BHASE n°15 (avril 2015)
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BHASE n°15 (avril 2015)

Alexandre Delarue

théologien, pédagogue et père de famille,

principal du collège d’Étampes de 1855 à 1860

Préface 5-9

  1. Le collège d’Étampes

    (prospectus, 1855)

    11-20

  2. Religion catholique et religion naturelle.

    (réponse à Jules Simon, 1856)

    21-72

    Table partielle 71

  3. Des moyens stimulants à employer dans l’éducation privée et publique (essai de 1859)

    73-170

    Table partielle 167-170

  4. Dossier documentaire sur Alexandre Delarue

    171-234


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    COLLÉGE D'ÉTA U PES



    ISSN 2272-0685

    Publication du Corpus Étampois

    Directeur de publication : Bernard Gineste 12 rue des Glycines, 91150 Étampes redaction@corpusetampois.com

    BHASE n°15

    Bulletin historique et archéologique du Sud-Essonne


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    publié par le Corpus Étampois

    avril 2015



    Alexandre Delarue

    Principal du collège d’Étampes


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    Sa vie et ses Œuvres

    1. Le collège d’Étampes (prospectus, 1855)

    2. Religion catholique et religion naturelle. Réponse à Jules Simon (1856)

    3. Des moyens stimulants à employer dans l’éducation privée et publique (1859)

    4. Dossier documentaire (1822-1942)



      Préface


      La vocation de notre Corpus est de faire sortir de l’ombre et de mettre sous les yeux de tous ceux qui le voudront la vie et les œuvres de ceux qui nous ont précédés sur ce territoire du Sud- Essonne, et de ressuciter autant que possible leur univers autant matériel que spirituel.


      On donne ici les œuvres complètes — à notre connaissance — de l’un d’entre eux, qui pourtant n’a fait qu’y passer, avant d’être fauché par une mort prématurée. Mais il y a donné pour longtemps, sinon pour toujours, la preuve qu’une vie peut être aussi fructueuse qu’elle est brève, si on la mène comme il faut.


      Alexandre Delarue, né en 1822, fils d’un simple marchand de couleurs parisien devenu percepteur des contributions directes de Cergy, grandit à Pontoise. Il y commença, assez tôt, dès l’âge de 25 ans, une carrière de chef d’établissement scolaire. Il y dirige en effet le collège du lieu de 1847 à 1853. Après un bref passage à celui de Sainte-Ménehould de 1853 à 1855, il arrive pour la rentrée de 1855 à Étampes, où il restera jusqu’en août 1860. Ensuite muté à Pamiers en Ariège, il y décède quelques mois plus tard, à peine âgé de 38 ans.

      Il avait épousé à Versailles Louise Georgette Decret, comme lui fervente catholique. Ils eurent trois fils à Pontoise. À Sainte- Ménehould, un quatrième, mort en bas âge. À Étampes s’y ajoutèrent, nés dans les locaux du collège qui actuellement s’appelle Jean-Étienne-Guettard, au n°20 de la rue Saint- Antoine, quatre nouveaux enfants, deux filles et deux garçons, dont l’un meurt aussi en bas-âge. Il y faut ajouter encore un neuvième enfant conçu à Pamiers, et né à Carcassonne, quelques mois après le décès de son père.


      En mourant à l’âge de 38 ans, Alexandre Delarue laisse donc à sa femme, qui ne se remariera pas, outre deux enfants morts en bas-âge, six enfants survivants, dont l’aîné n’a que dix ans, plus un enfant à naître. Que va-t-il advenir de cette famille nombreuse ainsi décapitée ? Quels fruits va donner l’arbre qu’il a planté, et qu’il ne verra pas grandir ?


      Ses deux aînés, René et Gabriel, seront tous deux généraux d’armée. Le cadet mourra d’ailleurs pour la France en 1915 à l’âge de 62 ans, après avoir commandé une expédition internationale en Crète en 1907-1909. Son troisième fils, Joseph, sera un jésuite de haut vol, un savant orientaliste. Son quatrième fils survivant, Louis, sera docteur en médecine. Emmanuel, l’enfant posthume, sera journaliste. De ses deux filles l’une, Louise-Marie, épousera un employé des postes de Versailles, et l’autre, Marie-Louise, un notaire de Chevilly veuf dont elle élèvera les quatre enfants, notamment un poilu célèbre, Robert Porchon, mort pour la France, sur lequel elle entretiendra une correspondance avec son ami l’écrivain Maurice Genevoix.


      Il y a donc quelque intérêt à examiner quels sont les principes éducatifs qui ont été prônés et observés par un tel père de famille. D’Alexandre Delarue nous avons conservé trois

      ouvrages d’importance et de nature assez différentes, tous trois composés à Étampes. D’abord un prospectus du collège, où l’auteur expose brièvement ses conceptions et ses priorités.


      Vient ensuite un ouvrage de controverse religieuse, en réponse à un traité de Jules Simon qui remettait en cause certains aspects du catholicisme irréductibles à l’esprit moderne. Oui, déclare Jules Simon, tout montre qu’une société ne peut vivre sans religion ; pour autant le catholicisme ne fait pas l’affaire. La réponse de Delarue est courtoise mais ferme ; on y relève, avec une piété sincère, et même ardente, un effort à la rigueur intellectuelle, et au dialogue.


      Le troisième texte que nous rééditons ici, sans nul doute le plus important autant que le plus volumineux, est un un traité sur l’éducation composé dans le cadre d’un concours organisé à l’échelle nationale par un institut lyonnais sur le thème précis suivant : Des moyens à employer comme stimulants dans l’éducation privée et dans l’éducation publique. Delarue avait déjà candidaté à ce concours en 1856, avec un mémoire Sur les récréations, que nous n’avons pas conservé parce qu’il n’a pas été imprimé, n’ayant obtenu que la seconde place.


      Par éducation privée on entend à cette époque l’éducation donnée par les parents eux-mêmes à leurs enfants. C’est donc là l’occasion pour l’auteur de nous entretenir des conceptions qu’il a essayé d’appliquer non seulement comme chef d’établissement à Pontoise, à Sainte-Ménehould et pour finir à Étampes, mais comme père de famille dans le même temps. Voilà qui n’est pas sans intérêt quand on voit le résultat, à terme, de l’éducation qu’il a lui-même donnée à ses enfants.


      De fait Alexandre Delarue ne craint pas d’évoquer les jeux de ses propres enfants avec leur mère en cette année 1859 où il

      dirige le collège d’Étampes, ce qui ne manque pas d’être touchant, quand on entend ces deux marmots, futurs généraux, se disputer pour savoir qui sera Abel et qui sera Caïn, ou encore le troisième, qui sera jésuite, réclamer d’être, entre les Patriarches, Joseph ou Benjamin : « ces petits enfants à qui le cœur maternel a déjà fait comprendre et la beauté de la vertu et le prix des bénédictions de Dieu », comme l’écrit Delarue lui- même de sa femme et de ses enfants.


      Concernant l’éducation que Delarue appelle publique, c’est-à- dire celle qui est dispensée par les enseignants dans les écoles et les collèges, nous laissons à notre lecteur le soin de découvrir ce qu’elle doit être selon notre auteur. Presque à chaque page on mesure à quel point la séparation de l’Église et de l’État, survenue autour de 1905, puis le lent déclin des études classiques, et enfin la démocratisation des études secondaires ont profondément transformé les perspectives de l’instruction publique de ce début du Second Empire à nos jours.


      En matière d’histoire locale, le tableau du collège idéal que propose Delarue s’inspire certainement en bien des points de ce qu’il a essayé lui-même de faire à Étampes. Nous donnons en dernière partie de cet ouvrage tout ce que nous avons trouvé, modestement sur son principalat, de 1855 à 1860. On voit par exemple qu’il suggère d’initier les collégiens à la pratique de la charité chrétienne par des collectes à l’occasion de catastrophes nationales ; et que c’est bien ce qu’il avait essayé de faire lui- même à l’occasion des grandes inondations de mai 1856.


      Nous avons aussi ramassé, dans ce dossier documentaire final, tout ce que nous avons trouvé sur le cadre matériel dans lequel a évolué Delarue à Étampes. Insistons surtout sur des inventaires détaillés, que nous donnons intégralement, parce qu’ils permettent de se faire une idée assez précise de la

      configuration et du mobilier tant du propre logement de Delarue que des locaux du collège, de la cave au grenier, depuis les cartes accrochées aux murs jusqu’au mât de cocagne. On ne lira pas sans intérêt ces inventaires plein de saveur autant que d’informations sur la vie concrète des élèves et des enseignants du collège de ce temps.


      Le fils aîné d’Alexandre Delarue, René, gardera toute sa vie un souvenir affectueux de cet établissement où étaient nés et décédés plusieurs de ses frères et sœurs. Il y assistera longtemps, comme une sorte de doyen et de gardien de la mémoire, aux réunions des anciens élèves. Il y fera inscrire après-guerre le nom de son frère et collègue mort pour la France à l’âge de 62 ans.


      Ainsi est perpétué encore de nos jours, dans le hall du collège Guettard, sous le nom de « Général Delarue », le souvenir d’un enfant qui n’avait vécu dans cet établissement que de 1855 à 1860, c’est-à-dire de 3 à 8 ans, cinquante-cinq ans avant de tomber glorieusement pour la France. Nous espérons quant à nous avoir érigé, avec ce nouveau numéro du BHASE, un monument durable à la mémoire de son père.


      Bernard Gineste, 2015


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      Le Collège reçoit des pensionnaires, des demi-pensionnaires et des externes.


      Le prix de la pension est de

      500 fr.

      de la demi-pension.

      250 fr.

      de 1’externat

      60 fr.


      Le Conseil municipal accorde au Collége trois bourses et dix demi-bouses. La demande en est adressée par les familles à M. le Maire, qui les renvoie au Principal, chargé d’en faire un rapport au Conseil municipal.


      Étampes. – Imprimerie de Aug. Allien. |3

      COLLÉGE D’ÉTAMPES

      ÉCOLE INDUSTRIELLE, COMMERCIALE & AGRICOLE ÉCOLE PRIMAIRE ÉLÉMENTAIRE.

      ***

      SOUS LA DIRECTION DE M. DELARUE.

      ***

      Le Collège d’Étampes est organisé de la manière la plus favorable, dans le double but de faire suivre aux élèves le cours des études classiques jusqu’à la classe de troisième inclusivement, ou de les préparer aux carrières agricoles, industrielles et commerciales par l’enseignement des écoles professionnelle et élémentaire annexées au Collège.


      ÉDUCATION. – Enseignement Moral et Religieux.

      Une éducation profondément chrétienne, ayant pour base la pratique et l’enseignement sérieux de la religion catholique, pour but de principes solides, des mœurs pures, une conduite régulière, des manières affables et distinguées, tel est le premier objet des soins speciaux du Principal, des Régents et des Maîtres d’études qui exercent une surveillance continuelle sur sur les actes, le travail et le caractère des élèves.

      Convaincus que l’enfance s’adoucit et s’embellit sous la bienfaisante influence du bonheur qu’amène toujours avec elle l’innocence du jeune âge, tous ces fonctionnaires s’attachent à conserver cette innocence si précieuse, et à faire aimer aux enfants la vie du Collége.


      Une discipline paternelle, mais ferme, juste et constante, une sévère douceur, pour citer l’heureuse expression de Montaigne, leur inspirent ces utiles habitudes d’ordre et de travail, si favorables non-seulement au progrès des études, mais encore au succès et au bonheur de la vie entière.


      Un Aumônier attaché au Collége y donne l’instruction religieuse à tous les élèves suivant leur âge et leur intelligence.

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      ÉTUDES CLASSIQUES.

      Les études classiques sont divisées en trois classes, partagées chacune en deux années et confiées à un professeur spécial :


      Classes élémentaires correspondant aux classes de septième et et de huitième.

      Classes de grammaire correspondant aux classes de sixième et de cinquième.

      Classes d’humanités correspondant aux classes de quatrième et de troisième.


      L’enseignement est entièrement conforme aux programmes arrêtés par M. le Ministre de l’instruction publique pour les classes des lycées.

      ÉTUDES PROFESSIONNELLES

      Les études professionnelles sont également divisées en trois classes, partagées chacune en deux années et confiées à un pofesseur spécial.


      L’enseignement y comprend toutes les matières indiquées dans le tableau ci-joint. Dans tous les cours les applications pratiques sont constamment jointes aux démonstrations de la théorie. Les élèves visitent les établissements agricoles et industriels placés dans l’arrondissement, et vont sous la direction de leur professeur lever des plans, arpenter, étudier la nature des différents terrains, les amendemens et la culture qui leur conviennent.


      ÉCOLE PRIMAIRE ÉLÉMENTAIRE.

      L’école primaire élémentaire est destinée à préparer les élèves tant aux études classiques qu’aux études professionnelles.


      Les jeunes enfans sont placés sous la surveillance d’un maître spécial, qui exerce graduellement leur intelligence et leur mémoire, en les accoutumant à regarder et à comprendre tout ce qui se passe autour d’eux, et en leur enseignant bien plus par la parole que par les livres les éléments de la grammaire, de l’histoire sainte, de la géographie et du calcul.


      Les enfants y sont admis très l’âge de six ans et y apprennent à lire et à écrire. |5



      Les programmes détaillés de toutes les classes sont constamment mis à la disposition des familles, qui peuvent avec leur secours

      CLASSES ÉLÉMENTAIRES.


      Instruction Religieuse. Lecture, Ecriture.

      Langue française. Éléments de la




      grammaire. Exercices

      suivre, semaine par semaine, d’orthographe.

      le travail et les progrès de Histoire Sainte. Récit complet et

      leurs enfants. détaillé.

      Géographie. Définitions générales de géographie physique. France.

      Calcul. Exercices pratiques de calcul mental et écrit, sur la numération et les trois premières opérations.

      Notions diverses. Explications de tous les mots usuels employés dans le commerce de la vie, et description des objets ou des phénomènes qu’ils représentent.


      CLASSES DE GRAMMAIRE.

      SIXIÈME.

      CINQUIÈME.

      Instruction Religieuse.

      Instruction Religieuse.

      Lecture, Écriture, Chant.

      Lecture, Ecriture, Chant.

      Dessin linéaire élémentaire.

      Dessin de tête et linéaire.

      Langue française. Revue des éléments. Analyse grammaticale. Notions de syntaxe.

      Langue française. Grammaire. Complément de la syntaxe. Analyse logique.

      Histoire de France. Deux 1res races. Faits importants d’histoire

      ancienne.

      Histoire de France jusqu’à Henri

      IV. Faits importants de l’histoire grecque.

      Géographie physique complète de l’Europe et de la France.

      Géographie physique des cinq parties du monde. Rappel de la France.

      Arithmétique. Opérations fondamentales sur les nombres entiers et décimaux.

      Arithmétique. Système métrique. Fractions. Divisibilité. Racines.

      Tenue des livres en parties simples. Livres de commerce. Notions générales.

      Tenue des livres en parties simples. Calcul des intérêts, partages, etc.

      Technologie. Arts et métiers relatifs au vêtement et à l’imprimerie.

      Travail du cuir de la laine, de la soie, du lin. Papeterie. Couleurs. Gravure.

      Technologie. . Arts et métiers relatifs à la nourriture et au bâtiment. Produits végétaux et animaux. Matériaux propres à la construction.

      Histoire naturelle. Structure extérieure de 1’homme et des animaux.Caractères extérieurs de classsification.

      Histoire naturelle. Phénomènes naturels de géologie. Eléments de minéralogie. Caractères extérieurs des plantes.

      Physique et chimie élément. Phénom. journaliers relatifs aux sens. Description et explication sommaire. Vue. Ouïe. Goût.

      Odorat. Toucher.

      Physique et chimie élémentaires. Phénomènes météorologiques et relatifs à l’industrie. Air, Vent, Pluie, etc. Rouille, Tache, etc.

      Cosmographie. Description physique de la terre.

      Longitude.Latitude, etc., etc.

      Cosmographie. Description physique du ciel. Nom des astres.Pronostics divers.

      CLASSES D’HUMANITÉS.

      QUATRIÈMES. TROISIÈME.

      Instruction Religieuse. Instruction Religieuse.

      Lecture, Écriture, Chant. Lecture, Ecriture, Chant.

      Dessin de tête. Dessin de tête.

      Langue française. Grammaire complète. Analyse logique. Éléments de style.

      Histoire de France, jusqu’à 1815. Faits importants d’histoire romaine. Géographie politique des cinq parties du monde. Revue de la France.


      Langue anglaise. Grammaire. Traduction.

      Arithmétique. Revue théorique. Logarithmes. Intérêts composés. Commerce. Tenue des livres en parties doubles. Code du commerce. Géométrie. Construction et mesure des surfaces et des volumes.

      Technologie. Arts et métiers relatifs à la métallurgie. – Pierres précieuses.


      Histoire naturelle. Structure interne de l’homme et des animaux. Zoologie agricole. Produits et engrais animaux.


      Physique. Cours élémentaire. Applications à l’industrie.

      Mécanique. Cours élémentaire. Machines simpl. et comp.

      Cosmographie. Cours élémentaire. Carte du ciel.

      Dessin linéaire. Perspective. Lever des plans. Lavis. Arpentage.

      Langue française. Eléments de style, de composition et d’histoire littéraires.

      Histoire de France complète. Synchronismes de l’histoire moderne. Géographie commerciale et industrielle des cinq parties du monde.

      Langue anglaise. Conversation.


      Algèbre, jusqu’aux équations du 2me degré.

      Commerce. Arithmétique commerciale. Opérations diverses. Géométrie. Démonstration du cours précédent. Applications.

      Technologie. Mécanique industrielle. Description des machines indiquées dans les cours précédents.

      Histoire naturelle. Phénomènes anciens de géologie. Classification des terres. Amendements. Botanique. Culture des plantes. Engrais végétaux.

      Chimie. Cours élémentaire. Applications a l’industrie. Mécanique. Emploi, formules et calcul des forces.

      Cosmographie. Suite. Lois astronomiques. Calculs divers. Dessin linéaire. Machines.

      Projections. Développements. Philosophie élémentaire et pratique. Hygiène. Notions pratiques.

      Economie. Notions pratiques. |6

      Tous les samedis des notes sur la conduite et le travail des élèves sont inscrites sur des bulletins, qui doivent être visés par les parents.


      HYGIÈNE. – SURVEILLANCE.

      Les élèves vivent dans les conditions hygiéniques les plus satisfaisantes. Les classes, les études, les cours, les dortoirs sont sains et bien aérés. Ceux des professeurs qui habitent le Collége prennent leur repas avec les élèves ; la nourriture, la même pour tous, est saine et abondante.

      Les soins les plus minutieux, la surveillance la plus active y sont constamment donnés à la santé et à la propreté des enfants. Le Collége est placé sous la surveillance immédiate d’un bureau d’administration, composé conformément aux dispositions de l’article 36 de l’ordonnance royale du 7 février

      1815.

      Ce bureau exerce un contrôle assidu et sévère sur l’exécution des règlements. Les membres visitent fréquemment l’établis- sement, assistent aux examens et s’assurent enfin par eux- mêmes que tout tend à procurer aux élèves une éducation morale et religieuse, une instruction solide et une excellente santé.


      EXTRAIT DU RÈGLEMENT.

      Les demi-pensionnaires suivent tous les exercices du Collége.

      Les externes ne sont admis qu’aux classes du matin et du soir·. Pour obtenir le droit d’assister aux études et aux récréations, ils doivent présenter des garanties suffisantes de moralité et de bonne conduite.

      Les élèves ne reçoivent de visites que de leurs parents, tuteurs et correspondants ou des personnes qu’ils ont autorisées à leur en faire. Ces visites peuvent avoir lieu tous les jours pendant les récréations. |7

      Les congés et les sorties sont fixés conformément aux règlements. Ils sont toujours la récompense du travail et de la bonne conduite. Les élèves qui sans motifs légitimes ne rentrent pas au jour et à l’heure indiqués, sont privés de la sortie suivante.

      Les parents sont priés de vouloir bien donner par écrit le nom et l’adresse des personnes autorisées à faire sortir leurs enfants.

      Chaque élève doit déposer en entrant au Collége un certificat de vaccine et un certifient de bonne conduite, s’il a été précédemment dans d’autres établissements.

      L’uniforme est de rigueur pour les internes et les demi- pensionnaires.


      Le Principal du Collége.

      1. DELARUE.


Vu et approuvé par le Bureau d’administration.


De CHEVEIGNÉ,

POMMERET DES VARENNES,

BONVOISIN,

Sous-Préfet, Président.

Maire.

Curé de Notre-Dame.


DELANOUE,

BIDAULT,

VENARD,

Th. HUET.

Juge au Tribunal.

Juge de paix.

Notaire honoraire.



Vu et approuvé,

L’Inspecteur de l’Académie de Paris,

DOURS.

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LA RELIGION CATHOLIQUE

ET

LA RELIGION NATURELLE

RÉPONSE

AU LIVRE DE M. J. SIMON


PAR


  1. DELARUE

    Principal du Collége d’Étampes


    PARIS

    CHEZ JACQUES LECOFFRE ET Cie, LIBRAIRES RUE DU VIEUX - COLOMBIER, 29.


    1856


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    1. Prolégomènes.


      Ce serait s’aveugler volontairement que de ne pas reconnaître de toute part un retour marqué sinon vers les pratiques, au moins vers les idées religieuses. Entraînés par les événements, qui se sont succédé avec tant de rapidité dans notre patrie depuis près d’un siècle, nos pères avaient pu oublier que cette vie n’est que le prélude d’une autre vie ; ils avaient pu borner leurs vœux et leurs espérances au bonheur, à l’ordre, à la connaissance de la terre qu’ils habitaient. Une rude expérience, une étude plus approfondie de tous les phénomènes de la nature morale et de la nature physique, des découvertes plus complètes amenées par la science moderne, ont instruit leurs fils et les ont conduits à chercher au-delà de ce monde, non plus seulement par une foi aveugle et obéissante, mais surtout par une foi raisonnée et volontaire, une vie plus vraie, plus conforme à la destinée de l’humanité, une vie dégagée des soucis et des souillures de la terre, heureuse dans le sein de Dieu, immortelle enfin.


      Au milieu de ses recherches la philosophie, oubliant qu’elle ne peut entrer dans les secrets de Dieu qu’à l’aide de Dieu lui- même, la philosophie a fait bien des fautes et elle en fait encore ; |6 mais il serait injuste de méconnaître qu’en replaçant les esprits sous une forte discipline, elle en a ramené un grand nombre parmi ceux mêmes qu’elle avait égarés, et qu’elle

      contribue encore tous les jours à guider vers le bien des âmes jusqu’ici insouciantes ou perdues. Pour quiconque réfléchit sérieusement, elle ne peut être que le vestibule de la religion, elle ne peut satisfaire ni le cœur ni l’intelligence, parce qu’elle ne peut donner que ce qu’elle a, le doute ; mais au moins elle le fait naître, elle secoue de sa torpeur l’âme indifférente, qui, une fois réveillée, une fois livrée au saint entraînement de la réflexion, aspire bientôt au repos complet et absolu de la certitude, qu’elle ne peut trouver que dans l’adhésion libre et réfléchie aux dogmes catholiques


      Le nouvel ouvrage que vient de publier M. J. Simon1 témoigne après tant d’autres de la continuité et de la persistance de ce mouvement général des esprits. M. J. Simon essaie de sortir enfin de la théorie et de la spéculation pour faire entrer dans la vie pratique les idées de la philosophie. Il avait donné, il y a quelque temps, la théorie du devoir2, et en avait tracé les règles ; il donne aujourd’hui une théorie de la religion, disons

      mieux, une théorie de sa religion ; il cherche à en établir les dogmes, à en former un corps de doctrine applicable aux habitudes et aux nécessités de la vie.


      Le programme de son livre était tracé déjà depuis quelques années. Dans un article tristement célèbre de la Liberté de penser3, M. A. Jacques4 avait ainsi annoncé le catéchisme d’une religion rationnelle, qui devait remplacer le


      1 Jules Simon (1814-1896)

      2 Le Devoir (in-8°; IV+522 p.), Paris, L. Hachette, 1854. Nombreuses rééditions.

      3 « Essais de philosophie populaire », in La Liberté de penser, revue démocratique 7 (1851), p. 176. Nous rétablissons ici la majuscule et les italiques du titre de cette revue que le typographe étampois a curieusement

      omis de porter (B.G.).

      4 Amédée Jacques (1813-1865).

      christianisme : « Me voici, disait-il, obligé de conclure qu’il faut une religion,… Je ne veux pas la recevoir toute faite des mains d’une autorité surannée, je veux qu’elle jaillisse des sources vives de l’esprit et du cœur… La foi est morte, la raison a hérité de sa puissance et de ses droits… Le catholicisme n’est plus : il nous faut une religion, qui la fera ? Ma réponse est prévue : c’est la raison… La raison, voilà le maître : mais la raison de qui ? Je réponds : de tous et de personne… Entretenons le peuple, de Dieu, de l’âme, de la justice… ainsi se formera… un système nouveau de croyances morales et religieuses, qui remplacera le christianisme tombé ; rationnel

      par |7 son origine… il sera rationnel aussi dans sa forme… il fortifiera nos institutions modernes, il en représentera les

      principes… il les perfectionnera et se perfectionnera lui-même avec elles : car il ne saurait être plus immuable qu’aucune œuvre de la raison, dont l’essence est le progrès, c’est-à-dire un changement continu dans le sens du bien. La foi nouvelle aura- t-elle, comme l’ancienne, des symboles, des cérémonies, un culte ? Je J’ignore… Laissez faire… si c’est un besoin indestructible de la pensée de se reposer sur des images sensibles, elle saura bien les trouver d’elle-même ; de la même source d’où aura jailli la croyance, un art nouveau sortira aussi, approprié à l’idée nouvelle… J’ai écrit, ajoute-t-il dans une note, un mémoire où j’essayais de montrer que le sens commun est effectivement une solution implicite, toujours actuelle et

      toujours la même, aux grands problèmes philosophiques : la liberté de l’homme, la loi morale, Dieu, l’âme et sa destinée. »5


      J’ai tenu à rappeler textuellement ces paroles : les rapprocher et les citer, c’est presque les réfuter d’avance.


      5 Delarue cite ici différents extraits de l’article sus-cité (B.G.).

      Ce système nouveau, indécis et incomplet encore dans la pensée de M. A. Jacques, vient de prendre un corps et de se produire au grand jour. Plus habile ou, nous aimons mieux le croire, de meilleure foi que son prédécesseur, M. J. Simon a écarté de son livre toutes ces attaques impies et absurdes, que celui-ci avait dirigées contre le catholicisme, dont il se plaît au contraire, comme nous aurons occasion de le remarquer, à reconnaître et à exalter l’admirable économie. Au titre de religion rationnelle, qui impliquait une contradiction trop manifeste, il substitue, mais par un simple changement de mot, celui de religion naturelle, dont la contradiction, quoique moins apparente, est aussi réelle.


      Tous les hommes en effet dans toutes les langues, dans toutes les nations, ont compris sous le nom de religion l’ensemble des dogmes et des pratiques du culte, qui, en rapprochant d’homme de Dieu, sont destinés en même temps à rapprocher l’homme de l’homme. Toute religion a donc pour but, son nom même l’indique, d’unir entre eux tous les êtres raisonnables par une communion de pensées, que l’Eglise catholique |8 seule a su comprendre et exprimer, mais que la philosophie païenne, fidèle aux antiques traditions, avait déjà pressentie et désirée. Toute religion doit donc embrasser et proposer à la foi et à

      l’assentiment des hommes des croyances communes, acceptées par tous, non pas seulement sur Dieu en général, mais sur toutes les difficultés que présente la pratique de la vertu, non pas seulement sur l’immatérialité et l’immortalité de la partie pensante de notre être, mais sur son avenir même, sur le sort qui lui est réservé après la mort. L’antiquité païenne l’avait si bien compris que toutes les sectes philosophiques se livraient avec la même ardeur à ces mystérieuses études, cherchant à faire prévaloir les solutions qu’elles se vantaient d’avoir trouvées.

      En voulant substituer à toute religion positive la religion rationnelle, quelques philosophes modernes ont détruit jusqu’à l’essence de la religion. Forcés d’avouer que le raison était individuelle, il n’est personne qui ait le droit d’imposer aux autres son opinion, ils ont introduit dans la religion le dissentiment et la haine. « Fondée uniquement, dit M. J. Simon, sur l’autorité de la raison individuelle, la religion naturelle n’a aucun pouvoir contraignant d’aucune sorte. Toute sa force est dans la démonstration, chacun accepte ce qui lui paraît prouvé et cela seul. Personne n’a de compte à rendre de sa conduite, si ce n’est à la loi civile. Il n’y a d’autre lien entre ceux qu’unit une même croyance, que cette croyance même tant qu’elle subsiste. » — « Il est de l’essence d’une religion d’être intolérante, dit-il encore, c’est-à-dire d’imposer une même croyance à tous ceux qui en font partie, il est de l’essence d’une philosophie d’être compréhensive, c’est-à-dire d’admettre dans son sein toutes les opinions. — « Dans la religion naturelle la raison humaine est la seule autorité reconnue, et tout homme la trouve en lui-même. » Quelque puissante que soit la raison humaine, et nous la verrons à l’œuvre tout à l’heure, il n’en reste pas moins évident pour tous ceux qui ont un peu l’expérience de l’humanité, que sous couleur de liberté et de personnalité humaine, les philosophes, qui préconisent la

      religion rationnelle, jetteraient au milieu des |9 hommes, s’ils pouvaient réussir à faire prévaloir leurs systèmes, des éléments

      indestructibles de ruine et de désordre.


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      Jules Simon (1814-1896)


    2. Religion rationnelle et Religion naturelle.


      Nous verrons, en analysant l’ouvrage de M. J. Simon, qu’il a employé le mot naturelle dans le même sens que le mot rationnelle ; il ne sera peut-être pas inutile de chercher, avant d’entrer dans l’étude de son livre, comment il a été amené à cette substitution, et ce qu’il serait possible et permis d’entendre par ces mots : religion naturelle, et religion rationnelle.


