseillers s’en prennent vivement à Lefebvre qui fait l’objet d’un blâme par vote à bulletin secret (11 oui, 6 non et 2 blancs), invitant la préfecture à opérer la radiation du texte ajouté.


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L’arrêté du 15 décembre 1892

Six mois plus tard (séance du 12 décembre 1892) le vote sur la suppression des processions est renouvelé ; la suppression est votée par 12 voix contre le maintien des processions, 9 voix pour, 1 bulletin blanc et 1 abstention.


On est bien loin de l’historiographie locale classique décrivant Béliard comme un anticlérical farouche, héros laïc ayant dès son accession à la mairie décidé, par sa détermination, de la suppression des processions. Comme on le voit, l’intention première de Béliard était a minima de ne pas brusquer les choses. Béliard est donc accusé par certains conseillers de couardise tant il semble hésiter. Estimant certainement avec ce second vote disposer d’une volonté maintenue du conseil, Béliard prend dès le 15 décembre le fameux arrêté.


L’affaire ne suscitera pas de réactions sociales exagérées : le curé de Notre-Dame enverra une lettre de protestation au maire que celui-ci lira en conseil (séance du 6 février 1893).


Des relations ambivalentes avec le clergé et ses défenseurs


En novembre 1890 Le Postillon, journal monarchiste et catholique, avait noté que Béliard s’était opposé de façon énergique mais infructueuse à une demande du curé de Saint- Martin de bénéficier de l’installation de l’eau courante au presbytère sans avoir à payer d’abonnement44.


En septembre 1892 le curé-doyen d’Étampes se plaint que le conseil municipal ait diminué de 950 F à 500 F l’indemnité de logement aux desservants de Saint Gilles et Saint Martin et il


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44 Le Postillon n°47 du 16 novembre 1890, AME.

demande le rétablissement de la situation antérieure ; mais dans la session extraordinaire du 5 septembre le conseil maintient la diminution.


En réalité les relations de Béliard avec le clergé sont partagées. Ainsi apprend-on (séance du 6 mars 1893) que le curé de Saint Martin a fait repaver le carrelage de l’église avec l’accord tacite de Béliard ; L’Abeille note à ce propos qu’ils sont en très bons termes. Le malheur veut que la dépense soit plus importante que la subvention prévue par le conseil municipal : il manque au curé 530 F environ ; le conseil décide le report à une séance ultérieure.


Mais Béliard pratique systématiquement la politique de laïcisation. Dans une lettre du 20 septembre 1892 adressée aux instituteurs et institutrices de la ville Béliard indique que le conseil municipal a décidé la gratuité des fournitures scolaires pour les élèves des écoles communales. L’un des opposants les plus décidés à cette politique est Lefebvre, indéfectible soutien du clergé. Une sèche passe d’armes a lieu entre eux en cette fin d’année 1892 (séance du 28 novembre) à propos de l’école Saint Pierre : Lefebvre reproche à Béliard d’avoir envoyé des agents au domicile des parents afin de les forcer à mettre leurs enfants âgés de moins de 7 ans en classe publique alors que la loi prévoit qu’il faut avoir atteint la septième année ; « Vous êtes dans l’erreur, M. Lefebvre ; au reste vous avez tort de parler ainsi, et si vous continuez, vous me mettrez dans la nécessité de raconter au conseil ce que vous et vos amis avez fait et faites toujours pour attirer dans vos écoles congréganistes les jeunes élèves ! » Lefebvre ne poursuit pas !


Les accrochages se poursuivent malgré tout. Dans une tribune publiée par L’Abeille du 1er juillet 1893 Lefebvre accuse le budget de Béliard de promouvoir des dépenses inutiles et de

faire des économies sur les cultes : réduction de moitié de la subvention accordée au logement des prêtres ( – 500 F) et suppression totale de la subvention pour l’entretien des églises et presbytères (– 1000 F). Lefebvre relève également que la laïcisation des écoles de filles a provoqué le retrait des enfants de deux cents familles.


Le décès en avril 1894 de l’abbé Follet, curé de Saint-Basile, va susciter un certain étonnement chez les administrés étampois car on relève que Béliard tenait l’un des cordons du poêle. L’Abeille ne peut résister à cette occasion de publier un article ironique d’un correspondant anonyme (signature R.D.) qui mentionne malicieusement les contradictions de Béliard : celui- ci interdit les processions et mais marche en tête de l’une d’entre elles en tenant « dévotement » les cordons du poêle alors qu’il est en même temps président d’un groupe de libres

penseurs45.


Les affaires religieuses réapparaissent à intervalles réguliers. Dans la séance du 25 février 1895 la question de l’assurance des églises est posée par M. Lecharpentier, agent général de la compagnie d’assurances La Mutuelle : la ville devrait assurer Notre-Dame, Saint-Gilles et Saint-Martin (L’église Saint-Basile est assurée par la fabrique) ; or jusqu’à présent le conseil municipal a toujours refusé d’assurer les églises ; une commission est nommée. Au cours de la même réunion Lefebvre propose d’accorder aux écoles libres de la ville la fourniture gratuite de l’eau ; le conseil — dont Béliard — refuse catégoriquement. Dans la séance du 13 mai le conseil acceptera d’assurer les églises.


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45 L’Abeille du 14 avril 1894.

On a le sentiment que Béliard fait la part des choses : il sait accepter les décisions favorables à l’Église lorsque l’intérêt communal le justifie46. Mais il a aussi ses préférences personnelles qui le rendent ambigu sur ce point-là. En tout cas il ne cède pas sur la suppression des processions prise après quelques hésitations quatre ans avant.


En effet, dès sa réélection à la mairie en mai 1896, le curé de Notre-Dame, M. Amaury, vient le trouver pour lui demander de rapporter l’arrêté en cause. L’affaire est évoquée en conseil municipal lors de la séance du 1er juin. Béliard est à nouveau interpelé par Lefebvre qui lui propose de faire revoter le

conseil ; mais Béliard refuse : « Je n’ai pas à consulter le conseil, je prends de l’affaire l’entière responsabilité ». Les processions sont définitivement prohibées.


Une dernière affaire religieuse allait empoisonner la fin du second mandat de Béliard mais montrer combien il était efficace quand il se donnait la peine d’étudier un dossier.


L’inhumation des Sœurs de l’hospice


Le 1er août 1898 la sœur Marie-Magdeleine, membre de la congrégation des Sœurs Augustines, vient à décéder ; Béliard refuse d’autoriser l’inhumation dans l’ancien cimetière de Notre-Dame.


L’affaire est évoquée en conseil dans la séance du 29 août, la Sœur Gabrielle, supérieure de l’hospice d’Étampes, ayant fait sommer le maire d’accorder l’autorisation. Celui-ci, en


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46 Ainsi dans la séance du 13 février 1899 le conseil municipal vote à l’unanimité une demande du curé de Notre-Dame d’une subvention de 600 F afin que la ville achète le ciment et le gravier nécessaire à la réparation des façades.

application de la loi de 1881, a cru devoir refuser d’autoriser la sépulture demandée et souhaite une délibération du conseil.


Les sœurs de l’hospice avaient obtenu du conseil municipal en 1858 une concession perpétuelle dans l’ancien cimetière Notre- Dame en remplacement du droit de sépulture dans l’établissement que la loi sur les cimetières leur avait supprimé ; mais la législation de 1881 a proscrit l’aliénation de terrains des cimetières communaux à des sociétés religieuses. En attendant le corps de la sœur défunte a été enfermé dans un caveau provisoire. Deux conseillers municipaux constatent qu’il y a eu un précédent : en 1892 un cas semblable s’est présenté et n’a donné lieu à aucune difficulté, l’inhumation de la sœur décédée s’étant faite sans incident. Béliard réplique en rappelant à nouveau le texte de la loi confirmé par une jurisprudence récente du Conseil d’État ; par ailleurs l’ancien cimetière Notre- Dame étant un cimetière fermé, la loi défend d’y pratiquer aucune inhumation sauf lorsqu’une famille y possède déjà un caveau : ce n’est pas le cas des Sœurs Augustines dont le terrain concédé est entièrement occupé. Les défenseurs de la cause des religieuses soutiennent en contrepartie que le terrain concédé en 1858 appartient désormais à la communauté des sœurs et non pas à la ville d’Étampes la prescription trentenaire étant acquise. Béliard réfute cette argument en faisant observer que la décision de concession de 1858 n’a jamais été approuvée par les autorités administratives supérieures et qu’il y a donc lieu, dans les circonstances actuelles, d’appliquer la législation existante. Plusieurs conseillers ayant quitté la salle, Béliard, constatant qu’il ne reste que onze présents, ne peut passer au vote ; la séance est levée.


L’affaire est reprise au conseil du 26 septembre. Une longue discussion a lieu sur ce problème de l’inhumation des sœurs. Béliard s’oppose résolument à la demande des sœurs ;

finalement le conseil autorise à continuer les inhumations dans la concession de l’ancien cimetière.


On ne sait pas comment finit l’affaire ; à notre connaissance aucun arrêté du maire ne sera publié dans L’Abeille jusqu’en 1900.


Les adjudications

Ce problème a embarrassé Béliard pendant ses 2 mandats de maire ; à l’évidence il a fait preuve d’obstruction et de maladresse, sinon d’inconscience, suscitant sur cet aspect économique délicat de vives réactions locales.


Au cours de la séance du 6 février 1893 Béliard informe le conseil municipal qu’il souhaite acheter les fournitures et le matériel scolaires directement à Paris, sans adjudication, estimant que le temps manque pour cette procédure soit convenablement appliquée ; Langumier estime que cette proposition revient à léser les entreprises et les commerçants d’Étampes qui sont tout aussi capables de fournir ce matériel que ceux de Paris ; Béliard soutient que les entrepreneurs locaux n’ont pas le temps de réaliser ces travaux ; Diamy s’oppose à Béliard en lui reprochant des gestes qui peuvent devenir de fâcheux précédents : ainsi l’affaire du théâtre où Béliard a fait venir d’Orléans un ouvrier spécialisé pour des travaux de réparation (300 F) sans consulter les artisans étampois. Finalement le conseil invite le maire à convoquer les entrepreneurs de la ville.


Dans la séance suivante (13 février 1893) Béliard déclare qu’aucun des menuisiers et marchands de meubles d’Étampes n’a voulu soumissionner aux fournitures scolaires ; mais Diamy oblige le maire à avouer qu’il n’a pas informé les entreprises

étampoises du rabais important consenti par l’entreprise pressentie de Paris (15%) ; il considère que l’attitude du maire constitue du favoritisme. Après discussion il est convenu de prévenir la maison Durut, étampoise, du rabais de la maison Delagrave, parisienne. La réponse arrive rapidement : lors de la réunion du conseil du 20 février il est indiqué que l’entreprise Durut a informé qu’elle fournirait le matériel de l’école et qu’elle soumissionnait pour une livraison dans les deux mois.


Vient le tour des affiches municipales. Dans la livraison du 30 septembre 1893 de L’Abeille un électeur anonyme publie un texte dans lequel il fait remarquer que les affiches de la prochaine foire Saint Michel ont été imprimées à Elbeuf alors qu’Étampes possède deux imprimeries. Dans le numéro du 18 novembre est publié un autre article critique à l’encontre de Béliard qui ne favorise pas suffisamment le commerce local.


La question rebondit de façon plus aigüe en 1895 à propos de l’adjudication des fournitures d’imprimés, lesquels étaient jusqu’à présent traités par Lecesne, imprimeur de L’Abeille et gendre de son directeur. Béliard est interpellé par plusieurs conseillers (séance du 25 février) : pourquoi ne faites-vous pas imprimer par les deux imprimeries de la ville ? Il répond que ce domaine entre dans les attributions de gestion du maire ; le conseil vote malgré tout le principe de l’adjudication mais Béliard, à la stupéfaction des conseillers, refuse de rédiger le cahier des charges. Le 4 mars suivant, sous l’impulsion déterminée de Diamy, Béliard est contraint d’accepter la constitution de la commission chargée de rédiger le cahier des charges pour les travaux d’impression (dont les livres distribués lors des récompenses scolaires). En juillet le problème de l’adjudication des imprimés de la mairie est relancé (séance du

1er juillet 1895), personne ne comprenant pourquoi des imprimeurs d’Elbeuf sont sollicités ; à bout d’arguments

Béliard indique qu’il ne veut pas utiliser l’imprimerie Lecesne dont le journal l’attaque constamment ; il est mis en minorité dans le conseil qui estime indispensable de consulter les industries locales. Béliard n’a pas dit son dernier mot : il a fait subrepticement supprimer l’article du cahier des charges qui limitait l’adjudication aux imprimeurs locaux ; le stratagème est découvert par les imprimeurs et libraires locaux et provoque une protestation indignée en conseil municipal, lequel rétablit la disposition en cause (séance du 15 juillet).


Veillant comme un chien de garde, L’Abeille s’étonne en septembre que l’adjudication des imprimés de la mairie votée le 1er juillet n’ait toujours pas été annoncée47.


Il s’avère que le premier point de l’ordre du jour du conseil du

10 novembre est une demande de la maison Delagrave, de Paris ; elle propose à la ville d’Étampes, qui a besoin d’un certain nombre de tables pour ses écoles, de consentir un rabais égal à celui de la commande précédente (15%) à condition qu’il n’y ait pas d’adjudication.


Béliard propose immédiatement de voter une dispense d’adjudication. Les soutiens du maire (Poussard et Richou) font observer que les industriels étampois n’ont pas les moyens de rivaliser à armes égales et font allusion — sans le nommer — à un autre industriel local qui n’a pas pu tenir ses engagements48. Mais le conseil ne se laisse pas convaincre et vote à une large

majorité la mise en adjudication des fournitures scolaires. Là encore, Béliard est accusé de rouerie : Diamy l’accuse d’avoir oublié d’adresser une lettre de commande à l’entreprise Durut,


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47 L’Abeille du 21 septembre 1895.

48 Il s’agit en fait de l’entreprise de menuiserie Durut, déjà rencontrée.

ce qui a comprimé à l’excès les délais de réalisation (séance du 25 novembre 1895).


En 1897, Béliard est à nouveau accusé par L’Abeille à propos de l’adjudication des baraques de la foire Saint-Michel49. En septembre cette affaire donne lieu à la publication d’une lettre pétition de la chambre syndicale des entrepreneurs de bâtiments de l’arrondissement d’Étampes contre la municipalité qui a accordé l’adjudication des baraquements de la foire Saint- Michel à un concurrent sans tenir compte des avantages de leur produit3550.


Un an plus tard le même reproche réapparaît : un M. Gibier, entrepreneur de plomberie proteste dans L’Abeille du 17 septembre 1898 contre l’adjudication des lots de plomberie de l’hospice qui a exclu les entrepreneurs étampois.


L’épilogue de l’affaire des imprimés intervient à la fin de l’année 1898, le renouvellement de l’adjudication spécifique débutant en janvier 1899. Le conseil municipal décide (séance du 7 novembre 1898) que compte tenu de l’installation d’un nouvel imprimeur à Étampes la faculté de soumissionner sera étendue à tous les imprimeurs de la ville. Cette décision provoque une réaction d’humeur de Lescène qui publie dans son journal une lettre accusant Béliard d’avoir fait imprimer par d’autres industriels tous les documents et modèles qui n’étaient

pas prévus au devis initial51.


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49 L’Abeille du 1er mai 1897.

50 L’Abeille du 18 septembre 1897.

51 L’Abeille du 12 novembre 1898. Durant ses deux mandats Béliard a été dispensé à plusieurs reprises de la procédure d’adjudication.

La police municipale

En février 1896 la police municipale se compose d’un commissaire et de 2 agents de police ; un des 2 agents de ville est révoqué par la préfecture pour immoralité et incapacité. Cette affaire banale va provoquer une cristallisation collective et constituera un leitmotiv de L’Abeille contre Béliard.


L’Abeille attaque immédiatement Béliard : le maire en effet ne veut pas se séparer de cet agent, dont la gravité et la permanence des agissements ont pourtant été l’objet de contraventions et de délits, au point que sa révocation a été décidée par le préfet. Or, malgré cela, Béliard souhaite le garder comme employé de mairie. Le journal s’insurge à l’idée qu’un agent frappé d’immoralité et d’incapacité puisse travailler dans

un service public. Devant le tollé soulevé, Béliard cède et accepte de congédier l’agent en cause52.


Cette affaire aurait pu s’arrêter ainsi mais elle va prendre une autre dimension car l’agent concerné, Meurisse, demande un secours municipal en attendant de retrouver un emploi. Une vive discussion s’engage au conseil : Béliard soutient contre l’évidence juridique que le préfet a commis un excès de pouvoir ; après un long débat et plusieurs scrutins le conseil vote à titre humanitaire par 10 voix contre 6 un secours de 100 F (séance du 17 février 1896).


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52 L’Abeille du 1er février 1896.

L’autre aspect de l’affaire a trait à la réponse de fond de Béliard : il refuse d’embaucher un second gendarme, à la place de celui qui a été révoqué, ce qui provoque incompréhension et ironie de L’Abeille53. En août 1897 le journal relance la question : la population réclame un deuxième agent mais Béliard fait la sourde oreille ; or sur les marchés et dans les rues

l’absence d’un autre agent de la force publique se fait cruellement sentir54.

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L’Abeille du 5 mars 1898


Au conseil la situation est évoquée dans la séance du 20 février 1898 à propos des crédits de la police municipale. Béliard fait manifestement de la provocation en soutenant que non seulement il ne voit aucun inconvénient à ce qu’il n’y ait

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53 L’Abeille du 31 octobre 1896.

54 L’Abeille du 14 août 1897.

qu’un agent de police mais que s’il n’y en n’avait pas du tout ce serait encore préférable. Le conseiller Dujoncquoy, farouche adversaire de Béliard et futur maire, relève que l’unique agent sert à faire les courses pour la mairie et à assurer le service des enterrements ; Béliard conteste cette approche en réitérant l’idée que la police n’est d’aucune utilité pour la ville car en fait elle est à la disposition permanente de la sous-préfecture et du parquet alors que la ville paye le traitement des agents ; Dujoncquoy réplique que la malpropreté de la ville nécessite un nombre conséquent d’agents autorisés à reprendre sinon à verbaliser les propriétaires récalcitrants à nettoyer devant leur maison. De la discussion orageuse qui s’enlise il ressort que l’argument économique est essentiel pour Béliard : n’avoir qu’un seul agent de police permet d’éviter une dépense supplémentaire conséquente (1200 F par an).


L’Abeille va profiter de cette obstination de Béliard pour faire passer l’idée que l’insécurité et l’insalubrité règnent en ville à travers une véritable

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campagne de presse.


Exemple du 5 mars 1898 où l’état de la ville est présenté comme matérielle- ment et moralement catastrophique : Exemple un mois plus tard d’un extrait du journal du 2 avril 1898 (ci-contre).


Dans sa livraison du 21 mai suivant

L’Abeille recommence à propos d’un banal fait divers : un homme âgé de 81 ans décède brusquement dans la rue et les 2 membres de la police municipale sont contraints de se voir assistés par des bonnes volontés pour ramener le cadavre placé sur un brancard à son domicile. La description s’accompagne de commentaires désagréables à l’encontre de Béliard.


Dans son édition du 8 octobre 1898 l’entame de l’article de L’Abeille est sans ambages : « La sécurité devient de plus en plus une fiction à Étampes, et malgré les affirmations de M. le Maire la nécessité d’une police sérieuse se fait sentir plus vivement que jamais ». S’ensuit le rappel de plusieurs vols à l’occasion de la foire Saint-Michel qui a vu pulluler les pickpockets ; madame Béliard elle-même s’est fait subtiliser son portefeuille, ce dont elle s’est aperçue au moment de payer un commerçant. Conclusion : « M. Béliard soutiendra-t-il encore que la police est inutile… ? »


L’Abeille continuera de harceler Béliard sans cesse. La moindre rixe entre deux cochets suscite le commentaire suivant : « De tels faits ne se produiraient peut-être pas si nous avions à Étampes le second agent de police auquel nous avons droit et que la municipalité s’obstine à juger inutile »55. Béliard

ne cèdera jamais sur ce point : lors de la séance du 3 juillet 1899 il réitèrera son argumentation dans le cadre de la discussion budgétaire. Nous ne disposons pas de sondages pour savoir quelle a été la part de cette affaire dans le vote des étampois aux élections municipales de 1900 mais il y a fort à parier, malgré les exagérations de L’Abeille, qu’une commune n’apprécie pas de ne pas se sentir protégée.


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55 L’Abeille du 20 mai 1899.

La distribution des prix

La distribution des prix était un moment important de la vie scolaire à l’époque, donnant lieu à des manifestations publiques où les autorités accompagnaient les récompenses individuelles de discours civiques et moralisateurs.


En août 1896 Béliard s’étonne en conseil municipal que depuis deux ans l’administration préfectorale ne le désigne pas en tant que maire à la présidence de la distribution des prix des écoles communales d’Étampes. Il en conclut qu’il est frappé d’ostracisme par les autorités publiques et cette fois-ci s’insurge devant la désignation de l’inspecteur primaire. L’Abeille, trop heureuse de la situation, en profite pour répondre : la position du préfet s’appuyant sur les textes en vigueur est légale et l’attitude de Béliard, imprévisible dans ses déclarations et politiquement allié avec les adversaires déclarés de l’école communale, n’incite guère l’administration à être compréhensive.


Béliard dans un premier temps riposte en n’accordant à la distribution des prix des écoles communales que la salle Bonnevaux, galetas rempli de poussière pour entreposer des marchandises, accueillant à peine 600 personnes là où il faudrait 1500 places ; in fine Béliard se ravise et ouvre au dernier moment la salle du Casino56. Dans la séance du 10 août le conseil vote une protestation contre le choix de l’administration de faire présider la distribution des prix par

l’inspecteur primaire, le journal faisant observer qu’une large partie des conseillers municipaux n’aiment pas les écoles laïques.


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L’affaire a pris des proportions : la salle du Casino aurait été trouvée par l’inspecteur primaire sans l’accord de la mairie, des affiches ont été placardées dans la ville en faveur de Béliard et un concert a été organisé par la mairie au moment de la cérémonie officielle ; le discours de l’inspecteur primaire quant à lui mentionne les faits sans ambages57.