      La religion naturelle est évidemment comprise dans ces préceptes généraux de morale, connus sons le nom un peu vague de loi naturelle, gravés si profondément par la main de Dieu dans le cœur de l’homme, que la dépravation la plus éhontée de Rome et Athènes n’a jamais pu les en effacer entièrement. Fortifiées par ces préceptes, les traditions primitives, si intéressantes à rechercher et à suivre, se perpétuèrent à travers le paganisme, et y firent naître une religion positive, qui d’autorité imposait des dogmes et un culte. Guidés par eux, les philosophes s’efforcèrent avec les lumières de leur raison de dégager des superstitions grossières de la multitude le dogme pur de la divinité et de la destinée humaine, et, tout en fondant par leurs travaux la philosophie rationnelle, ils reconnaissaient comme nécessaire le principe d’autorité, pour eux d’abord, parce qu’ils se croyaient possesseurs de la vérité, pour la religion surtout, destinée à retenir les hommes dans une même patrie, dans une même communauté d’idée et de sentiments.

      La religion naturelle existait donc dans l’antiquité, se manifestant et par les cérémonies du culte, par les sacrifices en particulier, et par les efforts mêmes des philosophes pour atteindre la vérité ; la religion rationnelle existait aussi manifestée par l’argumentation opposée des sectes de philosophie, qui toutes s’en attribuaient la connaissance. C’est au milieu du conflit de ces différentes écoles, au moment où les épicuriens, |9 les sceptiques et les stoïciens s’arrachaient le sceptre de la raison, que naquit la religion chrétienne ; pour ne

      pas avoir à changer d’expression dans le cours de cette étude, je dirai tout de suite, la religion catholique.


      Faisant remonter sa divine origine au commencement du monde, et je dirais au-delà, si une semblable discussion ne dépassait les bornes que je dois m’imposer, elle venait répondre à toutes les questions des philosophes, enseigner à l’homme, ce sont les termes de M. J. Simon, « son origine, sa règle et sa fin, c’est-à-dire tout ce qui lui est nécessaire pour la direction et la consolation de sa vie. Elle venait dire à l’homme (je continue à citer) ce qu’est ce Dieu dont la pensée nous revient sans cesse ; s’il est un Dieu indifférent, solitaire, étranger au monde qu’il a produit ; s’il a besoin de nos respects et de nos prières, s’il nous a donné une loi et soumis à une épreuve ; s’il nous réserve une autre vie après celle que nous traversons ; où vont les âmes de nos parents, de nos amis, dont les corps sont rendus à la terre ; si nous sommes à jamais séparés de nos morts ; si enfin il n’y a rien au-delà du tombeau. » C’était au nom de Dieu que parlait la religion catholique, c’était au nom de Dieu qu’elle s’imposait à la raison humaine, qui certes lui était alors aussi hostile qu’aujourd’hui, et qui plus qu’aujourd’hui avait les moyens de vérifier les faits ; elle triompha, et réunit dans son sein, en leur donnant la paix et la véritable science, les plus illustres génies, les plus célèbres philosophes que le paganisme avait laissés derrière lui.

      J.-C.6 avait confirmé, éclairé les préceptes de la religion naturelle, avait-il aboli la religion rationnelle ? Entendons par religion rationnelle la raison, appliquée à la démonstration des vérités religieuses. J.-C. n’avait pas recours à l’autorité pour appuyer sa mission ; pauvre, méprisé, il ne donnait à sa parole d’autre autorité que celle de sa vie ; exigeait-il une soumission aveugle et irréfléchie, lui qui disait aux pharisiens, ces philosophes superbes : Voyez mes œuvres et vous croirez en moi ? Qui oserait le dire ? Mais il autorisait, il sanctifiait par ces paroles la religion rationnelle. Par la révélation des dogmes

      sur la nature de Dieu, sur la nature de l’âme, il fixait |11 à la raison ses limites, et nous verrons bientôt à cet égard comment

      M. J. Simon les fixe lui-même ; mais il lui disait aussi : examine mes œuvres, vois si elles sont d’un Dieu, et crois en moi. J.-J. Rousseau, ce philosophe si souvent en contradiction avec lui-même et pourtant si révéré du XVIIIe siècle et du nôtre, n’a-t-il pas dit : Si la vie et la mort de Socrate sont d’un sage, la vie et la mort de Jésus sont d’un Dieu7 ? Ne citez-vous pas vous même les paroles de l’Évangile ? et votre raison, qui vous crie si souvent : je ne comprends pas, ne peut-elle pas, ne doit-elle pas après tant de discussions accepter des faits, qu’il lui est si

      facile de constater et de vérifier ? Car la religion catholique n’est pas seulement un dogme, elle est un fait, et un fait assez important dans l’histoire pour mériter qu’on l’examine. Vous ne pouvez pas seul, avec votre seule raison, vous mettre en face des dix-huit siècles qui viennent de s’écouler, en face des magnifiques génies qui ont adopté et démontré le catholicisme, et leur dire audacieusement en mettant la main sur vos yeux : je ne vous vois pas…


      6 Jésus-Christ (B.G.)

      7 Tout ce passage mérite d’être lu avec une attention particulière, Émile, livre IV (note de l’auteur).

      La religion catholique et la religion rationnelle se sont, à travers dix-huit siècles, majestueusement avancées, appuyées l’une sur l’autre : De même, disait saint Anselme8, que nous croyons les profonds mystères de la foi chrétienne avant d’avoir la présomption de les sonder par la raison, de même ce serait à nos yeux une coupable négligence, lorsque nous confirmés dans la foi, de ne pas travailler avec zèle à comprendre ce que nous

      savons. Mais peu à peu, au milieu de la corruption des mœurs, au milieu des exigences de la vie matérielle devenues sans cesse plus actives, l’amour et avec lui la connaissance de la religion s’altéra ; le catholicisme qui, ainsi que toutes les autres sciences, ne se comprend, ne se connaît que par l’amour et la pratique, fut bientôt considéré comme une étude inutile ou superflue. La pratique une fois perdue, on ne sut plus découvrir en lui que ce qui choque la raison ; on oublia ce qui la vivifie, ce qui l’élève jusqu’à Dieu ; le protestantisme, tout en

      conservant l’Ecriture, avait habitué les esprits |12 à une liberté de penser sans règle et sans mesure, et l’on en vint à Critiquer9

      ce que l’on ne connaissait plus. La philosophie recula de dix- huit siècles : jusque-là, par ses propres réflexions, elle avait connu l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme, les préceptes de la morale ; par le Verbe divin, dont elle même avait pu constater l’apparition sur la terre, elle avait connu la nature de Dieu et le culte qu’elle devait lui rendre, la nature de l’homme et les causes de sa faiblesse en même temps que les sources de sa force, la nature de l’âme et sa destinée après la mort. Elle effaça de sa croyance, elle crut n’avoir jamais appris tous ces


      8 Rationalisme chrétien, par M. Bouchitté (note de l’auteur). Cet ouvrage d’Hervé Bouchitté (1795-1861), professeur d’histoire au collège royal de Versailles, s’intitulait plus précisément : Le Rationalisme chrétien à la fin du XIe siècle, ou Monologium et Proslogium de saint Anselme, archevêque de Cantorbéry, sur l’essence divine, traduits et précédés d’une introduction, Paris, Amyot, 1842 (B.G.).

      9 Critique de la Religion, par Kant (note de l’auteur).

      dogmes, elle osa dire que la discussion même en était inutile et humiliante pour la raison, elle ne conserva je ne dirai pas même que les préceptes, oubliés aussi, mais que les principes de la religion naturelle, et elle recommença glorieusement les travaux d’Aristote et de Platon.


      Entre la religion naturelle et la religion rationnelle, la confusion devint dès lors facile, et puisque la philosophie trouvait en nous-mêmes et la religion et la preuve de la religion, il lui devenait indifférent d’adopter l’un ou l’autre de ces noms.


      M. J. Simon a préféré le dernier comme plus conforme au dessein de son livre.

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    3. Religion positive et Religion naturelle.


      Sur la terre, cette vaste arène, où s’exerce et combat la liberté humaine, deux religions sont en présence, l’une positive, appuyée sur l’autorité, « offrant nécessairement à l’homme un symbole clair et précis pour le dogme, une église organisée et puissante pour la discipline, un culte régulier, dont toutes les pratiques sont définies ; » s’imposant au nom de Dieu, au nom de Dieu obligeant la raison à croire ses enseignements, qu’il lui est seulement permis de constater et d’étudier, mais assurant en retour de cette soumission volontaire la paix du cœur, le calme

      de l’intelligence, la sécurité de la certitude, |13 réunissant enfin tous les hommes dans la vie présente comme dans la vie future ;

      l’autre naturelle, « pour qui l’autorité n’est rien, qui n’a de valeur pour celui qui l’entend émettre, que celle qu’il voudra bien lui accorder après l’avoir examinée ; et qui, sur beaucoup de points essentiels où les données lui manquent, se sent inachevée, hésitante, incomplète ; qui a autant de symboles que d’écoles, et des symboles manquant trop souvent de précision et de clarté, qui n’a ni église, ni hiérarchie, ni discipline, où il ne peut y avoir de pratiques déterminée, car les prémisses manquent pour les établir et l’autorité manquerait pour les faire exécuter, » qui par conséquent, en laissant à la raison toute sa liberté, ne satisfait ni le cœur, dont elle ne peut adoucir les amertumes, ni l’intelligence, à qui elle jette le doute et l’inquiétude ; qui enfin divise les hommes pendant cette vie, sans assurance de les réunir dans l’autre.

      « Et cependant on ne peut nier la possibilité qu’un philosophe soit en même temps fidèle à une religion positive : car, en se plaçant à un point de vue abstrait, on voit qu’il n’y a point de contradiction à admettre d’un côté que Dieu nous ait rendu capables de connaître la vérité par les lumières naturelles, de l’autre qu’il nous ait révélé directement les vérités utiles au salut. — Il n’y a rien dans l’essence de la religion positive qui nécessite une contradiction entre leurs dogmes respectifs. » (Livre du Devoir, 415.) « Il y a des esprits en grand nombre qui se reposent avec bonheur dans la clarté, dans la sécurité de la foi révélée, mais il en est d’autres qui ne sauraient admettre le principe de la révélation, ou qui, ne pouvant croire à toutes les vérités enseignées par l’église, et comprenant qu’on ne fait pas sa part à la parole de Dieu et qu’il faut l’accepter ou la rejeter tout entière, se sentent obligés de renoncer à la religion positive, et se livrent sans réserve à la philosophie. »


      L’opposition des deux religions et de leurs disciples est ainsi nettement tranchée ; il eût été sans doute plus utile aux hommes, plus digne par conséquent d’une saine philosophie, de discuter les droits de la religion positive, afin de lui ramener les esprits qui la repoussent, et de leur donner à eux-mêmes |14 cette sécurité qu’ils ne peuvent trouver qu’en elle. L’œuvre était certes digne du cœur et du talent de M. J. Simon. Sa parole ardente et convaincue, qui charmait et qui entraînait autrefois ses auditeurs, aurait, avec bien plus d’autorité encore, persuadé tous ceux qui vont lire son livre. Il aurait alors réellement

      « inspiré aux âmes attristées et désolées le sentiment religieux, il aurait contribué efficacement à rétablir entre les hommes une société fraternelle, des vertus vraiment solides ; il aurait ranimé toutes les espérances, relevé tous les courages, raffermi les consciences ébranlées, consolé, pacifié les cœurs souffrants. »

      Mais M. J. Simon a mieux aimé borner pour cette fois sa tâche à la démonstration rationnelle des deux ou trois dogmes qui composent la religion naturelle.


      « Il y a un Dieu bon et tout puissant, qui a créé le monde et qui le gouverne. Ce Dieu nous a mis ici-bas pour nous y éprouver par la douleur et le sacrifice, et nous préparer à la vie immortelle et bienheureuse, qu’il nous garde au-delà du tombeau. Voilà par ces grands dogmes la religion naturelle fondée. » La démonstration de ces vérités partage le livre en trois parties : Existence de Dieu et création, — Providence, — Immortalité, — Une quatrième est consacrée au culte, résultat nécessaire de ces dogmes. Je résumerai rapidement les arguments de M. J. Simon, et je m’attacherai surtout à montrer ce qu’il y a d’incomplet dans son livre. La religion naturelle peut indiquer la voie, mais elle n’est pas la voie ; elle peut élever l’âme vers Dieu, mais elle ne mène pas jusqu’à lui, et il est à craindre que, faute de réflexion ou entraînés par les préoccupations de la vie, bien des esprits ne s’arrêtent à la superficie : combien je serais heureux si j’avais pu épargner un danger, amener une pensée salutaire, contribuer enfin à faire naître dans une seule âme la sécurité de la certitude !

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    4. Existence et incompréhensibilité de Dieu. Création.


      La croyance à l’existence de Dieu, innée dans l’homme, se développe naturellement dans son cœur par la société, par l’expérience, |15 par l’éducation, et la démonstration de cette vérité « n’a pas d’autre but que de transformer en dogme philosophique une croyance irréfléchie et spontanée. » Tous les

      philosophes ont apporté leur pierre à ce magnifique édifice ; Platon, Descartes et les spiritualistes ont plus que tous les autres contribué à l’élever ; mais c’est de la philosophie tout entière qu’il faut faire une démonstration philosophique de l’existence de Dieu. Dieu se manifeste dans chacune de nos facultés. Fait à l’image divine, « l’homme est un dans son principe, triple dans ses manifestation. Vivre c’est penser, sentir, vouloir. » Mais tous ces arguments ne suffisent pas « pour lutter contre les obscurités et les défaillances de la pensée, contre les mille objections des incrédules, contre les difficultés de la vie et les appréhensions de la mort. Celui-là seul a une croyance véritable, qui s’est accoutumé à vivre avec Dieu par le cœur et par la pensée, à le retrouver au bout de toutes ses recherches, à le mettre dans toutes ses espérances. »


      Mais si nous pouvons affirmer l’existence de Dieu, nous ne pouvons comprendre ni sa nature, ni ses attributs. Dieu supérieur mais non contraire à la raison, lui est nécessairement

      incompréhensible, comme le sont au reste tous les principes des sciences. Les savants constatent, décrivent les phénomènes, les expliquent-ils ? Savent-ils ce que c’est qu’un corps, une substance, une qualité ? Comprennent-ils le mouvement, le moindre de leurs mouvements ? Quelques philosophes ont voulu confondre Dieu avec la matière, d’autres avec l’espace, avec le temps ; mais le temps est-il autre chose que l’ordre de succession des phénomènes ? l’espace, autre chose que l’ordre de coexistence ou de contiguïté ? ne sont-ce pas deux formes du vide, un pur néant ? Il ne peut pas entrer dans notre plan de résumer les longues discussions soulevées par ce problème ; qu’il nous soit seulement permis de dire que la réalité du temps et de l’espace trouve un puissant argument dans le sens commun, qui, s’il ne nous les fait pas connaître, nous 1es affirme au moins d’une manière invincible. Quoi qu’il en soit de leur nature, il est certain, il est évident que Dieu n’est pas éternel dans le temps, infini dans l’espace ; il y aurait contradiction dans les termes. Dieu les a créés tous deux ; il est

      et il |16 dure en dehors d’eux. C’est l’espace, c’est le temps qui sont en lui. Si j’osais ajouter une comparaison suggérée par

      Pascal, je dirais que le temps, l’espace, toutes les créatures semblent vivre au sein d’une sphère immense dont Dieu est la circonférence, circonférence infinie que la raison de l’homme ne peut mesurer. Dieu, hors de tout ce qui est en lui, mais le pénétrant cependant comme par un millier de rayons, qui s’élanceraient de la circonférence au centre, Dieu n’a pas à se souvenir, à prévoir ; il sait, il voit, et par ces milliers de rayons par lesquels il pénètre ses créatures, ses créatures s’élèvent à lui, l’approchent plus ou moins, le contemplent et l’adorent.


      Tout ce qui est en Dieu n’a pu se donner l’être à soi-même, et n’est et ne subsiste que par un acte permanent de sa volonté souveraine. La création m’est démontrée par l’impossibilité même où vous êtes d’en démontrer l’impossibilité. Dualistes et

      panthéistes de tous les siècles, de toutes les écoles, vous avez également erré : vous, en voulant faire la matière éternelle et coexistante à Dieu, vous avez détruit la nature même de Dieu ; vous, en voulant faire de Dieu la substance unique, le sujet immédiat de toutes les qualités, vous avez été amenés à la négation de Dieu, à la négation de l’univers, que dis-je, à la négation même de l’être ; vainement vous cherchez des contradictions entre le dogme de la création et les perfections divines, vainement vous condamnez Dieu à la dépendance, à l’injustice et à l’impuissance ; si quelques-unes de vos objections paraissent insolubles à la faiblesse humaine, le sens commun vous répond et la Providence vous accable.


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    5. Providence.


      Qui n’aperçoit la main de Dieu imprimée sur toutes les merveilles qui nous environnent ? La Providence gouverne directement le monde et l’homme. Mais le monde, dites-vous, est inachevé, imparfait, contradictoire ; le mal physique y abonde ; le mal moral y forme comme un monde à part en opposition constante avec la Providence, avec la nature même

      de Dieu. |17


      Ouvrez les yeux : « une science plus haute, en rectifiant et en étendant vos idées, vous découvrira de nouvelles analogies, de nouvelles splendeurs, elle ajoutera à votre foi loin d’y retrancher. » Le monde physique est plein d’obscurités, à peine en connaissez-vous quelques lois et vous avez la témérité d’appeler mal ce qui deviendrait un bien même à vos yeux si vous le connaissiez ! Le mal pour l’homme, ce n’est souvent rien autre chose que la limite de ses facultés ; taxerez-vous Dieu d’injustice ou de faiblesse, parce qu’il vous a refusé un sens de plus ? Savez-vous vous-même ce qui vous manque ? Être fini et borné, vous êtes sur la terre pour y acquérir par votre travail le commencement de la science, pour y mériter par votre vertu la science tout entière et au lieu de travailler et de mériter, vous murmurez et vous blasphémez. Vous souffrez, dites-vous ; vous êtes en proie à mille maladies ; mais descendez en vous-mêmes et dites-moi si vous n’en êtes pas souvent la première cause, si vous ne portez pas peut-être la peine des excès de vos pères. Dîtes-moi encore si ces souffrances, dont vous vous plaignez, n’ont pas été souvent pour vous un avertissement salutaire ; si

      elles ne vous ont pas quelquefois arraché au vice, si tous les jours elles ne servent pas à purifier, à élever votre âme ? Vous en convenez, mais vous vous en faites encore une arme contre la Providence. Vous ne pouvez, dites-vous, échapper à ces souffrances, résultat .nécessaire de vos passions ; elles vous envahissent malgré vous, votre âme aveuglée ne sait plus même distinguer le bien, votre corps se révolte tout entier et vous précipite vers le crime. Ah ! voilà le mal, le vrai mal, je le veux avec vous ; voilà ce qui doit être à jamais le sujet de vos pleurs et de vos gémissements ; mais prenez garde, ce mal vient de vous et de vous seul ; vous êtes libre, voudriez-vous ne l’être plus ? —Oui, sans doute, et Dieu m’a traité en tyran quand il m’a donné la liberté de l’offenser. — Vous avez blasphémé. Dieu vous a imposé, il est vrai, un temps d’épreuve pour mériter de le voir, de le comprendre, de l’aimer pendant toute son éternité ; mais ce temps est si court ; mais il vous a entouré de tant de merveilles, il vous soutient constamment par tant de bienfaits, il vous appelle par tant de promesses qu’en vérité

      c’est vous-même, |18 c’est vous seul que vous condamnez, quand vous osez bien dire que vous ne pouvez résister au mal.


      Ici se présente une difficulté que la philosophie rationnelle n’a jamais pu et ne pourra jamais éclaircir. Comment le mal est-il entré dans le monde ? M. J. Simon procède par élimination, il écarte les explications proposées par les différentes écoles, il n’en propose aucune. Il commence par repousser le dogme de la déchéance et de la transmission de la faute originelle, « sans tenir compte, dit-il, de la doctrine révélée. Le dogme du péché originel est dans le christianisme indissolublement lié à celui de la rédemption…. La philosophie ne peut considérer cet ensemble de dogmes que du dehors. Il repose sur une base qui lui est étrangère, sur la révélation, et contient selon son droit de doctrine révélée des allégations inaccessibles à la raison humaine... La théorie de la chute a été inventée pour concilier

      l’existence du mal et celle de la Providence, et le dogme du péché originel est dans la religion chrétienne l’origine de la rédemption, etc. » Nous dirons, nous, que la théorie de la chute a été non pas inventée mais acceptée par les philosophes anciens. M. J. Simon connaît mieux que nous les récits des poètes antérieurs à toutes les sectes ; il sait avec quel soin Platon rappelle les antiques traditions. Les philosophes n’ont fait que les développer et les réduire en théories, qu’il a sans doute raison de rejeter à cause des erreurs qui y ont été mêlées. Mais est-il possible d’établir une distinction sérieuse entre la simple théorie de la déchéance et le dogme du péché originel, d’examiner l’une sans examiner l’autre ? et si l’intelligence est satisfaite, autant que peut l’être l’intelligence humaine, par les dogmes catholiques, pourquoi refuser de les discuter, pourquoi les rejeter sous le prétexte de leur origine ? Eh ! quoi, toutes les sciences naturelles se réunissent aujourd’hui pour vérifier les récits de la genèse en ce qui touche la création de la matière, et la philosophie, la science de l’homme, croirait s’abaisser, si elle servait à les justifier en ce qui touche l’âme de l’homme !


      M. J. Simon repousse ensuite avec une remarquable logique la théorie du progrès et celle de l’optimisme, il les remplace |19 par une doctrine qu’il appelle lui-même un optimisme mitigé. La réponse est excellente et ce qu’elle doit être pour le mal physique, mais le mal moral reste tout entier et sans contrepoids. La lutte de la passion et du devoir reste avec toute son âpreté, et la religion naturelle ne suffit pas, l’aveu est sur le bord de vos lèvres, pour soutenir le cœur de l’homme : Nous avouons avec vous que Dieu n’a pas créé l’homme plus enclin

      au vice qu’à la vertu ; mais pénétrés de notre faiblesse nous croyons avec le catholicisme, avec d’illustres philosophes, Bacon, Descartes, Pascal, Malebranche, Leibnitz, Euler, que l’homme n’est plus ce qu’il était, qu’il est tombé, qu’il s’est soumis volontairement lui et toute sa race à l’ignorance et à la

      concupiscence, et dans l’aveu de notre faiblesse, nous retrouvons la force, le contrepoids à nos passions ; la grâce, par laquelle Dieu tient tous les cœurs en sa main10. Si à l’heure qu’il est, dites-vous, quelque part, Dieu par sa volonté souveraine, ôtait du monde la moitié du mal qu’il y laisse, les ennemis de la Providence diraient encore demain ce qu’ils disaient hier, à moins, ajoutez-vous, que leur cœur ne soit

      changé. Et qui donc pourrait changer si subitement ce cœur orgueilleux, si ce n’est la grâce de celui-là même qui l’a créé, et qui l’a créé pour lui, la grâce de celui qui l’a racheté ?


      Aux yeux de la raison, dit M. J. Simon, ajoutons de suite afin qu’on ne puisse s’y méprendre, aux yeux de la raison livrée à elle-même et se privant volontairement des lumières du catholicisme11, il y a contradiction entre un Dieu éternel, créateur du temps et de l’espace, un Dieu souverainement parfait, s’occupant de la créature imparfaite ; entre un Dieu créant l’homme libre, coopérant cependant aux actes de l’homme. Attribuer en effet à Dieu une autre pensée que lui-

      même, c’est l’amoindrir, c’est admettre en lui le changement, c’est nier son immutabilité, avec elle son éternité, c’est par conséquent le nier lui-même.


      Toutes les écoles ont compris ces difficultés : les unes en ont conclu l’éternité de la matière, d’autres la confusion de la matière avec Dieu ; M. J. Simon les a réfutées dans ses précédens chapitres. Mais pour toutes le bon sens, les faits


      10 Bossuet (note de l’auteur).

      11 Il est utile de rapprocher ici une phrase du même ouvrage, p. 406 : « Le

      Catholicisme, dit M. J. Simon, sans que le dogme de la toute-puissance divine en soit même effleuré, place la tentation à côté de la grâce, etc. » Le catholicisme est donc quelquefois pour la raison un appui, il lui épargne donc des contradictions (note de l’auteur).

      prouvaient évidemment l’action de Dieu sur le monde, c’était donc à la nature même de Dieu, qu’il fallait demander une explication. Par une étrange conformité d’idées, qu’il n’eût pas été peut-être hors de propos d’étudier et de discuter, c’est en admettant un Dieu à la fois un et triple que la philosophie orientale et la philosophie grecque ont cherché la solution du problème. Après J.-C., soit qu’elles aient continué les traditions anciennes, soit qu’elles aient voulu expliquer les mystères du catholicisme et les considérer comme de simples allégories, la philosophie alexandrine et la philosophie allemande ont encore admis en Dieu l’unité et la trinité.


      M. J Simon a bon marché de toutes ces trinités, qui ne tiennent à aucun système dogmatique, et qui conduisent toutes à la négation de Dieu, à la subversion de la morale, au fatalisme et à ses absurdes conséquences. Il passe ensuite à côté de la trinité catholique, il admire le lien qui rattache ce dogme à tous les autres, et qui en fait le fondement de la religion, puis il l’écarte d’un geste : « Le dogme de la Trinité, dit- il, n’est pas seulement incompréhensible, il constitue ce que l’on appelle un mystère. À ce titre il peut être admis dans une religion, il n’a pas de place dans la philosophie. » M. J. Simon peut-il donner à penser que la religion catholique nous oblige à croire contre ou malgré notre raison, elle qui nous invite sans cesse à contrôler sinon notre croyance, au moins les motifs de notre croyance. Leibnitz répondait, il y a déjà près de deux siècles, aux adversaires du catholicisme, et M. J. Simon lui-même emprunte plusieurs passages au discours que je cite : Il suffit que nous ayons quelque intelligence analogique d’un mystère… afin qu’en le recevant nous ne prononcions pas des paroles entièrement destituées de sens. Plus loin il nous fait remarquer que l’homme peut toujours comprendre le pourquoi sinon le

      comment du mystère. Chaque mystère a en effet deux |2 aspects, celui de Dieu, celui de l’homme ; nous ne comprenons

      pas ce qu’il est du côté de Dieu, c’est le comment ; nous voyons bien ce qu’il est du côté de l’homme, c’est le pourquoi. Comment Dieu est-il un et triple ? nous l’ignorons ; pourquoi ? c’est qu’il nous a créés, c’est qu’il nous a rachetés, c’est qu’il nous sanctifie. L’homme a été fait à l’image de Dieu, et M. J. Simon nous l’a montré un dans son principe, triple dans ses manifestations. Il nous a montré le statuaire distinct et de la pensée de sa statue, et de l’amour qu’il porte à son œuvre. Ne sont-ce pas là de frappantes analogies ? N’est-ce pas là encore la multiplicité dans l’unité ? Quoi ! vous proclamez bien haut le dogme de la création, c’est-à-dire l’existence d’êtres contingents créés par Dieu, et ne subsistant que par lui, sans être dieux ; vous admettez l’union bien plus étrange de l’esprit et de la matière pour former un seul être, dont la vie vient de Dieu, et vous pensez encore que la philosophie, que la raison répugne à admettre l’Être par essence, engendrant éternellement et nécessairement sa Pensée, et avec elle produisant l’Amour de sa pensée pour lui-même ; l’infinie Perfection se connaissant et s’aimant éternellement, en un mot Dieu unique dans son essence, triple dans ses personnes !.De quel côté trouvez-vous donc plus d’obscurité ?


      Mais ce n’est pas tout, car sous tous vos pas vont naître les difficultés. La raison pure ne peut pas davantage concilier « la perfection et l’unité immobile de Dieu avec tous les attributs de la Providence, la bonté, la prévoyance, la sollicitude, l’action incessante. » Mais le bon sens, ce bon sens du cœur plus sûr que celui de la raison, nous crie que « Dieu connaît chacun de nous par son nom, qu’il assiste à toutes nos œuvres. » Tenons- nous-en à cette assurance, et avouons que les attributs de Dieu et la Providence, sont également démontrés et incontestables, que l’immobilité et la Providence coexistent en Dieu sans que nous puissions nous en rendre compte. » Il serait téméraire, après cet aveu, d’essayer d’établir une théorie des lois

      générales. S’il est vrai de dire, et nous le proclamons tous, que

      « les lois de Dieu ne peuvent varier au gré de nos désirs mal réglés et de nos frivoles passions, » il est vrai de dire aussi que Dieu, créateur d’un être borné et |22 fini, a égard à la faiblesse de sa créature. Une théorie trop absolue des lois générales irait droit à la négation des faits miraculeux les mieux constatés par

      l’histoire, irait droit à la négation de toute religion positive, puisque celle-ci ne peut reposer que sur une révélation divine, par conséquent sur un miracle, et la raison admet pourtant qu’il n’y a point de contradiction entre la religion naturelle et la religion positive.


      Il existe sans contredit des lois générales : entre tous les êtres qu’il a créés, Dieu a établi des ressemblances et des différences ; à tous il a imposé une fin, et il a fourni les moyens de l’atteindre. La science peut aborder l’étude de ces phénomènes. Dieu a donné à l’homme pour les reconnaître et les classer un admirable instrument, l’analogie, mais si faible encore qu’à peine pouvons-nous affirmer que ses conclusions soient plus que des hypothèses. Gouvernant un monde contingent, ces lois sont évidemment contingentes elles-mêmes, et la raison n’oserait pas dire qu’il fût impossible à Dieu de les suspendre ou de les modifier. En dehors de ces phénomènes, qui tombent sous nos sens, et par lesquels il a plu à Dieu de nous révéler une partie de sa puissance, les lois générales sont inaccessibles à la raison humaine. Nous n’avons ni ne pouvons avoir la connaissance complète, adéquate d’aucune d’elles. J.-C. rendait la vue à un aveugle-né (ce n’est pas le lieu de discuter le miracle), et à ceux qui lui demandaient si cet homme était aveugle à cause de ses péchés ou de ceux de ses pères : Il l’est, répondit le Sauveur, afin que les Œuvres de Dieu éclatent en lui. Savons-nous, la philosophie sait-elle si chaque homme n’a pas comme cet aveugle sa mission spéciale et tracée de toute éternité ?