Deux mois plus tard, L’Abeille fait état de l’annulation par le préfet de la délibération du conseil municipal du 10 août 1896 qui protestait contre la décision de faire présider la distribution des prix par l’inspecteur primaire58. Dès la séance suivante (9 novembre) le conseil vote par 8 voix contre 6 une nouvelle

protestation contre l’annulation du préfet ; L’Abeille se fait une joie le 21 novembre de publier in extenso l’arrêté préfectoral annulant la délibération municipale.


Les années suivantes semblent montrer qu’une sorte d’accord s’est dessinée sur la gestion politique de la distribution des prix. En 1897, la distribution des prix du collège — et non pas des écoles communales — est présidée par le sous-préfet, mais

Béliard y assiste59 ; la distribution des prix aux élèves des écoles communales a lieu quant à elle dans la cour du collège le

15 août sous la présidence de Béliard, enfin reconnu, contrairement à l’année dernière ; mais Béliard n’a pas voulu louer la salle du casino et a souhaité conserver la tente installée dans la cour du collège ; comme il pleut, cela dérange beaucoup les participants ; le discours de Béliard fait un parallèle entre l’émulation et l’envie, ces deux mobiles devant être séparés par l’éducation60. En 1898 la distribution solennelle des prix du


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57 L’Abeille du 22 août 1896.

58 L’Abeille du 31 octobre 1896.

59 L’Abeille du 31 juillet 1897.

collège a eu lieu sous la présidence de Béliard, lequel préside également la distribution des prix des écoles communales ; à cette occasion L’Abeille note que Richou est devenu chef d’orchestre et dirige lors de cette cérémonie, mais elle lui reproche l’installation d’une tente dans la cour de l’établissement qui est trop petite pour mettre à l’abri parents et élèves en cas de pluie ou de grande chaleur61. En 1899, c’est le sous-préfet qui reprend la main et préside la distribution des prix du collège ainsi que celle des écoles communales62.


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61 L’Abeille des 6 et 20 août 1898.

62 L’Abeille des 29 juillet et 12 août 1899.


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Henri Louis Richou, Portrait de Béliard, 1913, tirage photographique, Musée intercommunal d’Étampes


LES OPTIONS IDÉOLOGIQUES


Antimilitariste et antipatriote ?

L’affaire du 7ème régiment de chasseurs


Béliard en tant que radical a été très rapidement soupçonné de ne pas être très attentif à la défense de la patrie et à son instrument principal, l’armée63. Plusieurs faits confirment cette appréciation. À l’occasion des grandes manœuvres militaires du mois d’août 1894 Béliard refuse, de sa propre autorité et sans prévenir les responsables, de faire héberger et nourrir le 7ème régiment de chasseurs de passage à Étampes64. Cette affaire fait scandale : L’Abeille considère que cette attitude porte atteinte à la réputation de la ville et demande à Béliard à nouveau de démissionner ; le chef du détachement le colonel Moreau, mécontent de l’accueil fait à son unité, se plaint à son supérieur hiérarchique, le Général Saussier, en demandant qu’un blâme sévère soit infligé au maire par l’autorité administrative : L’Abeille note que le rapport du colonel établit clairement les


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63 Il est souvent mentionné qu’il s’était engagé dans la Garde nationale en 1870 pour faire son devoir devant l’invasion prussienne (voir supra) mais nous ne disposons pas de preuves de cet engagement et lui-même, à notre connaissance, n’a jamais évoqué ce point. L’Abeille affirme qu’il n’a jamais été soldat : n° du 8 septembre 1894.

64 Le passage des troupes était un événement important dans la vie des communes : non seulement il fallait loger les hommes, mais cela donnait

lieu à des concerts et défilés militaires qui étaient autant de manifestations patriotiques.

responsabilités, dégageant celles des habitants d’Étampes qui auraient accueillis « nos soldats comme des Prussiens »65. Le journal relate ensuite que le maire est censé avoir reçu cette lettre de blâme ; en tout cas le colonel Moreau ne semble pas tenir rigueur de cet incident aux Étampois puisque lors de son retour vers Vendôme le 7ème chasseur à cheval est repassé par Étampes et a donné un concert dans la ville devant plus de 1000 personnes66.


La non-participation aux manifestations patriotiques


À l’époque c’est le souvenir de la guerre de 1870 qui est commémoré. Béliard n’apprécie pas trop les manifestations patriotiques de type militariste. Il boude ostensiblement les célébrations soit sans donner de raisons, soit en invoquant l’absence de caractère officiel ou l’absence de tout représentant du ministère de la guerre ; il faut dire que ces opérations sont souvent menées à l’initiative d’associations privées très proches des milieux nationalistes, catholiques et militaires. Il ne variera guère, que ce soit en octobre 1892 ou en octobre 1897, la presse relevant à chaque fois que son absence avait été remarquée.


Dans le même ordre d’idée, Béliard n’assiste pas en juillet 1898 à l’inauguration à La Ferté-Alais du monument érigé en l’honneur du Président Carnot, assassiné ; non seulement il n’a pas personnellement participé à la souscription lancée par le député Amodru pour financer ce monument, mais encore il lui est reproché de ne pas avoir saisi le conseil municipal alors que de nombreuses autres communes l’ont fait67. Cette attitude est


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65 L’Abeille du 15 septembre 1894.

66 L’Abeille du 29 septembre 1894.

67 Il est vrai que la participation à cette souscription a été

impressionnante : tant des communes que des associations et des personnes privées allant des plus hautes autorités locales (sous-préfet et élus) aux

considérée comme antipatriotique et douteuse vis-à-vis de la République. Finalement le conseil municipal votera une subvention de 50 F mais refusera de voter une subvention pour l’érection d’un monument à la mémoire de Jean Macé68 ! Pour ses adversaires Béliard fait partie des radicaux qui accusent le Sénat d’être des vieillards malfaisants et les généraux d’être des idiots et des inutiles69.


Lettre d’Émile Zola à Édouard Béliard du 5 avril 1875, Collection privée


Libre penseur et Franc-maçon

On a vu que sur le thème de l’anticléricalisme Béliard s’accommodait des situations collectives et acceptait certains aménagements, ayant parfois de bonnes relations avec le clergé local sans pour autant renier à l’évidence ses engagements philosophiques profonds.


Libre penseur


Béliard aurait été lié à la Société de la Libre Pensée d’Étampes fondée officiellement le 15 janvier 1885 ; en 1888, à Corbeil, il participe à une réunion publique de la Libre Pensée et il y intervient ; il s’abonne à la revue de la Libre Pensée en 1894-1895 ; il participe au congrès national de Paris en mai


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citoyens les plus humbles (coiffeur, buraliste, cordonnier, serrurier, boulanger, sabotier).

68 Séance du 8 août 1898.

69 L’Abeille du 19 mars 1898.

1903 ; il a adhéré en 1889 au comité international du droit des femmes70.


Franc-maçon


De la même façon Béliard a été franc-maçon71. Il a été initié à la loge La Persévérante Amitié du Grand Orient de France à Paris le 8 octobre 1863 ; il a été élevé au grade de Maître le 1er juin 1864 (signature lisible de Béliard sur le tableau d’effectifs). En 1864 ou 1865 (inscrit sur le tableau d’effectifs de la loge du 20 mars 1865) il est affilié à La Rose du Parfait Silence (Orient de Paris) avec les indications suivantes : « Béliard, Joseph,

Édouard, peintre en histoire, né à Paris le 24 novembre 1832, domicilié 40, rue Pigalle, etc. » Il est premier Surveillant en 1866 et Secrétaire de la loge en 1868. Il abandonne toute responsabilité en 1869 et il est présent sur le tableau d’effectifs de 1870. Il n’apparaît plus sur le tableau du 10 août 1871 ni sur les suivants72.


Béliard a donc été franc-maçon actif de 1863 à 1870, soit pendant sept ans. Il a occupé des responsabilités importantes dans une loge : le premier Surveillant est chargé de diriger les compagnons afin qu’ils deviennent Maîtres et le Secrétaire a en charge la rédaction des procès-verbaux de chaque réunion de la loge.


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70 Renseignements fournis par l’IRELP (Institut de Recherches et d’Études de la Libre Pensée), lettre privée du 29/09/2013. Certains supposent que son adhésion en faveur du droit des femmes serait liée à l’influence d’Adèle Esquiros, membre de ce club.

71 Jusqu’à présent cela n’était qu’une supposition. Nos recherches personnelles nous ont permis d’éclaircir ce point.

72 BnF, fonds maçonnique, FM2 629, FM2 630, FM2 632.

La loge dans laquelle il pratique, La Rose du Parfait Silence, est un atelier actif et républicain : il comprend dans ses rangs, durant la présence de Béliard, Massol (1805-1875) et Colfavru (1820-1891), deux représentants actifs du courant républicain en franc-maçonnerie73. Signe de son caractère avancé, la loge s’est ralliée à la Commune de Paris en avril 1871.


Béliard a-t-il fréquenté la franc-maçonnerie après 1870 ? Nos recherches sont demeurées vaines : les loges parisiennes avec lesquelles il aurait pu avoir des attirances ne le mentionnent pas (L’Étoile polaire), la loge de Pontoise (Les amis du peuple) non plus ; les loges de proximité d’Étampes (Amis Philanthropes et Discrets Réunis à Versailles, Amitié discrète à Rambouillet, La Fraternelle beauceronne et gâtinaise à Pithiviers) ne fournissent aucun renseignement. Il faut en conclure que Béliard a soit abandonné définitivement la franc-maçonnerie, comme cela s’est fait pour un certain nombre de maçons à la suite des événements de 1870-1871, soit s’est affilié à une loge parisienne dont nous ne connaissons pas à ce jour le titre distinctif. Lors de ses obsèques la presse n’a relaté aucune manifestation maçonnique de recueillement comme cela se fait souvent (cérémonie de la chaîne d’union autour de la tombe). Il n’empêche que quel qu’ait été son choix Béliard est considéré unanimement au plan local comme un représentant actif de la franc-maçonnerie.


Mais les choses n’apparaissent pas toujours aussi clairement. Lors de la réunion organisée par Béliard à Étampes le 3 juin 1883 (voir supra) pour des raisons politiques, il faut observer que les trois orateurs présents étaient des francs-maçons actifs : Sévériano de Hérédia était membre de la loge Étoile polaire


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73 Colfavru sera élu Grand Maître du Grand Orient de France en 1885 et député de Seine et Oise de 1885 à 1889.

dont il avait été Vénérable, Paul Viguier était également membre de la même loge et allait devenir Président du Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France en 1892 et Maria Deraisme venait de participer à la fondation d’une nouvelle obédience mixte, le Droit humain, en se faisant initier par la loge Les Libres penseurs. On ne peut s’empêcher de penser que, malgré les liens politiques, Béliard avait conservé des attaches maçonniques en 1883. En tout cas personne ne semble s’être aperçu à Étampes sur le moment de cette double relation.


La campagne antimaçonnique à Étampes entre 1889 et 1893


La proximité de Béliard avec la franc-maçonnerie est publiquement relancée entre 1889 et 1893. Le Postillon, journal ouvertement monarchique et catholique, rivalise avec L’Abeille depuis 1883.


A l’occasion des élections municipales complémentaires du 2 mars 1890 Le Postillon regrette vivement que le sous-préfet soit intervenu pour favoriser la présentation d’une liste radicale qui comprend un certain Béliard, revenant politique local et véritable tête de turc du journal : « Le citoyen Béliard, artiste- peintre, franc-maçon, président de la libre-pensée, politicien enragé, sectaire dangereux, décoré officier d’académie pour services électoraux exceptionnels ». C’est la première fois qu’à Étampes, à part une allusion faite par L’Abeille au moment de la crise boulangiste (décembre 1888), est évoquée publiquement la question maçonnique.


Durant l’année 1892, point d’orgue de la bataille entre Le Postillon et Béliard, devenu entretemps maire d’Étampes, le journal publie la liste nominative des « délégués maçonniques

de l’Orléanais et du Gâtinais » : sont ainsi cités les Frères Trabuc, ancien inspecteur primaire à Pithiviers, actuellement inspecteur primaire à Étampes, et Doinel, archiviste départemental du Loiret et membre du Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France74.


En mai 1893 Le Postillon récidive : Il suffit d’un maire radical et franc-maçon pour qu’il tyrannise les opposants : « À Étampes, depuis l’avènement du parti radical et franc-maçon, tout le monde peut s’en rendre compte. Tout pour les amis du citoyen Béliard, jadis radical, aujourd’hui vulgaire opportuniste […] ; ayant pour lieutenant un autre franc-maçon qui en réalité est le capitaine et n’a jamais rendu d’autres services partout où il a passé, le maire Béliard asservit tout à la franc-maçonnerie. Pour obéir à cette secte secrète dont il est l’esclave, car dans la franc-maçonnerie il n’y a pas d’homme libre, le maire Béliard

et son complice ont laïcisé nos écoles et supprimé nos processions »75.


Enfin prend corps la véritable crainte pour ces conservateurs traditionalistes de la création d’une loge à Étampes. Le Postillon reprend l’information dans son numéro du 25 juin 1893 : il indique que l’Officiel de la mairie annonce la création d’une Loge à Étampes76. Une allusion est faite visant le sous- préfet qui aurait l’habitude de procéder ainsi : laïcisation des


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74 Le Postillon n° 45 du 6 novembre 1892, AME. Doinel était effectivement membre de la Loge Etienne Dolet à Orléans et membre du Conseil de l’Ordre ; il devint martiniste et évêque gnostique puis versa dans l’entreprise antimaçonnique de Léo Taxil.

75 Le Postillon n°19 du 7 mai 1893, AME. Il faudrait approfondir pour trouver à qui Le Postillon fait allusion ; nous n’avons pas pu pour le moment identifier « le lieutenant franc-maçon » de Béliard.

76 Cette publication ayant disparu, nous n’avons pas pu vérifier cette affirmation.

écoles, création d’une Loge et changement d’affectation. Le journal précise que la Loge s’appellera Le Triomphe des républicains de Guinette et, sous forme de dérision, que l’orateur en sera Béliard77.


L’Abeille, dont l’orientation politique glisse insidieusement vers les tendances conservatrices, attaque à son tour Béliard sur cet aspect : dans son numéro du 25 mai 1896 elle qualifie Béliard, qui vient d’être élu maire pour la seconde fois à son grand dépit, de « celui qui tient le maillet maçonnique »78. L’année suivant la diatribe est plus véhémente : dans la séance du 12 juillet 1897 du conseil municipal Béliard vote des crédits en faveur des élèves des écoles congréganistes : le journal réplique en invoquant « la Loge de Beauce » : « Brisez votre

truelle, M. Béliard, rendez votre tablier de haut dignitaire. Et la société de la Libre-Pensée dont vous êtes président ? »79.


Fantasmes et réalité


Les archives du Grand Orient de France sont catégoriques : elles ne mentionnent pas l’existence d’une Loge à Étampes à la fin du XIXème siècle. En réalité pendant près d’un siècle la maçonnerie a été inexistante à Étampes. Il est extraordinaire que les journalistes aient pu fantasmer sur les francs-maçons sans qu’il y ait eu sur place la structure de base de la vie maçonnique. Ainsi à Étampes s’est installée en 1806 la Loge de

Dourdan Douce union des Frères réunis, crée en 1787 et qui a


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77 Sur l’ensemble de cet épisode voir François Cavaignac, Une campagne de presse antimaçonnique à Étampes entre 1889 et 1893, Chroniques d’Histoire maçonnique n°58, 2005.

78 Ceci est d’autant plus étonnant de la part de L’Abeille qui se revendique journal républicain alors que la maçonnerie est largement

républicaine depuis plus de 30 ans.

79 L’Abeille du 17 juillet 1897.

cessé son activité en 1815. Elle est suivie en 1817 par la création d’une nouvelle Loge, Les vrais enfants de Salomon, installée en 1818 mais mise en sommeil en 1823. La renaissance de la maçonnerie n’a lieu qu’en 1913 avec la création de la Loge Floréal, installée le 18 janvier 1914.


Par contre, la formulation « Loge de Beauce » par L’Abeille contient un point de vérité : la loge La Fraternelle beauceronne et gâtinaise a effectivement existé entre 1889 et 1899 à Pithiviers ; mais Béliard n’apparaît sur aucun tableau d’effectifs.


L’évocation de Trabuc inspecteur primaire à Pithiviers et Étampes, est réelle ; nous avons retrouvé sa trace dans les archives de deux loges de la région : en 1891 et 1892 où il est membre de La Fraternelle beauceronne et gâtinaise précitée et entre 1894 et 1896 où il est affilié aux Amis philanthropes et discrets réunis à Versailles. Il sera finalement radié de la maçonnerie pour défaut de paiement de ses cotisations en 189680.


Enfin deux autres éléments méritent d’être soulignés : Le 22 juillet 1899 Aimé-Joseph Dieuzy, le directeur de l’école communale des Près, âgé de 47 ans, décède à Étampes, deux ans après sa femme ; il est couvert d’éloges par L’Abeille qui y voit un excellent éducateur expérimenté, un homme bon et serviable apprécié de tous ses anciens élèves ; les obsèques ont lieu en l’église Notre-Dame en présence d’une nombreuse assistance dont le sous-préfet ; Béliard tenait l’un des cordons du poêle. Or Dieuzy était franc-maçon. Aucune allusion n’a transparu et il semble s’être parfaitement accommodé de sa double appartenance, catholique pour avoir un enterrement


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80 BnF, fonds maçonnique, Rés. FM2 101 et 102.

religieux et maçonnique pour sa participation à une loge du Grand Orient de France. L’Abeille ne s’est doutée de rien. Dieuzy avait été initié aux Amis philanthropes et discrets réunis le 19 avril 1893 et est resté apprenti jusqu’à son décès. C’est certainement Trabuc, en tant que supérieur hiérarchique, qui a approché Dieuzy et l’a convaincu d’adhérer à la franc- maçonnerie81.


Enfin la consultation des archives maçonniques réserve parfois des surprises. La Loge Les Amis du peuple à Pontoise mentionne en 1878 un certain Victor Dubec, restaurateur à Saint-Ouen L’Aumône, initié en 1877, né à Fécamp le 7 mars 1830 ; il est présent au moins jusqu’en 188482. Or n’est-il pas surprenant de noter qu’il s’agit tout simplement du père de

Clara Dubec, l’épouse de Béliard ? Celui-ci aurait-il convaincu son beau-père d’entrer en franc-maçonnerie ?


Les faiblesses administratives et techniques

Outre les campagnes électorales où Béliard se trouve sous le feu de L’Abeille, sa gestion est immédiatement mise en doute.


Le manque d’autorité


L’hétérogénéité du conseil municipal contraint Béliard à des contorsions ; ainsi, prend corps très vite le sentiment que Béliard a du mal à maîtriser l’assemblée communale. Certains conseillers ont des réactions impulsives et font des interventions


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81 De 1894 à 1896 ils sont tous les deux membres de la même loge : BnF, fonds maçonnique, Rés. FM2 126.

82 BnF, fonds maçonnique, FM2 773 et Rés. FM2 103.

spontanées sans attendre la position du maire ; ceci provoque instantanément un tumulte que Béliard a du mal à éteindre. L’Abeille lui reproche cette incapacité à assurer la discipline des débats au point qu’il est obligé d’intervenir systématiquement par l’injonction : « C’est moi qui préside ! » Les exemples sont nombreux83. Béliard tente parfois de rappeler qu’il est le

véritable décideur, montrant qu’il se sent responsable de sa fonction : ainsi, par exemple, dans la séance du 24 novembre 1892 où à propos du traité avec le directeur du théâtre il s’exprime à la première personne dans la gestion des fonds publics : « Par conséquent il me restera environ 1400 F que je pourrais mettre dans les fonds libres si le conseil m’y autorisait ».


Mais les accès de colère du maire (déjà signalés) sont le signe de cette impossibilité à être entendu ; ses velléités de fermeté sont connues pour être de courte durée. Dans la séance extraordinaire du 20 décembre 1892 le conseiller Moullé se plaint d’avoir dû affronter la « colère furibonde » de Béliard lors d’une réunion de la commission des droits de place. Commentaire de L’Abeille toujours redresseur de torts : « […] Nous ferons observer à M. le Maire qu’il lui arrive souvent de se mettre en colère. Pense-t-il que c’est ainsi qu’il faut agir pour imposer ses volontés ? Ou tient-il simplement à se donner les allures d’un maire à poigne ! Nous croyons qu’il se trompe dans les deux cas, et certains de ses amis commencent à s’en plaindre. Nous comprendrions une telle nervosité de la part d’un simple membre de l’opposition ; un maire doit au contraire assurer le sérieux examen des affaires de la ville par son sang- froid, son calme et sa modération. Il est donc à désirer que M. le Maire veuille bien consentir à se modérer un peu ». Béliard


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83 L’Abeille du 8 décembre 1894.

poussera d’autres colères (séance extraordinaire du 23 mars 1894 par exemple).


Manifestement en ce début de mandat Béliard est dépassé : il est malmené sur le plan technique (il est souvent en contradiction avec des positions précédentes, ignore les procédures administratives, il donne l’impression de se contenter d’échanges oraux) et n’acquiert pas d’autorité administrative reconnue. Certaines maladresses du début de l’année 1893 accréditent d’autant cette opinion (voir supra).


La méconnaissance des dossiers


Dès son élection comme simple conseiller municipal (séance du 15 mai 1878) Béliard montre certaines failles dans l’analyse technique des dossiers : ainsi, à propos de la distribution des eaux il communique au conseil une note reçue par lui le matin même de la séance dans laquelle un entrepreneur proposerait, moyennant la concession des eaux pendant quarante ans et une garantie d’intérêt, la réalisation gratuite de tous les travaux d’installation des eaux ; le maire — Decolange — répond qu’il n’est pas possible de prendre en compte une offre incomplète et non signée. Ces observations sont acceptées par le conseil qui déclare ne pouvoir donner jusqu’à de plus amples renseignements une suite à cette proposition. Cette légèreté — ou naïveté — allait le suivre tout au long de sa carrière municipale.