      Dans le monde moral l’intervention divine n’est pas moins évidente pour nous. Dieu a bien voulu que la raison suffît pour nous faire distinguer le bien et le mal, mais il l’a laissée impuissante à nous faire pratiquer l’un, à nous faire éviter l’autre ; c’est là l’œuvre spéciale de la grâce, qui bien loin de détruire la liberté, l’aide bien plutôt et la fortifie ; c’est par elle que Dieu agit en nous. La raison la nie, parce qu’en niant la

      chute originelle, elle ne peut admettre que la liberté de l’homme soit affaiblie et ait besoin d’un secours surnaturel pour se |23 porter vers le bien. Mais si ce dogme ne trouve pas sa place dans la philosophie, il y trouve du moins une remarquable analogie : « En nous avertissant par les appétits, dit M. J. Simon dans son Livre du Devoir, de la nécessité d’accomplir les

      fonctions, la nature nous donne du même coup un second avertissement, celui de ne pas accomplir les fins de l’appétit en l’absence de l’appétit lui-même. Elle nous nous prend pour ainsi dire dans sa main, et nous soustrait autant qu’elle le peut, sans détruire la liberté, à notre paresse, à notre légèreté et à notre intempérance. » Y a-t-il donc contradiction à croire que Dieu, qui a pris pour notre corps, pour cette partie de nous- même qui n’est rien, des soins si minutieux, les prenne encore, et sans détruire la liberté, pour notre âme, pour cette partie de nous-mêmes, qui seule constitue notre personnalité et nous fait hommes. Nous sommes dans un temps et dans un lieu d’épreuve, mais nous sommes éprouvés par un Dieu souverainement juste, souverainement bon, qui connaît la faiblesse de sa créature, qui veut l’amener à lui, et, tout en reconnaissant que c’est de toute éternité qu’il connaît ce qu’il voit jusque dans leurs détails les plus infimes la marche des événements, nous croyons qu’il sait et qu’il veut les faire servir à notre sanctification ; nous croyons que le monde physique n’est pour lui qu’un moyen, et que le salut de notre âme est sa véritable, son unique fin.. Eh ! quoi ! mon Dieu, parce qu’il vous a plus de limiter à notre égard votre puissance, nous

      oserions dire que vous n’êtes plus le Dieu immuable et éternel ! Votre soleil est-il donc moins pur, moins beau, moins éclatant, parce que, cachés derrière nos demeures, nous ne sentons ni sa chaleur, ni sa lumière ? Comme son ardeur vivifiante pénètre nos corps même à notre insu et comme malgré nous. Ah ! puissions-nous vous connaître ! puissions-nous, confondus tous dans une même croyance, atteindre tous avec la même sécurité

      l’immortalité bienheureuse, telle, ô mon Dieu, que vous nous la promettez ! |24


      image


    6. Immortalité.


      La philosophie peut bien démontrer à l’homme la nécessité d’une autre vie : notre âme immatérielle ne peut mourir ; aucune de nos facultés capitales ne trouve son emploi dans ce monde, notre amour n’y est jamais assouvi, notre intelligence jamais satisfaite ; le mal règne sur la terre, le juste y souffre, le méchant y prospère ; il faut bien, si Dieu n’est pas trompeur, s’il est souverainement juste, que nous trouvions au-delà de cette vie l’amour parfait, la vérité absolue. Il faut bien que le vice soit puni, que la vertu soit récompensée. Cela dit, elle est contrainte de se taire ; née de l’homme, elle ne peut rien lui apprendre que ce qui est en lui.


      La religion positive, et ne parlons ici que de la religion catholique, la seule qui puisse être en cause, ne se contente pas d’affirmer à l’homme son immortalité, elle lui révèle encore la destinée qui l’attend. Son âme, suivant qu’elle se sera attachée à Dieu ou l’aura méconnu, vivra éternellement en sa présence ou éternellement loin de lui. Suivant qu’elle aura pratiqué la vertu ou commis le mal, elle vivra éternellement récompensée par d’ineffables délices, ou éternellement punie par d’indicibles tortures.


      Si la philosophie essaie de nous dire quelle sera notre récompense dans l’autre vie, elle outrepasse ses droits ; ses assertions restent sans preuves. La parole de Bossuet, que cite

      1. J. Simon, n’est pas la parole d’un homme, d’un philosophe, elle est la parole même de l’Evangile, la parole révélée, elle est

        par conséquent en dehors de la raison. Et comment d’ailleurs la récompense pourrait-elle entrer dans le domaine de la philosophie, quand « le châtiment lui reste étranger ? »


        La raison peut suffire pour nous prouver que la vie est le seul temps d’épreuve que la Providence nous ait imposé ; que nous ne devons pas, perdant le souvenir et avec lui notre personnalité, rouler successivement d’épreuves en épreuves, de mondes en mondes ; qu’une fois notre vie terminée, avec elle |25

        expire notre liberté, et qu’ainsi nous resterons pendant toute l’éternité ce que nous serons à l’heure de notre mort, amis ou ennemis de Dieu.


        Mais s’il est vrai qu’à notre mort l’épreuve cesse, la liberté expire, s’il est vrai qu’entre le bien et le mal, entre Dieu et le péché il y a une opposition éternelle, comment peut-il être vrai que « aucun principe de la raison ne conduit à l’éternité des peines, et ne permet de l’admettre. » La raison peut-elle de son plein droit créer aux coupables un droit imaginaire contre la justice de Dieu ? De quel droit la philosophie, « dans l’ordre des spéculations accessibles à la raison humaine, écarterait-elle celles qui ne roulent que sur les châtiments ? » Ce serait une fausse et coupable pitié. C’est un devoir pour la saine philosophie de montrer à l’homme tout ce qu’il peut espérer, tout ce qu’il peut craindre. Lorsque la chute est séduisante, lorsque l’abîme appelle et fascine, alors certes, pour retenir l’homme sur la pente du précipice, ce n’est pas trop de l’alternative terrible et irrévocable offerte par le dogme

        chrétien12. C’est par un bienfait de sa miséricorde que Dieu a opposé les peines de l’enfer aux séductions de ce monde : le

        néant nous aurait-il arrêtés, quand une éternité de supplices y suffit à peine ?


        12 Henri Martin, La Vie future, p. 294 (note de l’auteur).

        Mais « cette éternité, dites-vous, supprime un des deux caractères de la peine, la purification, l’amélioration ; elle exagère l’autre au-delà du possible, car il n’y a pas de faute temporelle qui appelle une punition éternelle. » — Pendant le temps le temps de l’épreuve, pendant que l’homme libre encore peut par un acte de sa volonté mériter ou démériter, « La peine a en effet, nous le reconnaissons avec vous, cette double raison d’être : l’expiation de la faute, l’amélioration du coupable. » C’est ainsi que pendant notre vie Dieu multiplie autour de nous les malheurs publics et les malheurs particuliers, conséquence sans doute de lois générales, prévus de toute éternité, mais en même temps avertissements paternels d’une Providence miséricordieuse, qui veut la conversion et non la mort du

        pécheur. À l’homme qui a abusé de sa liberté, à l’homme |26

        aveuglé, par une trop longue prospérité, Dieu envoie ou la maladie ou la ruine, pour lui rappeler qu’il existe au-delà de cette vie des joies plus pures, des biens plus précieux que les voluptés, que les richesses de la terre. À la nation qui oublie ou qui méconnaît ses lois, Dieu envoie quelqu’un de ces redoutables fléaux, dont la science humaine ne peut pénétrer le secret, pour l’avertir qu’elle aussi elle a des devoirs à remplir envers sa souveraine puissance. Voilà des peines qui expient et qui améliorent, parce qu’en changeant la direction de la volonté, elles peuvent la ramener au bien, la convertir ; mais au- delà du tombeau, quand la liberté a expiré, la peine expie, elle ne justifie plus.


        Certes, ce n’est pas une faute temporelle que celle qui, librement commise par une volonté immortelle a osé offenser un Dieu immortel : et si Dieu pouvait un jour admettre en sa présence l’homme, qui, pendant sa vie, a volontairement refusé de le reconnaître, sa miséricorde dégénérerait en faiblesse, la Justice infinie deviendrait la souveraine injustice.

        Mais enfin, dites-vous encore, « nous ne pouvons admettre que Dieu nous punisse dans une autre vie, si nous n’avons transgressé aucune loi. » Non, sans doute ; mais quelle est la loi ? Vous en informez-vous ? N’est-ce pas la transgresser que ne pas l’accomplir ? Si elle a été promulguée, et que vous l’ignoriez par votre faute, n’est-il pas juste que votre ignorance vous soit imputée ? Sans doute celui qui n’a pas connu la loi sera jugé sans la loi ; mais celui qui a vécu au milieu de la loi sans vouloir la reconnaître et la suivre, celui-là sera jugé avec justice par la loi.


        Elle est là, elle vous environne, elle vous étreint ; vous n’avez qu’à ouvrir les yeux en la cherchant de bonne foi, et vous la verrez, vous la trouverez. L’accepter et l’accomplir tout entière, sans choisir entre ses préceptes, c’est le seul moyen d’échapper à cette redoutable éternité, qui nous menace et que tous les

        raisonnements de la philosophie ne peuvent nous empêcher de redouter. |27


    7. Culte.


      La loi morale nous impose trois sortes de devoirs. La raison en reconnaît l’origine divine et l’étroite union en disant que c’est honorer Dieu que d’en accomplir les prescriptions. Il est facile à la philosophie de distinguer et de classer d’après les lois générales les lois particulières, qui règlent nos obligations tant à notre égard qu’à l’égard de nos semblables ; mais c’est un spectacle profondément douloureux pour une âme chrétienne de la voir chercher péniblement et à travers mille contradictions les devoirs que nous avons à rendre à Dieu. Elle oublie, ce que la philosophie ancienne avait si bien compris, qu’il ne peut appartenir à la créature d’ordonner elle-même de quelle manière elle honorera son Créateur. Platon en traçant les lois de sa république laissait à Dieu le soin de faire les plus grandes, les plus belle, et les plus importantes, celles qui regardent la construction des temples, les sacrifices, le culte des dieux, des génies et des héros, les funérailles et les cérémonies qui servent à apaiser les âmes des morts ; parce que l’homme ne connaît

      pas ces choses13. Dieu seul en effet se connaît, Dieu seul nous connaît ; seul il peut donc et ordonner le culte qui lui sera

      rendu, et soutenir par des pratiques sages et conformes à sa nature et à ses besoins la tiédeur ou l’impuissance de sa créature. Mais, dites-vous, « la religion positive tend ainsi à absorber la morale dans le culte. » Erreur et abus de mots ! La religion positive affirme avec la raison et plus haut qu’elle encore que « le meilleur moyen d’exprimer la reconnaissance et


      13 De la République, liv. 10 (note de l’auteur).

      l’amour que Dieu nous inspire est de pratiquer le devoir, » mais, interprète de la divinité, elle distingue la morale du culte, et définit d’une manière précise et rigoureuse nos devoirs envers Dieu. En prescrivant à l’homme des pratiques certaines et déterminées, elle fixe sa légèreté, prévient son inconstance, modifie ses habitudes, et l’aide d’une manière toute puissante

      |28 à élever ses regards vers le ciel. La religion naturelle au

      contraire « en mettant tout le culte dans l’accomplissement du devoir, en absorbant le culte dans la morale » le détruit complètement. Indiquer à l’homme des moyens pratiques de perfection : l’aumône, le service des pauvres, l’examen de conscience, etc., c’est lui enseigner à mieux remplir ses devoirs envers lui-même et envers les autres ; ce n’est pas prescrire un culte.


      Le culte a été institué autant pour aider la faiblesse de l’homme que pour glorifier la puissance de Dieu. Il est à la fois et la confession de notre infériorité, et l’expression de notre amour, manifestées par des actes, dont Dieu seul est l’objet. Comme les hommes sont tous à l’égard de Dieu dans le même état de dépendance, comme tous ont les mêmes destinées, les mêmes besoins, les mêmes aspirations ; comme tous ont une âme et un corps, comme tous sont appelés à vivre en société et pendant cette vie et pendant l’éternité, le culte doit être le même pour tous : intérieur pour répondre aux besoins de notre âme et parce que notre âme doit à Dieu hommage de ses facultés, extérieur pour répondre à la nature nos sens et parce que nos sens doivent à Dieu hommage de leurs organes ; public enfin pour resserrer les liens de la société humaine, et parce que, fils d’un même père, nous devons nous réunir pour lui présenter nos adorations. C’est ainsi qu’on apprécie mieux la sagesse et la nécessité des pratiques et des cérémonies religieuses, en étudiant l’esprit qui doit les animer, en recherchant par quelles causes, par quelle série d’événements l’Eglise a été amenée à

      les imposer, à faire des unes une obligation, des autres un conseil.


        1. J. Simon honore son cœur et sa conscience en rendant témoignage à la grandeur, à l’harmonie de l’église catholique, en rappelant quel est le véritable esprit de ses institutions, en expliquant pourquoi et comment elle doit être intolérante, en la vengeant des crimes, qui lui sont tous les jours imputés, et qu’on ne peut attribuer qu’à l’ignorance, à la faiblesse ou à la passion de ses disciples, en la montrant enfin doctrine complète et parfaite, vivant par elle-même, indépendante de toutes les

          fautes commises par ses ministres eux-mêmes. |29


          De toutes les pratiques du culte la religion naturelle n’autorise que la prière, et la prière se bornant à adorer et à remercier. Si elle demande, qu’elle prenne garde de blesser l’immutabilité divine, elle serait alors pour l’homme une lâcheté, pour Dieu une offense. « La raison glorifie Dieu sans rien coûter à la dignité de l’homme, elle ne comporte pas ces demandes, ces insistances, qui font de l’homme agenouillé devant Dieu un courtisan mendiant une faveur… La nature ne met rien sur nos lèvres que paroles : Ô Dieu, puissé-je vivre selon ta loi et suivant ton cœur… Cette prière n’étant au fond qu’un ferme propos de faire le bien, et qu’une aspiration vers Dieu, n’a rien qui ne puisse se concilier avec l’immutabilité divine. »


          Cette prière, nous la faisons avec vous ; elle est toute catholique ; mais elle est encore une prière, une demande ; et la prière de la raison ne devrait être qu’une adoration. Remercier Dieu de nous avoir créés, de nous avoir accordé le don de l’intelligence, le don de l’amour ; lui demander la force de l’âme, la résignation, c’est toujours attaquer son immutabilité. Dieu savait que nous le comprendrions, que nous l’aimerions, pourquoi l’en remercier ? Dieu sait si nous serons vertueux et

          intelligents, pourquoi le lui demander, puisque tout cela est prévu et arrêté d’avance, et de la même manière que les biens et les maux qui partagent notre vie ? Mais si nous avons le droit de demander ce qui est de notre destinée, pourquoi nous serait- il refusé de demander ce qui touche à notre épreuve, quand notre destinée dépend si absolument de la manière dont nous aurons subi notre épreuve ? Sous ces prières : « Mon Dieu, fais pousser mes épis ; mon Dieu, fais-moi gagner mon procès, » faites par une âme religieuse, n’y a-t-il pas celle-ci : Mon Dieu, je connais ma faiblesse et mon inconstance, fais que mon épreuve soit abrégée, que ma souffrance soit allégée, afin que je ne risque pas de méconnaître ta bonté, de blasphémer ton saint nom ? Que l’homme se trompe sur l’objet de sa prière, qu’importe ? Dieu saura toujours à temps et suivant ses véritables intérêts les intérêts de sa destinée, l’exaucer ou la rejeter. La prière est un besoin et une consolation pour

          l’homme, et en reconnaissant que les dogmes de la |30 Providence et de l’immutabilité divine sont également

          démontrés et incontestables, la philosophie a reconnu à l’homme le droit d’adresser à Dieu ses demandes ; à Dieu le pouvoir de les exaucer, sans contredire à son immutabilité, quoique la raison ne puisse le comprendre. Ah ! que l’Eglise catholique est plus sage et plus humaine que la raison ! Instruite par le Dieu qui a fait le cœur de l’homme, elle a pour tous ses besoins, pour toutes ses souffrances, une prière, qui relève par l’amour la misère du courtisan, et qui lui rend toute la dignité que le péché lui avait ôtée.


          Dans la religion catholique, outre cette prière intérieure et isolée, il en est une autre encore extérieure et publique, qui se fait au nom du peuple, par un prêtre consacré à Dieu, placé entre lui et les fidèles, chargé par lui de lui présenter leurs adorations, leurs actions de grâces, leurs demandes ; dans la religion naturelle, « la prière n’étant plus qu’une aspiration vers

          le bien et vers Dieu qui est la source du bien, est indépendante des cérémonies et des formules, et peut se passer de chorèges… La religion naturelle reconnaît l’utilité et la nécessité d’un culte extérieur, mais il est évident qu’elle nous met dans l’impossibilité presqu’absolu de nous associer pour prier… Aucune communion, aucune église ne peut être fondée sur la religion naturelle… personne ne saurait puiser dans ses dogmes ni la mission de fonder un culte public, ni l’autorité nécessaire pour le diriger. »


          Le culte extérieur a, suivant M. J. Simon, trois éléments constitutifs : « l’initiation, la prière en commun et l’apos- tolat… » La religion catholique consacre tous ses disciples à leur entrée dans le monde par une cérémonie particulière, qui, en leur conférant le titre de chrétien, imprime à leur âme un caractère indélébile. « Vainement chercherait-on dans la religion naturelle un principe qui pût y autoriser l’initiation. » Vainement aussi M. J. Simon essaie-t-il de remplacer la prière publique de l’église par la prière commune de la famille. Le père ne peut pas, d’après les principes mêmes de la philosophie, conserver longtemps le droit de commander à la raison de son

          fils et de lui imposer sa croyance ; la piété de la famille ne sera jamais qu’un exemple isolé et perdu ; et si pour |31 la famille c’est un devoir de se réunir autour de son chef pour l’honorer et pour écouter ses enseignements ; comment n’en serait-ce pas un bien plus sacré encore pour la famille de Dieu de se réunir autour de lui pour l’adorer et pour l’entendre. Vainement encore M. J. Simon met-il à la place de l’apostolat religieux

          l’apostolat de la science ; ce n’est pas à l’intelligence, c’est au cœur des masses que l’apôtre doit parler. La science peut indiquer à l’homme la voie qu’il doit suivre, elle ne peut le contraindre à y entrer ; elle peut convaincre, elle est impuissante à persuader. La science vit pour elle-même, elle ne sait ni s’oublier ni se sacrifier ; elle ne s’arrêtera jamais avec les

          petits enfants, avec les simples et les ignorants, elle n’ira jamais chercher à travers mille dangers, l’infidèle ou le sauvage ; c’est que la science ignore Dieu et que la foi seule le connaît.


          « Une partie importante du culte dans les religions positives, c’est l’expiation. » Ajoutons avec Voltaire14, pour être plus complet : « Il n’est aucune religion qui n’ait eu pour but principal l’expiation. » L’expiation dans cette vie d’épreuves est en effet tellement nécessaire à l’homme15 qu’il est tout simple que M. J. Simon s’efforce de montrer qu’elle n’est pas incompatible avec la religion naturelle ; mais M. J. Simon a oublié qu’en repoussant le dogme de la faute originelle, il a nécessairement repoussé le sacrifice ; qu’en repoussant le

          sacrifice, il a rendu l’expiation impossible. Nous ne pouvons pas même effleurer ici cette étude si longue et si intéressante des sacrifices dans l’antiquité16, mais il est évident, pour peu qu’on y réfléchisse, que le sacrifice du criminel ou d’une victime substituée peut seul effacer le crime. M. J. Simon remarque que « les pénitences ou punitions volontaires,

          conseillées par le catholicisme, n’ont d’analogie ni avec la grandeur de la faute commise, ni avec l’énormité des peines futures évitées ». Si la pénitence est si disproportionnée avec le résultat, ce n’est pas que l’Eglise veuille marquer davantage, comme il le pense, le caractère surnaturel du sacrement, c’est qu’à la place de pécheur, |32 elle offre à Dieu une victime d’un

          prix infini, qui par le mérite seul de son sacrifice, lave les âmes de leurs souillures et les affranchit des peines de l’enfer.

          « Toute religion positive indique aux coupables l’expiation nécessaire… La religion naturelle, qui n’a d’autre guide que la


          14 Essai sur les Mœurs, chap. 120 (note de l’auteur).

          15 On ne saurait trop relire sur ce sujet le Gorgias de Platon (note de l’auteur).

          16 M. Joseph de Maistre, Étude sur les sacrifices (note de l’auteur).

          conscience, laisse à chaque pécheur le soin de déterminer la nature et la mesure de l’expiation. » Aussi ne peut-elle jamais lui dire : vos péchés vous sont remis ; aussi ne peut-elle jamais apaiser le remords, rendre la paix à la conscience, réhabiliter le pécheur à ses propres yeux, et le faire entrer par une seconde innocence dans une vie nouvelle. La religion catholique ose seule affirmer qu’elle pardonne au nom de Dieu ; aussi est-elle la seule qui n’abandonne jamais le criminel, qui poursuit sa conversion jusque dans les bagnes, et qui, pleine d’amour, de pitié et d’espérance, le conduit jusqu’à l’échafaud, l’embrasse et l’absout sous les yeux mêmes du bourreau.


          image


    8. Conclusion.


En repoussant les rites, qui ne sont dans la pensée de M. J. Simon « qu’une discipline destinée à régulariser la prière, à la diriger, à venir au secours des âmes tièdes ou impuissantes et dépourvues d’initiative, la religion naturelle suppose partout une intelligence maîtresse d’elle-même, un cœur qui trouve en lui seul assez de ressources pour s’attacher à Dieu et pour l’adorer. Elle ne met rien entre Dieu et l’homme ; elle ne nous donne pour nous protéger ni une cérémonie, ni un maître. » Elle se fait donc illusion, elle se ment à elle-même, quand elle affirme ailleurs que « elle n’est pas, comme la métaphysique, réservée aux esprits d’élite, qu’elle est simple, facile, populaire ; qu’elle parle au cœur en même temps qu’à la raison. » Combien trouvera-t-on d’âmes assez téméraires, assez aveugles, assez oublieuses de ce qu’elles étaient hier, pour affirmer qu’elles restent toujours maîtresses d’elles-mêmes ?

Combien de cœurs sûrs de repousser constamment l’amour |33

des choses visibles, pour ne s’attacher qu’aux invisibles ? Combien de volontés toujours debout, toujours les yeux fixés vers le ciel ?


La religion naturelle attribue encore faussement à ses propres enseignements la force et la douceur des enseignements chrétiens. Elle ne s’aperçoit pas que, vivant au milieu de l’atmosphère catholique, elle en est comme malgré elle imprégnée, que malgré elle, elle l’exhale de toute part. Seule, elle est insuffisante à satisfaire les aspirations du cœur et les désirs de l’intelligence. Le cœur de l’homme a besoin de se

reposer, de s’épancher dans l’amour de Dieu ; l’intelligence a besoin de pressentir sa nature, pour s’expliquer ses œuvres autant qu’il lui est permis ; les sens ont besoin de se fixer sur une image, sur une forme, qu’ils puissent reconnaître et retrouver au moment de leur défaillance ; la religion naturelle repousse les mystères les plus touchants de l’amour divin, et permet à peine la prière ; elle n’accorde pas à la foi le pouvoir de soulever au moins le voile qui cache l’incompréhensibilité de Dieu ; elle refuse à la volonté humaine si merveilleusement

vaine, diverse et ondoyante17 la protection de la grâce : « C’est bien mal connaître les hommes que de compter ainsi sur la

force de leur raison. »


Proclamer, comme le fait .M. J. Simon, en matière de religion surtout, la souveraineté absolue de la raison, repousser toute autorité comme injurieuse à l’intelligence de l’homme, comme contradictoire à sa liberté, c’est détruite complètement et l’autorité de la science et le témoignage des siècles. S’il a le droit de juger la parole de Dieu, l’homme ignorant ou passionné jugera bientôt la parole du savant, et il aura le droit de la tourner en moquerie et dérision, quand il ne l’aura pas comprise. Il n’y a plus de famille, il n’y a plus de gouvernement, il n’y a plus d’ordre, il n’y a plus de science, il n’y a plus de morale, qui puisse subsister, si chaque homme au nom de sa raison a le droit de se faire sa religion. J’ai cherché,

semble dire M. J. Simon, à établir la religion naturelle, à la |34

réduire à ses dogmes véritables, mais je n’ai, pour vous faire partager mes croyances, aucun pouvoir, aucune autorité. Vous avez pleinement le droit d’en adopter d’autres. J’ai réfuté le panthéisme et le dualisme, mais vous avez le droit de ne pas accepter mes arguments, et il vous suffit de croire que vous avez raison, pour rester légitimement panthéistes ou dualistes.


17 Montaigne (note de l’auteur).

Triste philosophie ! triste religion ! qui abjure toute puissance morale, et qui déclare que les aveugles peuvent marcher aussi droit et d’une manière aussi assurée que les clairvoyants, pourvu qu’ils croient être dans le chemin véritable.


Quant au témoignage des siècles, il est téméraire sans doute de le juger et de le récuser. On peut l’éluder en le supprimant ; c’est ce que fait M. J. Simon. Depuis dix-huit siècles, disons plutôt notre pensée tout entière, depuis l’origine du monde, le christianisme est établi sur la terre, et il est tellement lié à tous les faits historiques que la plupart d’entre eux ne subsistent plus si vous le supprimez, si vous supprimez seulement son caractère divin. M. J. Simon accepte l’existence du catholicisme comme un fait accompli. Il déclare bien dans les pages les plus éloquentes de son livre que « dans la religion catholique il ne manque au principe de la révélation aucun des caractères, qui doivent l’entourer et le compléter ; » mais malgré cette déclaration, il ne veut la considérer qu’abstraction faite de son origine, comme un fait simplement humain. Sans être

« l’apologiste de la religion chrétienne, » il assure que « rien n’est plus sincère que l’admiration et le respect qu’il professe pour elle ; » il la vante comme « la plus belles de toutes les religions, qui ont paru dans le monde. » Il en admire la sagesse et l’économie, et mieux que personne il montre avec quelle sollicitude, avec quelle profonde connaissance du cœur elle sait suivre l’homme, le guider, le soutenir, le ranimer dans toutes les épreuves de sa vie. Sans être non plus « son adversaire, » il cherche à ruiner l’un après l’autre ses dogmes les plus importants ; il déclare ses mystères contradictoires à la raison ; il refuse de « discuter les preuves sur lesquelles les chrétiens font reposer la divinité de leur religion, parce que cela n’entre pas dans son plan. »

Mais quel est donc le dessein de votre livre ? quelle conclusion |35 en devons-nous tirer ? Faut-il vous suivre comme l’apôtre d’une religion nouvelle ? Vous avouez n’avoir aucun droit, aucune mission, aucune autorité pour l’établir. Faut-il rejeter le catholicisme ? Vous affirmez qu’aucune religion ne lui est supérieure. Faut-il l’embrasser avec ses dogmes et ses

préceptes ? Mais vous les déclarez injurieux à l’intelligence et à la dignité de l’homme. Au milieu de tant d’incertitudes, de tant de perplexités, à quoi peuvent s’arrêter vos disciples ? Ah ! sans doute toutes ces contradictions ne sont qu’apparentes. Vous avez voulu montrer seulement ce que peut la raison livrée à elle-même, combien ses dogmes sont inachevés et incomplets. Bientôt dans un dernier ouvrage, qui sera comme le comble de votre trilogie, vous prouverez que Dieu a dû se révéler à l’homme, qu’il l’a fait, et que nous ne pouvons trouver que dans une foi absolue à la révélation le repos, la paix, la sécurité de la certitude.


Alors nous serons heureux de redevenir comme autrefois vos disciples assidus, de pouvoir sans regrets et sans tristesse nous abandonner encore à l’entraînement de votre vive et savante éloquence.


FIN. |36


TABLE.

La pagination de l’édition originale est ici portée en rouge.


I.

Prolégomènes

5

25

II.

Religion rationnelle et Religion naturelle

9

31

III.

Religion positive et Religion naturelle

12

37

IV.

Existence et incompréhensibilité de Dieu. — Création.


14


41

V.

Providence

16

45

VI.

Immortalité

24

55

VII.

Culte

27

59

VIII.

Conclusion

32

67

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DES MOYENS À EMPLOYER COMME STIMULANTS

DANS L’ÉDUCATION PRIVÉE

ET DANS L’ÉDUCATION PUBLIQUE


Imprimerie d’Aimé Vingtrinier, quai Saint-Antoine 55.

DES MOYENS À EMPLOYER

COMME STIMULANTS DANS

L’ÉDUCATION PRIVÉE

ET DANS

L’ÉDUCATION PUBLIQUE


PAR M. DELARUE,

Principal du collège d’Etampes (Seine et Oise).


MÉMOIRE COURONNÉ PAR LA SOCIÉTÉ D’ÉDUCATION DE LYON DANS SA SÉANCE PUBLIQUE DU 1er DÉCEMBRE 1859.


Entre les instructions nécessaires à tout le monde, le soin de l’âme est le plus pressant, et il importe plus de bien conduire la volonté que d’étendre les connaissances ; la première étude doit donc être celle de la vertu.

L’abbé FLEURY.


LYON

      1. BRUN ET Cie, Libraires de l’Académie.

        PARIS.

        DESOBRY, MAGDELEINE ET Cie,

        Libraires éditeurs.


        1860. |4-5



        DES MOYENS À EMPLOYER COMME STIMULANTS

        DANS L’ÉDUCATION PRIVÉE ET DANS L’ÉDUCATION PUBLIQUE


        Entre les instructions nécessaires à tout le monde, le soin de l’âme est le plus pressant, et il importe plus de bien conduire la volonté que d’étendre les connaissances ; la première étude doit donc être celle de la vertu.

        L’abbé FLEURY.


        1. PROLÉGOMÈNES. — DÉFINITION DU SUJET.


          Le Devoir commence avec la raison.


          L’obligation morale ou le Devoir commence pour l’homme avec la raison, c’est-à-dire, avec la liberté réfléchie, avec la conscience du bien et du mal.


          L’éducation doit nécessairement commencer avant l’obli- gation morale, puisqu’il est nécessaire que l’âme soit dressée à

          l’amour, à la pratique, à la volonté du devoir, dès le jour où elle devient responsable de ses actes. |6


          L’éducation doit donc commencer avant la raison.


          L’enfant est donc tout d’abord, et dès sa naissance, l’élève de ses parents, et ses devoirs commenceront, pour lui, le jour où il plaira à Dieu de lui inspirer, à l’insu de son père et de sa mère, l’intelligence du bien et du mal : intelligence, qui se développe ordinairement plus tard chez les enfants bien élevés, parce qu’habitués doucement et sans y penser, à la pratique du bien, ils ne découvrent le mal que par expérience et lorsque déjà on leur en a inspiré l’horreur.


          Traiter sérieusement de l’éducation, la vouloir sérieuse et complète, c’est donc la prendre, sinon dès la naissance de l’enfant, au moins dès l’âge où il commence à agir par lui- même. Quel vaste sujet ! Mais quel sujet plus digne des méditations des pères et des maîtres !


          Les devoirs sont différents. — Le devoir est le même.


          Dans la nature de l’homme comme dans la nature physique, l’unité règne au milieu de la plus féconde variété, pour tous la fin est la même : tous ont à rendre gloire à Dieu, à tendre vers lui, tous ont à accomplir leur devoir, tous ont à maintenir la dignité de leur âme. Mais les uns glorifieront Dieu par leur force et par leur science : les autres, par leur ignorance et leur faiblesse ; ceux-là, par leurs pensées ; ceux-ci, par leurs actes ; les uns trouveront leur devoir dans le travail de leur intelligence ; les autres, dans le travail de leurs mains ; ceux-là, dans leur élévation ; ceux-ci, dans leur abjection. Les uns auront à rester vraiment grands au milieu des prospérités ; les autres au milieu des adversités ; ceux-là, dans l’éclat qui les expose à

          l’envie de tous ; ceux-ci, dans l’obscurité qui les dérobe à tous les regards. |7


          D’où stimulants généraux et stimulants secondaires.


          Il y aura donc des moyens généraux d’éducation, des stimulants pour le bien, pour le devoir, destinés à tous, nécessaires à tous ; des moyens spéciaux ou des stimulants secondaires, propres seulement à encourager des devoirs particuliers ou temporaires, et qui ne serviront qu’à seconder le développement des premiers. Les premiers persisteront pendant toute la vie ; les seconds se borneront à l’éducation de la jeunesse et de l’enfance. Nous indiquerons les premiers, puisqu’ils sont la source des autres, nous développerons les seconds, qui sont l’objet spécial de notre travail.



        2. TROIS DEVOIRS, TROIS STIMULANTS GÉNÉRAUX. NÉCESSITÉ, CARACTÈRES DES STIMULANTS SECONDAIRES.


          L’homme a besoin de stimulants.


          Il est évident que l’homme ne se porte pas de lui-même vers la pratique du bien. Telle est sa nature ou plutôt sa faiblesse, qu’il a pendant tout le cours de sa vie besoin d’y être excité. Avant même de le connaître, enfant encore, il a déjà des passions qui l’en détournent ; homme fait, il le néglige et l’oublie souvent au milieu des préoccupations de sa carrière. C’est pour l’y ramener sans cesse, pour l’aider à surmonter les obstacles qu’il rencontre à l’accomplissement de chacun de ses devoirs, que Dieu a placé, dans son âme, ces trois stimulants qui peuvent être dénaturés, mais jamais effacés : Le sentiment de son immortelle

          destinée18, le sentiment de son devoir, le sentiment de sa dignité. |8


          Ces stimulants sont méconnus par la plupart des hommes.


          À nos premiers devoirs, à nos devoirs envers Dieu, nous rencontrons pour premier obstacle, aujourd’hui surtout, l’indifférence. L’indifférence religieuse, quand elle n’est pas le triste fruit de l’ignorance ou des passions, naît souvent en nous de l’entraînement des affaires, de l’entraînement même de la


          18 La notion de destinée est centrale dans la pensée d’Alexandre Delarue. Le mot même en revient neuf fois dans son ouvrage précédent, et quinze fois dans celui-ci ; c’est même le dernier ce ce traité (B.G. 2015).

          science. Il y a bien peu d’hommes assez forts, assez maîtres d’eux-mêmes, pour considérer la profession qu’ils exercent comme l’accomplissement de leur destinée, comme leur vie tout entière. La plupart en attendent une seconde pendant laquelle ils s’occuperont de Dieu et de leur éternité. Ils ne penseront à vivre réellement, qu’après qu’ils auront été fonctionnaires ou industriels, qu’après qu’ils auront fait leur fortune. Ils ne comprennent plus ces besoins de l’avenir qui les presse et les poursuit toujours ; ils ont soif de repos, soif de richesses, soif de bonheur, soif de science, et confondant ces aspirations divines avec leurs désirs mortels, ils aspirent à l’oisiveté, à la volupté, à l’erreur, à l’argent.


          Au milieu de cette poursuite ardente de la fortune, des honneurs et des jouissances, aveuglés par les séductions de l’intérêt personnel, entraînés par les attraits du plaisir, ils oublient vite et les droits de leurs semblables, qu’ils s’habituent à fouler aux pieds, non seulement sans remords, mais encore avec orgueil, et la sainteté de leur âme qu’ils dégradent sans honte et sans pudeur, dans des plaisirs grossiers et souvent coupables ; ils laissent éteindre dans leur cœur, les sentiments

          de leur devoir, les sentiments de leur dignité, de leur dignité, non pas seulement d’hommes créés à l’image de Dieu19, mais d’hommes simplement raisonnables.


          L’éducation doit les régénérer.


          Oh ! c’est un devoir sacré pour l’éducation de rétablir dans le cœur des enfants l’ordre divin, de rendre à ces divins stimulants

          |9 toute leur vérité, toute leur influence. Sans eux, sans leur appui, l’homme n’a de pouvoir que pour le mal ; ses meilleures qualités se tournent contre lui ; avec eux au contraire, avec


          19 Livre de la Genèse 1,27 (B.G., 2015)

          l’ardeur qu’ils développent dans son âme, il devient tout puissant pour le bien, il participe en quelque sorte à la puissance divine.


          Le but de l’éducation consistera donc à développer dans l’âme de l’enfant ces divins sentiments, à lui faire contracter, par l’exercice, les habitudes qu’il doit conserver pendant sa vie d’homme : mais hélas ! sans qu’elle puisse s’assurer d’en faire un homme vertueux. À elle de lui ouvrir, de lui tracer la route de sa destinée, à elle de lui enseigner ses devoirs, à elle de lui faire comprendre la grandeur de sa dignité, à elle encore de le forcer pendant qu’il est entre ses mains à la pratique du bien ; mais à lui seul et à sa liberté de compléter l’œuvre, à lui seul de fixer irrévocablement ces sentiments dans son âme, par la fidélité et la persévérance.


          L’éducation a besoin de stimulants particuliers.


          L’éducation cependant, a d’autant plus de chances de succès, qu’elle a été commencée plus tôt et suivie avec plus d’assiduité. Aussi bien que l’homme fait, l’enfant, dès qu’il commence à se connaître, accomplit déjà sa destinée ; il a déjà des frères, des parents à aimer et à respecter, il a déjà sa petite dignité de créature raisonnable, il a surtout sa dignité de créature innocente. Pour lui comme pour l’homme, et plus encore, toute vertu, toute étude, tout exercice demande un effort, un sacrifice. L’homme qui agit avec réflexion trouve dans la satisfaction intérieure, dans le but atteint, la compensation et la récompense de son sacrifice. Mais l’enfant, incapable de saisir le but de l’acte qui lui est imposé, ne trouverait à ses efforts aucune compensation, si ses efforts n’étaient suivis d’une récompense immédiate ; ces récompenses ce sont les moyens d’impulsion, les stimulants de l’éducation, stimulants secondaires, destinés à

          |10 préparer et à fortifier les autres, et qui pourtant ne peuvent

          tirer que d’eux seuls leur force et leur autorité réelle :

          Alter alterius auxilio eget (Sall.)20.


          Les stimulants secondaires doivent être en rapport avec le but et les moyens de l’éducation.


          L’éducation ne se fait ni en un jour, ni en un an ; elle est essentiellement une œuvre de persévérance et de réflexion, dès qu’elle commence, elle doit avoir un but déterminé, un plan médité et arrêté ; les stimulants doivent être établis en rapport avec son but, en rapport avec ses moyens. Son but, c’est de former l’homme tel qu’il doit être ; ses moyens, c’est l’enfant lui-même, tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts.


          Destinée des enfants.


          Dieu n’a pas créé tous les enfants pour la même fin. Outre leur destinée personnelle, qui dépend de leur liberté, ils sont appelés à remplir un rôle dans la destinée générale de l’humanité; dans la destinée particulière de leur famille ; rôle, que nous, leurs pères ou leurs maîtres, nous ignorons, qu’ils ignorent eux- mêmes, mais que Dieu a prévu et réglé, et pour lequel il leur a donné un caractère et des qualités spéciales. Ceux-ci sont actifs, pleins de zèle et de fermeté, rien ne leur coûte pour atteindre le but qu’ils poursuivent : livrés à eux-mêmes, ils deviendront les fléaux de l’humanité ; habilement dirigés, ils en peuvent devenir les bienfaiteurs. Ceux-là sont faibles et mous, tout effort les effraie, tout travail les abat : livrés à eux mêmes, ils resteront


          20 En latin : « Chacun a besoin du secours d’autrui », proverbe classique, tiré de la préface de la Conjuration de Catilina, par Salluste (Caius Sallustius Crispus, 86-35 av. J.-C.), qui fait partie des classiques latin étudiés depuis toujours dans les collèges et lycées de toute l’Europe (B.G., 2015).

          des hommes lâches pour le bien comme pour l’étude ; dirigés avec précaution, ils pourront devenir des hommes sérieux et contemplatifs, précieux à la science même et à l’ordre public. D’autres enfin, n’ont reçu de la Providence aucune de ces qualités de l’esprit et du cœur, qui donnent à la société et à la famille, l’espoir d’un homme vertueux et instruit ; leur faiblesse ou leurs infirmités, punition quelquefois des fautes de leurs parents, aigrissent leur caractère, les rendent dès l’enfance haineux et défiants, et, si une éducation attentive et affectueuse ne les forme à la résignation et à la douceur, ils deviendront certainement les ennemis les plus dangereux de la société.


          Instincts de l’enfance.


          Tous les enfants sont égoïstes et imitateurs, curieux et mobiles, confiants et affectueux ; tous veulent être estimés, devenir ou au moins paraître supérieurs aux autres ; ces instincts, ces sentiments, ces désirs naturels sont la source de leurs défauts comme de leurs qualités. L’éducation, en les faisant tous concourir à son œuvre, tend, suivant l’âge et le caractère, à exciter les uns, à modérer les autres, à les diriger tous ; elle les applique tour à tour ou simultanément au développement du corps, de l’intelligence et de la conscience.


          Ainsi, et c’est par là que je résume cette première partie, tous les stimulants doivent non seulement concourir à l’éducation, ils doivent être l’éducation elle-même ; et il faut condamner et rejeter tous ceux qui ne seraient pas conformes à ces principes, qui tendraient à exciter un désir qu’il faut modérer, à modérer un sentiment qu’il faut exciter, tous ceux qui n’auraient pas pour fondement et pour appui l’un des stimulants placés dans notre âme par Dieu lui-même.



          1. DES PERSONNES CHARGÉES DE L’ÉDUCATION, DE LEURS QUALITÉS.


            L’éducation est nécessairement confiée à plusieurs personnes : commencée dans la famille, elle y est rarement achevée, et se termine plus ordinairement dans les écoles et les colléges. |12


            Le Père est obligé à l’éducation.


            Trois personnes sont appelées à élever les enfants. La mère, le père et le maître ; le père se confond quelquefois avec le maître, mais alors même il reste toujours père, et comme tel, il peut user de moyens que le maître doit s’interdire. Quand le père confie ses droits à un maître, il ne les abandonne pas tous pour cela, et il lui reste toujours, à l’égard de son fils, un rôle et un devoir à remplir ; pauvres et riches, par là même qu’ils sont devenus pères, tous se sont imposé le devoir d’élever leurs enfants, tous se sont imposé de sérieuses et redoutables obligations ; mais pour tous, les devoirs de l’éducation deviendront plus faciles, les déceptions moins amères, les inquiétudes moins poignantes, si tous se résignent d’avance à accepter leurs enfants tels que Dieu les leur a donnés et à conformer leurs vues aux vues de la Providence ; si tous se persuadent bien que ce sont eux qui ont été donnés à leurs enfants, et que leurs enfants ne sont pas faits pour eux, qu’ils leur ont été seulement confiés, et que libres comme eux et comptables à Dieu seul de cette liberté, ils sont destinés à se

            séparer d’eux un jour, et violemment peut-être, pour suivre la voie où Dieu les appelle.


            La science de l’éducation réclame des qualités générales que tous, pères ou maîtres, doivent posséder, et des qualités particulières, spéciales presque à ceux qui ont reçu de Dieu la mission de l’éducation.


            Qualités des maîtres.


            Pères ou maîtres, tous doivent avoir ou s’efforcer au moins d’acquérir les qualités et les vertus qu’ils conseillent à leurs élèves ; tous doivent connaître, aimer et pratiquer leurs devoirs : l’exemple est le premier et le plus puissant des stimulants. Est-il possible qu’un fils pratique avec amour ses devoirs religieux, quand toute sa famille les raille et les néglige ? Qu’il obéisse |13

            avec empressement, qu’il étudie avec ardeur, qu’il accepte avec soumission, ou les châtiments qui lui sont infligés, ou les petites souffrances inhérentes à son âge, si chaque jour il entend ses parents murmurer contre la Providence21, s’irriter des amertumes de leur vie, des exigences et des difficultés de leur position ? est-il possible qu’il conserve pour lui-même quelque respect, s’il voit son père se dégrader par le vice et la paresse, s’il se sent pour sa famille une cause de gêne, s’il se voit

            repoussé ou dédaigné par elle ?


            Tous aussi doivent aimer leurs élèves, aimer leur âme plus que leur corps, préférer leur éducation à leur plaisir, à leur santé même : l’amour est presque toujours le meilleur et le plus sûr des conseillers.


            21 Rappelons que l’idée de murmure, c’est-à-dire de révolte sourde, contre les desseins divins, est à son origine un hébraïsme biblique (B.G., 2015)

            Cependant, l’amour du devoir, l’amour de l’enfant, ne suffiront pas pour donner au père ou aux maîtres, tout l’ascendant qu’ils doivent obtenir ; à cette première qualité, il en faudra joindre deux autres non moins importantes ; du sang- froid et du bon sens : du sang-froid pour savoir se taire et parler à propos ; pour rester calme au milieu des étourderies souvent irritantes des enfants ; du bon sens pour trouver toujours à propos ce qu’il faut dire et ne dire que ce qu’il faut.


            Ainsi, tous les pères peuvent être ou devenir aptes à l’éducation : ils n’ont besoin pour cela, ni de la science, ni de la perfection absolue ; ils ont déjà dans le cœur l’amour de leurs enfants ; la volonté et la réflexion leur donneront le reste.


            Pour le maître, il faudra plus encore ; il n’a pas, lui, l’autorité naturelle du père de famille, qui impose toujours et par son titre même et par les souvenirs de l’enfance ; son autorité n’est qu’une autorité d’emprunt et de reflet, nécessaire pourtant, non pas en elle-même, mais par l’insuffisance de la famille. Le maître doit exprimer dans toute sa personne la dignité, et en même temps, la simplicité et la sécurité de l’autorité ; il doit, par sa tenue, par son regard ferme à la fois et bienveillant, imposer le respect et l’affection. À cette condition seulement, il emploiera, avec succès, tous les stimulants que pourra lui

            suggérer son dévoûment pour la jeunesse. |14


            La Mère.


            Mais de toutes les personnes chargées de l’éducation, s’il en est une à qui rien n’enlève, tant qu’elle en a besoin, le prestige de son autorité, c’est la mère de famille ; elle seule peut agir impunément par passion ; liée à son enfant par le besoin qu’il a d’elle, par ces soins touchants et multipliés qu’elle lui prodigue sans cesse, elle obtient de lui par les caresses, par l’amour, ce

            que n’obtiendrait pas l’autorité paternelle. Cependant, pour conserver au-delà de la première éducation, cette confiance précieuse et si nécessaire aux jours orageux de l’adolescence et de la jeunesse, que de précautions à prendre ! L’enfant n’aime pas longtemps ceux qu’il a faits ses serviteurs ; si un bonbon, si un baiser suffit pour obtenir un acte de soumission, ne le donnez pas seulement pour satisfaire votre tendresse. Ah ! gardez-vous, mère encore heureuse, de céder à cette petite volonté ignorante que vous avez le devoir de diriger et de fortifier, et qui ne peut se fortifier que dans la lutte. Ce serait sacrifier au plaisir d’aujourd’hui tout votre bonheur à venir, ce serait n’aimer votre fils que pour vous ; une mère sait si bien trouver une distraction à cette petite colère qui crie et qui trépigne : qu’elle emploie donc toutes les ruses de cet art maternel que lui inspire la Providence, mais qu’elle ne cède jamais à des caprices ! sa tendresse serait bientôt impuissante à les satisfaire, et une mère ne peut impunément rester impuissante devant la volonté de son enfant ; si elle ne peut pas obéir, il faut qu’elle puisse se faire obéir.


          2. ÉDUCATION ET STIMULANTS DE LA PREMIÈRE ENFANCE.


            Bonbons, jouets, images, histoires.


            On a bien vite reconnu les petites préférences d’un élève de 2 ou 3 ans. Les bonbons sont le stimulant le plus ordinaire, je |15 ne dis pas toujours le meilleur, bien que je ne lui croie pas de graves inconvénients : c’est une petite gourmandise qui ne tarde pas à passer, et pourvu qu’il ne soit jamais permis à l’enfant de

            les prendre lui-même, je ne voudrais pas repousser ce premier moyen d’impulsion. Mieux vaudrait pourtant mettre à profit le goût naturel des enfants pour les joujoux, pour les images, pour les histoires. C’est un grand art de savoir faire désirer, faire attendre un joujou, un art plus grand encore de savoir le choisir et le présenter à propos ; il aura toujours plus de prix s’il a été acheté par un acte de sagesse, s’il a été espéré quelque temps, s’il a une certaine utilité qui le fait retrouver chaque jour avec un nouvel intérêt ; s’il est tous les soirs remis en place et serré avec soin ; une image enluminée, bien choisie, puis bien expliquée, une histoire racontée à propos, qui viendra mettre fin à une dispute, ou qui maintiendra le silence et le calme au moment du coucher, sera encore, pour une bonne mère, un puissant moyen d’encouragement et de conseil. En racontant les anecdotes de la bible, en inventant pour ses enfants de petites fables, où elle mêlera leurs noms, leurs sentiments et leurs actions de tous les jours, où elle les fera même intervenir

            quelquefois, elle leur enseignera le prix du travail et de l’obéissance ; elle développera doucement, dans leur âme, l’espérance du ciel, le sentiment du devoir ; elle leur dira combien leur innocence les rend chers à Dieu et à leur mère. Tout est nouveau et attrayant pour l’enfant : l’image du crucifix, le tableau suspendu au lit de sa mère, la nature elle-même avec ses beautés, ses mystères, ses terreurs, tout est pour l’enfant un sujet de questions, pour la mère un moyen d’enseignement et par conséquent d’émulation.


            Première instruction.


            C’est elle qui doit être le premier professeur de son enfant, elle seule peut avoir assez de patience pour fixer sa turbulence continuelle et oublieuse. Qui, mieux qu’elle, dira l’histoire des

            |16 mères et des enfants de l’Écriture sainte ? qui mieux qu’elle les fera raconter à ses enfants ? que de moyens sa tendresse

            ingénieuse n’y trouve-belle pas, pour stimuler, ou leur travail ou leur vertu ? qui ne serait touché de ces dialogues naïfs ? heureux le fils qui s’en souvient ! heureux le père qui les entend ! — À qui voudrais-tu ressembler, René22 ? — à Abel, pour être bon comme lui23. — Oh ! non, c’est moi qui suis le plus petit, je veux être Abel — vous ne pouvez pas l’être tous les deux : toi, Gabriel24, tu seras Joseph25 — Ah oui, oui,


            22 René Delarue (1850-1935), âgé de huit ans en 1859, qui sera général.

            23 Abel fils d’Adam, tué par son frère Caïn jaloux de ce que Dieu le favorisait, Livre de la Genèse, chapitre 4 (B. G.).

            24 Gabriel Delarue (1852-1915), âgé de six ans en 1859, qui sera aussi général, mort pour la France.

            25 Il s’agit ici de Joseph dit le Patriarche, l’un des douze fils de Jacob-

            Israël, et l’un des deux fils de sa femme préférée Rachel, avec Benjamin, cf. Livre de la Genèse, chapitres 30 à 50.

            Joseph. — Et moi Benjamin26. — Mais qui donc alors sera Caïn ? qui sera Cham27 ? — Oh ! pas moi — ni moi — ni moi, s’empressent de répondre tous ces petits enfants à qui le cœur maternel a déjà fait comprendre et la beauté de la vertu et le prix des bénédictions de Dieu.


            image

            Exemple de Satisfecit ou Billet de satisfaction (Perpignan, 1899)


            26 Ce doit être ici le troisième fils d’Alexandre Delarue qui parle ici et, dont le prénom n’est pas donné ici pour ne pas embrouiller le lecteur, vu qu’il vient d’être question du Patriarche du même nom. Joseph Delarue (1853-1925) sera pour sa part jésuite (B.G.).

            27 Cham, troisième fils de Noé, reprouvé pour avoir manquer de resppect à son père, Livre de la Genèse, chapitre 9, versets 18 à 25 (B.G.).

            Examen de la journée. — Tirelire. 28


            Quoi de plus aimable que ces quatre enfants réunis le soir autour de leur mère, après la prière commune ? Il est sept heures, tous vont se coucher, mais tous auparavant doivent rendre compte de leur journée ; des deux aînés, l’un a huit ans, l’autre six ; tous deux vont en classe déjà ; les deux autres ont quatre29 et trois ans30 ; il y a quatre tirelires sur la table à ouvrage de leur mère : on voudrait bien les faire sonner, mais on n’ose pas encore. L’interrogatoire commence : — As-tu été bien obéissant René ? as-tu bien travaillé ? as-tu bien lu ? bien

            appris ta leçon ? — Oh ! oui, maman, et il apporte à l’appui sa page d’écriture et un satisfecit31 de son professeur ; la bonne mère fait quelques critiques, René a taquiné ses frères, il ne s’est pas appliqué à tous ses devoirs, c’est bien pourtant, mais que demain ce soit mieux encore et un bon point, un gros son tombe au bruit d’un baiser, dans la tirelire de René ! — Et toi, Gabriel ? Gabriel baisse la tête. — Ah ! mon pauvre enfant, tu

            as donc désobéi ? tu as mal lu ? — Gabriel se met à pleurer sans répondre, et au lieu d’un sou, c’est un jeton qui tombe dans la tirelire : Tâche de faire mieux demain, mon cher enfant ; c’est pour ta mère un grand chagrin de te voir si peu docile et si peu appliqué ; le |17 bon Dieu ne te bénira pas. — Et toi, mon petit

            Joseph ? Oh ! moi, je n’ai été qu’un peu sage pendant la promenade. — Mais il faudrait l’être beaucoup, si tu veux gagner un son demain. — Et toi, Marie, que faut-il mettre dans


            28 Ce passage est clairement autobiographique. D’après l’âge des quatre enfants de Delarue ici donné, la scène se déroule nécessairement pendant l’année scolaire 1858-1859, entre novembre et août (B.G.).

            29 Delarue se trompe ici d’un an : Gabriel a nécessairement cinq ans à cette date et non pas quatre (B. G., 2015).

            30 Louise Marie Delarue (1856-1934).

            31 Le satisfecit ou témoignage de satisfaction était des bons points pré- imprimés

            ta tirelire ? La pauvre Marie, d’abord attentive, a fini par s’endormir sur les genoux de sa mère, mais elle a entendu parler du devoir, des récompenses qui lui sont accordées, et les conseils de sa mère, l’exemple de ses frères feront naître peu à peu, dans son cœur, l’amour et le sentiment du bien.


            Au bout du mois, les tirelires sont vidées, on en retire autant de sous qu’il y a de jetons, et l’enfant peut disposer à son gré de son trésor ; s’il préfère un joujou, on le lui achète, mais s’il veut le donner aux pauvres, sa mère l’embrasse, mais sans éloges au moins exagérés, et renfermant sa joie dans son cœur, elle l’emmène avec elle visiter une pauvre famille, et l’heureux enfant donne lui-même la paire de bas que son travail et sa docilité ont gagnée pour elle.


            Voilà certes un moyen d’impulsion bien simple, peu dispendieux, et dont le succès est pourtant infaillible, s’il est pratiqué avec persévérance. Ce stimulant présenterait, surtout dans les familles pauvres, de précieux avantages ; ces sous ramassés jour par jour pour chaque enfant, formeraient un petit pécule toujours sacré au cœur d’une mère, et pourraient offrir une ressource au jour du besoin. Trop souvent entraînée par les dépenses impérieuses de chaque jour, la pauvre mère oublie d’amasser la petite somme nécessaire pour acheter un vêtement à son fils, et quand le vêtement tombe en lambeaux, il faut attendre ou s’endetter : qu’elle mette donc chaque soir deux sous dans la tire-lire de l’enfant, et, sans gêne pour la famille, sans tourment pour sa mère, il aura, quand elle deviendra nécessaire, une blouse ou une robe neuve. Ah ! Dieu verserait certainement ses plus riches bénédictions sur une famille si sagement, si pieusement économe.

            Rôle du Père.


            Le père s’efface ordinairement dans cette première éducation ;

            |18 il n’en peut guère être que le témoin ; que son baiser grave et sérieux soit pourtant une récompense pour son fils. Un petit

            lutin gambade sur son lit sans vouloir se coucher. — Joseph, tu n’es pas sage, papa ne te dira pas bonsoir : si tu veux qu’il t’embrasse, il faut dormir. Et sur la promesse de sa mère, le cher enfant se couchera souvent bien tranquille pour obtenir un baiser qu’il ne sentira pas. Le père, c’est l’autorité, c’est la règle ; il doit être bon comme elle, il a comme elle ses faveurs et ses récompenses, mais, comme elle, il est déjà austère et inflexible ; il est, si je puis le dire, la personnification du devoir et il doit être obéi ; il interviendra donc, comme contre-poids à la faiblesse maternelle : il encouragera les efforts, reprendra les défauts de ses enfants ; au besoin, imposera l’obéissance ; il sera, en un mot, la conscience vivante de la famille.


          3. ÉDUCATION ET STIMULANTS DE LA SECONDE ENFANCE.


            Voilà donc l’éducation commencée. Les premiers germes de la vertu ont été déposés avec tendresse et sollicitude dans le cœur de l’enfant par le cœur de sa mère; au père et au maître, maintenant, à continuer cette œuvre sainte et à la consolider par une sérieuse instruction.


            But de l’Instruction.


            Le but de l’éducation est nécessairement le même pour tous ; le but de l’enseignement peut et doit souvent différer. C’est au père qu’il appartient de le désigner ; au maître, quand le père ne le peut pas, qu’il appartient d’y conduire. Tant qu’il n’est pas possible de discerner la vocation d’un enfant, c’est pour son père un devoir sacré de déterminer, en consultant sa position et

            sa fortune, la profession qu’il lui destine et, par conséquent, les études qui lui sont nécessaires. La plupart des familles, par |19 indifférence, par vanité ou par ignorance, laissent flotter dans l’incertitude l’esprit de leurs fils qui, faute de but, ne s’attachent sérieusement à aucun travail. Ils veulent changer la direction

            des études qui les ennuient, quitter les lettres pour les sciences, et bientôt les sciences pour les lettres, au hasard, par caprice, par paresse, sans avoir en vue aucune carrière. La volonté paternelle doit prévenir cette versatilité, en fixant, dès la

            première éducation, un but à atteindre. Je sais bien qu’un jeune homme pourra ne pas adopter les dispositions de sa famille. — Je sais bien que l’on ne peut pas même consulter les aptitudes d’un enfant. — Ce ne sont pas là de sérieuses objections. Quand il sera temps que la volonté du père soit remplacée par la liberté devenue responsable du fils, le père pourra, du moins, se rendre ce témoignage, qu’il a accoutumé son fils à l’effort, à la réflexion, au travail ; qu’il a fortifié sa volonté en l’obligeant à une lutte persévérante. Toutes les sciences, toutes les vertus se tiennent, de si près, que celui qui en a cultivé une seule avec ardeur, s’est donné, par là même, le moyen de les cultiver toutes. Il faut, d’ailleurs, lutter aujourd’hui contre la disposition apathique des jeunes gens, plus disposés à tout attendre des circonstances, qu’à se frayer un chemin à travers les difficultés ;

            à la molle philosophie d’Horace32, utile sans doute dans les détails de la vie : Non mihi res sed me rebus subjungere

            conor33, il faut savoir allier la violence de l’Évangile, nécessaire dans la direction de la vie: Regnum cœlorum vim patitur et

            violenti rapiunt illud34.


            C’est donner à l’enfant le respect de ses parents et le sentiment de sa dignité, que d’élever à ses yeux la profession que l’on exerce et celle qu’on veut lui faire embrasser. C’est un


            32 Horace (Quintus Horatius Flaccus, 65-8 av. J.-C.), poète latin classique, réputé de tendance épicurienne à qui on doit notamment le fameux Carpe diem, « cueille le jour ! » (B.G.).

            33 Il s’agit d’un vers de la toute première Épître d’Horace, dédiée à Mécène : « Ce n’est pas à me soumettre la réalité que je m’efforce, mais à

            m’y soumettre » (trad. B.G.).