Au fauteuil de maire Béliard se montre expéditif pour ne pas avoir à fournir d’explications : ainsi dans la séance du 23 mai 1892 il ne lit pas le rapport sur les eaux en raison de sa complexité et il tente d’éviter un troisième vote pour la désignation du cinquième membre de la commission municipale chargée d’étudier ce point. Même dans les affaires

courantes on perçoit nettement les hésitations de Béliard sur les dossiers ; il a pourtant été conseiller municipal pendant plusieurs années ; mais on a le sentiment qu’il souhaite systématiquement un accord du conseil car il n’est pas sûr de lui-même. Il se heurte sur plusieurs dossiers à des membres de sa propre majorité au conseil sur des points mineurs. Exemples du conseil du 1er août 1892 : le conseil considère le dossier de

l’alignement des rues Sainte Croix et petite rue Sainte Croix insuffisant, contre l’avis de Béliard qui ne voit pas l’utilité du mot « insuffisant ». Autre affaire, relative aux fournitures scolaires : des institutrices congréganistes de Saint-Martin réclament le maintien de la subvention annuelle allouée pour les enfants pauvres ; Béliard ne sait pas s’il doit payer la somme entière ou par douzième car selon lui les sœurs ne dépensent pas la somme entière ; il est aussitôt pris à partie par Poussard

— pourtant son allié le plus fidèle — qui veut qu’il prouve ce qu’il avance ; le conseil soutient finalement Béliard en votant neuf douzièmes, l’année scolaire allant d’octobre à octobre.


Son attitude ne s’améliore pas en 1894. Au cours du conseil du 24 mars est posé le cas suivant : la fabrique de l’église de Saint Martin souhaite vendre une petite maison, un pré attenant et abattre 44 arbres afin de se créer des ressources disponibles, le curé se plaignant du manque de moyens ; Poussard demande si ces arbres se situent sur l’Ouche de Saint Martin, promenade publique, ce qui justifierait un refus de sa part ; Béliard répond que le conseil n’a pas à s’occuper de ce point de droit, sa seule mission étant de donner son avis ; Langumier intervient pour reprendre le maire : si le conseil n’a pas à s’en occuper, pourquoi demander son avis ? Le conseil donne un avis favorable pour la vente de la maison et du pré mais reporte à la prochaine séance l’avis concernant les arbres.

Béliard donne l’impression de ne pas s’intéresser à l’aspect administratif des affaires ; il ne connaît pas leurs aspects juridiques et se fait accrocher souvent sur ces points. Avec le temps l’expérience lui donnera l’occasion de s’améliorer : il saura abandonner le langage familier pour utiliser les termes juridiques et administratifs convenables et même prendre les tournures de phrase institutionnelles. Cette évolution sera sensible durant les deux dernières années de son second mandat.


Les incohérences


Béliard a souvent fait l’objet de critiques sur ce point qui est la conséquence logique des hésitations déjà relevées. Quelques exemples que L’Abeille n’a pas manqué de diffuser. Séance du 17 juillet 1892 : proposition de Diamy de réunir en un seul service l’architecte de la ville, les eaux et la voirie, comme cela se fait dans plusieurs autres villes ; un tapage indescriptible s’en suit, le maire frappant en vain sur la table pour obtenir le silence ; il explique que la proposition de Diamy ne lui paraît pas très pratique mais il acceptera la décision du conseil ; or on lui rétorque que c’est lui-même qui en a suggéré l’idée ! Nouveau tapage !


Séance du 15 avril 1893 : dans le cadre de l’organisation du concours de gymnastique Béliard aurait accordé à un entrepreneur de bal une place déjà affectée ; L’Abeille en profite pour s’insurger contre l’interventionnisme de la mairie et l’utilisation des fonds recueillis par le comité d’organisation.


Séance du 9 septembre 1893 : au cours de la discussion d’un traité sur les droits de place Béliard vote selon les articles sans tenir compte de l’économie générale du texte. Séance du 12 février 1894 : Béliard a préparé un traité pour acheter deux

maisons permettant l’alignement de la rue Sainte Croix ; il a mené l’opération de sa propre initiative et sûr de lui ; le conseil n’est pas d’accord et après des échanges vifs où Béliard démontre son incohérence et ses contradictions le projet est repoussé par 15 voix contre 5 oui et 1 abstention. Nouvelle incohérence publiée par L’Abeille le 20 avril 1894 : Béliard ordonne à un certain Berthelot de faire disparaître des bois entreposés boulevard Berchère et il autorise aussitôt le dépôt au même endroit des bois provenant de la démolition de l’école Saint-Antoine ; fantasque maire !


Globalement, Béliard est jugé contradictoire et directif. Au fond il donne la préférence à l’arrangement à l’amiable ; sa façon de rester à la surface des choses et son incapacité à dominer les dossiers lui attirent l’opposition des conseillers plus aguerris (il est coutumier du fait de proposer des dépenses sans fournir aucun devis). Il répond toujours à un autre niveau que celui de la question posée : on l’interroge sur une question de légalité et il répond qu’il n’était pas informé ! Dans la séance du 16 juillet 1894 on a atteint le maximum de l’incompréhension : acculé, Béliard explique qu’il faut demander au receveur municipal ; mais les conseillers lui font observer que ce fonctionnaire n’agit que sur mandats délivrés et signés par lui seul !


Les retards et refus


Dès le commencement de son premier mandat Béliard a été accusé de retarder les affaires qui l’embarrassaient ; on note que les procès-verbaux des conseils sont présentés avec retard : L’Abeille du 12 novembre 1892 relève que l’approbation du procès-verbal de la précédente séance a lieu deux mois après alors que la loi impose un délai de huit jours.

De même Béliard fait montre d’inertie ou refuse clairement d’engager des procédures : dans la séance du 12 février 1894 il est accroché sur le fait qu’il n’a pas réuni la commission scolaire depuis 1892 alors que la loi impose de le faire régulièrement. En juillet 1894, à l’occasion du rapport de la commission du budget le rapporteur indique que Béliard a refusé de fournir à la commission une demi-douzaine de dossiers84.


Très vite l’accusation d’obstruction sera excipée, y compris à l’encontre de tout bon sens. Exemple du musée en juillet 1894 : Béliard refuse de faire nettoyer le jardin du musée, refuse d’adjoindre au conservateur une commission municipale et refuse de changer de nom au motif que l’appellation Élias Robert a été proposée par le conseiller Chaudé il y a plus de dix ans ; il est désavoué par le conseil.


En septembre 1897 Béliard refuse de lire une lettre adressée à tous les conseillers municipaux par le maire de Méréville à propos du tracé du chemin de fer au motif qu’elle ne concernerait pas le procès-verbal en discussion ; finalement, sous la pression du conseil, Béliard donne lecture de la lettre.


Régulièrement Béliard fait traîner les dossiers en invoquant par exemple ne pas avoir reçu le courrier à la date indiquée ou en niant catégoriquement toute implication personnelle. C’est le cas en mars 1897 : la mairie doit des paiements (fourniture de matériel scolaire) au frère du conseiller Dujoncquoy et il est affirmé que Béliard a signé des bons en ce sens ; Béliard rétorque qu’il n’était pas maire à cette époque, Lefebvre étant

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84 Ces retards dans la présentation du budget réapparaitront durant toute sa gestion municipale : en juillet 1898 il en sera encore ainsi. De même il sera accusé à plusieurs reprises de distraire des pièces probatoires des dossiers.

maire et que c’est la caisse des écoles qui doit payer ; protestations et demande d’enquête. L’affaire rebondit à la séance suivante : Dujoncquoy présente un bon daté de 1892 et signé de Béliard commandant vingt-trois encriers; Béliard conteste ce « chiffon » mais par 9 voix sur 16 votants le crédit de 166 F en faveur du frère de Dujoncquoy est voté.


Ces événements ajoutés bout à bout créent rapidement une réputation d’incompétence et d’inertie défavorable à l’image de Béliard. De surcroît Béliard fait partie de ces gens qui n’aiment pas admettre des défauts ou des torts et qui tentent de minimiser les difficultés ou de les masquer. Le diagnostic avait été porté par L’Abeille à l’origine et elle le véhiculera jusqu’au bout sans tenir compte des efforts de Béliard : « M. Béliard a grand tort de parler de son rôle d’administrateur. Il nous oblige à lui rappeler que les lettres de rappel pleuvent dans la mairie, que les délibérations qui ne lui plaisent pas ne sont pas exécutées et sont remises sur le tapis jusqu’à ce qu’elles soient rapportées ; qu’il préside le conseil d’une manière déplorable et parfois scandaleuse, notamment lorsqu’il protège les incartades de son

digne ami, L. Poussard, etc… »85.


Un piètre orateur ?


Béliard n’a pas laissé le souvenir d’un bon orateur. Même si l’on atténue les différents avis en tenant compte de la disqualification permanente exercée par L’Abeille il ne semble pas qu’il ait laissé des souvenirs impérissables sur cet aspect dans la mémoire collective. Certes, il est acquis qu’il n’est pas facile de faire preuve d’originalité à chaque intervention publique. Mais il n’y a dans la presse étampoise aucune trace d’un quelconque discours de Béliard qui aurait frappé les


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85 L’Abeille du 16 septembre 1893.

esprits. Ses communications en conseil municipal constituent davantage des propos de présentation et des répliques que des ensembles construits et argumentés sur un thème donné. Il semble même que Béliard n’aimait pas parler en public ; et pour ses adversaires ce qu’il disait était frappé de platitude et de banalité. L’Abeille du 7 janvier 1893 note pour la réception du jour de l’an à la mairie qu’à la sous-préfecture Béliard s’est félicité de présenter au sous-préfet un conseil municipal

« franchement républicain » et de voir le premier poste de l’administration de l’arrondissement (le sous-préfet) occupé par un vrai républicain ; le journal conclut : « En somme rien n’est sorti du ton gris et uniforme de la froide journée d’hiver qui n’a rien fait pour échauffer l’éloquence officielle de nos administrateurs ». En avril 1893 un lecteur fonctionnaire fait

quelques allusions aux bredouillages de Béliard86. Cette idée de confusion et de balbutiement dans l’expression oratoire revient

de façon récurrente.


Béliard avait-il un accent ? Nous n’avons trouvé qu’une seule allusion ; L’Abeille du 17 mars 1894 relatant la séance du 13 mars du conseil municipal note que Béliard laisse traîner les voyelles : la transcription écrite dans une de ses réparties donne ceci : « C’est de la fooooorme, de la foooorme que vous réclamez là » dit Béliard.


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86 L’Abeille du 9 avril 1893.

LES QUALITÉS PERSONNELLES

L’habileté politique

Les exemples ne manquent pas de la capacité de Béliard à réussir des actions politiques inattendues depuis son élection au fauteuil de maire jusqu’au vote contre les secours aux enfants des écoles congréganistes (voir supra).


La construction d’un statut local


Béliard a une vie de conseiller municipal normal et ordinaire : il intervient en séance et fait partie de plusieurs commissions (par exemple la commission chargée d’étudier les plans de la future école Saint-Martin) ; il fait des propositions : lors de la discussion sur le marché Saint-Gilles dans la séance du 3 février 1879 il demande la franchise pour ce marché, ne fût-ce que pour quelques mois ; cette demande est repoussée ; ou bien il propose la construction d’urinoirs nécessaires les jours de marché (août 1879). Il est secrétaire de séance à plusieurs reprises. Il est rarement absent.


Peu à peu, Béliard s’installe dans une position d’opposant : l’année 1880 semble être caractéristique de ce glissement où il défend des positions radicales. Au plan communal il accentue les demandes qui lui permettent d’apparaître comme le défenseur des intérêts de la ville et de ses habitants. La séance du 19 février 1883 est significative : Béliard intervient en faveur d’une pétition tendant à la reconstruction du pont-de- pierre, laquelle est rejetée à la majorité par le conseil ; Béliard demande la construction de vespasiennes dans plusieurs parties de la ville : également rejeté ; Béliard demande des informations sur les causes de l’arrêt du fonctionnement de la

caisse des écoles dont les statuts ont été votés le 8 juin 1882 : le maire répond que ces statuts ont été envoyés au préfet et qu’ils n’ont pas encore été retournés.


Sa marotte est l’enseignement. En février 1888 il demande que l’on dégage une dotation de 100 F afin d’acheter des livres et autres objets manquant dans les bibliothèques scolaires des écoles de garçons : cette proposition est adoptée à la majorité du conseil.


Ainsi en quelques années Béliard s’est construit un véritable statut local au point d’en recevoir confirmation par ses adversaires politiques. L’Abeille considère (21 janvier 1893) que Béliard est devenu à Étampes le chef du parti radical.


L’art de la ruse


On sent poindre la ruse de Béliard en tant que simple conseiller municipal. Alors qu’il a été élu secrétaire de la séance du 28 juin 1878, il omet de mentionner dans son compte-rendu que le conseil a maintenu une allocation de 2000 F pour les Frères des écoles chrétiennes ; ceci est immédiatement relevé et corrigé dans la séance du 24 août. Mais la rouerie sera répétée plusieurs fois et — hélas pour Béliard — souvent découverte.


Lors des municipales de janvier 1886, L’Abeille pour la première fois estime que Béliard, sous un pseudonyme, publie dans le Républicain de Pontoise des articles injurieux à l’égard des élus d’Étampes : le journal explique que malgré la majorité républicaine de la population, celle-ci n’a pas voulu voter pour

« celui [Béliard] qu’on donne comme occupé depuis des années à les insulter ou à les faire insulter. Tout autre candidat républicain aurait sans doute réuni la majorité, mais le

correspondant du Républicain avait contre lui l’attitude de son journal »87. Ainsi a pris corps l’idée de l’hypocrisie, de la duplicité et de la fourberie de Béliard. L’Abeille n’aura de cesse de lui faire endosser ces qualificatifs, profitant de la moindre de ses hésitations pour les transformer en tergiversations, en manipulations, en mesquineries et en intrigues.


De fait de nombreuses situations peuvent se prêter à cette interprétation sans nier que Béliard a manifestement orchestré comme tout homme politique certaines d’entre elles (voir supra les adjudications).


Dans un article intitulé « Les petites roueries de M. le Maire » L’Abeille (24 février 1894) accuse Béliard d’avoir retardé la divulgation de la lettre du sous-préfet annonçant la création d’un second poste d’instituteur afin de masquer les mérites de ceux qui avaient réellement obtenu gain de cause. Lors de la séance suivante le conseiller Langumier, qui s’est procuré la lettre à la sous-préfecture, la lit au conseil ; il considère que le procédé du maire de ne pas avoir inséré la lettre du sous-préfet dans le procès-verbal du conseil est blâmable ; malgré les dénégations de Béliard, le conseil vote la protestation et l’insertion dans le procès-verbal.


Lors des obsèques simultanées en mai 1894 de M. Dujoncquoy père et Baudet, tous deux anciens conseillers municipaux, Béliard convoque malgré tout le conseil municipal prévu à la même heure que les enterrements ; devant les réactions, Béliard finit par reporter la séance. Le journal ne manque pas l’occasion : « Puisque M. le Maire avait été prévenu à l’avance, il eut été préférable de décider


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87 L’Abeille du 13 mars 1886.

préalablement que cette séance ne s’ouvrirait qu’à trois heures et demie »88.


En août 1895 le conseil municipal a souhaité à la majorité une modification des horaires de réunion ; Béliard a accepté de mauvais gré. Lors de la séance suivante, il est accusé d’avoir fait ajouter deux alinéas à l’insu du secrétaire de séance dans le procès-verbal du conseil ; mais le public présent est nombreux, la salle devient houleuse et réclame la démission de la majorité du conseil ; Béliard laisse faire, le conseil ne pouvant plus se tenir ; on insinue que c’est certainement un coup monté de Béliard qui a profité de la modification des horaires pour mobiliser ses partisans et revenir aux anciens horaires.


Dans les affaires courantes son habileté est classique. En août 1897 se pose la question du monopole des fabriques : la municipalité de Brest demande à toutes les municipalités que le monopole du service des obsèques soit retiré aux fabriques paroissiales pour être attribué aux municipalités ; L’Abeille relève aussitôt que Béliard veut se faire pardonner la trop grande complaisance qu’il a eue en faisant voter par le conseil municipal des subventions aux écoles congréganistes et aux fabriques des paroisses ; la proposition du conseil municipal de

Brest est adoptée par 12 voix89. Autre exemple : en septembre

1897 pour la constitution d’une commission sur le tracé de chemin de fer Béliard propose de désigner un membre dans chacun des quartiers de la ville de façon à ménager tous les intérêts ; cette demande passe aussitôt pour une manœuvre.


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88 L’Abeille du 19 mai 1894.

89 L’Abeille du 14 août 1897. À Étampes les fabriques ont effectivement

le monopole des obsèques mais elles ont cédé ce privilège à un particulier moyennant une redevance annuelle de celui-ci de 1000 F.

En février 1898 (séance du 7 février) on apprend que le préfet a supprimé du budget municipal les crédits ouverts précédemment — à hauteur de 350 F — pour secourir les enfants pauvres autres que ceux des écoles communales (c’est- à-dire pour les écoles congréganistes) ; Lefebvre obtient, après une discussion houleuse, un nouveau vote adopté avec 11 voix. L’affaire rebondit en juin (séance du 7 juin) : le bureau de bienfaisance refuse de distribuer cet argent au motif qu’il n’a pas à connaître l’orientation religieuse de l’instruction choisie ; se fondant sur une décision récente de la Cour de Cassation, Lefebvre estime que cette somme doit être laissée à la gestion du maire ; plusieurs conseillers municipaux pensent qu’une commission aurait plus de facilité mais cela reviendrait à créer un second bureau de bienfaisance ; au grand désappointement

de L’Abeille la somme est laissée à la discrétion du maire, ce qui fait lui fait écrire que sa caisse noire s’enrichit90 !


À l’évidence Béliard est habile sinon roublard ; ses ennemis l’accusent de tous les maux : laxisme, couardise, mauvaise foi, manipulation, duplicité, incohérence, ce qui le fait qualifier de petit esprit et petit caractère. Cet état repose sur son tempérament personnel comme sur sa situation politique. Celle- ci est profondément ambiguë : il est intimement radical et se fait élire grâce à l’appui des forces de droite contre une partie des forces de gauche. Mais des « coups » réussis comme ceux du 20 juillet 1896 où ses adversaires républicains sont contraints de voter pour lui (voir supra) montrent son savoir- faire et ne peuvent que susciter la jalousie.


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L’affirmation de soi

Le choix des souscriptions


Béliard choisit avec attention ses dons aux souscriptions : ainsi ne s’inscrit-il pas sur la liste de donateurs pour les pauvres de la fin de l’année 1879, mais il y a peu de conseillers municipaux à le faire. En 1881 il souscrit, en même temps que le sous-préfet et plusieurs autres conseillers municipaux, à la création d’une caisse des écoles laïques à Étampes pour 10

Francs91. En mai 1883 il donne 3 Francs à l’ouverture d’une

souscription nationale pour l’érection d’un monument à Gambetta. En mai 1888, ses accusateurs notent qu’il a participé pour 2 Francs à une souscription ouverte afin d’élever un monument à Charles Amouroux, l’un des chefs de la commune. Dans la séance du 15 mai 1893 Béliard s’oppose au vote d’une subvention pour l’Afrique française (mouvement de soutien des intérêts français aux colonies), au grand dam de L’Abeille qui appuie ouvertement la politique de conquête coloniale et regrette que les courageux explorateurs qui assurent notre

influence en Afrique centrale ne soient pas soutenus92.


En juin 1899 Béliard n’a pas changé d’avis : il est violemment pris à partie par L’Abeille car il ne s’est pas associé aux manifestations patriotiques qui ont accueilli le retour de la mission Marchand ; les positions antimilitaristes et

antipatriotiques du maire sont un outrage pour la ville d’Étampes et sa région93.


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91 L’Abeille du 29 octobre 1881.

92 L’Abeille du 5 juin 1893.

La participation à certaines manifestations


De la même façon Béliard fixe soigneusement ses participations aux manifestations qui peuvent avoir un impact sur ses orientations politiques. Il ne fait pas partie de la délégation des trois membres du conseil municipal chargés de représenter la ville au service funèbre à la mémoire de Thiers le

3 septembre 1878 à Notre-Dame : cela ne correspond évidemment pas à ses idées ! De même sa présence n’est pas mentionnée à la messe de la Société de secours aux blessés militaires à la mémoire de Mac Mahon en décembre 1893 bien que toutes les autorités y soient, selon L’Abeille (23 décembre 1893).


Autant il participe au banquet de la Sainte Barbe — et quand il peut le présider c’est encore mieux ! — qui a lieu traditionnellement en décembre (présence relevée en 1894, 1897, 1898 et 1899), autant il boude le banquet de la Sainte Cécile (1896, 1897, 1898 et 1899). Pour la Sainte Barbe, traditionnelle fête des pompiers, la dimension de service public lui est signifiante : en 1894 il improvise un discours pour marquer le soutien de la municipalité et décerner aux pompiers

un brevet de républicanisme94. Pour la Sainte Cécile, patronne des musiciens, on peut penser que les conflits qu’il a eus avec

les fanfares étampoises (voir infra) ont refroidi son ardeur alors que les autres notabilités accourent ; en 1898 par exemple Dosithé Bourdeau est le président de la fanfare jouant au banquet95 et l’année suivante c’est Amodru, député honni par Béliard, qui préside le banquet.


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94 L’Abeille du 15 décembre 1894.

95 L’Abeille du 3 décembre 1898.

D’une façon générale Béliard n’est pas très attiré non plus par la commémoration des anciens combattants de 1870 qui a lieu annuellement et auxquelles il ne participe guère : il faut dire qu’il y a une messe ! Son absence est particulièrement remarquée en 1896, 1898, 1899 (années de patriotisme exacerbé) — avec cette appréciation aigre-douce de L’Abeille : « Comme toujours la municipalité s’est abstenue »96.


Lors de la fête du 14 juillet 1898 il participe à la revue des pompiers mais refuse d’assister au banquet républicain. Il faut penser que ces positions sont conjoncturelles et obéissent à des motifs politiques locaux. Il n’assiste pas en mars 1899 aux obsèques de M. Lebret père, dont le fils, ministre de la justice, est né à Étampes ; il y a de nombreuses personnalités présentes dont Dosithé Bourdeau. Cette absence lui attire une très vive critique de L’Abeille. En décembre, pour des raisons inconnues,

et contrairement aux années précédentes, il ne participe pas à l’arbre de Noël des écoles maternelles le 24 décembre97.