            34 Évangile de Matthieu XI, 12 : « La royauté des cieux est l’objet de

            violence et les violents s’en saisissent ». Cette parole de Jésus relative au terrorisme nationaliste et messianique qui avait cours de son vivant, et auquel il a refusé de se joindre, est prise ici au sens allégorique que lui ont donnée plusieurs Pères de l’Église, pour parler du combat intérieur et spirituel (B.G.).

            devoir aussi sacré pour un artisan de faire honneur à sa corporation, que pour un militaire de ne pas déshonorer son épaulette, et pour un magistrat de faire respecter, dans sa personne, la sainteté de la Justice.


            Louange et blâme.


            Dans l’éducation comme dans l’instruction, les premiers stimulants |20 et les plus naturels, ceux qui se présentent à l’esprit de tous, qu’on emploie, pour ainsi dire, malgré soi, c’est évidemment la louange et le blâme. Ils sont, en effet, l’âme de tous les stimulants ; ils conviennent à tous les âges, à tous les

            esprits, à tous les genres d’efforts, se distribuent sans frais, mais aussi, et c’est là le plus grand danger, sans réflexion, et suivant l’impression du moment. Tous deux, par des routes différentes, peuvent également conduire à la paresse, au lieu de stimuler au bien, stimuler au mal. Pris sur le fait d’une bonne action, l’enfant est presque toujours loué avec passion ; son imagination s’échauffe, il s’enorgueillit, et la présomption amène la pire de toutes les paresses ; chez les enfants gâtés, la louange amène, de plus, le mépris, pour ceux-là même qui l’ont prodiguée et exagérée. Pris sur le fait d’une faute, l’enfant est plus souvent blâmé et repris avec la même passion, il s’irrite contre lui-même, et contre celui qui le reprend, une discussion s’engage, il oublie tout respect et toute affection ; son caractère s’aigrit ; la haine, la défiance, le découragement, naissent dans son cœur ; et avec ces vices funestes, un autre germe de paresse, non moins difficile à déraciner.


            Combien sont plus sages les pères et les maîtres qui, après avoir longtemps observé, ne louent et ne blâment qu’à des heures ou à des jours déterminés, et savent attendre le moment opportun pour mêler, aux éloges qui préviennent le découragement, les remontrances qui compriment l’orgueil.

            C’est imiter, si je puis employer cette comparaison, l’action même de Dieu, lente à punir comme à récompenser, et qui, connaissant la faiblesse humaine, attend pour les couronner également, et le retour du pécheur et la persévérance du juste.


            Signes matériels de la louange et du blâme.


            Traduits par des signes matériels, comme ils le sont presque toujours, la louange et le blâme perdent au reste une partie de leurs dangers. La louange se traduit pour les jeunes enfants dans

            |21 les écoles et même dans la famille, par des bons points, des médailles, des images, des livres, etc., des récréations ou des

            promenades extraordinaires ; le blâme, par des mauvais points et diverses sortes de punitions, dans le détail desquelles je ne veux pas entrer ici, parce que seules elles ne peuvent inspirer qu’une crainte servile, toujours funeste dans l’éducation ; quand la punition reste inflexible devant l’aveu et le repentir, elle perd sur l’enfant une grande partie de son autorité. La crainte, pour être utile, doit toujours rester confiante et affectueuse ; elle ne doit jamais perdre l’espoir du pardon ; alors seulement elle ressemble à la crainte bienfaisante du Seigneur, et elle est

            vraiment le commencement de la sagesse35.


            Il serait minutieux et puéril de chercher à énumérer tous les stimulants qui peuvent être employés par des pères et des maîtres dévoués ; ils dépendent souvent du zèle et surtout du caractère de l’instituteur, de l’inspiration et du besoin du moment. Un baiser différé, une histoire commencée et interrompue à propos, pour que l’enfant veuille l’achever lui- même, l’exemple des enfants célèbres, le récit d’une bonne action, et dans un autre ordre d’idées, une confiance réciproque


            35 Allusion au Livre des Proverbes I, 7 : « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse ».

            et une entente parfaite entre la famille et le maître, voilà des stimulants bien simples, bien vrais et toujours influents ; des circonstances ou fortuites ou arrangées à l’avance (ce qui est rarement facile, malgré les utopies bizarres de Rousseau36), en fourniront encore d’autres et d’autant plus puissants qu’ils parattront plus im prévus. L’esprit de l’enfance est accessible à

            toutes les impressions ; il suffit de savoir les choisir et les présenter.


            Éducation privée.


            À cet âge, l’éducation publique n’est pas encore devenue nécessaire ; |22 l’éducation privée37 peut suffire, dans une famille prudente et dévouée. À l’émulation naturelle qui règne dans une école, le père de famille en peut substituer une, toute artificielle et non moins influente. Il établit une comparaison entre |23 les actes du jour et les actes de la veille, entre les actes, le travail, les manières de son fils et le travail et la conduite d’autres enfants même inconnus. Il louera dans les autres les vertus qu’il aimerait à louer dans son fils, blâmera dans les autres, mais en évitant toute personnalité qui amènerait l’orgueil et le mépris, les défauts qu’il redoute pour son fils. Il prendra garde, surtout, d’élever ou d’abaisser avec excès la conduite de ses propres enfants ; les louanges étant nécessairement personnelles, il serait toujours à craindre que

            l’enfant, même doué d’excellentes dispositions, ne prît, faute de point de comparaison, une vanité et une suffisance qui nuiraient à tous ses progrès ultérieurs. Blâmé avec excès, il comparerait


            36 Allusion à l’Émile de Jean-Jacques Rousseau (1762), qui développe une théorie de l’éducation dans un cadre assez fumeux généralement considéré de fait comme utopique (B.G.).

            37 « Privée » est naturellement à entendre ici au sens de « familiale », et

            nnon pas au sens de « confessionnelle », d’autant qu’il n’y a pas encore de séparation entre l’Église et l’État (B.G.).

            avec lui-même les enfants qu’on lui propose pour modèles, et s’il leur trouvait quelques défauts, il perdrait toute confiance dans les paroles partiales de ses parents.


            L’éducation privée a pourtant cet avantage sur l’éducation publique qu’elle peut, à cet âge, où les impressions sont si profondes, donner plus de place et plus de précision à ces stimulants divins, qui doivent, pendant toute sa vie, pousser l’homme au bien. C’est pour un enfant un souvenir précieux d’avoir pratiqué avec sa mère, avec son père surtout, avec ses frères et ses sœurs, ses devoirs religieux, d’avoir vu son père travailler tout le jour avec ardeur, pour gagner le pain de la famille, de l’avoir vu entouré de l’estime et de l’affection de tous, à cause de ses talents et de ses vertus.


            Je le sais et je l’ai déjà dit, ces sentiments divins n’ont pas encore une influence directe sur le cœur de l’enfant, incapable de les comprendre ; aussi, tout en désirant leur voir occuper une large place dans l’éducation, ne veux-je pas qu’ils en soient les seuls stimulants. La plupart de ceux dont j’ai déjà parlé et ceux que je développerai tout-à-l’heure dans l’éducation de l’adolescence, pourront s’employer avec fruit dans cette seconde période. La tirelire sera continuée avec profit, s’il ne suffit plus, pour qu’une pièce nouvelle y tombe, d’avoir bien fait, mais s’il faut encore avoir mieux fait que la veille ; si vidée à de plus rares intervalles, elle devient pour l’enfant un moyen

            de se |23 procurer les objets qu’il désire, mais qui, n’étant nécessaires ni pour sa santé, ni pour ses études, ne doivent pas

            être achetés par ses parents.


            Dangers à éviter dans l’emploi de certains stimulants.


            Les stimulants que l’éducation privée peut employer : friandises, jouets, récréations, promenades extraordinaires, etc.,

            sont beaucoup plus nombreux qu’à l’école ou au collége, mais ils ont aussi beaucoup moins de saveur, parce qu’ils ne sont pas toujours la récompense d’un travail suffisant. L’éducation de la famille, à quelques rares exceptions près, ne peut pas avoir la régularité douce et rigide à la fois du collège, elle obéit bien plus à l’occasion qu’à la règle. — Le temps est beau, on a bien travaillé toute la matinée, allons donc faire une grande promenade. C’est une récompense, je le veux bien, mais c’est aussi une journée de perdue pour l’étude. Ces stimulants passagers, qui ne reviennent pas à des époques réglées, ne produisent qu’un effet passager. Ils surexcitent la volonté, mais ils ne la soutiennent pas. Ils ont encore un autre inconvénient et redoutable. Les familles aisées ne comptent pas la dépense pour stimuler ce cher enfant, que sa vie facile et heureuse a blasé avant le temps. Sans le vouloir et par la force même des choses, on l’accoutume à des goûts dispendieux. Pour obtenir le plus mince résultat, on lui promet les objets les plus chers, et la promesse une fois faite, il faut la tenir ; j’ai vu un bambin de douze ans, enrhumé et qui, par ordre du médecin, devait garder le lit un jour ou deux, il fallut lui promettre un nécessaire de toilette, complet comme celui de papa ; il a gardé le lit la veille du jour où il l’a reçu.


            De la vanité.


            Une mère donne à sa fille, pour la récompenser de quelques efforts, une jolie robe, un joli chapeau. Pauvre mère ! ah ! ne voyez-vous pas que vous avez dépouillé votre enfant de |24 sa naïve et séduisante simplicité, en la dépouillant de son costume d’enfant ? Au lieu d’aller jouer dans le jardin avec les

            compagnes de son âge, elle s’assied dans le salon, près de vous ; de peur de salir sa robe, sans doute ? Non pas, elle reçoit des visites avec vous vos amis la complimentent sur sa grâce, sur sa bonne mine ; vous applaudissez tout bas et vous dites tout

            haut que c’est à sa conduite et à son travail qu’elle doit sa parure ; nouveaux compliments, mais moins bien reçus que les premiers. Au lieu d’un mal fugitif et léger, vous avez jeté dans le cœur de votre fille le germe d’une incurable maladie. Tous les enfants sont portés à la vanité, à l’amour de la propriété ; les plus petits viennent montrer à leur nourrice, à leurs parents, aux étrangers, leurs beaux souliers neufs, leur belle robe, etc. Je ne veux pas attacher à ces symptômes plus d’importance qu’ils n’en ont, mais ce sont des symptômes, et comme tels ils doivent être combattus. Luttez contre eux sans violence et seulement par l’indifférence et la simplicité. Ne faites pas de votre fille une dame, de votre fils un fat. Promettez à un petit garçon de lui donner un pantalon d’homme, un pantalon long (c’est le premier vœu d’un enfant), aussitôt qu’il saura lire, soit, mais ne vous extasiez pas sur sa taille svelte et bien découplée. Promettez à votre fille une robe neuve, soit, mais que sa sagesse et son travail ne la gonflent pas de crinoline et de coquetterie. Est-ce que ces goûts que vous développez dans leur âme sont conformes à leur destinée future ? Est-ce qu’ils seront toujours conformes à leurs devoirs de père et de mère, d’époux et d’épouse ? Est-ce que vos fils et vos filles ne devront respecter en eux que leurs habits ? Ah! vous allez directement contre le but de l’éducation, au lieu de stimuler au bien, vous stimulez au mal.


            Première Communion.


            Un acte important termine toujours, dans les familles chrétiennes, les seules pour qui je veuille écrire, cette première

            période de l’éducation, ouvre et prépare la seconde, c’est la première Communion38.


            Trop de parents, hélas ! au lieu de faire de cette action sainte un stimulant, le plus puissant de tous, pour la vertu, au lieu de le faire envisager à leurs enfants comme la plus belle récompense que Dieu puisse accorder à l’innocence et à la pureté de leur vie, ne le considèrent que comme un devoir de convention, embarras nécessaire qui dérange les études et fait perdre le temps, mais qu’il faut néanmoins subir. J’ai entendu promettre à un enfant, une montre, le dirais-je ? un cheval, non pas seulement s’il faisait, mais s’il faisait bien sa première communion. Il n’y a pourtant que la foi chrétienne ou tout au moins un reste de foi irréfléchi et inconséquent, sans doute, mais réel, qui porte les familles à exiger l’accomplissement de ce devoir. De quelle ressource ne sera-t-il pas dans l’éducation pour les hommes sages qui en connaissent et en apprécient l’importance ? C’est Dieu lui-même qui va descendre dans ton âme, mon cher enfant. Un Dieu souverainement bon, qu’on ne peut honorer que par la bonté ; souverainement saint, qu’on ne peut honorer que par la pureté ; souverainement juste, qui voit toutes nos fautes et qui s’en souvient, mais qui récompense tous nos efforts et pardonne à tous nos repentirs ; un Dieu infiniment puissant, qui a voulu être représenté près de toi par les parents et tes maîtres, et qui exige, par conséquent, que tu leur sois docile et respectueux comme à lui-même ; un Dieu qui, en soumettant l’homme au travail et à la tentation, a voulu lui faire mériter un bonheur éternel : habitudes de piété, de


            38 La première communion avait lieu et a lieu généralement, chez les catholiques, vers 12 ans ; plus qu’une réalité proprement religieuse (car elle n’a pas de fondement théologique bien net, vu qu’on peut communier dès qu’on a été baptisé) c’était surtout, socialement parlant, un rite de passage à l’âge adulte, adopté et adapté d’ailleurs par la communauté juive, mutatis mutandis, sous la forme appelée bar-mitsva (B.G.)

            recueillement, de réflexion, d’attention sur moi-même, et en même temps, de respect, de docilité, de travail ; voilà le résultat d’une préparation sérieuse à la première Communion. Cette préparation n’étant plus l’œuvre de quelques semaines, de quelques mois, mais commençant à l’âge même où l’enfant peut comprendre ce que c’est que la présence de Dieu, assurerait et fortifierait dans son âme ces bonnes habitudes : et l’enfant entrerait dans l’adolescence, muni de toutes les armes nécessaires pour se défendre contre les tentations et les difficultés nouvelles qui vont l’assaillir. La première Communion serait ainsi, dans l’éducation, ce qu’a été dans

            l’église chrétienne la venue de N.-S.-J.-C.39 ; elle fortifierait

            également |25 ceux qui l’auront attendue et ceux qui l’auront reçue avec foi et amour.


            39 Notre Seigneur Jésus-Christ (B.G.).


          4. ÉDUCATION DE L’ADOLESCENCE.


            Tout est prêt pour la seconde et la plus importante période de l’éducation. Notre cher enfant est arrivé à sa treizième année ; son cœur s’est déjà ouvert au bien ; son intelligence commence à se développer ; son corps se forme, il perd peu à peu sa timidité gauche ou la pétulance étourdie de l’enfance ; il est temps d’exiger de lui un travail sérieux, de le former à la véritable politesse, à l’urbanité gracieuse et toujours attrayante de l’homme de cœur, à la fois, simple et instruit. Il commence à réfléchir. L’imitation, qui n’a été pendant longtemps qu’un instinct, de vient un sentiment raisonné, il veut comprendre ce qui se passe autour de lui, et il sait distinguer ce qu’il doit imiter et ce qu’il doit fuir. C’est maintenant surtout qu’il faut lui rappeler le but de son éducation, c’est maintenant que tous nos moyens d’impulsion doivent se confondre avec l’éducation elle- même.


            PARAGRAPHE 1er. — ÉDUCATION PRIVÉ.

            1° La jeune fille.


            L’éducation privée, qui n’est qu’une exception pour le jeune homme, est, ou doit être la règle pour la jeune fille. Destinée à devenir l’âme et le lien de la famille, elle n’en peut pas sortir impunément, même pendant son enfance ; elle doit de bonne heure, peu à peu et presque à son insu, prendre les habitudes de

            la vie de famille, disons le mot, du ménage ; elle doit s’accoutumer à ses devoirs futurs, à ses devoirs sacrés d’épouse et de mère ; |26 par l’accomplissement rigoureux de ses devoirs de fille, elle doit se mettre promptement en état d’aider et de remplacer sa mère dans ces fonctions modestes, mais précieuses à la société, si bien décrites par les livres saints et dont bien peu de femmes, parmi les plus vertueuses même, comprennent la

            sérieuse importance… L’esprit de famille se perd aujourd’hui de plus en plus, et il se perd, en partie, par la faute des femmes.


            Rien n’est plus difficile, rien n’est plus délicat que l’éducation de la jeune fille, rien aussi n’est plus important ; elle doit être presque tout entière l’œuvre de la mère, et quand celle-ci est obligée de la confier à des cœurs étrangers, son premier devoir est de chercher la pension dont la règle se rapproche le plus de la vie de famille.


            Caractère de la jeune fille.


            Quoique dirigée par des principes généraux et sur un plan bien déterminé, cette éducation doit être souvent une œuvre d’inspiration. La jeune fille est douée, en général, d’un esprit facile, curieux, léger, peu profond et rarement capable de saisir un ensemble d’idées étendu ; elle agit presque toujours de prime saut40, si je puis rappeler ici l’expression de Montaigne, sous l’empire d’une impression fugitive, par entraînement ou par sentiment ; impuissante presque à réprimer un désir, elle veut, par dessus tout, plaire et être aimée ; elle veut être aimée avant d’aimer elle-même, et si on laisse s’accroître chez elle cette

            disposition naturelle, un jour viendra où elle cherchera à


            40 Rappelons ici cependant que ce que Michel de Montaigne dit des femmes, il le dit de lui-même aussi (Essais, II, 10) : « car j’ay un esprit primsautier » (B.G.).

            inspirer de l’amour sans en éprouver, en se flattant peut-être d’y rester inaccessible. Il y a, certes, d’immenses ressources à côté d’immenses dangers, dans de pareilles organisations ; et s’il est malheureusement vrai de dire qu’un homme ne se perd presque jamais sans y être entraîné par une femme, il est bien vrai aussi que si un homme se relève, c’est presque toujours à la femme qu’il le doit41. C’est donc avec une sollicitude, avec une précaution de tous les instants, qu’une jeune fille doit être dirigée. Les deux causes |28 les plus opposées, une extrême

            rigidité, comme une extrême indulgence, conduisent souvent au même résultat : à la dissipation de l’esprit et du cœur. Il faut, à la fois, à la jeune fille, de l’affection et de l’autorité, du silence et du bruit, du calme et de l’activité, de l’ordre et jusqu’à un certain point de l’imprévu, et tout cela avec un tel tempérament, qu’elle ne puisse exclusivement se livrer ni à l’un ni à l’autre.


            Instruction de la jeune fille.


            Je n’ai pas mission de tracer ici, d’après leur caractère, un plan d’enseignement pour les jeunes filles ; je me contenterai de dire, qu’il est aussi dangereux de les livrer exclusivement aux travaux matériels du ménage qu’à ceux de l’intelligence ; elles ne sont souvent que trop portées à la rêverie, et si elles n’ont alors, pour se distraire, d’autre occupation que leur aiguille, le travail sera pour elles le plus pernicieux des remèdes. Leur instruction doit être sérieuse, aussi sérieuse que celle du jeune homme, quoique moins profonde, moins étendue et dans une direction différente. Langues, beaux-arts, sciences même, tout leur convient également, dans une juste mesure, pourvu qu’elles


            41 Derrière cette généralité il faut sentir une allusion à la doctrine catholique selon laquelle si le péché est entré dans le monde par la médiation d’Ève (Eva), le Rédempteur y est entré à son tour par la médiation de la Vierge (Ave) (B.G.)

            n’entreprennent pas une étude seulement pour satisfaire le caprice d’un moment, ou dans un but de vanité ou de pédantisme.


            Stimulants de cette éducation.


            Le caractère de la jeune fille, ses qualités et ses défauts, fournissent les plus sûrs moyens de l’exciter au travail ; si sa mobilité naturelle lui fait prendre en dégoût une étude utile, le désir de plaire ou la curiosité adroitement réveillés, pourront l’y ramener.


            Stimulant naturel. — Désir de plaire.


            La même passion produit souvent deux résultats opposés : le désir de plaire l’a entraînée un peu loin dans le goût de la parure, |29 le même désir peut la ramener au goût de la simplicité : hier, elle voulait plaire, à qui ? elle l’ignorait peut- être, aujourd’hui, elle ne veut plaire qu’à sa mère.


            Puisqu’il faut qu’elle plaise, puisque ce désir est une loi sage sans doute de la Providence, qu’elle plaise donc dans sa famille ; que son père et sa mère se prêtent à ses ruses innocentes : Pascal a dit : « Nous sommes si présomptueux, que nous voudrions être connus de toute la terre, et nous sommes si vains, que l’estime de cinq ou six personnes qui nous environnent, nous amuse et nous contente. »42 Que la famille soit donc tout le cercle de la jeune fille ; qu’elle y trouve, tout à la fois, et la satisfaction et la direction de ses goûts. Au milieu

            des préoccupations, quelquefois des chagrins de la vie active, il est bien difficile, je le sais, de s’intéresser, de se prêter même à ses agaceries enfantines. C’est bien alors que nous devons nous


            42 Blaise Pascal (1623-1662), Pensées XXIII, 7.

            rappeler que nous sommes faits pour nos enfants, que nous nous devons à eux tout entiers, et puis ils se contentent de si peu. Sourions au milieu même de nos larmes, et toute heureuse de ce sourire, la chère enfant ne tardera pas à se jeter dans nos bras, pour essayer tout à fait les pleurs qu’elle avait interrompus. La précaution la plus nécessaire à prendre peut-être c’est de dominer assez nos impressions, pour ne pas faire de reproches au moment même où la jeune fille éprouve un sentiment contraire au nôtre. Sans doute, il ne faut pas craindre une blessure nécessaire, mais il faut éviter à tout prix une blessure inutile. Attendez et puis saisissez un de ces moments d’épanchement si fréquents dans la vie intime, pour faire doucement, sans aigreur, avec compassion, les observations que vous suggèrera la tendresse; pour faire agir tous les stimulants que vous avez à votre disposition.


            Stimulants divins.


            Si les stimulants divins sont nécessaires dans l’éducation du jeune homme, combien plus encore dans celle de la jeune fille. Il n’y a vraiment, pour elle, que ceux-là qui soient sans danger ;

            |30 on court toujours quelque risque à l’encourager par une parure nouvelle, par un plaisir extérieur. Je suis loin pourtant de

            vouloir condamner et proscrire absolument ces moyens ; ce serait contraire à la nature, contraire à l’ordre divin, contraire, par conséquent, dix intérêts de l’éducation ; je demande seulement qu’ils soient accordés avec mesure et précaution ; mais il est de toute nécessité d’imprimer fortement dans son âme le sentiment de sa destinée éternelle ; car, c’est d’elle seule que dépend aujourd’hui, dans presque toutes les familles, l’éducation religieuse des enfants, le sentiment de son devoir ; car c’est souvent de l’oubli et de la négligence des devoirs les plus simples en apparence, que naissent, dans la famille, le désordre et la division ; le sentiment de sa dignité, car sa

            réputation ne peut pas même être effleurée, sans que la famille en éprouve un réel préjudice. Qui ne connaît à cet égard, les mots si souvent cités de César43 et de Rousseau44 ?


            C’est à la femme que Dieu a confié, dans la famille, le rôle le plus délicat à remplir ; elle y est comme la représentation de la grâce divine ; et que ces paroles ne paraissent pas un puéril jeu de mots : la grâce de Dieu, c’est la beauté du bien rendue visible à notre âme, c’est l’attrait que Dieu nous donne pour la

            vertu ; Dieu a revêtu la femme de grâce, pour qu’elle soit l’attrait qui entraîne vers le bien, son époux et ses fils. |31


            Moyens de les développer.


            Comment faut-il développer, dans le cœur de la jeune fille, ces divins stimulants ? De la manière la plus simple et la moins affectée ; par l’exemple, par la conversation, par la pratique. On pourra, pendant quelque temps, employer quelques-uns des moyens dont j’ai déjà parlé, et puis elle agira bientôt seule, par elle-même, sous l’œil et la direction de sa mère, qui ne doit jamais la quitter. Son cœur et son imagination ont souvent besoin d’être occupés ; donnez un but à son activité : adoptez, si vous le pouvez, une famille pauvre, chargée d’enfants ; que votre fille habille, instruise les petites filles ; qu’elle remplisse

            |31 sa tirelire pour les nourrir ; qu’elle s’habitue à sacrifier pour


            43 César avait répudié sa femme Pompeia non pas parce qu’elle avait fauté mais parce qu’elle en avait été soupçonné : « Ma femme n’a même pas le droit d’être soupçonnée. »

            44 Delarue a sans doute ici en tête ce passage analogue de l’Émile (II, 5) : Il n’importe donc pas seulement que la femme soit fidèle, mais qu’elle soit jugée telle par son mari, par ses proches, par tout le monde ; il importe

            qu’elle soit modeste, attentive, réservée, et qu’elle porte aux yeux d’autrui, comme en sa propre conscience, le témoignage de sa vertu. » (B.G.)

            elles une parure ; elle ne plaira pas tant au monde, mais elle pourra se dire : Je plais à mon père, à ma mère, à Dieu.


            Attachez de l’importance à toutes ses études ; que son père conserve toutes ses ébauches de dessin ; qu’il écoute avec patience, même ses gammes ; c’est lui qui est et qui doit être son spectateur, c’est pour lui qu’elle agit, souvent sans le savoir, et déjà par une coquetterie féminine.


            Rôle du Père.


            Si une mère veut que sa fille respecte, un jour, son mari, qu’elle l’habitue à vénérer son père. Il est bien loin de ma pensée de vouloir que l’homme agisse en tyran domestique, mais je suis convaincu qu’il est nécessaire, pour la paix de la famille et pour l’éducation de l’enfant, que toute direction parte du père, quand il est capable de la donner ; j’ajoute qu’il est toujours nécessaire, qu’aux yeux de l’enfant, elle paraisse en partir. Une famille prudente évitera donc toute discussion en présence de la jeune fille ; le père contrôlera, approuvera l’instruction qui lui est donnée, la mère appellera et provoquera sa haute inspection ; cette soumission simple et douce sera certainement la meilleure et la plus saine préparation à la vie réelle de la femme. La femme doit obéissance à son mari, disent

            le Code45 et les Livres saints, est-ce à dire que la femme remplit un rôle subalterne ? Il ne l’est qu’en apparence et par des

            nécessités sociales bien réelles. L’homme règne à l’extérieur et sur les choses ; il fait respecter sa famille au dehors, il lui fait place par sa réputation et ses travaux ; la femme règne à l’intérieur et sur les cœurs, elle fait respecter la famille au dedans, elle la dispose à occuper la place que l’homme lui


            45 Le Code civil napoléonien, au paragraphe qui est lu à l’occasion de tous les mariages (B.G.).

            prépare. Certes, si tous, l’homme comme la femme, le riche comme le pauvre, l’artisan comme le littérateur, si tous comprenaient bien qu’ils sont et comment ils doivent être à leur place, aucun d’eux ne serait tenté de se croire supérieur ou inférieur aux autres. Tous les |32 hommes ont leur mission spéciale ; tous, leurs devoirs ; tous, leur destinée particulière ; aussi grande, aussi belle l’une que l’autre, aux yeux de celui

            qui, seul, les connaît véritablement. Dans l’ordre divin, la mission de la femme n’est pas inférieure, elle est différente, voilà tout ; la femme est le complément de l’homme : il est la force, elle est la grâce ; il protège, elle soutient. Aussi, ce qui n’est pour l’homme qu’une futilité, est pour la femme une chose sérieuse. L’homme doit dédaigner la parure, la femme doit la chercher. Une ancienne Romaine se parait chaque fois que son mari rentrait à la maison. Il faut que la jeune fille apprenne pourquoi et pour qui, seulement, elle doit se parer ; cette connaissance contribuera à lui donner le vrai sentiment de sa dignité ; sentiment qui ne dégénèrera jamais en orgueil et en vanité ; elle sera aimable et sévère à la fois, parce qu’elle le puisera dans le sentiment de son devoir, et que ce sentiment sera fortifié par le sentiment de sa destinée, appuyé sur les dogmes religieux sérieusement appris et sur les exercices religieux sérieusement pratiqués ; une femme sans la foi, quelque vertueuse qu’elle puisse être aux yeux du monde, doit nécessairement souffrir. L’homme, étranger par son caractère et par ses occupations, à toutes les impressions à la fois violentes et fugitives de la femme, capable peut-être de les comprendre, mais inhabile à en saisir toutes les subtilités, l’homme est souvent pour elle un pauvre consolateur ; elle s’exagère tout, elle va presque toujours dans ses inquiétudes, dans ses espérances, dans ses chagrins, bien au-delà de la réalité, et si ce n’est pas dans le sein de Dieu qu’elle dépose toutes ses peines, où voulez vous qu’elle trouve un appui ! Les gardera-t-elle et les concentrera-t-elle dans son cœur ? Pour beaucoup, la folie

            en serait le résultat. Cherchera-t-elle un confident en dehors de la famille ? Elle aura bientôt trouvé les mêmes mécomptes, et que rapportera-t-elle alors, sinon le désespoir, peut-être le remords ?


            L’éducation publique doit donc être pour elle, aussi rare que possible, et quand elle est nécessaire, elle doit conserver tous les usages, toutes les mœurs de la famille ; elle doit habituer la jeune fille à toutes les occupations du ménage. |33


            2° Le jeune homme.


            Cette vie intime de la famille, qui rend l’éducation privée si utile, si nécessaire à la jeune fille, est précisément ce qui la rend infructueuse, funeste même pour le jeune homme, destiné à vivre au milieu des hommes.


            L’exemple.


            Si le père entreprend cette œuvre difficile, qu’il prenne garde de n’enseigner à son fils que ce qu’il fait lui-même, sous peine de la frapper de stérilité. C’est en pratiquant la vertu devant lui et avec lui, qu’il l’habituera à l’aimer et à la pratiquer. Que ce soit toujours, pour un jeune homme, une glorieuse récompense

            de s’approcher des sacrements, de donner l’aumône, de visiter la mansarde du pauvre46, pour y répandre le fruit de son travail. Les hommes pieux et qui passent leur vie à faire le bien, savent qu’on ne le fait avec une joie véritable et sans mélange, qu’autant que l’on est pur devant Dieu et devant sa conscience.


            46 En ce milieu du XIXe siècle comme dans l’antiquité, les rez-de- chaussées sont habités par les bourgeois, tandis que le second étage est réservé aux domestiqus et aux pauvres.

            La science.


            En initiant son fils à la science, que le père s’attache à lui en découvrir la véritable fin. La science y gagnera en enthousiasme, en profondeur et en vérité, quand elle aura pour but d’émouvoir la sensibilité en élevant l’intelligence, quand elle fera pénétrer, à la fois, l’amour dans le cœur et l’admiration dans l’esprit. La science pour la science rend sec et indifférent ; la science pour la vie matérielle rend égoïste ; la science pour l’éternité, rapproche l’homme de Dieu, l’élève au-dessus de lui- même, et le conduit à la vertu : car « si nous sommes sur la terre pour acquérir, par notre travail, le commencement de la science, nous y sommes surtout pour mériter, par notre vertu, la science

            tout entière. » |34


            La science elle-même sera, du reste, le plus puissant stimulant à la science ; un désir en fait naître un autre, plus on sait, plus on veut savoir. Entre un père dévoué et un fils studieux, il s’établira souvent des dialogues comme ceux-ci : C’est aujourd’hui, mon père, que nous irons chercher des orchidées, n’est ce pas ? — Non, certes, nous n’irons que lorsque que tu les connaîtras assez bien pour les trouver toi-même. — N’irons- nous pas ce soir chercher la constellation d’Orion ? — La connais-tu ? sais-tu bien où elle est située ? quelles étoiles la composent ? — Je ne le sais pas encore, mais tu me la montreras. — Non, non, je ne montre rien, moi, apprends à la connaître et nous irons la chercher ; nous irons donc demain… J’ai entendu, dira encore le père de famille, parler de fouilles importantes, de médailles enfouies, d’inscriptions déterrées, de ruines romaines, etc. ce serait curieux et intéressant à visiter. —

            — Qui nous empêche d’y aller ? — Mais nous ne pouvons pas arriver là comme des ignorants, il nous faut savoir auparavant tous les faits historiques dont ce lieu a pu être le témoin, apprenons-les et nous irons ensuite.

            Voyages.


            Un voyage en Angleterre, en Italie, etc., sera un moyen d’impulsion aussi bien que d’instruction pour le jeune homme qui apprend la langue, l’histoire, la géographie de ces contrées. Ces voyages ne peuvent être faits qu’à pied, avec un véritable intérêt, dans quelques-unes de leurs parties ; ils exigeront souvent de la hardiesse, de la force, de la souplesse dans les mouvements : rien n’excitera plus un jeune homme à se livrer aux exercices gymnastiques, à s’exercer à la fatigue, que la perspective de ces voyages ; c’est ainsi que les exercices purement corporels ennoblis par leur but, serviront à la culture et au développement de l’âme.


            Manières.


            Toutes les familles qui peuvent élever leurs enfants auprès |36 d’elles, trouvent dans leur propre sein les moyens les plus naturels de les former à la politesse et aux manières de la société. Le jeune homme est invité à une soirée chez un parent, un ami de sa famille ; mais il ne sait pas même saluer, il se tient mal, quelle figure y ferait-il ? il ne veut pas s’exercer à son violon, à son piano, il ne sait pas lire tout haut même un article de journal, et « chacun des enfants invités à la soirée de ta tante

            en doit faire les frais. Édouard de… jouera du violon et sera accompagné par sa cousine. Alfred B…47, doit lire une pièce de vers… Mon cher enfant nous ne pouvons pas décemment nous présenter chez ta tante, si tu n’es pas en quelque chose aussi habile que tes cousins, tous plus jeunes que toi, mais aussi plus laborieux. »


            47 Nous n’avons pu identifier pour l’instant ces deux enfants ni leurs familles qui très certainement appartenaient aux relations locales ou familiales des Delarue à Étampes (B.G.).

            Ordre.


            Mais la pratique des vertus, la science, les bonnes manières, ne peuvent pas se donner au hasard, par occasion et suivant les circonstances ; il faut nécessairement introduire dans l’éducation privée, l’ordre qui règne dans l’éducation publique : ordre matériel qui distribue les classes, les exercices, les plaisirs mêmes, qui combine avec l’éducation des enfants les exigences de la position sociale, qui ait prévu jusqu’aux circonstances imprévues. Il faut savoir d’avance quelle conduite en tiendra, si quelque parent ou quelque étranger vient faire une visite inattendue, s’il survient une fête de famille, etc., etc. Le malheur seul n’aura pas de place dans les prévisions, parce qu’il est lui-même un élément d’éducation ; le jeune homme doit sentir de bonne heure, en effet, que le premier devoir c’est d’aider et de consoler ceux qui souffrent, ctqu’en présence de la douleur, tous les autres devoirs se taisent : l’ordre intellectuel qui réglera la suite des études, l’ordre moral enfin, le plus important de tous, qui réglera autant toutefois qu’ils peuvent être réglés, d’après le caractère, les goûts et les aptitudes de l’élève, les efforts à faire pour acquérir ou pour développer les

            vertus. |36


            Autorité.


            Dès le commencement de son éducation, le jeune homme connaîtra quels devoirs il doit remplir ; le programme de ses progrès moraux sera arrêté d’avance comme celui de ses progrès intellectuels ; et ceux-ci ne seront récompensés qu’en seconde ligne ; l’éducation sera complète lorsque ces deux programmes se préteront un mutuel secours. L’éducation est une œuvre d’autorité aussi bien que de persuasion ; l’enfant, incapable de choisir lui-même entre le bien et le mal, doit être forcé au bien. Un père prudent se gardera bien d’abdiqucr

            l’autorité que Dieu a mise entre ses mains ; il ne dira pas à son fils, comme on le fait trop souvent aujourd’hui, d’un ton larmoyant et pénétré : « Mon fils, je ne veux pas être ton père, je veux être bien plus encore : ton ami ; je veux causer avec toi à cœur ouvert ; je veux que tu me confies tes secrets, tes désirs, les fautes mêmes, comme je te confierai mes pensées. » Inexpérience déplorable, faiblesse honteuse et justement punie par la défiance, l’indocilité, et plus tard, le mépris de l’enfant. Il lui dira, au contraire, d’une voix ferme et propre à frapper sa jeune raison : « Mon cher enfant, tu m’es bien cher, mon travail te prouve assez comme je t’aime ; je me dévoue pour toi, parce que c’est mon devoir de père et que j’entends sacrifier à mon devoir, tout ce qui ne serait pour moi que plaisir ou agrément ; mais si j’ai le devoir de t’élever, c’en est un pour toi de te laisser élever : voilà tes devoirs : ceux qui nous sont communs, je les remplirai avec toi ; je chercherai à te les faire aimer tous, mais que tu les aimes ou non, j’exigerai que tu les accomplisses tous. Si j’ai le malheur de ne pouvoir former ton cœur et ton intelligence, si j’ai le malheur, et c’est le seul que je redoute, d’avoir un fils incapable d’obéir à Dieu et à sa conscience, si mon amour ne suffit pas pour te persuader, j’emploierai sans

            faiblesse et sans hésitation tous les moyens que me donne l’autorité paternelle pour t’y réduire ; j’aime mieux te perdre |37 que de te voir un homme sans conscience, j’aime mieux te perdre pour cette vie et te sauver pour l’éternité.


            Bilan moral.


            À ces sages paroles il faudra joindre les effets. Après avoir signalé à son fils les défauts qu’il doit éviter, les vertus qu’il doit pratiquer, le père attentif observera ses chutes et ses efforts, les enregistrera soigneusement, sans laisser remarquer qu’il les ait aperçus, autrement que par la mesure de sa tendresse ou de sa sévérité ; il ne harcellera pas son élève de remontrances ;

            mais chaque soir, ou à des jours déterminés, viendra l’heure du jugement ; les fautes seront comptées, les efforts seront pesés, le bilan moral sera établi ; les faveurs seront accordées ou les punitions infligées. Quelles seront ces faveurs, il n’est pas possible de le déterminer ; elles dépendront des goûts du jeune homme, des goûts même de son père ; les plus simples seront toujours les meilleures et les plus longtemps appréciées. Les punitions seront les conséquences naturelles des fautes : privation de toute récompense et de tout plaisir extraordinaire ; privation même des joies de la famille ; si un fils a manqué à sa mère, il ne paraîtra plus devant elle qu’après lui avoir fait de solennelles excuses, et qu’après avoir prouvé, par un acte réel de soumission, qu’il s’est repenti : le respect pour sa mère est devenu par sa rareté le meilleur témoignage d’une bonne éducation ; un fils s’est emporté contre son père, toute indulgence doit cesser et le père n’est plus qu’un maître inflexible comme la règle ; il a menti, personne n’ajoute plus foi à ses paroles ; il a dérobé, toutes les clés sont enlevées et il ne peut plus rien prendre des objets, même à son usage, sans les demander ; il a été indiscret, on l’éloigne pour causer, ou bien on parle bas devant lui, il n’a pas fait le devoir qui lui était indiqué, il s’est reposé d’avance, le temps de la récréation deviendra le temps du travail ; il s’est montré grossier, impérieux pour les domestiques, personne ne le servira plus, il

            sera livré complètement |38 à lui-même. Si le père suit, comme il le doit, l’éducation de son fils, il lui faudra supporter, sans

            doute, une partie de ces punitions ; mais il est nécessaire, pour réussir, qu’il accepte toutes les conséquences de son dévoûment : on n’élève pas ses enfants pour soi, mais pour eux.


            Découragement.


            C’est bien ainsi, diront d’abord tous les pères, que je veux

            élever mon fils : je veux qu’il possède telle vertu, qu’il acquière

            telle science, et j’y mettrai tant de soin et tant de dévoûment, que j’y réussirai. On commence avec ardeur ; mais on ne tarde pas à s’apercevoir qu’on avait trop présumé de l’intelligence et de la bonne volonté de l’enfant, on l’avait cru homme trop tôt.

            « L’étude des langues est, pour lui, un ennui et une fatigue inutiles ; son intelligence s’y refuse ; il n’a de goût que pour le jeu ; il n’a d’intelligence que pour les travaux manuels ; si je lui donnais un tour, un rabot, il réussirait certainement, mais notre position, mais son avenir exigent des études plus relevées, et puis il est d’une opiniâtreté inflexible, d’une apathie incurable ; il n’a pas de cœur, il n’aime pas ses parents ; les larmes de sa mère ne le touchent pas, les réprimandes de son père l’irritent ; il n’est content qu’avec les domestiques, parce qu’avec eux il bavarde à son aise ; je m’en rapporte à la Providence ; je ferai de mon mieux. Mais, hélas ! je crains bien d’échouer. » Tous les beaux projets, toutes les belles résolutions s’évanouissent, et non seulement l’instruction, mais encore l’éducation est abandonnée au hasard. Le premier, le seul remède à ce découragement si commun, c’est comme je l’ai dit en commençant, d’accepter résolûment ses enfants, tels qu’on les a reçus de la Providence ; de chercher à les modifier peut-être, mais de ne pas songer le moins du monde à les changer. Ordre, patience, volonté, persévérance, voilà d’infaillibles moyens de

            succès. |39


            Il faut intéresser les enfants à ce qu’ils font.


            Il n’y a pas de plan absolu pour l’éducation. Bien moins encore pour l’instruction ; il importe peu en soi-même d’employer, comme stimulants, tels ou tels moyens, de développer l’intelligence, en commençant d’une façon plutôt que d’une autre ; ce qui réussit sur un caractère ne produit aucun effet sur un autre. Le souverain et presque l’unique avantage de l’éducation privée, c’est de pouvoir suivre le

            caractère de l’enfant. Étudiez-donc ses goûts et ses aptitudes. Créez un goût chez lui, intéressez ses yeux, ses oreilles, tous ses sens à ce qu’il fait ; toutes les sciences, tous les arts, tous les métiers se tiennent. Votre fils aimerait à raboter, réglez le temps qu’il y emploiera, faites vos conditions : vous lui ferez sentir bientôt qu’il lui manque quelques connaissances pour faire ce qu’il a dans l’esprit ; il lui faudra de la géométrie, de la mécanique ; il lui faudra des livres, des connaissances positives, il finira par les étudier. — Mais ce que tu veux faire a déjà été fait ; les anciens avaient, eux aussi, des arts ; les obélisques témoignent un grand art de mécanique, etc. ; — voilà l’étude de l’antiquité et peu à peu l’étude des langues revenues. Si l’enfant s’éprend de quelque autre passion, suivez-la d’abord, puis dirigez-la en la développant ; il aime les médailles : collection de médailles, science de l’histoire, et toutes celles que vous y voudrez rattacher ; il aime les plantes: un herbier, l’histoire naturelle, et avec elle l’histoire de la science et toujours l’antiquité, qu’il faut ramener partout, parce qu’elle est la base de toute étude sérieuse. — Mais mon fils n’aime que les contes.

            — Vous n’en manquez pas. Ovide48 au besoin et d’autres vous en fournissent une ample collection ; les anecdotes de l’histoire,

            de la mythologie comparée, sont là pour défrayer largement l’imagination de votre élève. Que la science ne soit pas pour l’enfant une science de mots. C’est parce qu’elles occupent les sens en même temps que l’esprit, que les sciences physiques et naturelles offrent tant de ressources pour guérir la paresse de certains |40 caractères. Que la grammaire même ne soit pas une

            nomenclature sèche de règles : Animez-la par des récits historiques. La formation, la composition, l’histoire des mots, offrent un véritable attrait, et elles en auront, pour l’enfant lui- même, si vous intéressez ses souvenirs, si vous appelez son


            48 Ovide, Publius Ovidius Naso, 43 av. J.-C.-17 ap. J.-C., poète latin dont les Métamorphoses surtout sont souvent étudiées au collège.

            attention sur ce qu’il a vu, sur ce qu’il voit tous les jours, sur ce qu’il peut voir. Ne vous contentez pas de la superficie des faits ; le jeune homme saisit bien des choses qu’on croit au-dessus de sa portée : occupez ses sens et par eux pénétrez dans son âme ; vous faites une expérience de physique, l’étude d’une plante, d’un fossile ; que l’enfant, sous votre direction, se rende compte de ce qu’il y voit, en cherche la cause, le but et remonte jusqu’à l’auteur de toute chose. Vous étudiez la grammaire, voilà un mot, virtus par exemple, qui nous a donné le mot français vertu ; les deux mots ont-ils le même sens ? qu’était la vertu chez les anciens ? à Athènes, à Rome ? et que doit-elle être chez les peuples modernes ? chez les chrétiens ? pour nous ? pour toi ? Devant ces horizons si vastes, ces études si larges et si largement faites, il n’est pas possible que l’apathie d’un enfant résiste longtemps; son opiniâtreté, son manque d’affection, s’ils ne sont pas la suite de sa première éducation, s’évanouiront bien vite aussi devant tant de bonté, tant d’abnégation, devant surtout une supériorité morale incontestée. Et que les pères de famille ne s’effraient pas de cette immense tâche, il ne s’agit pas pour eux de savoir ; il ne leur faut que la volonté d’apprendre avec leur élève ; l’expérience et l’instruction qu’ils possèdent déjà, leur donneront une supériorité naturelle assez grande, pour qu’ils restent toujours au-dessus.


            Précepteur.


            Le père de famille peut, d’ailleurs, être aidé, s’il ne peut jamais être remplacé. Des hommes spéciaux peuvent, sous sa direction, donner à son fils les leçons de leur science et de leur art. Un précepteur, quelque dévoué, quelque savant qu’il soit, |41 n’obtiendra pourtant jamais auprès de son élève, qu’une autorité

            secondaire incompatible avec la dignité de son titre et avec ses obligations ; il faudrait, pour qu’il pût prendre avec succès la place du père, qu’il fût depuis longtemps l’ami vrai de la

            famille, que l’enfant eût été habitué, dès ses jeunes années, à le voir, à l’aimer, à le respecter, qu’il ne pût jamais apercevoir ni deviner sa position subalterne. Ces heureuses circonstances se sont plusieurs fois rencontrées, et l’histoire littéraire en a consacré de touchants exemples ; mais ce que l’on cherche plutôt aujourd’hui, en donnant un précepteur à ses enfants, c’est un air de grandeur et de fortune, c’est la satisfaction de la vanité, dont le premier résultat est de compromettre l’éducation. La plupart des stimulants deviennent dès lors impossibles à mettre en œuvre ; le rôle du précepteur n’est plus qu’un rôle de résignation passive, où l’enfant est le maître, et le maître, son flatteur ou son ennemi.


            Externat.


            L’externat, s’il pouvait être réellement, à la fois, l’éducation de la famille et l’instruction du collège, offrirait certainement plus de garanties de succès ; l’élève y trouverait l’ordre des études, la sage distribution des classes et participerait, jusqu’à un certain point, aux encouragements que le collège accorde au travail ; il retrouverait, au sein de sa famille, la piété, l’innocence, la politesse, les soins affectueux, en même temps qu’une ferme direction ; il est malheureusement rare qu’il en soit ainsi. L’externat n’évite, à peu près, aucun des inconvénients de l’éducation publique et de l’éducation privée, il y en ajoute, au contraire, quelques-uns qui lui sont propres, et il se prive, en outre, des avantages de chacune d’elles ; l’enfant ne reçoit réellement ni l’une, ni l’autre éducation ; il n’a que celle qu’il se donne à lui-même. La famille croit avoir tout fait, quand elle a envoyé son fils aux classes du collège, quand elle lui a donnélc temps nécessaire pour en faire les devoirs, le

            diminuant souvent par |42 d’autres genres d’études, ou l’exagérant, outre mesure, par des veilles imprudentes ; quand

            elle a placé près de lui un répétiteur qui, en l’aidant à faire ses

            devoirs ou en les faisant lui-même, pour éviter à l’enfant quelques punitions, favorise malgré lui la paresse de son élève. L’externat est un système d’éducation bâtard, le plus funeste de tous, si le père n’intervient pas sérieusement dans l’éducation, et pour l’enfant et pour l’établissement où la coutume et la nécessité l’ont établi ; les stimulants du collége, sans danger souvent dans le milieu où ils sont employés, deviennent presque toujours pernicieux pour un enfant qui vit seul ou presque seul dans une famille sans instruction, dont il devient bientôt, pour peu qu’il ait de succès, l’oracle et le tyran. Il faut donc que le père sache, à propos, corriger l’effet de ces stimulants, les remplacer par d’autres quelquefois ; il faut qu’il sache, par une fermeté douce et surtout persévérante, exciter et soutenir le travail et la bonne volonté de son fils, réprimer sa vanité, prévenir ses mauvaises liaisons, exiger et surveiller la composition de ses devoirs ; il faut qu’il abandonne son propre sentiment pour adopter entièrement celui des maîtres, à qui il a confié son fils, sous peine d’affaiblir leur autorité ou la sienne propre, et d’avoir à soutenir une lutte presque continuelle ; il faut qu’entre ces maîtres et lui, règne, au moins en apparence, la plus parfaite conformité de vues et de sentiments. Dans l’externat, donc, tel qu’il est en usage, les rôles sont intervertis, le père est devenu le maître, et le maître a pris la place du père.


            Les difficultés pratiques de l’éducation privée, sans parler des dangers qu’elle offre en elle-même, dangers souvent exposés dans de savants écrits, depuis Quintilien49 jusqu’à Monseigneur Dupanloup50, font préférer, à la plupart des familles, l’éducation publique. Les rôles y restent ce qu’ils doivent être comme dans


            49 Quintilien, Marcus Fabius Quintilianus, orateur romain du Ier siècle ap. J.-C. auteur de l’Institution oratoire, manuel de rhétorique célèbre.

            50 Félix Dupanloup (1802-1878), prêtre, enseignant, théologien,

            journaliste, évêque d’Orléans à partir de 1849 et membre de l’Académie française depuis 1854.

            l’éducation privée, le père en restant père, était devenu le maître ; de même dans l’éducation publique, le maître en restant maître, devient père, et c’est par ces deux titres qu’il mérite la confiance des familles. |43

            PARAGRAPHE IIe. — ÉDUCATION PUBLIQUE.

            Rôle du maître.


            Dans l’éducation publique, le rôle du maître est, à la fois, plus facile, parce qu’il trouve, dans la réunion et le nombre de ses élèves, des moyens d’émulation qui ne sont pas à la disposition du père de famille ; et plus difficile parce qu’il exige des qualités que le père peut, comme je l’ai déjà dit, ne pas avoir, parce que, obligé d’adopter une règle et une méthode uniformes, il ne peut plier le système établi au caractère et aux aptitudes de chacun de ses élèves.


            Quelques-uns des stimulants sont tout personnels et tiennent au caractère, au goût, au savoir-faire du maître ; les mêmes stimulants employés par un autre perdraient à peu près leur valeur ; d’autres conviennent également à tous ; ce sont les seuls que nous puissions décrire.


            Deux sortes d’établissements. — Écoles et Collèges.


            Nous ne devons considérer ici que deux sortes d’établissements d’instruction publique : les écoles où les enfants sont reçus depuis l’âge de six ans jusqu’à douze ou treize ; et qu’ils quittent pour entrer en apprentissage ; et les collèges, où ils terminent leurs études littéraires et qu’ils quittent pour se livrer aux études spéciales ou pour embrasser une carrière. Les grandes écoles où les élèves ne sont qu’instruits et non élevés, n’appartiennent plus à notre sujet ; elles trouvent, dans la position même de leurs élèves, le plus puissant stimulant au travail : la nécessité de s’ouvrir une carrière ; pour l’accomplissement des autres devoirs, elles ne

            peuvent plus s’adresser à d’autres stimutants |43 qu’aux sentiments divins de notre âme, qui doivent avoir, à cet âge,

            acquis tout leur développement, sinon encore toute leur

            influence.


            ART. 1er. — ÉCOLES.

            Difficultés des stimulants.


            C’est particulièrement dans les écoles qu’il est difficile de stimuler les élèves au travail, à la propreté, à la politesse, à l’obéissance. L’éducation première à peu près nulle, l’ignorance et l’incurie des familles dans le cours de l’année et, au moment de la distribution des prix, leur vanité et leurs exigences, le dégoût et le découragement de l’instituteur, le peu de ressources ou l’insouciance des communes, tout contribue à y rendre inutiles les stimulants employés, impossible presque l’intro- duction de stimulants nouveaux.


            La distribution des prix maintient dans les collèges, à cause de son indépendance, une certaine émulation ; elle n’a dans les écoles et les petits établissements, où le maître est obligé de satisfaire toutes les vanités, qu’une influence délétère ; elle a partout l’inconvénient d’être trop loin des regards de l’enfant, de ne stimuler que les bons élèves, et de ne récompenser, en général, que l’intelligence naturelle, ou au moins le travail de l’esprit. Elle manque donc essentiellement à ce principe général, énoncé déjà, qu’il est nécessaire de soutenir la volonté par des moyens incessants, et de récompenser immédiatement chaque effort, quelque léger qu’il puisse être. Je dirai plus tard par quels moyens on cherche à y suppléer dans les collèges ; on le fait dans les écoles, comme je l’ai déjà dit, par des bons points : l’élève qui en a obtenu un certain nombre est décoré et porte sur sa blouse une croix de ferblanc, qui donne souvent plus de vanité que d’émulation, parce que le plus grand nombre désespère de l’obtenir. Je voudrais qu’il fût accordé à ces bons

            points, une sanction immédiate et que tous les élèves, les plus petits comme les plus grands, les plus ignorants comme les plus avancés, |44 les plus stupides comme les plus intelligents, pussent y prétendre. Voici peut-être la solution la plus simple de ce problème.


            Système décimal de bons.


            C’est un excellent usage établi dans les patronages d’apprentis qu’à la fin du trimestre ou du semestre, les bons points obtenus chaque semaine, servent de monnaie pour acheter des vêtements, des outils, etc. ; ce qui n’empêche pas de donner, de temps en temps, sans aucun appareil et à des époques rares et indéterminées, des récompenses particulières aux élèves qui se

            distinguent le plus par leur persévérance dans la vertu. Un instituteur51 a eu l’ingénieuse idée de faire de ces bons points un moyen d’enseigner le système décimal, il a fait imprimer des centibons, des décibons, des bons, des décabons et des hectobons ; il change les uns pour les autres, suivant les règles

            de l’arithmétique, et en fait une véritable monnaie courante, avec laquelle il paie les efforts de tous les jours, de tous les instants, et fait payer tous les actes de paresse ou de dissipation. Les prix sont donnés à ceux qui ont su conserver la plus grosse somme.


            La combinaison de ces deux stimulants offrirait, sans doute, un résultat plus sûr dans les écoles que toutes les distributions de prix. Tous les livres donnés dans ces occasions n’ont ordinairement aucune valeur en eux-mêmes, la plupart des enfants y tiennent peu, et à peine reçus, les jettent dédaigneu- sement dans un coin ; ces livres seraient remplacés par des


            51 Cet instituteur s’appelait Lenoir. Nous donnons plus loin copie d’une réclame pour ce nouveau système en date de 1865 (B.G.).

            objets utiles suivant les classes et suivant les âges ; des jouets, des livres de classe, des cahiers, des plumes, quelques ouvrages spéciaux pour les plus avancés, vendus à l’enchère tous les mois ou au moins tous les trimestres et achetés avec les bons ; une couronne serait ajoutée au plus beau lot. Les familles pauvres aimeraient ces ventes, qui diminueraient les frais de livres et de fournitures classiques, et les enfants tiendraient à

            acquérir ces joujoux qu’on leur accorde si rarement dans les campagnes. |46


            Ces bons auraient plus de valeur encore et atteindraient un double but, s’ils pouvaient servir à constater, en même temps, plusieurs genres d’efforts. La couleur orange récompenserait les études littéraires : français, histoire, géographie, etc ; l’amaranthe, les études scientifiques : arithmétique, géométrie, etc. ; la verte, les études diverses : dessin de tête, musique, etc. ; la blanche, la conduite : la docilité, attention, exactitude, etc ; la bleue enfin, la tenue : ordre, propreté sur soi, dans ses livres, etc. En faisant chaque semaine le compte des bons obtenus par chaque élève, il sera facile à l’instituteur de constater dans quel exercice il a le mieux réussi, dans lequel il doit désormais s’appliquer davantage ; les familles qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas s’occuper de l’éducation de leurs enfants, trouveraient dans ce stimulant, un moyen facile de constater leurs progrès ; elles seraient intéressées à le faire et pourraient, de plus, en s’entendent avec l’instituteur, récompenser ou punir, au moyen de ces bons, les actes de vertu ou les fautes faites dans la famille. On obligerait enfin les enfants à prendre soin de ces bons, en établissant que tout bon plié en deux perd toute valeur. Si chaque journée passée sans faute, si toute bonne action, tout bon devoir, toute bonne leçon, obtiennent des bons, toute faute, tout devoir mal fait, toute leçon mal sue est punie par le retrait immédiat d’un ou de plusieurs bons. On supprimerait peut-être ainsi la plus grande partie de ces tristes

            punitions si usitées et, il faut bien l’avouer, si nécessaires dans les écoles ; on ne serait plus attristé par le spectacle d’enfants mis à genoux ou debout dans tous les coins de la salle.


            Le succès serait plus complet encore si les familles voulaient s’astreindre à ne donner à leurs enfants, aucun jouet, aucun objet qu’ils n’eussent acheté avec leurs bons points ; si, lorsqu’un enfant désire quelque chose, ils lui disaient : — Quand viendra la vente de l’école, je l’achèterai pour toi ; fais de nouveaux cfi’orts, tâche que personne ne puisse te l’enlever. Ce sacrifice léger, certainement, pourrait être renouvelé plusieurs fois au besoin, afin de prévenir le découragement et

            d’exciter sans cesse la volonté. |47


            Je prévois bien les deux objections qu’on peut élever contre ce stimulant. Les enfants, dans la crainte de perdre quelques bons, s’efforceront de cacher leurs fautes, mais ils n’en commettront pas moins, et ils deviendront hypocrites, fourbes peut-être ; d’un autre côté, pour en obtenir, ils s’efforceront plutôt de paraître que d’être ; ils se vanteront d’un acte de complaisance qu’ils n’auront point fait ou qu’ils n’auront fait que dans des vues intéressées ; bons, affectueux, obligeants en présence de leur maître, ils s’abandonneront, en son absence, à leurs défauts naturels ; et par cette multiplication de récompenses, nous n’aurons atteint d’autre but que de les exercer à l’hypocrisie. Le résultat serait bien triste, en effet, s’il était vrai ; mais, outre que le caractère de l’enfant ne perd que rarement, à cet âge, sa franchise et son imprévoyance naturelles ; outre, qu’il est facile à un maître expérimenté, de reconnaître toutes ses petites ruses, il y a toujours avantage à lui faire sentir le prix d’une bonne action, à l’habituer à s’observer lui-même de temps en temps ; enfin, à lui fournir plus de motifs pour venir auprès de son maître.

            image

            Réclame pour le système de Lenoir dont parle Delarue.

            Décorations.


            Dans quelques écoles et particulièrement dans les écoles de jeunes filles, les bonnes notes se traduisent encore d’une autre manière. Le silence observé constamment pendant un mois, donne le droit de porter un ruban violet ; le travail donne un ruban bleu ; la piété, un ruban blanc ; ces trois rubans sont unis ensemble ou deux par deux ; si l’élève a su les conserver pendant un trimestre, il fait partie d’une petite association, qui a ses privilèges ; s’il les a portés pendant toute l’année, il obtient, à la distribution, un prix d’honneur. Tous ces stimulants peuvent être combinés et s’aider mutuellement, mais leur véritable influence ne leur viendra toujours que du maître qui les emploie. C’est à son caractère personnel, à sa fermeté, à la

            fois, douce et rigide, à la crainte et à l’affection |48 qu’il saura inspirer en même temps, qu’ils emprunteront toute leur

            puissance.


            ART. 2e. — COLLÈGES.

            C’est surtout dans les classes et dans les études de nos collèges que se fera sentir cette influence du maître : son ardeur, sa parole vive et animée, sa réputation à soutenir, l’affection réciproque qui l’unit à ses élèves, seront toujours les stimulants les plus puissants ; mais s’il est facile de les conseiller, il n’est pas possible de les imposer.


            Je m’étendrai davantage sur les stimulants employés ou propres à être employés dans les collèges. C’est là, surtout, où l’éducation est plus longue et mieux suivie, qu’il serait heureux de voir, non seulement chaque maître en particulier, mais l’administration elle-même, s’appliquera à encourager, à stimuler l’effort et spécialement la persévérance dans l’effort. La première condition à remplir est évidemment de déterminer,

            d’une manière nette et précise, quel est l’effort à faire et quel en doit être le résultat.