Il arrive qu’il se fasse piéger : en octobre 1897 il préside la cérémonie de couronnement de la rosière et se voit contraint d’assister à la messe à l’église Saint-Basile, apparemment contre son gré98.


Tempérament


Au cours des séances du conseil municipal, outre les traits de caractère évoqués ci-dessus et peu à l’avantage de Béliard, d’autres attitudes donnent à penser : on le présente comme ombrageux, feignant de ne pas entendre lorsqu’il est interpellé


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96 L’Abeille du 21 octobre 1899

97 L’Abeille du 30 décembre 1899.

98 L’Abeille du 16 octobre 1897.

et tournant la tête du côté opposé à son interlocuteur, manifestant son mécontentement lorsqu’il est mis en cause, fuyant les responsabilités, vindicatif et rancunier, essayant de récupérer à son profit toute action réussie, ayant l’habitude de se substituer à ceux qui font les propositions afin de toujours conserver la parole. Pourtant il sait aussi se montrer aimable, plein d’aménité.


Plusieurs témoignages extérieurs à L’Abeille contredisent largement l’avis du journal. Certes ils concernent Béliard avant qu’il ne devienne politicien, mais ils sont appuyés : Zola, tout au long de sa correspondance, évoque Béliard comme un ami proche, très orienté idéologiquement mais facile à vivre ; le même Béliard se montre accueillant envers Zola et semble s’inquiéter de la santé et de la situation de leurs amis communs. Zola indique par exemple que « Béliard a eu Coste chez lui pendant trois semaines » ; Paul Alexis a passé quelques jours chez Béliard à Étampes en 1876 où il a consulté un médecin et explique en 1877 : « Voici environ trois semaines que je suis chez Béliard. […] Je me trouve d’ailleurs très bien sous tous les

rapports chez notre ami le Proudhonien. Nous discutons beaucoup par exemple »99.


Il apparaît que dans ses fonctions politiques Béliard se soit montré comme un tacticien habile mais peu intéressé au fond par les affaires communales.


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99 Correspondance d’Émile Zola, sous la direction de B.H. Bakker et Colette Becker, Les presses de l’Université de Montréal et éditions du CNRS, 1980, p 466 pour la première citation ; Lettres inédites de Paul Alexis à Émile Zola, 1871-1900, B.H. Bakker, University of Toronto Press, 1971, p 104 pour la seconde. Par ailleurs Numa Coste (1843-1907) est un artiste-peintre, critique d’art, journaliste et historien d’art.

De l’obstination au courage

Toutes les affaires précédentes le montrent : Béliard a une capacité de résistance exceptionnelle devant les obstacles. Cette résistance est davantage molle et rusée que violente et frontale. Trois affaires, de dimension sociale et politique très différente, sont révélatrices.


Les différends avec l’Administration


Béliard est méfiant vis-à-vis des autorités préfectorales et il n’hésite jamais à le faire savoir, joignant souvent le geste à la parole.


En juin 1894, à l’occasion de la venue du préfet pour le conseil de révision Béliard ne lui présente pas le conseil municipal ; pour excuser l’affront on parle d’une erreur d’horaire… Un an plus tard, il ne s’agit pas de cela : lors des fêtes du 14 juillet Béliard serre la main du sous-préfet tout en lui disant qu’il est très hésitant à le faire : il s’attire une réplique politique du représentant de l’État ; du coup Béliard n’assiste pas au banquet républicain du soir. Durant ce même banquet a lieu un incident : un Étampois interrompt le discours du sous- préfet par des cris en faveur de Poussard. Le 14 juillet 1896 Béliard n’invite pas le sous-préfet aux manifestations de la ville, contraignant les fonctionnaires à ne pas assister à la revue officielle ; L’Abeille s’indigne, considérant que c’est une injure

faite au gouvernement et à la République100. Le 14 juillet 1897

le sous-préfet n’assiste pas aux fêtes car il n’est pas satisfait de la forme prise par l’invitation de Béliard ; du coup Béliard empêche le cortège des pompiers de passer devant la sous- préfecture mais la Fanfare d’Étampes va donner spontanément


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100 L’Abeille du10 juillet 1897.

une aubade au sous-préfet ; enfin Béliard n’assiste pas au banquet républicain du soir, présidé par le sous-préfet.


La querelle de la fanfare


Les fanfares représentent à l’époque un moment important de sociabilité : leurs membres s’entrainent activement, ils donnent des concerts le dimanche après-midi et jouent lors des fêtes, il existe des concours dotés de prix entre villes. Les fanfares sont un des éléments vivants de l’esprit de clocher.


Or, en 1893, éclate une crise à Étampes : Béliard ne répond pas à deux lettres du directeur de la fanfare municipale ; du coup 28 membres sur 34 démissionnent.


Un autre incident éclate en septembre 1894 : lors des adieux du sous-préfet Francière (4 août 1894) le chef de la fanfare, M. Poupier, demande au maire l’autorisation de se rendre au banquet ; il ne reçoit aucune réponse ; or la fanfare joue à cette occasion ; considérant que l’absence de réponse était un désaveu Poupier et les musiciens qui l’accompagnaient ont tous démissionné et ont créé une nouvelle fanfare sous le nom de Fanfare d’Étampes ; Dosithé Bourdeau en est le président86. Lors de la séance du 31 décembre Béliard est apostrophé à propos de son attitude à l’égard de la fanfare municipale. Le 8 janvier l’affaire de la fanfare rebondit en conseil municipal : on apprend que Béliard avait des rapports tendus avec le sous- préfet et il reproche à la fanfare d’avoir été jouer une aubade lors de son départ ; la nouvelle fanfare compte trente-huit membres mais ce sont des enfants inexpérimentés ; considérant que la fanfare « dite municipale » a cessé d’exister en fait et en droit, la subvention de 1000 F est donc supprimée.

Béliard fait preuve de ténacité : il interdit à la Fanfare d’Étampes de jouer en public le 14 juillet 1895 alors que la commission des fêtes avait décidé à l’unanimité que toutes les sociétés de la ville joueraient ; il fait dresser un procès-verbal contre elle. À la séance du 15 juillet Diamy interpelle le maire sur ce point en relevant la contradiction entre son républicanisme affiché et son autoritarisme ; il demande au conseil de voter un blâme contre Béliard qui a abusé de son droit de maire ; Béliard refuse de mettre le blâme au vote mais


    1. Nécrologie de l’Abeille d’Étampes (1912) 115


      M. É. BÉLIARD


      M. Béliard est mort hier. C’est une des figures les plus caractéristiques d’Étampes qui disparaît et dans ce journal qui, fidèle à ses convictions, pourrait signer encore aujourd’hui tout ce qu’il a écrit hier et qui fut presque toujours du côté que cet ancien maire a combattu, nous tenons à dire tout de suite les regrets que cette nouvelle a fait naître : elle en provoquera certes de plus bruyants que les nôtres, mais non pas de plus sincères.


      Pendant toute sa vie, M. Béliard était resté, sur le terrain politique, le soldat d’une lutte spéciale. Il avait conservé un seul culte, celui de l’anticléricalisme franç-maçonnique et vieux jeu, et ce paisible bourgeois, qu’on s’imaginait volontiers partagé entre sa vie de petit rentier et les soucis d’art très délicats qu’on lui connaissait, troublait son existence de la hantise du péril clérical dans une région où il ne fut pourtant jamais bien redoutable. Il avait débuté dans la vie publique vers l’époque déjà lointaine du cou d’État et il lui en était resté quelque chose… On a de lui une brochure curieuse faite d’articles écrits dans un journal de Paris contre les collaborateurs du 2 Décembre et il vécut toute sa carrière politique sur les souvenirs qu’il en avait gardés. S’il est permis de tenter cette comparaison, il était comme le Henri Brisson de notre Conseil municipal, et il s’était créé à Étampes une situation


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      115 Abeille d’Étampes 101/48 (30 novembre 1912), p. 3.

      exceptionnelle, surprenante, paradoxale même, de

      « démocrate », de « vétéran », qui en réalité ne s’appuyait sur aucun acte précis, sur aucune réforme durable et vivante, mais sur l’affirmation sans cesse répétée et unanimement acceptée de sa fidélité à la République ! Il a été et restera le « vieux républicain ». Lui-même se laissait prendre à cette réputation et souvent aux réunions publiques, il acceptait l’encens que la tradition populaire lui décernait sans trop savoir pourquoi, suivant un mot d’ordre qu’on se repassait. Il était ainsi devenu l’arbitre, le doyen, le patriarche et il se plaisait à cette souveraineté que le consentement général, à défaut de services positifs, lui attribuait.


      Elle était tellement indiscutée qu’il avait pu la risquer dans des tractations électorales, qui à l’époque soulevèrent bien des colères ! Les alliances de M. Béliard avec les partis de droite d’Étampes de 1892 à 1900, comme c’est loin dans le passé ! Mais nous en avons eu une réplique plus récente et qui met une teinte de clair-obscur sur le tableau où ce « pur » aurait aimé à être reproduit en rouge impeccablement vif. Aux dernières élections municipales, si grande était la joie de M. Béliard de rentrer une fois de plus dans cet Hôtel de Ville d’où il y a douze ans un mouvement d’opinion vivement prononcé l’avait écarté, que lui, le pur des purs, l’ami des Maréchaux et de Hubbard, l’ancien maire qui fit interdire à Étampes les processions dans les rues, accepta de figurer sans protester au nombre des candidats dont la liste reçut le patronage inattendu du journal de l’évêché de Versailles. Étampes valait bien une messe ! eût-il pu dire au sortir de la séance du nouveau Conseil municipal où furent proclamés les services, d’ailleurs non définis, qu’il avait rendus à la République et à la ville et dont le seul qui fût incontesté était d’avoir été presque toute sa vie un opposant, surtout contre ceux qu’un nouveau caprice du corps électoral venait de renverser.

      Et c’est là qu’apparaît bien le caractère de ce brave homme, que ses adversaires eux-mêmes regretteront et que seuls ils ont estimé pour ses qualités personnelles. Dans la politique, ses amis ne lui avaient jamais laissé voir que la lutte des partis ou plutôt les intérêts et les haines et les amitiés de son parti. Il n’y a pas besoin de se porter par la pensée à quelques mois dans l’avenir pour mesurer déjà la légèreté de l’œuvre administrative ou financière qu’il a faite au profit de la ville et la stérilité de la bonne volonté qu’il manifestait en faveur des travailleurs. Mais il y mettait une telle conviction, il croyait si sincèrement qu’à toujours parler République, peuple, démocratie, liberté de pensée et franc-maçonnerie, il travaillait à la prospérité de la cité et aux intérêts des classes populaires, qu’on doit oublier aujourd’hui tout ce que cette conviction a eu de vain et de naïf et s’incliner devant ce qu’elle avait de touchant, de sincère et de respectable.


      D’autant plus que M. Béliard fut toujours et complètement un désintéressé. Il ne recherchait ni les places, ni les distinctions, ni les applaudissements, se bornant à suivre la voie qu’il s’était tracée. Il n’avait rien du féroce arrivisme politique de ce temps. Nous retiendrons de lui, nous qui l’avons si souvent combattu, et ce désintéressement, et cette sincérité. Et demain parmi ceux qui lui adresseront un suprême adieu, nous serons, nous et nos amis, de ceux qui n’exagèreront pas le témoignage de leurs condoléances, mais qui salueront avec respect le bon citoyen d’Étampes, le vieillard, le brave homme, dont l’opposition comme l’amitié, était franche, parfois intransigeante, mais toujours désintéressées.


      *

      * *

      M. Édouard Béliard est né à Paris, vers la fin de 1832, de parents exerçant la profession de commerce à l’enseigne de la Petite Jeannette, sur les boulevards ; sa mère étant venue à mourir, le jeune homme vint souvent à Étampes chez son grand-père, où il se lia avec les jeunes gens de sa génération. C’est à Paris qu’il fit ses premières études et il s’y trouva mêlé à la vie d’un assez grand nombre d’artistes de la jeune école, ce qui lui inspira le goût de la peinture, dans lequel il suivit la voie nouvelle dite l’impressionnisme. Il peignit des marines qui n’étaient pas sans valeur artistique. Sur ces entrefaites, il fut amené à écrire dans une revue d’évolution philosophique, La Morale Indépendante.

      Enfin, il se fixa vers 1860, croyons-nous à Étampes, après la mort de son grand-père, dans cette maison de la place de l’Ouche où se passa la seconde moitié de sa vie. En 1878, ses concitoyens lui confièrent le mandat de conseiller municipal qu’il conserva jusqu’en 188, époque à laquelle il démissionna ; réélu en mai, il fut nommé maire en 1892, fonctions qu’il conserva jusqu’aux élections de 1900. Non réélu, à cette époque il ne revint au Conseil qu’en 1904 et conserva ces fonctions

      jusqu’à sa mort survenue le 28 novembre. Il était dans sa 81e année.

      Ces quelques lignes ne font qu’esquisser les débuts et le cours de l’existence de M. E. Béliard. De plus autorisés les complèteront à l’occasion des obsèques qui lui sont préparée ainsi qu’en témoignent les notes suivantes que nous transmet la Mairie d’Étampes :


      *

      * *


      La Municipalité et le Conseil municipal d’Étampes ont l’honneur de faire part de la perte qu’ils viennent d’éprouver en la personne de Monsieur Édouard Béliard, doyen du Conseil

      municipal, ancien maire de la ville d’Étampes, officie d’académie, décédé en son domicile rue de Chauffour, 15, le 28 novembre 1912, dans sa quatre-vingt-unième année ;

      Et vous prient d’assister à ses obsèques qui auront lieu le dimanche 1er décembre 1912, à deux heures moins un quart.

      On se réunira à la maison mortuaire d’où le cortège se rendra directement au cimetière Saint-Gilles.

      Les personnes qui n’auraient pas reçu de faire-part de la mort de M. Édouard Béliard, ancien maire et membre du Conseil municipal, sont priées de considérer le présent avis comme une invitation.


      *

      * *


      En raison de la mort de M. Béliard, ancien maire et doyen du Conseil municipal, ma municipalité a décidé de s’abstenir à toute fête ou réjouissance publique pendant le mois de décembre.

      Le drapeau de l’Hôte de Ville a été mis en berne.


      *

      * *

    2. Oraison funèbre de Bouilloux-Lafont (1912) 116


      Les Obsèques de M. Béliard


      La Municipalité a fait dimanche des obsèques solennelles à

      M. Béliard, ancien maire d’Étampes.


      A 2 heures ¼, le cortège, encadré par les Sapeurs-Pompiers et les Sociétés de gymnastique, et dont M. le Commissaire de police, en tenue, réglait lui-même l’ordonnance, se formait dans la rue de Chauffour qu’encombrait bientôt une nombreuse assistance.


      Une section de pompiers marchait en tête, puis, précédant le catafalque, des cantonniers et des employés de l’octroi portaient de superbes couronnes offertes à l’ancien maire d’Étampes par

      M. Bouilloux-Lafont, maire ; le Conseil municipal, les employés de la Ville, etc.


      Les cordons du poêle étaient tenus par MM. Darras, sous- préfet ; Dosithé Bourdeau, ancien maire d’Étampes ; Marot, président du Tribunal ; Viron, ancien adjoint ; Bonnin, ancien juge de paix ; Hervé, Chambellan et Richou, conseillers municipaux.


      Le deuil était conduit par Madame Béliard. Derrière la famille, suivaient : MM. Bouilloux-Lafont, maire d’Étampes, Lescuyer et Leauté, adjoints ; Dufour, conseiller général du canton de Méréville ; Bouvard et de Saint-Léon, conseillers d’arrondissement.


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      116 Abeille d’Étampes 101/49 (7 décembre 1912), p. 3.

      MM. Rondelet, procureur de la République ; MM. Les Membres du Conseil municipal ; Lassiat, lieutenant de gendarmerie ; M. le Docteur Manet ; M. Gronnier, principal, et les professeurs du Collège ; les instituteurs et les institutrices d’Étampes ; les employés des services municipaux ; le Bureau et des Membres de la Société de Secours des Ouvriers ; MM. Félix Chanon, président des Enfants de Guinette ; Milhorat, maréchal des logis chef de gendarmerie ; M. Fauré, gardien- chef de la prison d’Étampes, etc., etc.


      À l’arrivée dans le cimetière Saint-Gilles, la tête du cortège décrivait un grand arc de cercle pour revenir se placer devant le caveau funèbre situé à gauche de la porte d’entrée. Et au milieu du silence qui se fit bientôt. M. Bouilloux-Lafont, maire, adressait à M. Béliard le discours d’adieu. Nous le reproduisons en entier.


      Nous nous sommes efforcés l’autre jour de mettre impartialement en lumière, à côté de la vie privée et du caractère personnel très respectables de M. Béliard, ce qui nous semblait louable dans sa vie publique et aussi ce que sa participation si active et si souvent passionnée aux luttes municipales d’Étampes laissait, même après lui, à la critique. Nous n’en sommes que plus libres pour reproduire aujourd’hui le récit si complet que M. le Maire a tracé de la vie privée de son prédécesseur et même pour recueillir, sans avoir à exprimer de nouveau nos réserves, le tableau qu’il a fait de sa vie publique avec l’ampleur que les circonstances expliquaient.


      M. Bouilloux-Lafont s’est exprimé en ces termes :


      « Mesdames,

      « Messieurs,

      « C’est le cœur étreint d’une profonde émotion que j’aborde la tâche qui m’incombe, et que j’aurais revendiquée moi-même comme un honneur, si le désir d’un mourant n’avait prévenu ma pensée. En me désignant, parmi beaucoup d’autres plus dignes, pour prendre seul au nom de tous la parole devant sa dépouille,

      M. Béliard a touché infiniment celui qu’il a fait l’objet d’une telle distinction ; mais il a par contre privé sa mémoire de nombreux témoignages d’estime et d’affection qu’auraient mieux exprimés des voix plus éloquentes et plus autorisées que la mienne. À défaut d’éloquence, je m’efforcerai d’apporter, en retraçant à grands traits la vie d’un philosophe, la même scrupuleuse conscience que ce philosophe lui-même apportait dans ses moindres actes. Et ce sera la meilleure façon de lui rendre hommage qui lui est dû.


      « Bien que né à Paris, Édouard Béliard était un enfant de notre ville, et s’il eût eu besoin d’y acquérir droit de cité, on peut dire que son ascendance étampoise lui aurait, à défaut des titres qu’il eût pu produire plus tard en surabondance, valu dès sa naissance ses lettres de grande naturalisation.


      « Du côté maternel, en effet, son grand-père Sergent, chez lequel il venait passer les vacances de son jeune âge, siégea pendant de longues années au Conseil municipal d’Étampes, et peut-être dans la demeure ancestrale l’enfant puisa-t-il ses premières aspirations à la vie publique. N’ayant jamais connu sa mère, éloigné du foyer paternel par le remariage de son père, comment ne se serait-il pas attaché au pays qui, pendant ses années d’étude au lycée Henri IV, était pour lui le symbole de la liberté ?


      « Ce fut donc Étampes qui l’attira tout naturellement lorsque, ses classes terminées, il chercha sa voie : il entra comme clerc dans une des études de notaires de notre ville. Il n’y resta pas

      longtemps, car le goût très vif qu’il se sentait pour la peinture et qui ne devait le quitter qu’avec la vie, l’entraîna de nouveau vers Paris. Il devint alors secrétaire d’Alphonse Esquiros. C’était au lendemain de la Révolution de 1848, et l’ambiance du milieu, autant que l’imagination généreuse et débordante de celui qui fut l’un des précurseurs du socialisme, devaient exercer sur Édouard Béliard une influence décisive. Les doctrines rigides qu’il puisa à cette école s’ancrèrent fortement dans son esprit et restèrent les règles de sa vie. Le coup d’État de 1851, en même temps qu’il jeta Esquiros sur la route de l’exil, le força lui-même à se soustraire à des recherches que rendait dangereuses l’état d’esprit des dirigeants de l’époque.


      « Suivant sa vocation, le jeune Béliard se consacra alors tout entier à la peinture, et, ayant recueilli l’héritage de son grand- père, il voulut se perfectionner dans son art et partit en 1859 pour l’Italie. Il y fit un séjour de plusieurs années, résidant successivement à Rome, Naples et Venise d’où il rapporta des études intéressantes. La guerre le trouve à Paris, où il fait son devoir dans l’artillerie de la garde nationale. Le retour d’exil d’Esquiros, nommé, après la chute de l’Empire, administrateur supérieur des Bouches-du-Rhône, puis, après sa révocation par Gambetta, élu membre de l’assemblée nationale, apporte dans la vie du jeune homme une nouvelle perturbation. Fidèle à ses amitiés, il reprend auprès d’Esquiros, sans quitter sa palette, son poste de collaborateur plus encore que de secrétaire et ne le quitte qu’en 1876, à la mort de l’écrivain qui avait tenu à lui donner un dernier témoignage de confiance et d’amitié en le choisissant comme exécuteur testamentaire. De 1871 à 1876, comme d’ailleurs pendant le reste de son existence, Béliard partage sa vie entre la peinture et la politique. Élève de Corot, dont il fréquentait l’atelier depuis qu’il maniait le pinceau, il y eut des camarades comme Chardin, Boudin et Pissarro qui devaient devenir des maîtres plus tard. À côté d’Esquiros, chez

      qui Béliard rencontrait souvent Victor Hugo, il s’était formé un petit cénacle d’esprits cultivés et de maîtres de la plume qui commençaient à faire parler d’eux et donnèrent plus tard la mesure de leur talent, et de ce cénacle qui comprenait entre autres Émile Zola, Paul Alexis, Guy de Maupassant, Valabrègue, Béliard en sa qualité d’aîné, était un peu l’âme : ce fut pour lui la plus douce période de son existence. Marié depuis 1873 à celle qui fut toujours pour lui une collaboratrice dévouée, sa vie journalière s’écoulait paisible entre les satisfactions du foyer et les jouissances que procurent aux esprits élevés le commerce des arts et de la littérature, et les discussions philosophiques.