            Connaissance de la règle.


            Il est certainement important que les différents points de la règle soient constamment rappelés et expliqués aux enfants. Ils savent ce qu’il faut faire, ils le voient faire à leurs camarades, Ils n’ont qu’à suivre et à imiter ; mais le comment, mais le pourquoi de leurs actions, la plupart l’ignorent, et l’on prend rarement la peine et le temps de le leur dire. On ordonne bien à un enfant de garder le silence, de rester tranquille à sa place, d’y faire son devoir, mais il a été habitué, dans sa famille, à parler tout haut, à courir de tout côté, à commander aux domestiques, et il commence par trouver étrange la contrainte nouvelle où il

            est placé ; il obéit par la crainte, mais sans comprendre ce |49

            qu’on veut obtenir de lui ; il a un devoir à faire, son dictionnaire, sa grammaire sont bien devant lui, il les voit feuilleter par ses camarades et il fait de même ; ses yeux, ses doigts, travaillent peut-être, mais son âme, qui lui a dit comment elle doit s’appliquer, quelle méthode elle doit suivre ? qui lui a fait sentir avec sa faiblesse la nécessité de s’instruire ? Il faudrait qu’en expliquant aux enfants la règle, au commencement et plusieurs fois dans le cours de l’année scolaire, on s’efforçât de leur faire comprendre et aimer le but et les moyens de leur éducation ; qu’on leur dît pourquoi on exige d’eux le respect de leurs maîtres, le travail et le silence si pénibles à leur âge ; il faudrait qu’ils eussent entre les mains un manuel de l’écolier, qu’ils pussent consulter au commencement de chaque exercice et qui leur expliquât la conduite qu’ils doivent y tenir et les motifs des prescriptions qui leur sont imposées. Il deviendrait, dès lors, bien plus facile d’exiger l’accomplissement d’un devoir parfaitement connu et parfaitement compris. C’est l’œuvre du professeur dans

            l’enseignement, du maître d’études dans l’éducation. Le règlement de chaque classe, de chaque étude, de chaque exercice, le tableau des récompenses qui y peuvent être méritées seront affichés dans les salles qui leur sont réservées : Respect, attention, silence et travail dans la plupart des exercices ; jeu, complaisance mutuelle, convenance pendant les récréations, bonne tenue et décence au dortoir et au refectoire, voilà le résumé de tout le règlement.


            Stimulants employés par le professeur.


            Dans l’intérieur de la classe, les exemptions accordées aux devoirs les mieux faits, aux leçons les mieux sues, le cahier d’honneur où l’élève inscrit lui-même ses meilleures compositions, le banc et les places d’honneur, tels sont les stimulants les plus ordinaires et qui ont une valeur relative, suivant l’âge des élèves et la manière dont le maître les fait

            valoir. Quelques professeurs suivant les conseils du De ratione docendi52, partagent leurs classes |50 en deux camps, dont tous les soldats sont solidaires, et n’accordent de récompenses qu’au parti vainqueur. Si ce stimulant offre quelque avantage, il a aussi le grave inconvénient de faire perdre beaucoup de temps et sans profit pour la classe ; il peut faire naître entre les

            concurrents des rivalités trop vives, et il jette quelquefois l’indécision dans l’esprit du professeur par la difficulté d’apprécier les différences des devoirs. Pour conserver les avantages de la solidarité, peut-être suffirait-il de relever à la fin de la semaine le nombre et la valeur des notes méritées pour chaque devoir et de récompenser le parti vainqueur. Ce stimulant n’en resterait pas moins très-minutieux et un


            52 De ratione docendi, « De la manière d’enseigner », titre latin traditionnel de ce qu’on appelle aujourd’hui les manuels de pédagogie, ou encore, pour faire plaisir à quelques cuistres, de didactique.

            professeur dévoué doit employer son temps à de plus utiles détails.


            Stimulants employés par le maître d’études.


            L’œuvre des maîtres d’études est plus difficile parce qu’elle est plus multiple, s’étend à tous les détails et demande une attention continuelle et une grande finesse de tact. Ils sont partout avec les élèves, et partout ils doivent les avertir de leurs défauts et les exciter au bien, partout ils doivent punir leurs fautes et constater leurs efforts. J’ai déjà dit que toutes ses bonnes actions doivent rapporter à un enfant, parce que toutes lui coûtent. Je parle ici de la masse générale ; il se rencontre heureusement mais bien rarement quelques bonnes natures, qui semblent aller toutes seules vers le bien. Un bavard s’est abstenu de causer pendant une journée, pendant une étude même ; un paresseux a terminé son devoir ; il l’a fait sans flâner, sa copie est proprement écrite, son cahier net et lisible ; un brouillon a tenu son pupitre, ses affaires bien rangées pendant toute une semaine ; un lourdaud a joué toute une récréation, un bourru ne s’est pas disputé une seule fois pendant la journée, voilà des efforts que le maître d’études doit savoir constater, stimuler, récompenser par une bonne parole, par une poignée de mains, par des exemptions, par les notes hebdomadaires. Cette multiplicité de récompenses, d’avertis-

            sements et de punitions, nécessaires |51 dans les fonctions du

            maître d’études, je crois, mais sans en avoir encore fait l’expérience, qu’il serait possible et avantageux de la remplacer ou de l’aider au moins par le système des bons dont j’ai parlé dans les écoles. Il faudrait pourtant, avant de l’établir, consulter l’esprit général du collège, de peur d’exposer aux moqueries des mauvais esprits les bonnes intentions d’un maître dévoué.

            De la solidarité.


            Le principe de solidarité53 contre lequel se sont élevés de bons esprits, mais qui n’avaient peut-être pas assez l’expérience de l’éducation, ce principe si humain, si miséricordieux établi entre les hommes par le christianisme, est encore, pour des élèves bien disposés, un excellent moyen d’éducation mutuelle, et par conséquent d’émulation dont les professeurs et les maîtres d’études peuvent tirer le plus grand parti. Dieu aurait épargné autrefois des villes coupables s’il y avait pu trouver dix justes

            seulement54. Un maître pourra pardonner à quelques-uns de ses élèves, s’il trouve aussi des justes parmi eux, il ne voudra pas

            déshonorer sa classe ou son étude par les mauvaises notes de quelques-uns ; mais pour mériter de compter au nombre des justes, il faudra une conduite habituellement exemplaire et toujours exempte de punitions. On peut assurer, en principe, que les récompenses auront d’autant moins de dangers et seront d’autant plus efficaces dans l’éducation qu’elles seront moins personnelles et qu’elles tendront moins à surexciter la vanité. Si toute une classe peut ainsi profiter de la sagesse et du travail de quelques-uns de ses membres, elle peut également tout entière devenir responsable d’un désordre, d’un dégât, etc. Si, par exemple, dans une retenue générale, dont les élèves notoirement bons ont été exemptés, le maître entend un murmure, un chuchotement : « Je vous connais tous, pourra-t-il leur dire, et si vous êtes ici, c’est que tous vous avez donné des preuves de vos mauvaises dispositions ; si donc un seul d’entre vous se permet le moindre bruit, sans qu’il me soit possible de distinguer le coupable, sa faute retombera sur tous, et la retenue sera


            53 On dit plutôt aujourd’hui « responsabilité collective » (B.G.).

            54 Allusion au sort de Sodome et Gommorhe, dont Abraham avait négocié

            avec Dieu le salut à condition qu’il y soit trouvé au moins dix justes ; mais on n’en trouva qu’un, Lot ; Livre de la Genèse, chapitre XIX (B.G.).

            prolongée. J’ai vu de jeunes maîtres obtenir ainsi le silence le plus absolu au milieu de soixante ou quatre-vingts enfants. Il y a cependant une précaution nécessaire à prendre dans les punitions générales. Les mauvais élèves s’enhardissent par leur nombre, et ils sont naturellement portés à croire qu’une faute partagée est moins grave et qu’elle restera impunie ; si donc la récompense réunit tous ceux qui aspirent au bien pour leur inspirer plus de confiance, que la punition tende surtout à isoler le coupable pour lui faire sentir davantage et sa honte et sa faiblesse. Prudemment appliqué, ce principe de la responsabilité mutuelle amènera les élèves à se surveiller, à s’avertir de leurs fautes, à s’exciter réciproquement au bien.


            Comment on peut exciter un enfant au bien.


            Mais il ne suffit pas de vouloir et de savoir entretenir les enfants dans le bien, leur légèreté naturelle les en éloigne si souvent qu’il est peut-être plus important de savoir les y ramener. La manière la plus sûre d’y réussir, c’est de leur donner toujours et l’espérance et les moyens de racheter leurs fautes, quelque graves qu’elles soient. L’impertinence ou le manque de respect, sous quelque forme qu’elle se présente, est certainement une des plus graves et mérite à elle seule la note la plus sévère qui puisse être donnée. Si cette faute est commise dès le commencement de la semaine, et que l’enfant se croie dans l’impossibilité d’améliorer ses notes, toute la semaine se ressentira de son découragement : son caractère aigri ne recevra plus aucune observation ; ce ne sera plus la peine de faire aucun effort, et, faute d’un peu d’indulgence, le pauvre enfant sera peut-être perdu pour longtemps. Il en sera de même s’il se trouve accablé de punitions pour la même faute ; son professeur l’a puni, l’a signalé ensuite au directeur de la maison qui l’a puni à son tour ; puis la note hebdomadaire vient encore

            constater sa faute et ajouter à sa honte devant ses camarades. |53

            Si, au contraire, il peut espérer que chacun de ses efforts ultérieurs lui sera compté et contribuera à diminuer sa mauvaise note, si après avoir subi une punition il trouve un appui, un encouragement dans l’indulgence de son professeur, il reprendra confiance en lui-même, il laissera son âme s’ouvrir à l’affection, et il trouvera peut-être son salut dans sa faute même. Proposer toujours à la légèreté de l’enfant l’espoir du pardon et les moyens de l’obtenir, c’est l’accoutumer à la lutte contre lui même, à la pratique du bien et surtout à la persévérance. Qu’à ces moyens pour ainsi dire matériels un maître pieux et dévoué ajoute encore ces stimulants divins qui vibrent toujours dans le cœur de l’enfant, qu’il fasse briller à ses yeux l’amour de Dieu, le sentiment du devoir, le prix de son âme, que ses exhortations paternelles lui rappellent doucement le but de son éducation et lui arrachent des larmes de honte, de repentir et d’affection, et l’âme de ce cher enfant, ramenée au bien, en comprendra le bonheur paisible et sûr, et y persévèrera peut-être pour le reste de sa vie.


            Stimulants généraux.


            La sage répartition des stimulants généraux, officiels si je puis ainsi parler, entretient l’émulation pendant tout le cours de l’année ; mais la plupart ne se proposent guère que d’encou- rager le travail, ou, pour mieux dire, le succès ; les uns préparent directement à la distribution des prix qui en est comme le couronnement ; d’autres en sont indépendants et appartiennent complètement à l’initiative du directeur, quelques-uns enfin semblent avoir en même temps pour but l’éducation proprement dite, c’est-à-dire la direction de la conscience et l’accomplissement de tous les devoirs. Je les parcourrai successivement, et j’en exposerai quelques autres que l’expérience a déjà consacrés. On ne saurait trop les

            multiplier si l’on veut atteindre toutes les variétés de caractères.

            |54


            Stimulants pour l’instruction. Compositions.


            Les concours hebdomadaires ou compositions ont souvent été critiqués, il est si facile de trouver un côté faible à toutes les institutions humaines. Le temps qu’on y consacre, totalement perdu pour la plus grande partie de la classe, pourrait être employé plus utilement à la correction d’un devoir. En ramenant toujours à peu près les mêmes noms aux dernières places, elles ne laissent réellement subsister d’émulation qu’entre les premiers, et elles produisent parmi les autres deux résultats également déplorables : les uns en prennent leur parti et se condamnent gaîment à la nullité pour le reste de leurs études, et peut-être de leur vie, quelques autres font les dédaigneux, comme le renard de la fable, et, contents de leur propre suffrage, trouvent moyen d’associer ensemble ignorance et présomption ; enfin, entre les bons élèves, elles font naître souvent l’aigreur et la jalousie. Ces inconvénients peuvent être et sont facilement évités, mais, là-même où ils existent, ils sont amoindris par l’habitude, et ils ne compensent pas les avantages de ces concours. Un maître prudent et dévoué prévient facilement la jalousie dans le cœur de ses bons élèves et la remplace par une louable émulation, mère d’une sérieuse et durable amitié, et les élèves faibles trouvent dans d’autres stimulants les moyens de lutter contre le découragement et la possibilité d’être, sur d’autres points, supérieurs à leurs concurrents. Je me réserve de parler plus loin des inscriptions aux tableaux d’honneur données ordinairement par les places de composition ; j’aimerais à voir réserver ces récompenses à la valeur morale plutôt qu’à la valeur intellectuelle.

            Examens.


            Les examens semestriels sont une autre espèce de concours dont l’expérience a suffisamment démontré les avantages. En leur |55 donnant encore une plus grande solennité, on produirait sur l’esprit des élèves une plus vive impression, et on les accoutumerait aux difficultés des examens publics qu’ils doivent subir à l’entrée de leur carrière. Je ne puis qu’indiquer ici ce qui se pratique avec succès dans quelques établissements. Le temps consacré aux interrogations faites à chaque élève et

            sur chaque faculté est déterminé d’avance suivant l’importance des classes et tellement réglé que l’examen du collège entier ne dure pas plus de trois jours. Plusieurs bureaux formés chacun de trois professeurs, se partagent toutes les classes. L’un des examinateurs est chargé des leçons, de l’histoire, de la géographie et de la visite des cahiers ; le deuxième des explications et des grammaires, le troisième des mathématiques. Toutes les matières de l’enseignement étant disposées par numéros, chacun d’eux tire au sort le sujet de ses questions, et l’on évite ainsi tout soupçon de partialité et à la fois toute incertitude dans ses interrogations. En même temps que l’examen oral, a lieu, pour tous les élèves qui ne sont pas interrogés, un examen écrit, sur une ou deux facultés, dont les copies sont corrigées par les examinateurs séance tenante, et pendant le temps que chacun d’eux a de libre. Des étrangers, des pères de famille surtout, sont invités à assister à ces examens et peuvent y prendre part, mais dans une mesure limitée, et de manière à ne pas les prolonger au-delà du règlement. Des notes précises sont données à chaque réponse, et quand leur moyenne atteint un maximum déterminé, des récompenses sont accordées aux élèves qui l’ont obtenu, enfin les classes sont rangées par ordre de mérite, et une promenade extraordinaire accordée à celle qui a obtenu le premier rang.

            On a remplacé, dans quelques établissements, les examens semestriels par des examens mensuels. Je ne pense pas qu’il y ait à cette substitution de réels avantages. Il n’est plus possible de donner à ces examens multipliés la solennité et l’importance des autres, et puis c’est dans chaque classe une journée de perdue par mois. Les examens hebdomadaires faits parle directeur du collège produisent un eflet plus direct. Ils ont cet avantage d’entretenir |56 l’émulation des élèves et du professeur lui-même, et de tenir le directeur au courant de la méthode et du

            travail de chaque classe. Ils peuvent être faits de plusieurs manières, celle que je propose peut n’être pas la meilleure, mais je l’ai vu employer avec succès, et j’en connais les résultats. Les programmes de l’enseignement sont, pour toutes les classes, parfaitement déterminés et arrêtés d’avance. Les notes hebdomadaires et les places de composition partagent la classe en trois catégories assez bien tranchées, les forts, les moyens et les faibles. Le directeur appelle successivement chacune de ces catégories, en dehors des heures de classe. La première semaine de chaque mois, par exemple, il interroge la tête de la classe sur les différentes parties du programme, et sait ainsi à quel point en est l’enseignement ; la deuxième semaine, il examine les cahiers de la partie moyenne ; la troisième semaine il réunit les plus faibles et corrige quelques devoirs, fait réciter quelques leçons, expliquer quelques passages d’auteurs ; enfin, la quatrième semaine, il prend deux ou trois élèves de chacune de ces catégories, et, en leur faisant faire immédiatement quelques exercices, en les interrogeant simultanément sur les diverses parties de l’enseignement, il reconnalt la différence qui existe entre chacune d’elles et peut ensuite adresser au professeur d’utiles observations. Il examine ainsi deux classes par jour, et une semaine lui suffit pour les examiner toutes. Ces examens, cependant, comme ils n’entrent pas d’une manière nécessaire dans le règlement du collège, n’asservissent pas le directeur qui peut toujours s’en affranchir, quand il est réclamé par des

            devoirs plus impérieux. Ces examens peuvent être inutiles dans les grands établissements, ils peuvent l’être aussi dans les classes supérieures ; mais je les crois importants, presque nécessaires dans les collèges de second ordre et dans les classes inférieures.


            Concours entre les classes.


            Je ne parle ici que pour mémoire du concours général55. Cette institution ne pouvant guère exister que là où elle est établie. |57

            Mais le banquet de la Saint-Charlemagne56, particulier à l’Académie de Paris, pourrait l’être partout. Les élèves y attachent en général le plus grand prix ; je voudrais seulement qu’il fût destiné à récompenser, aussi bien que la valeur intellectuelle, la valeur morale. À la place du concours général qui maintient le niveau des études à la même hauteur dans tous les lycées de Paris, le directeur d’un collège a essayé d’établir entre toutes les classes de son établissement deux concours annuels analogues au moins par leurs résultats, et qui maintiennent, sinon le niveau des études, au moins le niveau du travail. Ces concours sont absolument facultatifs, aucune punition n’est infligée à ceux qui n’y prennent point de part. Le directeur indique à chaque classe, suivant le programme de ses


            55 L’organisation tout au long du XIXe siècle de ce concours, théoriquement national mais en réalité surtout parisien, a connu une histoire mouvementée, cf. Jacques Champion, « Le concours général et son rôle dans la formation des élites universitaires au XIXe siècle », in Revue française de pédagogie 31 (1975), pp. 71-82 (B.G.).

            56 Depuis 1661, Charlemagne est le patron de L’université de Paris, ayant

            pris pour saint patron Charlemagne à partir de 1661, célébra sa fête chaque 28 janvier pendant tout le XIXe siècle, ainsi que plusieurs collèges jusqu’au milieu du XXe siècle. C’est encore de nos jours à la fin janvier que l’Association des lauréats du Concours général tient toujours son repas annuel (B.G.).

            études, un sujet de composition, une question de grammaire, par exemple, et la méthode à suivre pour la développer. Deux mois et demi sont accordés pour ce travail, du 1er décembre au 15 février pour le premier concours, du 1er mai au 15 juillet pour le second. Les copies sont corrigées et appréciées, non pas suivant leur valeur relative, mais suivant leur valeur intrinsèque, et elles n’obtiennent de récompenses que d’après le travail personnel qu’elles témoignent. Les premières copies de chaque classe sont ensuite comparées entre elles, le premier des premiers reçoit un prix spécial et une récompense particulière est accordée à la classe qui a donné le plus grand nombre de bonnes copies. Je demande la permission d’indiquer ici, malgré son apparence de pédantisme, un de ces sujets de composition, pour montrer tout le parti qu’un professeur en peut tirer pour la direction et

            l’avancement de sa classe, et le directeur du collège pour le progrès général des études.


            Cette question de grammaire comparée a été proposée à une classe de troisième :

            Exposer les différentes manières dont les trois langues classiques57 unissent la proposition principale à la proposition subordonnée.

    1. Tous les exemples doivent être puisés dans les auteurs |58

lus et expliqués en classe, la page d’où ils sont tirés doit être soigneusement indiquée en marge.

Programme : 1° Définir la proposition principale, en distinguer les différentes espèces, donner de chacune d’elles un exemple dans les trois langues. 2° Définir la proposition subordonnée, la distinguer de la proposition incidente ; Exemples. 3° Montrer les différentes manières dont la proposition subordonnée s’unit à la proposition principale, en prenant pour point de départ la proposition française ;


57 Grec, latin, français (B.G.).

Exemples. 4° Énumération des conjonctions qui les unissent dans les trois langues ; Exemples. 5° Modes régis par ces conjonctions. Corrélation des temps du premier et du deuxième verbe ; Exemples. 6° Modes impersonnels servant à les unir dans les trois langues ; Exemples. 7° Résumé. Comparaison des trois langues. Ressemblances. Différences. Ce sujet demande un travail sérieux et réfléchi, et, pour que ses élèves le traitent convenablement, un professeur doit leur faire remarquer, dans ses explications, toutes les phrases qui peuvent servir d’exemple aux règles qu’ils ont à développer, et, en même temps, les élèves ont appris d’une manière intelligente et réfléchie les règles de leur grammaire, ils se sont formés un recueil de bonnes expressions, et ils ont mieux compris le texte de leurs auteurs. De plus, une occupation extraordinaire et intéressante a prévenu les pertes de temps si fréquentes pendant les études.


Ces concours peuvent avoir différents objets. Si le premier a été un concours littéraire, le deuxième sera un concours scientifique. J’indique encore quelques questions proposées à des classes professionnelles :


Technologie. — Rendre compte des différents tissus obtenus avec la soie, de la manière et des procédés par lesquels on les obtient. Des divers procédés employés pour la teindre.


Physique. — Des différents phénomènes qui se produisent dans l’air et par l’air ; moyens de les constater, de les apprécier. Lois formulées à cet égard.


Histoire naturelle. — Animaux domestiques de chaque classe. Moyens de les élever. Leurs produits pour les usages de la vie.

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Mécanique. — Machines mues par des chutes d’eau. Établissement d’une chute d’eau. Calcul de sa force, etc., etc.


Académie.


Mais ce qu’il y a de plus difficile et de plus important à en courager et à soutenir, c’est l’ardeur, c’est l’effort de tous les jours. Une autre institution y a pourvu. Elle a pris le nom un peu prétentieux d’académie. Un grand nombre de collèges ont créé des académies, but suprême de tous les efforts, et dans lesquelles on ne peut entrer qu’à certaines conditions de travail, de succès et de bonne conduite. L’académie, dont je veux parler, n’est pas la plus haute récompense du collège ; tous les élèves peuvent y prétendre ; il leur suffit de quelques efforts de volonté. Le premier jeudi de chaque mois, dans une réunion générale des professeurs et des élèves, tous les devoirs de tous les jours, même les plus humbles, même une page d’écriture, même une leçon, pourvu qu’ils témoignent du travail et des progrès, sont admis aux honneurs de la séance. L’élève monte dans une tribune, lit son devoir ou en rend compte, ce qui vaut mieux quelquefois ; le directeur qui préside à cette réunion le commente et le critique, et accorde, s’il y a lieu, comme récompense des cachets ou bons points servant ensuire à mériter des prix à la fin de l’année, comme je le dirai plus tard. Pour obtenir le titre d’académicien, il faut avoir mérité la note bien pour trois devoirs au moins, ou parfaitement bien pour un seul. Les élèves qui ont conservé ce titre pendant un semestre, obtiennent une distinction particulière à la distribution des prix de Pâques ou de la fin de l’année. Je parlerai plus loin d’une séance solennelle de l’Académie qui a lieu tous les trois mois.

Promenades scientifiques. — Arts d’agrément.


Les promenades scientifiques en usage dans quelques collège, pour les classes les plus avancées et auxquelles ne doivent |60 prendre part que les élèves capables d’en profiter, les arts d’agrément que les pères de famille ne doivent permettre qu’autant qu’ils ne nuisent pas à des études plus importantes,

sont encore pour certains caractères de précieux stimulants, qu’il est facile d’employer à propos.


Distribution des prix.


Enfin la distribution des prix couronne tous ces efforts successifs, tous ces succès partiels. En couronnant spécialement chacune des facultés, et par là en multipliant les prix, on a voulu, et avec raison, récompenser le plus grand nombre possible de concurrents, mais en somme c’est toujours l’intelligence naturelle ou acquise qui obtient le plus de succès. La volonté, ordinairement étrangère aux aptitudes d’un enfant, la conscience qui fait pourtant sa véritable, sa seule valeur, ne trouvent jamais de récompense au moins directe dans cette solennité. Tous ces stimulants au succès ne stimulent que pour le temps même des études ; ils peuvent donner, mais ils ne donnent pas toujours même le goût et l’habitude du travail ; ils n’élèvent pas l’âme de nos élèves, ils ne leur donnent ni le sentiment de leur dignité, ni le sentiment de leur devoir, bien moins encore le sentiment de leur immortelle destinée ; ils ne leur donnent ni l’habitude ni la volonté du bien.


Stimulants de l’éducation.


Comme il y a des prix pour l’intelligence, j’en voudrais donc pour la conscience, comme il y en a pour l’instruction, j’en voudrais pour l’éducation. Je ne me dissimule aucune des

objections. Dix-huit ans d’expérience58 n’ont pu me laisser étranger aux difficultés de l’éducation, et, malgré mes déceptions, je crois encore possible de les vaincre, je crois surtout que c’est un de voir d’essayer de les vaincre. |61


On risque, dit-on d’abord, de ne récompenser que l’hypocrisie. Il n’est pas possible, en effet, de récompenser ce que l’on ne voit pas ; Dieu seul, par exemple, pourrait donner un prix de piété. Ensuite la plupart de ces sortes de prix feraient cesser la vertu même qu’on voudrait récompenser ; si nous donnons un prix de modestie, il est à peu près certain que la modestie aura disparu en le recevant ; un prix de bon caractère, il sera apprécié d’une manière différente par les maîtres eux- mêmes et surtout par les élèves ; un prix de vertu, le mot est bien vague pour des enfants, et puis qu’est-ce que la vertu d’un enfant ? Là, comme pour l’intelligence, on récompensera plutôt encore l’aptitude naturelle que l’effort. Il y a des enfants naturellement paisibles, naturellement bons, d’autres naturel- lement emportés, naturellement ardents ; en récompensant les premiers on ne récompensera bien souvent que l’apathie et l’indifférence ; en refusant des prix aux seconds, on méconnaitra peut être des efforts très- réels, on commettra de graves injustices plus préjudiciables que l’absence complète de récompenses. Enfin la véritable vertu doit se suffire à elle- même, et c’est l’élever, comme elle doit être élevée, que de l’accoutumer à trouver en elle-même sa récompense ; si vous la faites paraître aux regards du public, vous lui enlevez la plus précieuse de ses qualités. « Les belles actions cachées sont les

plus estimables, a dit Pascal59. »


58 Ceci fit commencer la carrière d’enseignant d’Alexandre Delarue en 1841, alors qu’il n’était âgé que de 19 ans.

59 Blaise Pascal (1623-1662), Pensées IX, 21.

Voilà à peu près toutes les objections, je n’ai fait que les résumer ; je ne crois pas les avoir affaiblies, j’en reconnais toute la valeur ; j’espère néanmoins que je les aurai résolues par l’exposé d’un système complet de stimulants. Avant de dire comment je voudrais récompenser publiquement la volonté, la conscience, la persévérance surtout, il est nécessaire de montrer par quels moyens successifs elle peut être constatée, stimulée, soutenue pendant tout le cours de l’année, comme l’intelligence l’est par les compositions, les examens, etc.


Notes hebdomadaires.


Le premier moyen et le plus employé ce sont les notes hebdomadaires. |62 Ces notes, comme le remarque Mgr Dupanloup, peuvent tenir lieu d’un système complet de récompenses et de punitions ; mais elles doivent pour cela remplir deux conditions essentielles : 1° Il faut d’abord qu’elles

constatent bien plus l’effort et le travail, l’application en un mot que la valeur absolue du devoir, il faut sans doute qu’elles tiennent compte des fautes commises contre la discipline ; mais aussi, comme je l’ai demandé plus haut, qu’elles constatent le repentir et la réparation. Cette constatation du travail réel et de la conduite offre tout d’abord quelque difficulté à un maître encore inexpérimenté ou qui ne connaît pas bien ses élèves ; mais il ne tarde pas à les juger, et cette appréciation d’ailleurs n’a pas besoin d’une rigueur mathématique. Une copie proprement et lisiblement écrite, avec tous les signes de ponctuation, avec quelques ratures même, mais précises et indiquant une correction réfléchie, voilà des signes évidents de bonne volonté. Cette forme séduisante peut cacher un devoir mauvais mais qui ne tardera pas à s’améliorer, et il sera facile de saisir et par conséquent de constater ces améliorations progressives. Un élève intelligent cachera souvent d’excellents devoirs sous une forme détestable, qui presque toujours

accusera son application. Rien de plus facile que de saisir, dans l’appréciation de la conduite, les signes de la bonne volonté ; on ne peut s’y méprendre, je ne m’y arrête pas.


2° Il faut en second lieu que ces notes soient lues ou plutôt proclamées de manière à produire sur l’esprit de nos élèves la plus vive impression, il faut qu’elles soient redoutées ou espérées. Proclamées dans les classes, elles n’ont que peu ou point d’influence : les mauvais écoliers s’y accoutument comme aux mauvaises places. Ce secret leur laisse encore la possibilité d’en imposer aux plus jeunes par une certaine fluidité de paroles, une certaine audace de pensées, dont ne manquent jamais ces sortes de caractères. La lecture publique des notes en présence de tous leurs maîtres, de tous leurs camarades ou au moins de toute leur division, en attaquant indirectement leur vanité, en dévoilant leur paresse ou leur nullité, diminue

beaucoup leur dangereuse influence, les fait rentrer en eux- mêmes |63 et finit souvent par les ramener au bien. L’enfant se tient debout aussitôt que son nom est appelé ; le directeur lit lui- même ses notes, ou mieux encore chaque professeur en sa présence. L’autorité du maître est ainsi relevée aux yeux de

l’enfant et en même temps il est plus facile au directeur de lire sur les physionomies l’impression qu’ils éprouvent et d’y approprier ses paroles. Il laisse passer les notes ordinaires, mais il remarque publiquement les bonnes et les mauvaises, il encourage les efforts et réprimande le relâchement ; il condamne au besoin l’élève, dont la conduite ou le travail ont mérité mal, à rester debout pendant tout le temps que dure la lecture des notes de sa classe ou même de la division. Cet aveu public de toutes les fautes les a expiées, et il est facile, à un enfant que son étourderie seule a entraîné, de recommencer ainsi chaque semaine une vie nouvelle. Cette solennité hebdomadaire, à laquelle la présence de quelques étrangers, de quelques pères de famille, de quelques membres de l’autorité

pourrait de temps en temps ajouter de l’éclat, frappe l’imagination de l’enfant et fixe dans sa mémoire les conseils qui lui sont adressés. Un directeur habile profite encore de ces réunions pour donner des avis généraux, discrètes allusions ou paternels avertissements pour quelques-uns, destinés à réveiller dans les âmes l’ardeur et le désir du bien.