      « En 1876, après la mort d’Esquiros, il était venu s’installer à Étampes, malgré les objurgations de ses intimes, à la tête desquels Henri Brisson et Émile Zola redoutaient pour son talent les conséquences que pouvait avoir l’éloignement des centres artistiques de la Ville Lumière. La santé de Mme Béliard lui fit, en 1880, rompre le dernier lien qui l’attachait à Paris, et

      il fit à l’affection conjugale le sacrifice de l’atelier qu’il y avait gardé, et où il aimait à retrouver l’hiver les solides amitiés qu’il s’était créées. Il venait du reste d’entrer dans la vie publique ; élu conseiller municipal en 1878, il siégea à l’Hôtel de Ville jusqu’à sa mort, sans autre interruption que de 1888 à 1890 et de 1900 à 1904.


      « En 1892, il fut appelé à ceindre l’écharpe municipale et il administra la commune jusqu’en 1900. Dans ces fonctions, M. Béliard apporta les qualités premières qui étaient le fond de son caractère, l’équité, la droiture, la fermeté, la sincérité. Si les larges idées puisées dans la fréquentation des Proud’hon, des Considérant, et des Esquiros, étaient d’une envolée trop hardie pour ne pas heurter dans les premières années les conceptions plus terre à terre avec lesquelles il se trouva en contact, M.

      Béliard sut du moins sélectionner parmi les siennes, celles qui pouvaient être appropriées au milieu, et si parfois dans la lutte politique des considérations clairvoyantes de tactique générale lui firent imposer momentanément silence à ses préférences personnelles, il ne transigea jamais avec ses principes et n’accepta jamais d’autre direction que celle de sa conscience.


      « Disciple de notre immortel Voltaire, l’étude des philosophes avait affranchi sa pensée de toutes lisières, et la profondeur de ses convictions lui permettait de la maintenir dans les régions sereines que n’atteint pas le sectarisme. Dévoué à la cause de l’enseignement, il fut pendant trois ans délégué cantonal. Ardeur défenseur de l’école laïque, il marqua son passage à la mairie par la laïcisation de l’École des filles, et par la création de la Caisse des Écoles. Aidé par le zèle infatigable de celle qui fut la compagne de sa vie, au sens le plus élevé du mot, on sait qu’il fonda l’œuvre admirable des cantines scolaires, qui valut, pendant les longs mois d’hiver la distribution journalière de soupe chaude aux enfants des écoles ; mais ce qu’on sait moins, c’est que l’œuvre fut soutenue pendant huit années par les seuls deniers du ménage, et si l’on peut considérer que les largesses des riches constituent l’accomplissement d’un devoir social, il faut avoir une reconnaissance toute particulière à ceux qui prennent sur de modestes ressources pour venir en aide à de moins favorisés qu’eux, et cela surtout lorsqu’ils prodiguent, en plus de leur argent, ce qui vaut plus encore : leur dévouement.


      « L’administration municipale de M. Béliard fut marquée au coin d’une assiduité scrupuleuse et d’une irréprochable probité et l’hostilité sourde qu’il rencontra autour de lui trouva sa source dans son inflexibilité pour tout ce qui apparaissait à ses yeux comme un passe-droit, plus encore que dans la réputation d’intolérance que lui firent injustement des adversaires

      intéressés à lui nuire, et dont il semble que certains n’ont pas désarmé même devant la majesté de sa mort !


      « Au sein du Conseil municipal, dont il suivait les délibérations avec une attention scrupuleuse, il avait toujours le mot juste qui éclaire la discussion ; ses observations pleines de sens et de finesse, sa prodigieuse mémoire et sa vieille expérience qu’il mettait si obligeamment à la disposition de tous faisaient de lui, pour ses collègues, un guide précieux dans ce qui fut son incessant objectif : la défense des intérêts de la ville.


      « Il y avait en M. Béliard une foi profonde, sa foi républicaine. Elle remontait bien avant la longue période pendant laquelle il a été le porte-drapeau du parti républicain dans notre arrondissement ; elle datait d’une époque où il y avait danger non seulement à l’affirmer, mais même à la laisser paraître, et lors du coup d’État, il lui avait sacrifié sans hésiter sa sécurité personnelle. Il était resté un adversaire irréductible de l’Empire. Le jour où ses amis arrivèrent au pouvoir, il ne songea nullement à faire état de ses services, et nul moins que lui ne se soucia pendant une longue carrière politique d’en tirer profit pour obtenir places ou honneurs ; et s’il accepta au début les palmes académiques, il refusa la rosette de l’instruction publique à une époque où cette distinction eût eu à ses yeux le caractère d’une compromission.


      « Aussi estimait-il pouvoir dédaigner les attaques dirigées contre lui, de quelque côté qu’elles vinssent, et, fort de son passé, être en droit de n’accepter de personne des leçons de républicanisme.


      « Ce sage était sans ambition ; il le montra en peinture comme en politique. Il avait acquis à l’école de Corot un réel talent de

      paysagiste, dont font foi les nombreuses toiles reçues au Salon, et les tableaux qu’il envoya aux Expositions de Londres et de Philadelphie ; de toutes ses œuvres se dégagent un souci de vérité et de couleur et un amour de la nature qui ont un véritable charme. Il eût pu, avec un travail plus soutenu, prétendre à la célébrité. Mais M. Béliard était artiste dans l’âme ; il peignait pour lui-même, pour sa satisfaction personnelle et avec le plus grand désintéressement. Nombreux sont les coins pittoresques d’Étampes qu’a reproduits son pinceau, et jusqu’à ses derniers jours, les moments qu’il passait avec sa palette étaient ses moments préférés. C’est dans son atelier, en face du chevalet où se dressait sa dernière ébauche qu’il avait voulu qu’on transportât ses restes après son dernier soupir.


      « Sa fin a été celle d’un stoïcien. Pendant la maladie de courte durée qui a terrassé sa robuste vieillesse, il n’avait qu’une préoccupation : cacher ses souffrances à celle qui, nuit et jour, veillait à son chevet avec l’inaltérable dévouement dont elle lui avait toujours donné tant de preuves. Il a vu venir la Mort sans crainte ; en libre penseur, il l’a regardée bien en face, et sans une plainte, sans un mot de regret, l’a suivie en souriant, à la façon des grands philosophes de l’antiquité !


      « Avec lui disparaissent une grande figure et un grand caractère.


      « Madame,


      « La foule émue qui nous entoure vous exprime par ma voix les profonds sentiments d’estime, de respect et de sympathie qu’elle professe pour celle qui fut la compagne de chaque jour. La Ville d’Étampes tout entière s’associe, Madame, à votre douleur.

      « Cher Monsieur Béliard,


      « Au nom de tous vos amis affligés qui ont voulu rendre à votre dépouille un suprême hommage,

      « Au nom des Membres du Conseil municipal qui garderont le souvenir ému du collègue loyal qu’ils ont perdu,

      « Au nom de la Ville d’Étampes dont vous avez été l’un des meilleurs, des plus dévoués et plus désintéressés serviteurs,

      « Je vous dis un éternel adieu ! »

    3. Vente après décès (1913)


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      Abeille d’Étampes du 1er mars 1913, p. 3

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      Abeille d’Étampes du 8 mars 1913, p. 3


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      Abeille d’Étampes du 15 mars 1913, p. 3

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      Catalogue

      Catalogue des tableaux, dessins, fusains, aquarelles, gravures et autographes dont la vente aux enchères publiques, par suite du décès de M. Édouard Béliard, artiste peintre, ancien maire de la ville d’Étampes, aura lieu à Étampes, rue de Chauffour, n°15, en sa propriété, le dimanche 9 mars 1913, à une heure, et jours suivants, à la même heure, par le ministère de Me Dupré,

      commissaire-priseur à Étampes chez lequel se distribue le catalogue.


      *


      Exposition particulière les dimanche 2, jeudi 6, samedi 8 mars 1913, de 2 à 4 heures, et le matin de chaque jour de vente de 9 à 11 heures.


      *


      Étampes — Imp. M. Dormann, 15 rue St-Mars, Tél. |2


      *


      Conditions de la vente.


      Elle sera faite au comptant.

      Les adjudicataires paieront dix pour cent en sus des enchères.

      L’Exposition permettant aux amateurs de se rendre compte de l’état et de la nature des objets, aucune réclamation, pour quelque cause que ce soit, n sera admise une fois l’adjudication prononcée.

      Ordre des vacations. Dimanche 9 mars : œuvres de M. Béliard, peintures diverses et autographes ; lundi 10 mars : continuation. |3


      *


      PRÉFACE


      Extrait du Dictionnaire Véron, Salon de 1881 :


      BÉLIARD Édouard. — « L’Ouche de Saint-Martin, à Étampes ». Sous un ciel clair et argenté se découpe la silhouette d’un massif d’arbres verts, au pied desquels vient jouer une traînée de soleil. Au fond, le clocher et l’église d’Étampes dominent les maisons aux toits gris de la ville, où mène une route traversant la prairie, dans l’ombre au premier plan. L’aspect de cette petite toile est à la fois tendre et ferme, et offre toutes les qualités d'une étude directe consciencieuse et sincère.


      « Les Courtils de Saint-Martin à Étampes ». Sous ce titre, M. Béliard nous présente un petit paysage où l'on aperçoit des meules de foin dressées sur les terres dépouillées de leurs moissons, et, au fond, le clocher d’une église, celle de Saint- Martin sans doute. Cette toile, qui a de bonnes qualités et sent l’étude directe de la nature, est malheureusement placée un peu haut pour sa petite dimension. Ce n’est pas étonnant : cet artiste indépendant n’appartient à aucune coterie. Il débuta, au Salon de 1868, par « Intérieur d’atelier », tableau de genre révélant une consciencieuse observation et imitation de la nature.


      Élève de MM. Cogniet, Hébert, Bonnat et Corot, c’est pour ce dernier maître symphoniste qu’il a gardé la plus vive sympathie, ce qui fait honneur à l’élévation |4 de son esthétique et à sa

      vocation pour la poésie de la nature. Aussi a-t-il dans l’art le culte de la vérité, comme il l’a encore prouvé au dernier Salon par « Le Faubourg Saint-Martin, à Étampes », effet de neige rendu directement avec la plus grande franchise. De plus, chose rare et appréciable dans la minorité des artistes, M. E. Béliard, nous le répétons, a un caractère libre et indépendant de toutes ces coteries dont les intrigues malhonnêtes sont la honte de cette carrière. C’est pourquoi il n’a que la justice pour critérium, aussi bien dans sa profession d’artiste que dans sa vie sociale et politique. Car il n’a pas seulement coopéré et aidé à la formation de plusieurs Sociétés artistiques indépendantes ; il a encore eu l’honneur d’être élu conseiller municipal par ses concitoyens.


      En résumé, si ce talent réel n'a pas été plusieurs fois récompensé, quoiqu’il soit bien supérieur à d’autres, médaillés par la faveur, c’est, encore une fois, parce qu’il émane d’un esprit droit et pur, d’un caractère indépendant, et d’un cœur haut et fier, incapable de descendre aux courtisaneries des flatteurs à genoux devant les hochets mendiés et souvent volés. C’est, en un mot, parce que M. Éd. Béliard est de la haute école des Corot et de tous les vrais artistes auxquels ce dictionnaire est heureux de rendre justice.


      *


      Ajoutons à ces mots écrits par Th. Véron, dans son Dictionnaire des Sciences, des Lettres et des Arts, publié en 1881, ces paroles prononcées par M. Bouilloux-Lafont, maire d’Étampes, aux obsèques de M. Béliard, ancien maire :


      Ce sage était sans ambition ; il le montra en peinture comme en politique. Il avait acquis à l’école de Corot un réel talent de paysagiste, dont font foi les nombreuses toiles reçues au Salon,

      et les tableaux qu’il envoya aux Expositions de Londres et de Philadelphie ; de toutes ses œuvres se dégagent un souci de vérité et de couleur et un amour de la nature qui ont un véritable charme. Mais M. Béliard était artiste dans l’âme ; il peignait pour lui-même, pour sa satisfaction personnelle et avec le plus grand désintéressement. Nombreux sont les coins pittoresques d’Étampes qu’a reproduits son pinceau. |5


      *


      DÉSIGNATION


      1. Tableaux et études de M. Béliard


        0 — Faubourg Saint-Martin d’Étampes, « Effet de neige ». Exposé au Salon en 1880.

        1. — Grand Canal de Venise.

        2. — Dans l’Ouche de Saint-Martin d’Étampes. 3 — Moulin de Vaujouan, près d’Étampes.

        4 — L’Ouche de Saint-Martin. Exposé en 1881. 5 — Ma Maison.

        1. — Le Moulin de Chauffour.

        2. — La Prairie de Saint-Martin.

        3. — La Prairie de Saint-Martin. Exposé au Salon en 1878. 9 — Vue du Pont de Pontoise.

        10 — Vue de l’Ouche de Saint-Martin. 11 — Mon Jardin.

        12 — Vue de Venise. 13 — Au Tréport.

        14 — Vue d’Étampes rue Badran. 15 — Étude d’atelier.

        1. — Rue de Chauffour.

        2. — Carrières de Saint-Martin. 18 — Au Repos, étude d’atelier.

        19 — Étude de Paysage. 20 — Un Militaire.

        1. — L’Ouche de Saint-Martin.

        2. — Les Carrières de Saint-Martin.

        3. — Les 4-Chemins à Étampes. Exposé en 1878. 24 — Étude d’Atelier.

        25 — Après la Guerre, environs de Paris. 26 — Petite Étude.

        1. — Étude, Pontoise.

        2. — Étude à Villemartin près d’Étampes.

        3. — Petite Étude à Pontoise, « Effet de Neige ». 30 — Étude. |6

        1. — Granville.

        2. — Boulevard des Fossés, à Pontoise. 33 — Maison en Italie.

        1. — Vue d’Italie.

        2. — Les Gamereaux, près d’Orléans. 36 — Port de Granville.

        1. — Intérieur de Ferme.

        2. — Rue des Moulins, à Étampes. Exposé en 1877. 39 à 47 — Études diverses.

        48 — Les Saules. Exposé en 1874.

        49. — Étude de Femme. 50 — Étude Marine.

        51 à 59 — Études diverses.

        1. — Lavoir.

        2. — Sous Bois.

        3. — Études. Environs de Paris. 63 — Lavoir.

        1. — Paysage.

        2. — Au Tréport.

        3. — Étude au Four-Blanc, près d’Étampes. 67 — Étude à Saint-Martin.

        68 — Le Pont-Doré à Étampes.

        69 — Tête d’Homme. 70 — Étude Marine.

        71. — Sur la Colline. Étude au couteau. 72 — Étude.

        1. — Étude.

        2. — Les Saules.

        3. — Intérieur de Ferme. 76 — Petit Paysage.

        77 — le Tréport. Étude au couteau. 78 — Étude à Saint-Martin.

        1. — Étude de Bateau.

        2. — Intérieur de Ferme, au Tréport. 81 — Au Tréport. Étude au couteau. 82 — Port de Granville.

        83 — Étude homme. 84 — Étude d’Atelier. 85 — Étude d’Atelier. 86 — Une Pêcheuse.

        87 — Vue de Pontoise. |7 88 — Le Pont Doré.

        89 à 90 — Études.

        91 — Au Tréport. Étude au couteau.

        1. Étude au Tréport.

        2. Étude de Bateau au Tréport. 94 — Pêcheuse au Tréport.

          1. — Maison de Maria Deraismes, à Pontoise.

          2. — Petit-Saint-Mars, près d’Étampes. Exposé en 1877.

          3. — Le Quai de Pothuis, à Pontoise. Exposition de Londres en 1876.

          4. — Intérieur d’Atelier. Exposé au Salon en 1868.

          5. — Lavoir sur la rivière d’Étampes. Exposé en 1877.

          6. — L’Ouche de Saint-Martin. Exposé au Salon en 1881. 101 — Rue de l’Ermitage, à Pontoise. Exposé en 1876.

          1. — Le Port de Granville.

          2. — Moulin de Vaujouan près d’Étampes. Exposé en 1877. 104 — Sémaphore de Granville.

          105 — Étude Tête de Femme. 106 — Dans mon Jardin.

          1. — Granville.

          2. — Pont Saint-Ange à Rome. Exposé en 1867. 109 — Étude dans mon Jardin.

          1. — Lavoir sur la Rivière d’Étampes.

          2. — Moulin de Chauffour, « effet de Neige ». Exposition de Philadelphie en 1878.

          3. — Dans mon Jardin.

          4. — Tourelle de Jean Le Bâtard. 114 — Étude Femme.

          1. — Sous Bois.

          2. — Les courtils de Saint-Martin. Exposé en 1881. 117 — Intérieur de Ferme.

          1. — Rue Reverseleux, à Étampes. Exposé en 1877.


      2. Tableaux divers


        1. — Moulin en Hollande, Jongkind. 120 — Marine attribuée à Van Eick.

        121 — Paysage, G.-G. Chardin. |8 122 — En Afrique, Berchère.

        1. — En Afrique, Berchère

        2. — Coin de feu en Bretagne, G. Martin. 125 — Paysage, G.-G. Chardin.

        1. — Paysage, G.-G. Chardin.


      3. — Dessins, fusains, aquarelles et gravures


        1. — Vieux tableaux sans signature. 128 — Marine sans signature.

        1. — Coucher de soleil dans la forêt de Fontainebleau.

        2. — Sous ce numéro est compris :

        66 dessins au crayon et à la plume. 25 aquarelles.

        5 dessins aux 2 crayons.

        9 dessins aux 2 crayons, signés Julien. 3 dessins au fusain, Th. Rousseau.

        5 fusains, Béliard.

        5 fusains, Marchand

        Et un lot de gravures diverses.


      4. — Autographes


Dresde, 6 octobre 1813, 3 heures du matin, de Napoléon Ier au roi de Naples, relative à la campagne de Russie.


Lettres de Joseph Bonaparte au Général Belliard :

6 avril 1809 : relative à la campagne d’Espagne. 26 mai 1812 : Manœuvres.

19 novembre 1812 : lettre relative à la Retraite e Russie (très intéressante).


Froshdarf, 1er février 1821 : lettre de Caroline au général Belliard, relative aux papiers de Joseph, roi de Naples.


Lettres de Zola.

Paul Alexis. Aurélien Scholl. Bulon.

Arsène Houssaye. Louise Collet.

Alphonse Esquiroz.

Résultats de la vente 117


LA VENTE BÉLIARD


Dimanche, lundi et mardi derniers, a eu lieu, rue de Chauffour, par le ministère de Me Dupré, commissaire-priseur, la vente aux enchères publiques des tableaux, dessins, fusains, aquarelles, gravures, autographes et meubles divers, exécutées ou possédés de son vivant par M. Édouard Béliard, artiste peintre, ancien maire de la ville d’Étampes.


Si cette vente a donné des résultats satisfaisants, c’est grâce

— il faut bien le dire — à M. Marcel Bouilloux-Lafont, maire d’Étampes, qui, généreusement, pour le Musée municipal ou pour sa collection personnelle, et en souvenir de son ancien collègue, a enlevé au prix fort la plupart des choses. Des marchands de Paris étaient venus, mais aucun n’a disputé les tableaux de M. Béliard qui ont été uniquement adjugés à des Étampois.


Voici la nomenclature des toiles qui ont atteint les meilleurs prix :

Les Saules (exposé en 1874) : 10 francs.

Les quatre chemins à Étampes (exposé en 1878) : 15 francs.

Intérieur de ferme : 22 francs.

L’Ouche de Saint-Martin : 30 francs.

La rue des Moulins à Étampes (exposé en 1877) : 35 francs.

Lavoir sur la rivière d’Étampes : 35 francs.

Tourelle de Jean Le Bâtard : 38 francs.


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117 Coupure de presse conservée au Musée d’Étampes et collée au catalogue réédité ci-dessus, qui paraît extraite du Réveil d’Étampes du samedi 15 mars 1913.

Les Courtils de Saint-Martin (exposé en 1881) : 50 francs.

Le Moulin de Vaujouan (exposé en 1877) : 70 francs.

Lavoir sur la rivière d’Étampes (exposé en 1877) : 90 francs.

Le Petit Saint-Mars (exposé en 1877) : 100 francs.

L’Ouche de Saint-Martin (exposé en 1811118) 100 francs.

Rue de l’Ermitage, à Pontoise (exposé en 1876) : 100 francs.

La rue de Reverseleux (exposé en 1877) : 100 francs.

L’Ouche de Saint-Martin (exposé en 1881) : 200 francs.

Le quai de Pothuis, à Pontoise (exposé en 1876) : 200 francs.

Intérieur d’atelier (exposé en 1868) : 300 francs.

Le Moulin de Chauffour sous la neige (exposé en 1877) : 320 francs.

Le Pont Saint-Ange, à Rome (exposé en 1867) : 500 francs. Ce dernier tableau était considéré comme le « chef-d’œuvre »

de M. Béliard.

Des lots d’études ont été adjugés à tous les prix, depuis 5 francs jusqu’à 50 francs.


Notons, dans la collection que possédait M. Béliard, les prix suivants :

Coucher de soleil dans la forêt de Fontainebleau : 100 francs.

Trois dessins au fusain, de Th. Rousseau : 170 francs.

En Afrique, de Berchère : 35 francs.

Autre paysage d’Afrique, du même : 70 francs.

Paysage, de G.-C. Chardin : 100 francs.

Coin de feu en Bretagne, de G. Martin : 200 francs.

Paysage, de G.-C. Chardin : 200 francs. Marine (attribuée à Van Eick) : 230 francs. Paysage, de G.-C. Chardin : 460 francs.

Moulin en Hollande, de Jongkind : 800 francs. Me Dupré a encore vendu :

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118 Sic.

24 fr. cinq lettres de Zola ; 50 francs un plat en étain ; 60 francs une jardinière et deux pots ; 90 francs six assiettes anciennes et 145 francs une coiffeuse Louis XV.


    1. Renseignements de Dosithé Bourdeau (1914) 119


      « Extraits de 2 lettres de D. Bourdeau (mars 1914) »


      Monsieur Édouard-Joseph, né à Paris en 1832, décédé à Étampes le 28 novembre 1912, ancien maire d’Étampes, officier d’académie. Comme artiste peintre il a d’abord travaillé avec messieurs Berchère et Chardin, puis à Paris il fut élève de MM. Coignet, Hébert, Bonnat et Corot.


      Une vente aux enchères fut faite le 9 mars 1913, elle comprenait plus de cent tableaux et études. Les principaux tableaux ont obtenu d’assez gros prix :

      L’Ouche de Saint-Martin, exposé 200 f.

      Vue d’Étampes, rue Badran 200 f.

      Petit Saint-Mars, près Étampes 500 f.

      Moulin de Vaujouan 800 f. Moulin de Chauffour, effet de neige 300 f.


      Le succès de la vente des tableaux de Béliard, qui a produit environ 6000 f. est dû à la générosité du maire actuel voulant être bienfaisant envers la veuve de l’artiste.


      En 1876, le mardi 6 juin, Béliard tentait une vente à la salle Drouot, les prix obtenus étaient plus que modestes : Environ de Paris (étude) 27 f. ; idem 14 f. ; idem 25 f. ; Paysages (deux


      image

      119 Document manuscrit d’une page conservé au Musée intercommunal d’Étampes dans le dossier consacré à Béliard.

      études) 26 f. ; Paysage avec moutons sous la garde d’un berger 26 f., etc… etc… Ces toiles n’avaient pas de cadres.


      Au nombre des tableaux achetés à la vente d’Édouard Béliard, sept ont été offerts au Musée, par le Maire. M. Girondeau pourra vous en fournir les titres.


    2. Notice de Charles Besnus (1923) 120


      Un impressionniste oublié.

      ÉDOUARD BÉLIARD

      Artiste peintre (1832-1912)


      C’est une assez curieuse existence que celle de cet artiste — un peintre de race — que les caprices du destin firent évoluer dans le seconde moitié de sa vie, vers la politique militante.


      À vrai dire, le champ d’activité de celle-ci ne s’exerça pas plus loin, normalement, que celui que lui avait dévolu son mandat administratif, dans la petite ville d’Étampes, où ses concitoyens l’avaient élu maire.


      Non plus, sa production artistique ne s’en trouva ralentie, bien au contraire.


      Les décisions qu’on prend à un certain âge sont parfois très indépendantes de la volonté. Celles d’Édouard Béliard étaient liées à des résolutions plus intimes.


      image

      120 Georges Denoinville (pseudonyme de Georges Besnus), « Un impressionniste oublié, Édouard Béliard, artiste peintre », in Le Journal des Arts (28 juillet et 4 août 1923). — Texte repris dans Le Réveil d’Étampes des 18 et 25 août 1923. On notera que ce personnage n’avait rien d’Étampois, comme le montrent deux ou trois bévues de sa part, et contrairement à ce que croit Jean-Pierre Durand (Cahiers d’Étampes- Histoire 6, p. 14 note 1), semblant le confondre avec son père Amédée, qui avait lui des liens avec Étampes.

      Qu’il fût demeuré à Paris, Édouard Béliard ne se serait évidemment pas adonné à pratiquer la politique de clocher. Il n’eût pas fait autre chose que de la peinture. Il en fit d’ailleurs, chose admirable, plus que jamais, je le répète, si bien qu’avant de mourir, à un âge avancé, il voulut être porté en face de sa dernière toile inachevée. Son dernier regard, sa suprême pensée consolatrice furent pour ce qu’il aima le plus au monde : l’Art et la Peinture.


      Cœur généreux, philanthrope intelligent autant que philosophe éclairé, ses actions, toute sa vie durant, se réclamèrent des principes d’altruisme que lui avaient inculqués la fréquentation intime d’Alphonse Esquiroz et de Proud’hon.


      En tant que peintre, dont seulement nous aurons, en cette étude, à faire saillir les belles vertus et le mérite, il est permis de dire, que parmi tant d’autres, hélas ! Édouard Béliard ne jouit pas, de son vivant, de la réputation, à laquelle il avait droit de prétendre. Sa modestie fit trop bon marché d’un talent dont la sincérité devant la nature et son émotion vraie, lui attribuaient une petite place enviable, aux côtés de ceux qui furent, non- seulement ses amis, ses compagnons de travail de la première heure, mais aussi ceux de toute sa vie et dont il ne jalousa jamais, néanmoins, la gloire et la fortune.


      Et je veux parler de Claude Monet, de Corot, de Pissarro, de Cézanne, dans l’intimité desquels il vécut à Paris, d’abord, puis à l’Isle-Adam et à Pontoise, avant de s’exiler, avec celle qui fut sa compagne et sa collaboratrice chérie et qui lui ferma les yeux

      • alors que sa santé chancelante réclamait l’air pur des champs

      • dans sa propriété d’Étampes que lui avait léguée son grand’père maternel.

        Elle était joliment située, au pied même de cette église Saint- Martin qui fut combien de fois l’objet de ses études et de ses préférences solitaires, dans ce coin pittoresque de faubourg où il finit ses jours, à quatre-vingts ans, en 1912.


        Édouard Béliard était né à Paris en 1832. Il avait trois ans quand sa mère mourut. Son père s’était remarié. Il fut mis au collège Henri-IV où il fit toutes ses classes. Il venait passer ses vacances à Étampes chez son grand’père Sargent121. Celui-ci était conseiller municipal. Il est assez présumable que tout enfant et plus tard quand il était jeune homme, Édouard Béliard

        prit goût à la discussion des affaires publiques.


        Ses humanités terminées, il entra alors comme clerc dans une étude de notaire. Mais une autre vocation sourdait en lui, le désir impérieux de faire de la peinture.


        Il ne put résister à cette attirante passion et il partit à Paris. Mais comme il lui fallait vivre et que ses ressources étaient modestes, grâce à des relations influentes, il devint le secrétaire particulier d’Alphonse Esquiroz.


        Dès lors, il partagea sa vie entre la peinture et la politique. M. Bouilloux-Lafont qui fut après lui, maire d’Étampes, estimait profondément Béliard, le républicain convaincu qu’il était, autant qu’il admirait son œuvre d’artiste.

        « … C’était au lendemain de la Révolution de 1848, et l’ambiance du milieu, autant que l’imagination généreuse et débordante de celui (Alphonse Esquiroz) qui fut l’un des précurseurs du socialisme, devaient exercer sur Édouard Béliard une influence décisive. Les doctrines rigides qu’il puisa à cette école s’ancrèrent fortement dans son esprit et restèrent les


        image

        121 Sic (Sergent).

        règles de sa vie. Le coup d’État de 1851, en même temps qu’il jeta Esquiros sur la route de l’exil, le força lui-même à se soustraire à des recherches que rendait dangereuses l’état d’esprit des dirigeants de l’époque… Suivant sa vocation, le jeune Béliard se consacra alors tout entier à la peinture… Béliard était artiste dans l’âme ; il peignait pour lui-même, pour sa satisfaction personnelle et avec le plus grand désintéressement. »


        Édouard Béliard fut l’élève de Léon Coigniet, d’Hébert et aussi de Bonnat, mais c’est surtout à Corot auquel il voua une sorte de culte et d’amour passionné, qu’il doit d’avoir été influencé.


        D’autre part, si certaines de ses études gardent l’empreinte fugace des maîtres impressionnistes avec lesquels il vécut, considérée dans son ensemble, l’œuvre d’Édouard Béliard n’en offre pas moins un cachet d’originalité très entier, où sa personnalité a creusé son sillon particulier qui s’accuse très franchement principalement dans ses tableaux « d’Effets de neige » exposés au Musée d’Étampes, ainsi que dans ses différents paysages, composés toujours avec un souci constant de vérité, d’élégance et de lumière.


        Suggestionné par Corot, il ne pouvait faire autrement que d’aller en Italie. La mort de son grand’père dont il hérita, lui en facilita les moyens et en 1859, il partit pour le pays de Raphaël. Il résida successivement plusieurs années à Rome, Naples et à Venise. Il travailla dans toutes ces villes sans relâche et avec le même enthousiasme.


        Son tableau du « Pont Saint-Ange à Rome », exposé au Salon de 1867, est une des œuvres capitales d’Édouard Béliard. Il est conçu dans une gamme chaude et blonde. Le ciel et l’eau ont de

        belles qualités de profondeur et de transparence en opposition avec les demi-teintes vigoureuses des parties ombreuses du pont, des églises et du Château Saint-Ange qui se reflètent dans les eaux du Tibre. Le soleil est doux et caressant. La facture colorée est riche et opulente.


        Le charme de ce tableau est très grand. C’est l’œuvre d’un peintre. Combien d’autres de ses études d’Italie accusent la même sérénité harmonieuse et fine.


        La vente qui eut lieu à Étampes, en 1913, de son atelier, dispersa trop vite toutes ses toiles et ses dessins. Ils sont passés en des mains étrangères.


        Heureusement le Musée d’Étampes fit l’acquisition de plusieurs de ses œuvres les plus personnelles, dont nous regrettons de ne pouvoir donner, dans ce cadre très réduit, la reproduction fidèle.


        De retour à Paris, en 1870, Édouard Béliard, dont le patriotisme ne pouvait rester inactif, et qui se ressentait de sa parenté avec un de ses arrière-grands’pères qui avait été général sous Napoléon Ier et un de ses plus dévoués aides de camp, s’enrôla dans l’artillerie de la Garde nationale. Il y fit brillamment son devoir.


        La chute de l’Empire amena le retour d’Alphonse Esquiroz. Ce dernier, revenu en France, fut nommé administrateur des Bouches-du-Rhône. Après sa révocation par Gambetta, il fut élu membre de l’Assemblée Nationale.


        Édouard Béliard, fidèle à ses amitiés, reprit sa place auprès d’Esquiroz sans négliger pour cela la peinture. Il rencontrait fréquemment Victor Hugo chez Esquiroz et il fit partie d’un

        cénacle littéraire qui comprenait entre tous Émile Zola, Paul Alexis, Guy de Maupassant, Antony Valabrègue, etc. Cette période de sa vie fut une des plus heureuses.


        La mort, en 1876, d’Alphonse Esquiroz, lui causa un grand chagrin.


        Aussi bien, il n’hésita pas, et le projet qu’il caressait depuis longtemps déjà de se retirer à Étampes, pour que Mme Béliard y pût retrouver le calme et la santé, fut arrêté. Il partit avec elle, malgré les objurgations de ses intimes, d’Henri Brisson, de Zola, qui craignaient que l’isolement lui fût préjudiciable.


        Ce qu’ils redoutaient devait infailliblement arriver — moralement du moins — car on trouve, dans la volumineuse correspondance d’Édouard Béliard, cette lettre d’Émile Zola, où celui-ci s’efforce de le remonter. Il est manifeste qu’elle répondait à une forte croise de neurasthénie de l’artiste.


        « — … Mon cher Béliard, vous êtes triste et découragé ? Et pourquoi ? Vous direz que je suis un entêté, mais je vous répéterai encore que le séjour à Étampes ne vous vaut rien. Vous avez besoin, tous les hivers, de six mois de Paris. Soyez donc brave ! Vous allez très bien en peinture, vos dernières toiles témoignent de grands progrès. Suivez mon hygiène artistique, croyez en vous.

        « Je travaille beaucoup ici. Je fais un roman très doux qui ne passionnera pas sans doute le public. Mais je voulais une opposition. Je ne pense pas retourner à Paris avant les premiers jours de novembre.

        « Vous avez les compliments de ma femme. Toutes nos amitiés à Mme Béliard, une bonne poignée de mains pour vous.

        « Émile Zola. »

        Cette lettre de Zola date de 1877.


        Il semblerait qu’elle eut sur lui une heureuse influence, car il est à remarquer que, par la suite, son assiduité aux salons fut plus continue, et qu’il s’était remis courageusement au travail et avait recouvré toute son énergie et sa belle vaillance.


        Cette lettre d’Émile Zola n’est pas, d’ailleurs, la seule où le grand écrivain montre qu’il eut à réfréner en Béliard l’extraordinaire sensibilité nerveuse du tempérament de ce peintre, dont, comme chez tous les vrais artistes, la certitude n’eut jamais rien d’absolu et qui, dans le choix de beauté des thèmes que lui offrait la nature, s’efforçait de concilier son amour de la vérité avec la recherche synthétique du grand mystère poétique qui s’en essore et que Corot avait si magistralement interprété.


        « … Nous sommes d’accord certainement. Je vous comprends et je vous donne raison122, mon cher Béliard. Tachez, si vous croyez sentir cela en nous, de ne pas vous en tenir à l’analyse originale et personnelle, l’homme ajouté aux choses !... Allez plus haut, tirez de la nature une morale et une justice. Concluez. Faites des synthèses. Aidez au progrès. Tout cela sera pour le

        mieux, et je vous admirerai bien volontiers, si surtout, avec toutes ces belles préoccupations, vous n’oubliez pas d’être artiste.

        « Mais moi, mon cher Béliard, je crois être bâti pour une autre besogne. Il y a quinze ans que je m’étudie. J’ai essayé un peu de tout. Or j’en suis arrivé à ceci. Je vois clair, tant que je note les faits, et tant que je me contente de les exposer, selon ma


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        122 Le texte ici cité par Denoinville est altéré par endroit comme on le verra en se reportant à l’original édité plus haut (B.G. 2015).

        sensation personnelle. Au-delà, je sens un vide et j’ai peur de me casser le cou. J’en reste donc à la simple analyse.

        « La nature est comme ça. Tirez des conséquences, si le désir vous en prend.

        « J’ai honneur de l’argumentation, horreur des généralités. Pour vous suivre un instant, je consens pourtant à faire ici un brin d’esthétique.

        « Voyez quelle chute que celle de Proudhon, dès qu’il a abordé l’art. Cela ne vous donne-t-il pas à penser ? Ne serait-ce point, par hasard, que l’art entre difficilement dans cette machine sociale dont la justice est le grand rouage ? Si le maitre a échoué, pourquoi vous, son disciple, vous entêtez-vous à vouloir reprendre cette besogne impossible ? Vous êtes obligé de renier une partie des123 doctrines, parce que vous êtes peintre et que vous sentez trop bien les bêtises qu’il a dites. Voyez-

        vous, je crois que l’art est beaucoup plus simple que cela. Les moralistes et les philosophes viennent, regardent nos œuvres, les commentent à tort et à travers. Mais nous, les artistes, nous n’avons qu’à les produire, au gré du soleil.

        « Il ne faut pourtant pas que je me fasse plus inconscient que je ne le suis. Je vous accorde très bien que j’appartiens à une école, ou plutôt à un groupe littéraire, qui tient d’ailleurs en ce moment le haut du pavé. Nous peignons, nous ne jugeons pas, nous analysons, nous ne concluons pas ; nous ramassons simplement des documents humains et nous nous contentons de dresser le procès-verbal des faits auxquels nous assistons. Vous me direz que nous avons tort. C’est bien possible. Mais nous sommes comme cela ; nous laissons à d’autres le soin d’aider ouvertement au progrès… Ce que je voudrais vous répéter sans relâche, c’est que je fais table rase autour de moi de tout ce qui ne me sert pas immédiatement et pleinement. Mon métier, rien de plus.


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        123 Le texte original de Zola porte en fait : « en partie ses » (B.G. 2015)

        « La littérature seule en avant, le reste au loin et à l’état de pur accessoire. Pas d’autre idée que de créer mes bonshommes puissamment. Et ma124 seule joie, être intense, porter mes qualités et mes défauts à l’extrême, faire sentir mon poing dans chacune de mes phrases, en dehors du juste, du vrai et du beau. Une hypertrophie d’individualité, si vous voulez.

        « Je me trompe. Tant pis ! Je suis trop vieux et j’ai trop travaillé pour retourner à l’école. Si mon système vous inquiète, n’en tâtez pas.

        « Une bonne poignée de main, mon cher philosophe. Et faites nous des chefs-d’œuvre, mon cher artiste.

        « Émile Zola. »


        Dans une autre correspondance, Zola lui manifeste sa satisfaction personnelle.

        — « … Je voulais vous dire aussi que je suis allé à votre exposition et que j’ai été enchanté : vos toiles sont très bien. (É. Zola). »


        C’est aussi Alphonse Esquiroz qui s’intéresse à une

        « Association de peintres » qu’Édouard Béliard avait entre pris de créer.


        — « … J’ai vu avec plaisir, mon cher Béliard, dans les journaux, que vous formiez une association de peintres. Vous m’en aviez parlé. Mais votre nom ne m’a point échappé dans les journaux. Où en êtes-vous de cette organisation ? »


        Cette création de société éventuelle est confirmée par cette autre lettre de Pissarro à Béliard.

        « … Vous vous rappelez, mon cher Béliard, que M. Chabert avait été aussi d’avis de ne pas faire une société coopérative,


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        124 Le texte original de Zola porte en fait : « une » (B.G. 2015)

        qu’une simple société ayant pour but de faire des expositions suffirait et surtout de faire nommer une commission en assemblée générale afin d’élaborer des statuts. Je suis entièrement de cet avis. Mais Monet et Renoir ne paraissent pas partager cette opinion. Ils craignent que la commission nommée ne réponde pas au but que nous poursuivons.

        Présent à notre réunion, vos conseils et vos idées nous seront bien utiles, j’espère que vous ne manquerez pas au rendez-vous.

        « Je vous serre la main.


        * 125

        « C. Pissarro. »


        Édouard Béliard expose tour à tour, le « Moulin de Chauffour », effet de neige, qu’il envoya à l’exposition de Philadelphie. Il excelle d’ailleurs dans les effets de neige qui sont toujours très commentés. Des écrivains d’art tels que Mario Proth, Auguste Dalligny, Gonzague Privat, Eugène Véron, lui adresse des louanges. Puis ce sont le « Faubourg Saint-Martin d’Étampes », « Les bords de la Seine à Pontoise », etc.


        Ses motifs sont toujours bien pris. La perspective y est judicieusement observée…. La facture est d’un peintre. Il ne s’attarde pas dans la recherche des détails insignifiants. Son style est large. Tout est supérieurement traité, depuis les maisons, qui sont solides, jusqu’aux masses d’arbres aérées qui les entourent. La neige est bien de la neige, et sa valeur sur le ciel est scrupuleusement exacte. Anime-t-il son motif d’une


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        125 Ici finit la première partie de cet article, et commence la deuxième, parues respectivement dans le Journal des Arts des 28 juillet et 4 août 1923, puis dans le Réveil d’Étampes des 18 et 25 août de la même année.

        figure isolée, elle participe bien de l’ambiance générale et la touche126 en est chaque fois juste et pittoresque.


        Et quand il peint des effets ordinaires de paysages dans la campagne d’Étampes où il explore les bords de la Juine ou de la Chalouette, il y apporte les mêmes qualités d’atmosphère et de lumière douce, toujours enveloppante et grise. Sa palette répudie toute violence de tons. Le rythme, dans l’expression comme dans la forme, en est toujours musical et équivaut à une belle symphonie, en accord avec sa pensée et ses réflexes contemplatifs.


        Édouard Béliard a travaillé beaucoup à Pontoise, avant de venir habiter à Étampes, avec Cézanne dont je sais que chez Mme Béliard127, un grand tableau fort intéressant, qu’il fit côte à côte avec Béliard, qui traitait le même motif.


        Finalement Cézanne donna son tableau inachevé à Béliard et lui garda le sien.


        Édouard Béliard a tout peint aux environs d’Étampes. Voici le

        « Moulin de Vaujouan », exposé en 1877 ; le « Lavoir sur la rivière d’Étampes », « Les Courtils de Saint-Martin », exposé en 1881 ; « La rue Reverseleux, à Étampes », exposé en 1878 ;

        « la Rue des Moulins » ; « Le Four Blanc » ; « les 4 chemins à Étampes » Salon de 1878 ; « Dans l’ouche de Saint-Martin d’Étampes », Salon de 1881. « Sous un ciel clair et argenté se découpe la silhouette d’un massif d’arbres verts et au pied desquels vient jouer une traînée de soleil. Au fond, le clocher et l’église d’Étampes dominent les maisons aux toits gris de la


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        126 Le texte porte dans les deux éditions « tache », qui sauf erreur de ma part n’a pas de sens (B.G. 2015).

        127 Ce très beau tableau de Cézanne appartient depuis peu à M. Lepoutre, rue de Boétie, et est visible en sa galerie.

        ville… L’aspect de cette petite toile est à la fois tendre et ferme et offre toutes les qualités d'une étude directe consciencieuse et sincère. »


        Édouard Béliard est allé aussi travailler sur les côtes normandes, à Granville et au Tréport. Il en a rapporté un nombre considérable d’études de paysages de fermes et de marines, avec des bateaux écoués, des pêcheuses…


        Il aurait très bien pu ne devoir sa réputation qu’à ses tableaux de genre, comme en témoigne notamment son « Intérieur d’atelier », qui appartient au distingué statuaire Richou d’Étampes, membre de la Société des Artistes Français, qui est l’auteur d’un beau portrait-buste d’Édouard Béliard, dont il était l’ami.


        Ce tableau de Béliard est très remarquable. Il est d’une éloquente simplicité d’expression et d’un calme significatif.


        Une femme est assise dans l’atelier les yeux mi-clos. Elle rêve, adossée à la muraille. Ses pieds reposent sur les barreaux d’un escabeau. Un carton sur un chevalet en face d’elle est fermé….


        Quelques toiles sont accrochées aux murs. Le silence règne dans ce sanctuaire du travail. Quelles pensées viennent éclairer le front de cette jeune femme dot le visage semble refléter une extase intime et se nimbe de beauté et d’intelligence… Il y a du sentiment de Corot dans la manière dont Édouard Béliard a traité ce sujet si évocatif et qui impressionne on ne peut plus. Il est conçu toujours dans la même gamme grise. La lumière du jour bas filtre doucement des carreaux du châssis de l’atelier et s’épand dans la pièce. La tache seule du vêtement aux longues basques de la jeune femme crée une valeur plus accentuée sur

        tout le reste de l’ensemble où prédomine une sensation de délicatesse morbide d’une rare distinction.


        Cette même distinction, ce même calme assagi, raisonné, nous les retrouvons dans tout l’œuvre paysagiste de Béliard.


        Et si la vente pour un peintre, est, à notre époque une garantie de la notoriété que celui-ci a acquise, Édouard Béliard, c’est un fait, aurait pu, au besoin, gagner sa vie avec sa peinture, ainsi que nous le confirment ces lettres d’Alphonse Esquiroz, du Havre.


        « … Mon cher ami, nous avons fait encadrer vos tableaux. Et comme l’encadreur est en même temps le premier marchand de peinture de la ville du Havre, vos toiles sont restées plusieurs jours exposées à sa vitrine. Elles ont fait événement. Plusieurs amateurs sont entrés dans la boutique. Le plus grand nombre admiraient et disaient : « Comme c’est nature ! Comme c’est vrai !... » Je vous rends leurs impressions telles qu’elles m’ont été transmises. Ce succès a déterminé le marchand à me demander votre adresse que je lui ai donnée, n’y voyant pas d’inconvénients… »


        Et encore celle-ci qui vient appuyer la première.


        « … Cher ami, je suis heureux d’apprendre que vous ayez vendu vos tableaux. C’est un bon présage. Vous avez sur les autres peintres un grand avantage, celui de comprendre, d’aimer et de raisonner votre art. Vous ouvrez une voie nouvelle dans laquelle ceux qui marchent avec vous n’ont pas le même don de s’intéresser à tout ce qui vit, à tout ce qui est juste, à tout ce qui finira par triompher, malgré les obstacles et les réactions. Je ne croirai jamais que la politique et la philosophie soient étrangères à la pratique des arts libéraux. Ma jeune femme vous

        remercie infiniment de la gracieuse proposition que vous voulez bien lui faire et sera très fière de posséder un de vos tableaux.

        « Mes amitiés à Mme Béliard. Je vous serre bien cordialement la main et vous assure de mon inviolable attachement fraternel.

        « Alphonse Esquiroz. »


        Aurélien Scholl, qui fut, lui aussi, maire d’Étampes128, professait une réelle admiration pour le talent d’Édouard Béliard et avait acheté de ses toiles, ainsi que le comte de Saint- Léon, riche amateur d’art et d’antiquités.


        Quelle meilleure attestation que toutes ces lettres, que toutes ces amitiés, de la haute considération qui entourait Édouard Béliard.


        Je tiens encore à citer cette amusante lettre que Paul Alexis lui adressait en 1886, écrite sur une feuille de papier à lettre à l’en- tête du « Cri du Peuple ». Rédacteur en chef : Jules Vallès.



        « Mon cher ami,

        « Janville, près Lardy, chez

        M. Joffret, marchand de vins.

        « Ma femme comptant écrire à la vôtre, je me contente de vous donner notre adresse. Je crois que nous serons très bien, pour travailler surtout, et que nous y passerons un grand mois. Selon votre promesse arrivez donc un matin avec votre boîte. Je vous ai trouvé un motif admirable. La rivière en raccourci, prise du pont. Il faut venir la faire en deux séances. Nous sommes si près l’un de l’autre et je tiens à vous offrir quelque gueuleton dans le Tortoni de Lardy.

        « Toutes nos amitiés à Mme Béliard.


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        128 Erreur de l’auteur : Aurélien Scholl n’a été que conseiller municipal (B.G. 2015)

        « Votre vieux,

        « Paul Alexis. »


        Une autre lettre, toute pleine de joyeux humour, faisait suite à la précédente.


        « Béliardo-Béliardini,


        « … 1° Attendu que, empêchés par les pluies, le sieur Trublot et sa moitié n’ont pu se rendre à la Saint-Michel étampoise ;

        « 2° Que avant de réintégrer la Butte-Montmartre, ils feront tout de même aux premiers jours de soleil, une visite d’adieu à Étampes et aux Étampois, un matin, une simple visite de quelques heures ;

        « 3° Que, d’un autre côté, en réintégrant la Butte, les époux Trublot ne seraient point fâchés d’éblouir le Château dit des Brouillards et ses six pavillons en arrivant avec de la bonne peinture, claire, solide, juste, d’une vérité sincère, peintures dont ils embelliraient le cabinet de travail d’icelui, pour tenir compagnie aux Signac, Dubois, Pillet, Seurat, Dumoulin, etc. (et à l’Édouard Béliard s’y trouvant déjà), afin de constituer de plus en plus une atmosphère pure d’art sincère autour de la table de travail du ci-devant Trublot de Panafieu, afin de pousser icelui à peindre des pages également lumineuses et sincères.

        « Pour toutes les dites raisons, sommation est faite, par ministère d’huissier au besoin, au dit Béliardo-Béliardini, conseiller municipal, domicilié, 15 rue de Chauffour, avec son épouse, d’avoir, dans un délai de 48 à 72 heures, à préparer une caisse quelconque ou même simplement à emballer, empaillés et dûment ficelés : 1° Le portail et vue du 15 de la rue de Chauffour avec Mme Béliard assise dans l’ombre ; 2°Le Clocher de la paroisse Saint-Martin au milieu des arbres, ombre et coup

        de soleil ; 3° Tel autre qu’il plaira à l’artiste d’ajouter, par

        exemple « Le Grand Pont de Pontoise », approximativement terminé en quelques heures, mais au moins les deux premiers tableaux.

        « Et ce, sous peine d’être appelé mufle, avant peu, en tête-à- tête, et au besoin publiquement dans les colonnes du « Cri du Peuple » (5e col. Paris et Département).

        « Vu et approuvé et certifié conforme.

        « Votre vieil ami,


        « Paul Alexis.


        Édouard Béliard était donc, non seulement un vrai peintre et un bel artiste, mais encore un érudit et un homme de bien dont le souvenir restera éternellement gravé dans l’âme des humbles artisans de sa jolie petite ville d’Étampes, envers laquelle il se montra d’une générosité sans borne. Travailleur infatigable, d’une lucidité d’esprit étonnante, il appartient à cette forte génération qui précède la nôtre, où l’idéal de beauté et de vérité tenait une place prépondérante dans les réflexions et équivalait à une vraie religion. Il était juste de lui rendre cet hommage, auquel tous ceux qui ont connu Béliard et aimé son art, s’associeront hautement, nous n’en doutons pas.


        Georges Denoinville.

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        Buste de Béliard par Henri Richou (don de sa veuve au Musée d'Étampes)


    3. Legs à la ville de la veuve Béliard (1939) 129


      Séance du samedi 20 janvier [1940]


      L’an mil neuf cent quarante, le samedi vingt janvier à seize heures, le conseil municipal dûment convoqué s’est réuni en séance ordinaire à l’Hôtel de Ville d’Étampes sous la présidence de monsieur Léon Liger, maire. […]


      Legs Béliard


      Madame Béliard, veuve de l’ancien maire d’Étampes, a légué au musée le buste de son mari, et à la ville une somme de 1.000 francs pour l’entretien de sa tombe au cimetière Saint-Gilles.

      La commission des finances a donné un avis favorable. Le conseil sur le rapport de Monsieur Nicolas,

      En raison des services rendus par Monsieur Béliard, Accepte le legs fait par sa veuve.


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      129 Ville d’Étampes, Registre des délibérations municipales 1938-1945 (conservé aux Archives municipales d’Étampes), p. 41 (dont une saisie mise en ligne par le Corpus Étampois).


    4. Notice de Léonce Balas (1947) 130


      ÉDOUARD BELIARD

      artiste peintre étampois (1832-1912)


      Par L. Balas


      Combien sont-ils nos jeunes concitoyens qui, se rendant de la rue Saint-Antoine à la rue Louis-Moreau, en empruntant la calme rue Édouard Béliard, se sont souciés de savoir qui était cet illustre compatriote, dont le nom est passé à la postérité ?


      Édouard-Joseph Béliard, de souche étampoise par sa mère, est né à Paris, le 24 novembre 1832, en pleine époque romantique qui ne laissera dans son âme de juste ce qu’il faut de rêverie, car l’école naturaliste et l’école impressionniste auxquelles il sera lié plus tard, n’évoqueront jamais pour lui cette génération pâle, idéaliste, mélancolique, alliant au rêve et au mal du siècle, l’enthousiasme et le feu de la passion.


      M. Sergent, le grand-père maternel de Béliard, possédait une petite propriété au pied de l’église Saint-Martin. C’est là, à l’ombre de la tour penchée, que le jeune Édouard recevra les premières impressions de la nature et aussi entendra les premières discussions politiques, car le cher aïeul détenait un mandat de conseiller municipal ; ce qui expliquera plus tard comment cet artiste de race, né pour vivre dans le jardin


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      130 Bulletin des amis d’Étampes 2 (1947), pp. 21-22. Léonce Balas s’adonnait à ses heures perdues au dessin et à l’illustration.

      embaumé des muses, sera entraîné dans la deuxième partie de sa vie, vers la politique militante.


      Il fréquenta de bonne heure le collège Henri IV. Ses humanités terminées, il entra comme clerc dans une étude de notaire aux appointements extrêmement modestes, mais il se sentait peu à peu attiré irrésistiblement par la passion de l’art. Il ne put rester plus longtemps sans répondre à son impérieux appel.


      Béliard en devenant secrétaire d’Alphonse Esquiros, littérateur et homme politique doué d’une imagination exaltée mise au service d’idées socialistes, a trouvé sa voie ; il partagera désormais sa vie entre la peinture et la politique.


      Il devient l’élève de Léon Cogniet, d’Hébert, de Bonnat, mais surtout de Corot auquel il vouera une sorte de culte et d’admiration passionnée.


      Doué d’un réel talent, d’une sensibilité aiguë, il se fraye une place enviable aux côtés de ceux qui deviendront non seulement ses compagnons de travail de la première heure, mais aussi ses amis sincères dont il ne jalousera d’ailleurs jamais la fortune et la gloire : Claude Monet, Corot, Pissarro, Cézanne et bien d’autres en compagnie desquels on le voit souvent à Paris, à l’Isle-Adam, à Pontoise surtout.


      S’il subit de ces maîtres impressionnistes une forte emprunte, il saura, en toute circonstance, sceller son œuvre d’un cachet d’originalité qui eut dû lui assurer une place éminente mais que, malheureusement, sa modestie empêchera de mettre en valeur en évitant de placer cette forte personnalité au premier plan.

      Les compositions de Béliard révèlent le souci constant de la vérité ; le sujet est toujours bien choisi, la perspective attentivement observée ; aucune recherche de détails inutiles, le style est ample, l’œuvre tout entière largement brossée ; les maisons ont la solidité des demeures beauceronnes ; les masses d’arbres qui laissent deviner les suggestions de Corot, sont aérées, les ciels sont toujours judicieusement observés ; mais, par-dessus tout, Béliard excelle dans les paysages de neige ; son

      « Moulin de Chauffour », exposé à Philadelphie, a connu un immense succès. « Bords de l’Oise à Pontoise », et « Rue de Chauffour », deux œuvres que l’on peut admirer à l’Hôtel de Ville d’Étampes, témoignent du penchant de Béliard pour les paysages d’hiver. |22


      Rendu possible par l’héritage recueilli dès le décès de son grand-père, Béliard entreprend un voyage en Italie que depuis longtemps Corot lui a conseillé. Il visite Rome, Naples, Venise. Il peint le « Pont Saint-Ange », son œuvre capitale qui sera exposée au Salon de 1867.


      Survient la guerre de 1870. Béliard rentre à Paris. Arrière- petit-fils d’un général de l’Empire, sa jeunesse a été remplie du récit des exploits de la grande armée qui lui ont donné un ardent patriotisme. Il s’engage dans l’artillerie de la garde nationale.


      À la chute de Napoléon III, Esquiros qui vivait en exil en Angleterre revient en France. Béliard rencontre chez lui Victor Hugo, Zola, Paul Alexis, Maupassant. Il mène de concert la politique, la littérature, la peinture.


      En compagnie de Cézanne, il travaille beaucoup à Pontoise lorsque survient un événement douloureux qui va changer son existence : la mort d’Esquiros, l’irremplaçable ami, cause à Béliard un profond chagrin. Il décide de se retirer à Étampes

      malgré les objurgations d’Émile Zola et d’Henri Brisson qui craignent que l’isolement soit préjudiciable à l’œuvre du peintre ; il passe outre à l’affectueuse insistance de ses amis et vient s’installer dans sa bonne ville d’Étampes. Béliard, désormais, ne cessera pas de traduire la campagne du sud de l’Île-de-France : les bords de la Juine, de la Chalouette, la douce lumière un peu voilée de la plaine beauceronne et certains aspects pittoresques de son cher quartier Saint-Martin.


      Citons parmi ces œuvres : le Moulin de Vaujouan, la rue Reverseleux, la rue des Moulins, ouches de Saint-Martin, le Four blanc, etc...


      Travailleur infatigable, d’une lucidité d’esprit étonnante, il fait, en 1878, ses premières armes dans la politique militante. Il est élu conseiller municipal et sera réélu jusqu’en 1911 ; ses collègues du conseil municipal le placeront au siège de premier magistrat, fonction qu’il résignera en 1900.


      Le peintre de talent était doublé d’un homme de cœur ; il s’est penché sur les humbles avec une générosité sans borne et une sollicitude de tous les instants. Philosophe éclairé, ses actions, toute sa vie, se réclamèrent des principes d’altruisme inculqués à Paris, par la fréquentation intime d’Esquiros et de Proud’hon.


      Sentant sa fin prochaine, cet érudit, ce fin lettré, se rappela-t-il le vers émouvant de Lamartine :

      « Le soleil est si beau au regard d’un mourant. »


      Le soir d’une douce journée de l’automne 1912, il voulut être porté en face de sa toile inachevée ; son dernier regard fut pour sa palette, sa suprême pensée, pour l’art qu’il a si dignement servi.

      Mme Béliard, la noble et douce compagne de sa vie, sa collaboratrice chérie, lui ferma les yeux, le 28 novembre 1912. Il fut inhumé au cimetière Saint-Gilles d’Étampes.


      Édouard-Joseph Béliard, impressionniste ignoré, ne jouit pas en tant que peintre de la réputation à laquelle son talent lui donne droit. Sa modestie fit trop bon marché d’un don qui eut pu lui assurer une place enviable aux côtés des maîtres de sa génération.


      Béliard a hautement honoré sa petite patrie. Ce bel artiste, cet homme de bien mérite notre admiration et notre gratitude.


    5. Notice de Sophie Monneret (1978) 131


      Béliard, Edmond132 Joseph. (Paris 1832 — Étampes 1912). Peintre du groupe des Batignolles et participant des deux premières expositions impressionnistes, Béliard, fils d’un architecte parisien133, débute dans la vie comme clerc de notaire, puis devient secrétaire d’Esquiros, l’ami de Proudhon, tout en étudiant la peinture avec Hébert et Cogniet. Il reçoit

      également les conseils de Bonnat et ceux de Corot dont il se rapproche lorsqu’il peint comme ce dernier le Pont Saint-Ange, exécuté pendant un voyage à Rome et exposé au Salon de 1867.


      Très lié avec Zola, Alexis et Coste, Béliard, ami de Pissarro, Monet, Cézanne, est l’un des habitués du café Guerbois et, pendant la guerre de 1870, c’est lui qui donne à Pissarro, réfugié à Londres, des nouvelles de tous leur camarades : Manet, Zola, Guillemet, Guillaumin, Duranty, Cézanne, Degas. Comme Jongkind, Cals, Corot, Pissarro, etc. il a pour marchand le père Martin.


      Essentiellement paysagiste, il affectionne les vues de l’Île-de- France, Pontoise, L’Isle-Adam, Étampes, etc. ; on le trouve, en 1872, à Pontoise auprès de Pissarro, Guillaumin, Cézanne et quand, en 1873, Paul Alexis écrit un article annonçant la création d’une Société coopérative de peintres et de graveurs, il cite Béliard comme l’un des peintres de grand mérite qui vont


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      131 L'Impressionnisme et son époque. Dictionnaire international illustré. Tome 1, 1978, Paris, Denoël, p. 65.

      132 Sic (Édouard).

      133 Sic (marchand de nouveautés).

      en faire partie. Celui-ci est en effet présent à la Ire Exposition du groupe impressionniste où il montre les tableaux suivants : Le Fort de la Halle, Saules, Rue de l’Ermitage à Pontoise, Vallée d’Auvers.


      À la IIe Exposition, il présente huit toiles : Bords de l’Oise, Fabriques au bord de l’Oise, Rue de village, Effet de neige à Étampes, Port de Granville, Rie de l’Ermitage à Pontoise, Rue Dorée à Pontoise, Promenade des Fossés à Pontoise.


      Béliard s’abstient ensuite de participer aux manifestations impressionnistes bien que, en 1879, Degas ait vivement souhaité sa présence.


      Ses vues de campagne sous la neige pour lesquelles il marque une affection particulière ont beaucoup de délicatesse : le Moulin de Chauffour, exposé à Philadelphie, a connu un très grand succès.


      Béliard passe les dernières années de sa vie à Étampes d’où sa famille maternelle (les Sergent) est originaire ; le musée de cette ville possède deux de ses paysages de neige : Bords de l’Oise à Pontoise (l’un des tableaux de sa IIe Exposition impressionniste) et Rue de Chauffour à Étampes.


    6. Notice de B. H. Bekker (1979) 134


      Béliard, Édouard (Paris, 1832 — Étampes, 1912)


      Il fut un des peintres paysagistes qui fréquentaient le café Guerbois. Ami de Pissarro, de Guillemet, de Cézanne, il travailla avec eux à Pontoise à partir de 1872. C'était un des habitués des « jeudis » de Zola et des repas du « Bœuf nature », auxquels il assista dès le début. Il exposa à la première exposition impressionniste, chez Nadar, en 1874. — Peintre peu doué135, il alla s'installer à Étampes et participa à la gestion de la ville, dont il devint maire. En août 1886, il fut battu aux

      élections auxquelles il s'était présenté comme candidat républicain. Il fut officier d'Académie. — Zola s'inspira de lui pour créer un des personnages de L'Œuvre, Gagnière : « Raté comme peintre. Prendre là Béliard. À peine quelques toiles qui se couvrent de poussière. Le raté retourné chez lui » (B.N. mss, n.a.f. 10316, f° 295)136.


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      134 B. H. Bakker et Colette Becker [éd.], Correspondance d’Émile Zola. Tome 2, Montréal, Université de Montréal et CNRS, 1979.

      135 Cet avis non motivé et clairement isolé, n’était ni celui d’Émile Zola, ni de Camille Pissarro, ni d’Edgar Degas ; il paraît seulement induit par une

      lecture trop rapide du terme de raté, qui signifie tout autre chose dans l’esprit de Zola (B.G.).

      136 C’est-à-dire : Bibliothèque nationale de France, département des

      manuscrits, section des nouvelles acquisitions françaises, volume n° 10316, au folio 295 (B.G.)


    7. Notice de Gérald Schurr (1979) 137


      Édouard Béliard, né en 1834138 à Paris, est l’élève de Bonnat et de Corot. Lors de la première exposition impressionniste (chez Nadar en 1874, répétons-le), il accroche une Rue de Pontoise et une Vallée d’Auvers qui, par l’irrégularité des touches épaisses, par les miroitements de l’éclairage, par la banalité même du choix du sujet, manifestent l’influence de Pissarro aux côtés de qui Béliard allait souvent peindre sur les bords de l’Oise et chez qui il fit, en 1872, un séjour prolongé. Il figure au Musée d’Étampes avec un Paysage de neige de 1875 à la touche fondue et aux tons vifs et soutenus.


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      137 Les petits maîtres de la peinture, valeur de demain, Paris, L’Amateur, 1979, t. 4, p. 137.

      138 Sic (1832).

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    8. Programme de l’exposition Béliard (2014)


      194

    9. Interview de Cavaignac par Senaud (2014)


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      François Cavaignac


      Un artiste inconnu qui cesse toute activité pour faire de la politique, peu de documents, peu de lettres, de journaux de sa main.

      En marge du magnifique article sur Béliard libre penseur, Francois Cavaignac revient sur ce travail d’élucidation et nous révèle un peu les causes de cette discrétion.


      *

      * *

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      Franck Senaud. Vous vous êtes chargé de rendre intéressant toute la partie politique de la vie de Béliard et c’est tout à fait réussi.

      J’imagine que votre enquête sur sa personne, son réseau vous a amené vers quelques informations qui éclairerait son travail de peintre et sa « relative » postérité.

      Sait-on quelque chose sur ces lectures ? Aude Masson le cite proudhonien,

      comment le sait-on ? et peut-on être plus précis sur ce sujet ?


      François Cavaignac. — Nous savons qu’il était proudhonien grâce à la correspondance de Zola139 ; il semble que les milieux artistiques qu’il fréquentait le considérait ainsi ; Aude le dit de son côté140.

      Nous ne disposons pas de texte de Béliard expliquant qu’il l’était, ni a fortiori pourquoi.

      Toutefois cela n’est pas une incongruité: les orientations idéologiques de Béliard toute sa vie sont à gauche, en faveur de la liberté d’expression, de l’émancipation des hommes tant morale que politique.

      J’ai cependant un doute malgré tout : sa peinture ne retrace pas forcément un engagement social ou libertaire : sinon il aurait peint des sujets comme Courbet ! Peut-être faudrait-il interroger Aude sur mon avis, très personnel.

      On ne sait rien sur ces lectures. Lors de la dispersion après décès de ses tableaux, il n’est pas fait mention de livres.

      On peut supposer que Mme Béliard les a conservé jusqu’à sa

      mort, si tant est qu’il en ait eu beaucoup, mais je n’ai pas pu obtenir l’inventaire notarié post mortem: il est introuvable !


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      139 cf. ma NBP n° 98.

      140 , p.13.

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      F.S. Proudhonien, au sens anticlérical, vous l’évoquez précisément dans votre texte.

      Sur la liberté d’expression, votre démonstration est d’ailleurs savoureuse (entre les non-dits, mensonges et stratégie) mais sur les idées de mutualisation, élections ou sur la propriété, cela n’est pas flagrant non ?

      La réponse de Zola (« tachez si vous croyez sentir cela en vous, ne pas vous en tenir… ») indiquerait-elle plutôt un sentiment, un tempérament vers ? Ce qui pourrait expliquer le peu d’écrits ? Qu’en dites-vous ?


      F.C. — Il y a une question à laquelle je n’ai pas pu répondre et qui nécessiterait des recherches beaucoup plus approfondies : de quoi a vécu Béliard ? Quels ont été ses revenus ?

      Il est classique d’affirmer qu’il fut rentier, et c’est vraisemblable ; mais il aurait été préférable de le prouver à travers des documents administratifs, fiscaux ou notariaux. Il faut du temps pour mener une telle investigation. Pourquoi vous dis-je cela ? Parce que Béliard m’est apparu comme un « petit bourgeois » qui a vécu chichement mais convenablement, qui était attaché à des idées très générales de liberté et à la propriété mais qui n’était pas particulièrement préoccupé par les idées de mutualisation.

      Je n’ai pas le sentiment que Béliard était attiré par l’écriture ; il a entretenu une correspondance avec ses amis pendant longtemps mais c’était le seul moyen de communication (sauf à se déplacer). La preuve en est qu’il n’a pas écrit, à ma connaissance, de texte de fond sur sa passion qu’était la peinture.

      Je pense aussi que Béliard estimait avoir raté sa vie : cela transparaît dans plusieurs témoignages. Il n’a pas eu de descendance, il aurait aimé avoir une carrière politique quand il

      a abandonné la peinture ; il a manifestement le sentiment de n’avoir pas pu se réaliser.

      Mais on aborde là la dimension psychologique du personnage qui échappe à l’histoire.


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      F.S. Ce que vous dites peut, je crois, éclairer les passages d’abandon de la peinture et, en un sens d’abandon par la postérité.

      Vous dites et décrivez fort bien dans l’article qu’il a échoué politiquement à Étampes.

      Reprenons un instant votre argument si vous le voulez bien: pourquoi a-t-il choisi Étampes ?

      N’était-ce pas déraisonnable pour un « révolutionnaire » de tenter sa chance politique dans cette ville ?


      F.C. — Béliard est revenu à Étampes, à mon sens, parce qu’il y avait des attaches familiales (il y a passé une partie de son enfance) et parce qu’il était propriétaire par héritage de la maison de son grand-père ; n’oubliez pas que dès 1861 il achète une concession perpétuelle au cimetière, ce que je suis le premier à avoir trouvé (tout ego mis à part, on est dans le domaine de l’acquisition de connaissances).

      Plusieurs indices montrent qu’il se qualifiait d’étampois (Zola) et qu’il recevait ses amis à Étampes. On aurait pu penser qu’il se serait « installé » à Pontoise compte tenu de ses relations sur place; mais, vous savez, les intentions des acteurs sont souvent difficiles à déterminer (en tant qu’historien j’ai toujours rêvé de faire une histoire des intentions, mais c’est impossible !).

      Donc, pour Béliard, une fois à Étampes, il a décidé de tenter sa chance au niveau politique et il s’est engagé en fonction de ses idées « radicales » (extrême gauche de l’époque) ; or la ville est largement plutôt conservatrice et à droite.

      J’explique qu’il n’a pu conquérir la mairie que par une habileté politique et tactiquement ce fut un beau coup. Je suis convaincu que Béliard a voulu laisser son empreinte sur la ville et qu’il a eu conscience qu’il avait échoué ; regardez : il se présente systématiquement au poste de maire alors qu’il n’a aucune majorité derrière lui ; que peut-il attendre de cette démarche sinon un échec ? Sinon le fait qu’on cite son nom ?

      Quand on regarde avec le recul, quelle réalisation urbaine municipale reste-t-il du passage de Béliard ? La suppression des processions. Cela n’est pas négligeable (pour le laïcard que je suis), mais c’est une mesure idéologique.

      Pour me résumer, l’action de Béliard n’a pas été déraisonnable, mais comme souvent en politique c’est le principe de réalité qui a prévalu.


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      F.S. Son action est limitée : vous l’expliquez bien par sa petite majorité, l’opposition et, quelquefois des manœuvres assez grossières.

      Serait-ce parce que Béliard est, par moments, peu subtil ou cette impression de manœuvre à grosse ficelle vient des nombreuses citations du journal d’opposition ?

      Il n’a d’ailleurs pas créé de journal ?


      F.C. — Il est vrai que ces manœuvres peuvent paraître grossières, mais je pense que Béliard était plus subtil qu’on ne le croit : il essaie toujours de ménager les uns et les autres, comme s’il avait peur de prendre des décisions (il était certainement indécis par nature), ou comme s’il avait peur de prendre des décisions trop brutales ; en ce sens, il n’est pas un militant qui est convaincu et bouscule tout.

      Cette indécision me semble apparaître aussi dans sa vie de peintre: il n’a pas continué dans l’impressionnisme ; il manquait

      à mon sens d’obstination, peut-être avait-il peur de l’obstacle, mais nous pénétrons là dans le domaine de la psychologie individuelle pour laquelle nous manquons d’éléments.

      Quand on regarde l’histoire politique, on s’aperçoit que les habiletés de Béliard ne sont guère différentes de beaucoup d’autres, que ce soit au niveau communal ou au plan national.

      Enfin, non, il n’a pas créé de journal mais il a écrit beaucoup d’articles dans la presse ; il est accusé d’écrire sous pseudonyme ; mais la création d’un canard coûtait cher et manifestement il n’en n’avait pas les moyens financiers (contrairement à Maria Deraismes par exemple).

      Quant à la connaissance qu’on a de Béliard, nous sommes, toutes proportions gardées, dans la même situation que les philosophes de l’Antiquité que l’on ne connaît que par les écrits des Pères de l’Église qui les combattaient impitoyablement; nous n’avons que le témoignage de L’Abeille, dont la mauvaise foi est évidente.

      D’où la nécessité de faire preuve d’esprit critique !


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      F.S. À propos de sa « pensée », de quels documents dispose-t-on pour l’éprouver ? Combien de lettres ? textes ? Possède-t-on les réponses des destinataires ?

      De quoi parlent ces courriers ? Un échange de nouvelles sur des amis communs ? ou parle-t-il quelquefois de projets ?


      F.C. — Nous ne disposons que de peu de textes de Béliard (sauf des lettres dont Thomas Crosnier a obtenu copie très récemment et que je n’ai pas encore eu le loisir de consulter) ; je me suis fondé pour esquisser la pensée de Béliard sur ces réactions devant les aléas de la vie car le peu de discours ou de lettres sont vraiment plats et triviaux; par contre ses amis

      peintres disent de lui qu’il est extrêmement bavard, et plein d’allant.

      On possède les réponses de certains destinataires dans les courriers qui ont été édités et qu’Aude Masson et moi citons en références. Quand je dis « trivial », ce n’est pas péjoratif mais cela signifie que les rares écrits de Béliard ont trait à la vie quotidienne et non pas à des argumentations philosophiques, ni même politiques.

      Ce problème que vous soulevez des lettres de Béliard est un vrai problème méthodologique ; quand on fait une bibliographie, il faut travailler avec les sources dont on dispose ; les historiens n’aiment pas se lancer dans une biographie qui manque de sources ; je l’ai fait parce que personne n’avait travaillé scientifiquement sur Béliard et que je pensais qu’il le méritait en raison des turbulences qui ont émaillé la période durant laquelle il a été maire.

      Je suis convaincu qu’en cherchant bien, on pourrait trouver d’autres éléments d’information.


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      F.S. Vous ouvrez donc la voie à une passionnante aventure de chercheur finalement.

      Je voudrais continuer à vous interroger sur ces sources mais en précisant mieux votre travail à vous. Vous avez examiné une immense quantité de journaux d’époque pour parvenir à cette synthèse vivante à lire.

      Qu’aviez-vous à disposition et comment cela a-t-il commencé ?


      F.C. — La réponse à votre question est longue et j’indiquerai ici les quelques lignes qui concluent ma conférence du 29 novembre :

      « Lors de son décès L’Abeille lui consacre un long article chronologique dans le genre le plus classique et convenu qui

      soit. Elle concède qu’il fut totalement désintéressé : ne recherchant ni les places ni les distinctions ni les applaudissements, il ne fut pas un féroce arriviste politique. Les obsèques de Béliard donnent l’occasion au maire Bouilloux-Lafont de corriger nombre d’opinions erronées. Il prononce un discours tellement élogieux que L’Abeille croit bon de faire précéder la reproduction du texte d’un avant-propos alambiqué maintenant ses réserves tout en exprimant les qualités du défunt.

      « Le maire rappelle que Béliard l’a désigné avant sa mort pour être le seul à prendre la parole devant sa dépouille. Le qualifiant de philosophe, il présente ses grandes qualités : l’équité, la droiture, la fermeté, la sincérité. Bouilloux-Lafont rappelle qu’il a laïcisé l’école de filles, qu’il a créé la caisse des écoles et qu’il a fondé les cantines scolaires dont il a assuré durant huit ans le financement sur ses deniers personnels.

      « Il avait beaucoup d’expérience, de finesse et de bon sens soutenus par une prodigieuse mémoire au service d’un seul but : les intérêts de la ville.

      « Il était un sage dépourvu d’ambition et profondément républicain : Sa fin a été celle d’un stoïcien. Pendant la maladie de courte durée qui a terrassé sa robuste vieillesse, il a caché ses souffrances ; Il a vu venir la mort sans crainte ; en libre penseur il l’a regardée bien en face.

      « Et Bouilloux-Lafont n’hésite pas à rééquilibrer l’avis général sur la gestion de Béliard :

      « L’administration municipale de M. Béliard fut marquée au coin d’une assiduité scrupuleuse et d’une irréprochable probité et l’hostilité sourde qu’il rencontra autour de lui trouva sa source dans son inflexibilité pour tout ce qui apparaissait à ses yeux comme un passe-droit, plus encore que dans la réputation d’intolérance que lui firent injustement des adversaires

      intéressés à lui nuire, et dont il semble que certains n’ont pas désarmé même devant la majesté de la mort !»

      « Béliard n’a pratiquement jamais été en concordance avec la majorité du corps électoral, montrant ainsi que ses responsabilités étaient dues à une habileté politique certaine. Son engagement dans l’affaire Dreyfus contrebalance largement les défauts sur lesquels se sont appesantis ses adversaires et ennemis.

      « Il fait partie du personnel politique intermédiaire qui a participé activement à installer la République dans les faits et dont nous sommes encore redevables aujourd’hui. »


    10. Ébauche bibliographique (2015)


par Bernard Gineste


  1. « Béliard (E.) », in Catalogue de la 2e exposition de peinture, par MM. Béliard, Legros, Pissarro, Bureau, Renoir, Caillebotte, Levert, Rouart, Cals, Millet (J.-B), Sisley, Degas, Monet (Claude, Tillot, Desboutin, Morisot (Berthe), François (Jacques), Ottin fils, de 10 heures à 5 heures, 11, rue Le Peletier, 11, Paris, avril 1876 (18 cm ; 24 p.), Paris, impr. Alcan-Lévy, 1876, p. 1. — Texte réédité dans le BHASE n°23.


  2. Théodore Véron, « Béliard (Édouard) », in Dictionnaire Véron. Salon de 1880. 6e annuaire, Paris, M. Bazin, 1880, p.

  1. — Texte réédité dans le BHASE n°23.


    1. Théodore Véron, « Béliard (Édouard) », in Dictionnaire Véron. Salon de 1881. 7e annuaire, Paris, M. Bazin, 1881, pp. 49-51. — Texte réédité par Crosnier et Masson, 2014, pp. 43- 44, et dans le BHASE n°23.


    2. Ollivier Lecesne-Allien [dir.], « Nécrologie. M. É. Béliard », in Abeille d’Étampes 101/48 (30 novembre 1912), p. 3 — Texte réédité dans le BHASE n°23.


    3. Marcel Bouilloux-Lafont, « Oraison funèbre pour Édouard Béliard », in Ollivier Lecesne-Allien [dir.], « Les obsèques de

      M. Béliard », in Abeille d’Étampes 101/49 (7 décembre 1912),

      p. 3 — Texte réédité dans le BHASE n°23.

    4. Catalogue des tableaux, dessins, fusains, aquarelles, gravures et autographes dont la vente aux enchères publiques, par suite du décès de M. Édouard Béliard, artiste peintre, ancien maire de la ville d’Étampes, aura lieu à Étampes, rue de Chauffour, n°15, en sa propriété, le dimanche 9 mars 1913, à une heure, et jours suivants, à la même heure, par le ministère de Me Dupré, commissaire-priseur à Étampes chez lequel se distribue le catalogue, Étampes, Me Dupré (impr. Maurice Dormann), 1913. — Énumérant entre autres près de 120 peintures de Béliard. Dont un exemplaire conservé au Musée intercommunal d’Étampes. — Texte réédité dans le BHASE n°23.


    5. Maurice Dormann [dir.], « La Vente Béliard », in Réveil d’Étampes du 15 mars 1913. — Texte réédité dans le BHASE n°23.


    6. Georges Denoinville (pseudonyme de Georges Besnus),

      « Un impressionniste oublié, Édouard Béliard, artiste peintre », in Le Journal des Arts (28 juillet et 4 août 1923). — Texte repris dans Le Réveil d’Étampes des 18 et 25 août 1923, et réédité dans le BHASE n°23.


    7. Léon Ballas, « Édouard Béliard, artiste peintre étampois », in Bulletin des amis d’Étampes 2 (1947), pp. 21-22. — Texte réédité dans le BHASE n°23.


    8. Lettres inédites de Paul Alexis à Émile Zola, 1871-1900, présentées et annotées par B. H. Bakker, University of Toronto, 1971. — On y trouve notamment : une lettre de Paul Alexis de 1877 disant qu’il est chez Béliard depuis trois semaines (p.

      104) ; une lettre de Paul Alexis à Zola du 2 septembre 1886 relatant un passage chez Béliard à Étampes en août (pp. 319- 320).

    9. Sophie Monneret, « Béliard Edmond141 Joseph) », in Id., L'Impressionnisme et son époque. Dictionnaire international illustré (4 volumes, 1978, 1979, 1980, 1981 ; 30 cm ; préface de René Huyghe), Paris, Denoël, tome 1 (346 p.), 1978, p. 65. — Réédition en 2 volumes : Paris, Robert Laffont (« Bouquins »), 1987. — Texte réédité dans le BHASE n°23.


    10. Gerald Schurr, « Édouard Béliard », in Les petits maîtres de la peinture, valeur de demain, Paris, L’Amateur, 1979, t. 4,

      p. 137. — Texte réédité dans le BHASE n°23.


    11. B. H. Bakker et Colette Becker [éd.], Correspondance d’Émile Zola, Université de Montréal et CNRS, 1980. — On y trouve notamment : une lettre de Zola mentionnant un séjour de Numa Coste pendant trois semaines chez Béliard (p. 466). — Texte réédité dans le BHASE n°23.


    12. Georges Demouchy [éd.], Édouard Béliard. Poème des Annonciades (56 p.), Paris, La Pensée universelle (« Poètes du temps présent »), 1985. — Ce texte de Béliard, qui intéresse l’histoire de Pontoise, semble jusqu’ici être passé inaperçu de tous les historiographes qui se sont intéressés à ce personnage.


    13. Janine Bailly-Herzberg [éd.], Correspondance de Camille Pissarro. Tome 2. 1866-1890, Paris, Le Valhermeil, 1986. — On y trouve notamment : une lettre de Béliard à Pissarro en date du 22 février 1871 l’informant de la situation de leurs amis peintres pendant les événements de la Commune (lettre aussi reproduite aussi par John Rewald, Histoire de l’impressionnisme, Paris, Albin Michel, 1986, p. 169) ; une lettre de Pissarro à Antoine Guillemet en date du 3 septembre


      image

      141 Sic (Édouard).

      1872, mentionnant la présence et le travail de Béliard à Pontoise.


    14. Collectif, « Édouard Béliard, (1832-1912). Un artiste, maire d’Étampes », in Étampes. Almanach 2000, Étampes, Association Étampes-Histoire, 1999 (non paginé). — Brève notice, négligeable.


    15. Jean-Pierre Durand, « Sur les traces d’Édouard Béliard, peintre et homme politique, 1832-1912 », in Cahiers d’Étampes-Histoire 6 (2004), pp. 14-30. — Travail intéressant, 13 illustrations.


    16. François Cavaignac, « Une campagne de presse antimaçonnique à Étampes entre 1889 et 1893 », in Chroniques d’Histoire maçonnique 58 (2005), pp. ?-?.


    17. François Cavaignac, La culture théâtrale à Étampes au XIXe siècle, Paris, L’Harmattan, 2007.


    18. Collectif d’internautes, « Édouard Béliard », in Wikipédia, depuis 2013. — Article encore embryonnaire en 2015.


    19. François Cavaignac, Édouard Béliard (1832-1912), le maire et le libre penseur (cahier de format A4 ; 26 pages non paginées, sur deux colonnes ; 9 illustrations en noir et blanc), Étampes, Musée intercommunal d’Étampes (imprimerie municipale), 2014. — Texte réédité dans le BHASE n°23.


    20. François Cavaignac, « Béliard avant Béliard, généalogie et état civil », in Édouard Béliard (1832-1912), le peintre (cahier de format A4 ; 18 pages non paginées, sur deux colonnes ; 19 illustrations en couleur), Étampes, Musée intercommunal

      d’Étampes (imprimerie municipale), 2014, pp. 1-2 (1 arbre généalogique). — Texte réédité dans le BHASE n°23.


    21. Aude Masson, « Édouard Béliard, un ‘impressionniste’ incompris ? », in Édouard Béliard (1832-1912), le peintre (op. cit.), 2014, pp. 3-18.


    22. Franck Senaud, « Entretien avec François Cavaignac : Béliard politique », in Revue Préfigurations 79 (2014), en ligne en 2015. — Texte réédité dans le BHASE n°23.


    23. Franck Senaud, « Entretien avec Thomas Crosnier : Béliard impressionniste », in Revue Préfigurations 79 (2014), en ligne en 2015.


    24. Franck Senaud, « Sylvain Duchesne et Béliard au Musée : Expo » (24 photographies de l’exposition), in Revue Préfigurations 79 (2014), en ligne en 2015.


    25. Thomas Crosnier et Aude Masson, « Édouard Béliard (Paris, 1832 — Étampes, 1912). Aux origines de l’Impression- nisme », in Essonne et Hurepoix 84 (2014), pp. 31-50 (9 illustrations).


    26. Bernard Gineste, « Dossier documentaire sur Béliard » (23 items), in BHASE n°23 (décembre 2015).


Crédits photographiques


Pages 1 de couverture, 1 et 183 : cliché de Thomas Crosnier.


Tables des matières

BÉLIARD MAIRE ET LIBRE-PENSEUR 1-112

Préface 3-4

BÉLIARD AVANT BÉLIARD 5-11

L’ABEILLE, UN ENNEMI IMPLACABLE 21-34

La vie politique 23-27

La salubrité publique 28-34

— L’après-crise (1894-1896) 49-52

Les autres « affaires » 53-73

Les relations avec l’Église 53-63


— La construction de deux écoles laïques

53-54

— Le remplacement des institutrices congréganistes

54-55

— La suppression des processions

55-58

— Des relations ambivalentes

58-61

— L’inhumation des Sœurs de l’hospice

61-63

Les adjudications

63-66

La police municipale

67-70

La distribution des prix

71-73

LES OPTIONS IDÉOLOGIQUES

75-84

Antimilitariste et antipatriote ?

75-77

— L’affaire du 7ème régiment de chasseurs

75-76

— L’absence aux manifestations patriotiques

76-77

Libre penseur et Franc-maçon

77-84

— Libre penseur

77-78

— Franc-maçon

78-80

— La campagne antimaçonnique entre 1889 et 1893

80-82

— Fantasmes et réalité

82-84

LES FAIBLESSES ADMINISTRATIVES ET TECHNIQUES

84-92

Le manque d’autorité

84-86

La méconnaissance des dossiers

86-88

Les incohérences

88-89

Les retards et refus

89-91

Un piètre orateur ?

91-92

LES QUALITÉS PERSONNELLES

93-

L’habileté politique

93-97

— La construction d’un statut local

93-94

— L’art de la ruse

94-97

L’affirmation de soi

98-101

— Le choix des souscriptions

98

— La participation à certaines manifestations

99-100

— Tempérament

100-101

De l’obstination au courage

102-107

— Les différends avec l’Administration

102-103

— La querelle de la fanfare

103-104

— L’affaire Dreyfus

104-107

CONCLUSION 108-110

SOURCES ARCHIVISTIQUES 111-112

DOSSIER DOCUMENTAIRE 113-208

01. Mariage des parents de Béliard (1832) 114-116

02. Décès de sa mère (1835) 117-120

  1. Décès de son grand-père (1861) 121

  2. Lettre de Zola à Béliard (1875) 122-128

  3. Béliard à la 2e exposition impressionniste (1876) 129

  4. Appréciation de Zola sur Béliard (1876) 130

  5. Notice du Dictionnaire Véron (1880) 131

  6. Notice du Dictionnaire Véron (1881) 132-133

  7. Autre lettre de Zola à Béliard (1882) 134

10. Décès à Étampes (1912) 135-136

  1. Nécrologie de l’Abeille d’Étampes (1912) 137-141

  2. Oraison funèbre de Bouilloux-Lafont (1912) 142-150

  3. Vente après décès (1913) 151-164

  4. Renseignements de Dosithé Bourdeau (1914) 165-166

  5. Notice de Charles Besnus (1923) 167-182

  6. Legs à la ville de la veuve Béliard (1939) 183-184

  7. Notice de Léonce Balas (1947) 185-189

  8. Notice de Sophie Monneret (1978) 190-191

  9. Notice de B. H. Bekker (1979) 192

  10. Notice de Gérald Schurr (1979) 193

  11. Programme de l’exposition Béliard (2014) 194

  12. Interview de Cavaignac par Senaud (2014) 195-203

  13. Ébauche bibliographique (2015) 204-208

Crédits photographiques 209

Table des matières 211-214



ISSN 2272-0685

Publication du Corpus Étampois

Directeur de publication : Bernard Gineste 12 rue des Glycines, 91150 Étampes redaction@corpusetampois.com


BHASE n°23 décembre 2015

ÉDOUARD BÉLIARD (1832-1912)

MAIRE D’ÉTAMPES ET LIBRE-PENSEUR

Béliard maire et libre-penseur 1-112

Préface 3-4

Béliard avant Béliard 5-11

L’action politique 12-19

L’Abeille, un ennemi implacable 21-34

Les affaires municipales 35-39

Les autres « affaires » 53-73

Les options idéologiques 75-84

Les faiblesses administratives et techniques 84-92

Les qualités personnelles 93-

Conclusion 108-110

Sources archivistiques 111-112

DOSSIER DOCUMENTAIRE 113-208

01-10. Du vivant de Béliard (1832-1912) 114-136

11-17. Hommages et souvenirs (1912-1947) 137-189

18-22. Études récentes (1978-2014) 190-203
23. Bibliographie (2015) 204-208



BHASE n°23 (décembre 2015)
AVERTISSEMENT
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