Inscriptions aux tableaux d’honneur. — Cachets.


Aux bonnes notes sont attachés les plus grands privilèges. Elles seules obtiennent les inscriptions aux tableaux d’honneur, et toutes les faveurs qui peuvent être accordées à des écoliers. Elles sont encore récompensées par des exemptions, cachets ou satisfecit (le nom ne fait rien à l’affaire) qui en sont comme les signes matériels, comme les monuments. Ces cachets (adoptons ce nom) servent à racheter des punitions, emploi parfaitement légitime, puisqu’il est toujours juste qu’une faute soit rachetée par une bonne action ; elles donnent droit en outre à des sorties

de faveur, sur lesquelles je reviendrai. |64


Prix de cachets.


Ces privilèges ne me suffisent pourtant pas. Si les notes hebdomadaires sont, comme je l’ai dit tout à l’heure, la constatation du travail et des efforts, en couronnera, en les récompensant, le travail et la persévérance. Toutes les fautes, celles de discipline surtout, devraient être rachetées par le retrait d’un ou de plusieurs de ces cachets, et un prix serait accordé à l’élève qui, pendant tout un semestre, en aurait obtenu ou conservé un nombre déterminé. Ces cachets deviendraient ainsi une sorte de monnaie d’une valeur plus élevée que les bons, donnés par les maîtres d’études, avec lesquels du reste ils pourraient se confondre par une facile combinaison. Les élèves laborieux, mais qui ne peuvent arriver à la tête de leur classe,

trouveraient dans ces prix un moyen d’obtenir à la fin de l’année une compensation à leurs échecs, à leurs efforts. La persévérance, la modestie, la piété même obtiendraicnt les prix qui leur sont dus sans être nommées, sans perdre, pour ainsi dire, leur virginité. Les notes de conduite en classe, à l’étude et dans les exercices (réfectoire, dortoir, rangs, récréations) auraient une valeur double des autres, récompensées d’ailleurs en partie par les prix de facultés. Enfin, à l’élève qui aurait obtenu et conservé le plus grand nombre de cachets, il serait accordé, d’après l’avis de ses maîtres (j’écarte à dessein les suffrages de ses camarades), un prix d’honneur qui aurait plus de valeur morale que les prix de discours latin ou de dissertation française.


Sorties.


Ces prix remplaceraient peut-être avec avantage les sorties de faveur, que les élèves achètent avec ces cachets. On pourrait du reste leur en laisser le choix. Je sais tout ce que l’on peut dire à l’appui des sorties : elles entretiennent l’esprit de famille, |65 préviennent l’oubli et l’indifférence, familiarisent le jeune homme avec les usages du monde, etc. Je voudrais et de toute mon âme que cela fut aussi vrai qu’on le croit communément ;

mais il ne faut pas avoir une bien longue expérience de l’Éducation pour être convaincu que le collège est bien plus apte à donner l’esprit de famille, à inspirer le respect et la soumission que la plupart des familles, qu’il peut bien plus encore former à la véritable politesse : on a établi la règle sur les exceptions. Les sorties, pour dire ici toute ma pensée, ne doivent pas être des récompenses, il serait souvent impossible de les accorder, et les familles ont seules le droit de punir leurs enfants en les éloignant d’elles. Il est important en général, il est indispensable quelquefois que l’enfant ne soit pas privé des réunions intimes de la famille ; mais ces réunions extra-

ordinaires sont rares, et les familles sages les placent, autant que possible, pendant les congés réguliers du collège ; il est nécessaire souvent que l’enfant soit absent des fêtes qui ne sont pas des réunions de famille. Les sorties trop fréquentes, tous les maîtres le savent, sont une source continuellement avivée de mauvais esprit, de conversations dangereuses, tout au moins de distractions et de dissipation d’esprit.


Mais c’est un stimulant si puissant qu’il y faut regarder à deux fois avant de le supprimer. D’accord, mais je veux être conséquent avec les principes que j’ai posés, et tout stimulant dangereux doit être rejeté. Je crois d’ailleurs qu’il perdrait beaucoup de son influence si l’on s’étudiait à rendre la vie du collège plus aimable, à fournir un aliment souvent renouvelé à la curiosité, à l’imagination et par conséquent aux conversations des élèves. On a recours, dans quelques établissements, à des représentations théâtrales. L’Université les a interdites depuis longtemps et avec raison ; c’est une futilité qui demande trop de préparatifs et à laquelle il faut penser trop longtemps d’avance ; les acteurs perdent un temps précieux à apprendre et à répéter leur rôle ; les répétitions servent de prétexte à des réunions qui ne sont pas toujours sans danger ; Dieu sait enfin quelle littérature laissent ces rôles dans la mémoire des élèves. Mais la

représentation |66 d’une tragédie ou d’une comédie latine apprise en classe, la déclamation de quelques beaux morceaux

de Corneille, de Bossuet, de tous nos bons auteurs, quelques morceaux de chant ou de musique préparés dans leurs leçons par nos élèves, une séance solennelle d’Académie, animée par la présence de quelques étrangers, par la lecture de quelques compositions attrayantes ; les promenades scientifiques ou artistiques, dont j’ai parlé, des loteries, comme celles que j’ai indiquées à l’article des écoles, des soirées de prestidigitation, quand l’occasion s’en présente, des soirées enfin, de vraies soirées, comme celles que je vais proposer, voilà une foule de

moyens qui, avec un peu de savoir faire du directeur, rompraient la monotonie de la règle, occuperaient l’esprit de nos élèves et suffiraient souvent pour prévenir et pour arrêter le mauvais esprit, les cabales, les entretiens dangereux et leurs déplorables conséquences.


Soirées.


Je ne sais pas de fléau plus redoutable pour l’Éducation que l’esprit d’insubordination, que la haine réciproque des maîtres et des élèves. Nos élèves, quelle que soit la position de leur famille, sont d’abord nos enfants, et j’avoue qu’il me répugne de les appeler Monsieur et de les entendre appeler ainsi. L’enfant est naturellement affectueux, naturellement familier, il n’a droit, et il le sait bien, à aucune marque de respect (on comprend bien que je ne veux parler que du respect extérieur). Il a droit à notre affection. Bien loin de repousser ces sentiments naturels, je voudrais les exciter encore. Je voudrais rapprocher les maîtres et les élèves, comme des pères et des enfants, par des relations fréquentes, par des relations de société, par des soirées. Faudrait-il de la part des maîtres beaucoup d’abnégation et de dévoûment ? bien moins qu’on ne se l’imagine. Ces réunions d’abord sont absolument facultatives, et puis la jeunesse que l’on instruit, inspire, quand elle aime, un véritable intérêt, une véritable affection, et, quand elle aime, ah ! qu’elle aime bien ! La distinction des manières

fait certainement partie d’une |67 bonne Éducation comme la distinction des sentiments ; c’est donc un devoir pour nous d’y

former nos élèves, autant que le peut permettre la discipline du collège. Quel meilleur moyen que de leur en donner nous- mêmes l’exemple ! Ces réunions familières stimuleront à la fois et leur esprit et leur cœur. Ils chercheront à briller au milieu de ces maîtres qui élèvent avec tant de bonté jusqu’à eux leur

ignorance ; ils aimeront ces maîtres qui se font enfants avec eux et qui veulent bien descendre jusqu’à leur faiblesse.


Pour les jeunes enfants, nos soirées ne seraient guère occupées que par des jeux assaisonnés de quelques assiettées de gâteaux et de bonbons ; le répertoire en est assez nombreux pour que je ne m’y arrête pas. Les soirées données aux classes supérieures offriraient un autre genre d’intérêt. Des soirées littéraires et artistiques encourageraient la littérature et les beaux-arts. Deux ou trois bonnes compositions pourraient y être lues, et, dans une causerie dirigée par un de leurs maîtres, appréciées, louées avec sobriété, critiquées surtout mais avec affection ; on louerait aujourd’hui ce qu’on critiquerait dans l’âge mûr ; un professeur même lirait à son tour (et rien ne toucherait plus ses élèves que cette condescendance) un essai de sa composition ; il leur apprendrait à souffrir la critique, à la discuter doucement, à s’y rendre de bonne grâce ou à triompher modestement. Le meilleur virtuose exécuterait ou chanterait quelque morceau, bien préparé, dans le but de faire honneur à la soirée du directeur ; sur la table du salon seraient exposés les meilleurs dessins, un peu pèle-mêle avec d’excellentes gravures tirées des maîtres, et un artiste, comme il s’en rencontre quelquefois, critiqueraît, louerait, commentcrait, et avec l’amour du beau ferait pénétrer dans ces jeunes âmes toutes ouvertes à l’émotion l’amour du vrai. Il est peu de villes où il ne se rencontre quelques hommes instruits et aimant la jeunesse, qui prendraient part volontiers à ces petites réunions de famille. Leur présence, leurs éloges souvent exagérés, mais corrigés par la prudence du maître,

seraient encore un attrait de plus. Une conversation animée conduite par un homme instruit, pénétré de tendresse pour les |68 enfants, habitué à distinguer dans le regard, dans les paroles, dans les gestes, la vanité des uns, la susceptibilité des autres, serait pour ces jeunes âmes une source féconde de conseils

indirects, de bons exemples et de sentiments généreux. Plus que

tous les autres, ces stimulants doivent être accessibles à tous les élèves, aux plus intelligents comme aux plus faibles : personne ne se croirait impunément exclu du salon du directeur. Réservées aux plus forts, ces soirées seraient pour les autres une cause d’envie et de découragement ; données avec une intention marquée aux élèves les plus faibles, sous le prétexte spécieux qu’ils ont plus besoin d’encouragement, elles ne tarderaient pas à tomber sous le mépris des premiers et seraient bientôt dédaignées par les seconds, honteux de n’y trouver qu’un dédommagement à leur incapacité. Dans des soirées spéciales, données aux élèves qui se sont le plus distingués par leur travail et leurs efforts, les deux extrémités de la classe peuvent et doivent toujours se rencontrer. Les plus forts y apprennent qu’il existe une valeur morale autre que celle de l’intelligence, et les plus faibles y reconnaissent que ce n’est pas le succès qui fait le mérite de l’homme, mais bien l’ef fort de la volonté et la persévérance dans la lutte.


Pour constater les efforts de ses élèves, voici la méthode que j’ai vu employer avec succès par le directeur d’un collège où ces soirées sont établies. Après s’être fait rendre compte, chaque mois, de chacun des élèves, et, avec l’avis des professeurs, il indique à chacun un effort spécial à faire dans le cours du mois suivant : habitudes de piété, de bonne tenue dans les actions et dans les paroles, docilité, bon caractère, application, silence, succès dans une faculté longtemps négligée, tels sont les buts divers qu’il leur propose successivement ; il lui devient facile dès lors de constater par les notes spéciales la bonne volonté de l’enfant. Outre les avantages qui leur sont propres, ces soirées remplissent encore toutes les conditions des meilleurs stimulants. En récompensant à la fois plusieurs élèves de la même manière et pour le même

motif, donnant à tous la même espérance, |69 elles risquent moins d’irriter l’orgueil des uns et la jalousie des autres ; elles

répandent dans tout le collège, par la bouche des élus, la bonté et la bienveillance de ces maîtres qui s’oublient eux-mêmes pour ne songer qu’au plaisir de leurs élèves ; elles unissent surtout ceux qui sont capables de vouloir et de faire le bien, et qui s’excitent mutuellement ensuite à se retrouver dans ces heureuses et paisibles réunions.


Association des bons écoliers.


Rapprocher en effet tous les élèves de bonne volonté, les fortifier les uns par les autres contre la contagion du mauvais exemple, donner des modèles à tous, leur inspirer l’amour, l’enthousiasme, le prosélytismc du devoir, créer une armée du bien, tel est certainement le but que doit se proposer tout homme chargé d’élever la jeunesse, tel est le but qu’on s’est évidemment proposé dans ces congrégations établies dans les maisons d’Éducations religieuses, sous le patronage de la sainte Vierge et des saints, et dans lesquelles on n’est admis qu’à certaines conditions de piété, de travail et de bonne conduite. Ces congrégations sont un puissant moyen d’émulation et pour ceux qui en font partie et pour leurs camarades, au milieu desquels ils vivent quelquefois comme des apôtres et toujours comme des modèles. Je ne me dissimule pas les difficultés de toute nature que pourraient soulever dans nos colléges l’établissement d’une pareille institution ; j’ai pourtant la conviction (sera-t-il téméraire d’ajouter par expérience) qu’avec de la volonté, de la persévérance et du temps on réussirait certainement à créer, dans chaque division, une association analogue.


Je ne puis mieux faire pour en donner l’idée que d’exposer le plan d’une Association des bons écoliers essayée dans un collège depuis peu de temps et qui commence déjà à y produire quelques fruits.

1° Il est formé chaque année une association des bons écoliers dont le nombre peut varier suivant les circonstances. Huit |70 sont choisis dès la rentrée par le directeur de l’Établissement parmi les élèves qui ont donné, pendant l’année précédente, des garanties de leur bonne volonté et de leur ardeur pour le bien et qui ont obtenu le plus de prix de cachets ;


2° On peut être admis dans l’Association, si, après en avoir fait la demande (condition expresse) on mérite la note très-bien pour la conduite pendant trois semaines de suite ; si les notes de facultés ne descendent pas au-dcssous de assez bien ; si enfin, pendant ce même temps, on n’a manqué à aucune des obligations imposées aux bons écoliers par l’art. 5 ;


3° On est exclu provisoirement de l’Association si l’on a mérité mal une seule fois pour la conduite, ou faible pendant trois semaines de suite; si les notes obtenues pendant le même temps dans les facultés, indiquent un grand relâchement dans le travail; si enfin l’ensemble de la tenue devient évidemment mauvais. On n’y peut être réintégré qu’après deux semaines de notes excellentes ;


4° On est exclu absolument de l’Association, si l’on a mérité une seule fois très-mal pour la conduite ou mal deux fois de suite. Les élèves exclus rentrent dans les conditions ordinaires ;


5° Les bons écoliers s’engagent à donner constamment à leurs camarades de bons conseils et de bons exemples, par conséquent à se montrer :

Pieux dans tous les exercices de piété. Dociles envers tous les maîtres.

Laborieux dans les classes et les études. Obligeants à l’égard de tous leurs camarades.

Toute faute envers l’une de ces quatre obligations les prive de leurs droits pendant une semaine et peut, si elle est grave, les faire exclure de l’Association.


6° Les bons écoliers ne sont jamais et d’aucune manière exemptés des prescriptions du règlement.


7° Ils ont droit aux privilèges suivants :


1° Ils sont chargés de toutes les fonctions du collège. Ces fonctions peuvent varier suivant les établissements. Elles |71 sont toutes honorifiques, et ne confèrent aucunement le droit de se soustraire à la règle.

Deux (les plus sages) sont chargés du soin de la chapelle60.

Deux réglementaires sont chargés de sonner la cloche des exercices, de veiller à l’exécution des règlements affichés, de recueillir les copies dans les études, etc.

Deux questeurs recueillent et serrent tous les objets perdus. Aucun de ces objets n’est rendu, sans qu’il soit versé une amende d’un sou dans le tronc des pauvres.

Deux bibliothécaires chargés du soin de la bibliothèque et de la distribution des livres.

Deux secrétaires du directeur, chargés de ses commissions dans les classes et auprès des professeurs ; tenant note des élèves admis aux soirées.

Un secrétaire de l’Académie, chargé du procès-verbal de toutes les séances.

Un trésorier des pauvres, chargé de recueillir les offrandes et d’inscrire les secours donnés.


60 La chapelle du collège d’Étampes se trouvait à peu près là où s’étend aujourd’hui le réfectoire du collège Jean-Étienne Guettard ; une arcature en a été dégagée par de récents travaux de réaménagement.

Un secrétaire de l’Association tenant registre chaque semaine des notes des associés.

Les bons écoliers peuvent être seuls chargés des commissions des professeurs.


2° Les bons écoliers reçoivent à la fin de l’année une distinction particulière, s’ils ont rempli exactement leurs fonctions et leurs obligations, sans jamais s’écarter du règlement.


3° Ils sont placés dans toutes les réunions générales, séances d’Académie, lecture des notes, etc., à la tête de leurs camarades et à une place spéciale.


4° Ceux qui ont mérité les meilleures notes pendant la semaine portent le dimanche ou le jeudi des secours à quelques familles pauvres. C’est un usage établi dans la plupart des lycées et des collèges de faire chaque année entre les fonctionnaires et les élèves une quête, dont le produit est déposé un peu fastueusement peut-être au bureau de bienfaisance. On veut par cette excellente coutume donner à nos élèves l’idée de la charité ; peut-être, au |72 lieu de cette collecte une fois faite, puisée souvent dans la bourse de la famille et qui ne laisse au cœur de l’enfant aucun souvenir d’une bonne action, peut-être

serait-il plus utile à l’Éducation de placer à l’entrée de chaque étude un tronc pour les pauvres et d’engager les élèves à y jeter chaque semaine ne fût-ce qu’un sou de leurs menus plaisirs ; la pensée de la charité serait ainsi constamment vivante au milieu d’eux. Si un malheur, un incendie, une inondation venait les solliciter, on les trouverait prêts à sacrifier jusqu’à leurs jeux, jusqu’à leurs prix pour soulager ceux qui souffrent. Un compte exact de l’emploi de ces fonds serait rendu publiquement chaque semaine à l’Association des bons écoliers. Si la visite d’une ou deux familles n’était pas possible, ces fonds seraient

portés ou chez le curé de la paroisse, ou chez le président du bureau de bienfaisance. Je condamnais tout à l’heure ces sorties funestes qui initient le jeune homme aux vices de la société, combien lui seraient profitables au contraire celles qui, en l’initiant à ses bonnes œuvres, lui montreraient qu’au sortir du collège il trouvera pour le soutenir dans le bien des hommes déjà éprouvés par l’exercice de toutes les vertus.


5° Les bons écoliers ont encore le droit, chaque fois qu’ils ont passé une semaine sans punition et qu’ils ont mérité un très- bien pour la conduite, d’exempter d’une punition un de leurs camarades la semaine suivante. J’ai vu tomber devant cette touchante fraternité une antipathie qui ressemblait presque à de la haine. Un de ces sages enfants, d’une candeur charmante, plein d’intelligence et de bonté était poursuivi, sans autre motif que sa vertu, par la jalousie d’un de ses camarades plus âgé, également intelligent, mais d’un caractère difficile et fantasque ; chaque semaine il l’exemptait presque malgré lui d’une retenue, sans en obtenir même un remerciment. Il arriva que ce malheureux enfant fût privé d’une sortie à laquelle il tenait beaucoup. Il se décida, après bien des hésitations, à prier son camarade d’intercédcr pour lui, celui-ci conjura et obtint sans peine. Le collège n’a pas eu depuis d’amitié plus pure et plus

vraie. Ce cher enfant avait sans calcul, mais |73 seulement par ce merveilleux instinct de bonté que la Providence avait mis dans

son cœur, ramené son compagnon d’études à l’affection puis au bien.


6° L’Association se réunit tous les samedis après la lecture des notes pour régler la répartition des aumônes et relever les notes méritées par chacun de ses membres. Le directeur délivre des billets d’exemption, adresse à chacun les observations qu’il leur croit utiles, et termine ordinairement par une petite exhortation générale.

Considérations générales.


Pour conserver toute leur influence, ces stimulants doivent avoir sans cesse un air de faveur et d’imprévu. Il faut qu’ils dépendent entièrement de l’initiative du directeur, qu’ils puissent étre ajournés, ou même supprimés suivant les circonstances ; il faut dès lors que les élèves s’en rendent dignes. Ici reparaît dans toute sa force le principe de la solidarité. Point de faveurs, si la majorité ne cherche à les mériter, tout ce qui est faveur, immédiatement supprimé, si une faute générale a été commise dans une étude, dans une classe, dans une division, jusqu’à ce que la faute ait été réparée. Les stimulants officiels que les élèves considèrent comme une dette, sont loin d’avoir pour eux le même attrait et la même influence. Loin d’exciter la reconnaissance et l’affection, ils n’amènent trop souvent que la défiance, l’aigreur et la jalousie.


La parole du Directeur.


Ces stimulants libres, dus au dévoûment du directeur, ont besoin du reste pour conserver leur saveur de sa parole toujours présente et toujours ardente. Il faut que ses exhortations fréquentes, tantôt publiques, tantôt particulière, toujours fermes, toujours précises, empreintes à la fois de dévoûment, d’affection |74 et de sévérité rappellent toujours à ses élèves le but de leur éducation, le but bien autrement important de leur vie tout entière, en un mot le sentiment de leur destinée, qu’elles leur rappellent que toutes ces récompenses, dont on les environne, dont on pave pour ainsi dire les salles du collège n’ont pas d’autre but que de les habituer à la pratique volontaire

de leurs devoirs, que ce sentiment survivra seul à leur éducation, et qu’ils doivent dès leur enfance faire le bien pour obéir à leur conscience, que si aujourd’hui on les exhorte à protester en présence de leurs camarades de leur volonté à obéir

à la règle, ce sera pour eux un devoir bien autrement impérieux de protester devant les hommes par leur conduite de leur volonté à pratiquer la vertu. La vraie dignité, la seule grandeur de l’homme, elle est dans la décision ferme et réfléchie de la volonté. Parmi les hommes comme parmi les écoliers, celui-là seul est vraiment digne d’être aimé, vraiment digne d’être estimé, qui témoigne par ses paroles et par ses actes d’une conviction profonde et qui ne craint pas de la proclamer à la face de tous.


Correspondance avec la famille.


Je viens d’exposer un système complet des stimulants que j’ai crus les plus propres à maintenir l’émulation dans l’éducation publique. Ma tâche n’est pourtant pas finie puisque je n’ai pas parlé du rôle de la famille. L’Éducation, comme je l’ai dit en commençant, est un devoir absolu pour le père de famille qui en nous confiant son fils non seulement n’abandonne pas, mais ne peut pas même abandonner ses droits ; notre responsabilité à nous n’est jamais que secondaire et empruntée, et nous n’en pouvons avoir que ce que la famille juge à propos de nous donner ; celle du père subsiste toujours et tout entière. Il peut emprunter nos yeux pour reconnaître les défauts de son fils, notre voix pour le reprendre, il nous prête son autorité pour le corriger. C’est à sa place, c’est pour lui que nous l’élevons, c’est à lui que nous devons le rendre, lui seul peut consolider

notre œuvre. Aussi doit-il |75 y prendre une part active, aussi est-ce pour nous un devoir de conscience de lui faire connaître

les défauts de notre élève et ses qualités, son travail, ses progrès, sa conduite, ses fautes et ses bonnes actions, toutes les espérances comme toutes les inquiétudes que peuvent inspirer son caractère et ses dispositions. Sages donc et prudents les pères qui exigent que leurs enfants leur rendent compte chaque semaine des travaux qu’ils ont faits, des places et des notes

qu’ils ont obtenues, des fautes qu’ils ont commises, enfin de toutes les impressions qu’ils ont éprouvées ; sages surtout les pères qui fortifiant de leur autorité l’autorité des maîtres, et toujours d’accord avec eux, savent louer et récompenser à propos, mais n’hésitent pas à sacrifier leur tendresse à l’éducation de leur fils. Pour un enfant élevé dans l’affection et la reconnaissance, c’est un puissant et précieux moyen d’émulation d’annoncer lui-même à sa famille les bons témoignages que ses maîtres rendent de lui, c’est une expiation sévère et toujours profitable d’être obligé d’écrire sous la dictée ou au moins en présence du directeur du collège l’aveu d’une faute grave qu’il a commise. J’ai vu des enfants verser des torrents de larmes en écrivant leur condamnation, j’en ai vu d’autres s’y refuser obstinément. La conduite d’un maître dévoué est ici toute tracée ; je n’ai pas à m’en occuper, je n’ai voulu que constater l’effet de ce stimulant, dont il ne faut pas abuser, mais dont il faut savoir user. Tous les maîtres savent que de la direction donnée par la famille dépend presque uniquement toute l’Éducation ; c’est elle qui féconde nos efforts, c’est elle aussi qui les rend stériles ; aussi n’est-il pas seulement de notre devoir, mais encore de notre intérêt de couvrir notre responsabilité de celle de la famille par une fréquente corres pondance, par des bulletins précis et complets

sur tous les détails de l’Éducation. |76

ÉPILOGUE.

Quand notre élève nous quittera pour rentrer dans la demeure paternelle, pour aller recevoir au sein de la société et de la liberté la rude et inflexible éducation de l’expérience, nous nous réjouirons de le voir, fidèle à nos leçons, pratiquer hardiment la vertu au milieu des passions qui l’environneront de toute part ; nous pourrons aussi le voir, sinon sans douleur au moins sans remords, abandonner pour quelque temps la route que nous lui avions tracée avec tant de sollicitude ; nous garderons toujours l’espérance qu’il ne tardera pas à se rappeler la dignité de son âme ; qu’il sera ramené à la pratique de ses devoirs par le sentiment ineffaçable de son immortelle destinée.


TABLE

La pagination de l’édition originale est ici portée en rouge.


I. PROLEGOMENES. — DÉFINITION DU SUJET.

Le devoir commence avec la raison.

5

77

L’éducation doit donc commencer avant la raison.

6

78

Les devoirs sont différents, le devoir est le même.

6

78

D’où stimulants généraux, stimulants secondaires.

7

79


II. TROIS DEVOIRS, TROIS STIMULANTS GÉNÉRAUX.

NÉCESSITÉ, CARACTÈRES DES STIMULANTS SECONDAIRES

L’homme a besoin de stimulants

7

81

Ces stimulants divins sont méconnus par la plupart.

8

81

L’éducation doit les régénérer.

8

82

L’éducation a besoin de stimulants particuliers.

9

83

Les stimulants secondaires doivent êrte en rapport avec le but et les moyens de l’éducation

10


84

Destinée des enfants.

10

84

Instincts de l’enfance

11

85


III. DES PERSONNES CHARGÉES DE L’ÉDUCATION.

Le père est obligé à l’éducation

12

87

Qualités des maîtres

12

88

La mère

14

89

IV. ÉDUCATION ET STIMULANTS DE LA PREMIÈRE ENFANCE.

Bonbons, jouets, images, histoires

14

91

Première instruction

15

92

Examen de la journée. — Tirelire

16

94

Rôle du père

17

96

    1. ÉDUCATION ET STIMULANTS DE LA SECONDE ENFANCE

      But de l’instruction 18 97

      Louange et blâme 19 99

      Signes matériels de la louange et du blâme 20 100

      Éducation privée 21 101

      Dangers à éviter dans l’emploi de certains stimulants. 23

      102

      De la vanité 23 103

      Première Communion 24 104


      1° La jeune fille.

      26

      107

      Caractère de la jeune fille.

      27

      108

      Instruction de la jeune fille.

      28

      109

      Stimulants de cette éducation.

      28

      110

      Stimulants naturels. — Désir de plaire.

      28

      110

      Stimulants divins.

      29

      111

      Moyens de les développer.

      30

      112

      Rôle du père.

      31

      113

      2° Le jeune homme.

      33

      115

      L’exemple.

      33

      115

      La science.

      33

      116

      Voyages.

      34

      117

      Manières.

      34

      117

      Ordre.

      35

      118

      Autorité.

      36

      118

      Bilan moral.

      37

      119

      Découragement.

      38

      120

    2. ÉDUCATION DE L’ADOLESCENCE PARAGRAPHE 1er ÉDUCATION PRIVÉE.


Il faut intéresser les enfants à ce qu’ils font.

39

121

Précepteur

40

123

Externat

41

124


PARAGRAPHE 2. ÉDUCATION PUBLIQUE.

Rôle du maître.

43

127

Deux sortes d’établissements : écoles et colléges.

43

127

ART. 1er ÉCOLES.

Difficultés des stimulants.


44


128

Système décimal des bons.

45

129

Décorations.

47

133

ART. 2. COLLÈGES.

Connaissance de la règle.


48


134

Stimulants employés par le professeur.

49

135

Stimulants employés par le maître d’études.

50

136

De la solidarité.

51

137

Comment on peut exciter un enfant au bien.

52

138

Stimulants généraux.

53

139

Stimulants pour l’éducation. — Compositions.

54

140

Examens.

54

141

Concours entre les classes.

56

143

Académie.

59

146

Promenades scientifiques. — Arts d’agrément.

59

147

Distribution des prix.

60

147

Stimulants de l’éducation

60

147

Notes hebdomadaires.

61

149

Inscriptions aux tableaux d’honneur. — Cachets.

63

151

Prix de cachets.

64

151

Sorties.

64

152

Soirées.

66

154

Association des bons écoliers.

69

157

Considérations générales.

73

162

La parole du directeur.

73

162

Correspondance avec la famille. 74 163


ÉPILOGUE. 76 165


FIN DE LA TABLE.


Destinées d’Alexandre Delarue


image

Juillet 1822. Naissance à Paris 61


« Du cinq juillet de l’an mil huit cent vingt deux, deux heures après midi. – Acte de naissance de Alexandre, Vincent du sexe masculin, né d’hier à onze heures du soir, rue de l’Arbre Sec au n° 46, quartier St Honoré chez ses père et mère, fils de Jean, Vincent Delarue marchand de couleurs et de Euphrasie, Marguerite Amiot son épouse. – Déclaration faite à l’État civil par le père de l’enfant, en présence de Pierre, Alexandre Margueville, âgé de trente six ans, bonnetier, domicilié rue des

Mauvaises Paroles n°14, oncle allié de l’enfant et de Bêche, Désiré Carré, âgé de vingt huit ans, limonadier, domicilié rue des Fossés St Germain l’Auxerrois n°18, ami, lesquels après lecture faite ont signé la déclaration, ainsi signé : Delarue fils, Margueritte et Carré. – Constaté suivant la loi par monsieur


61 Saisie d’origine non précisée (on rappelle que l’état civil parisien antérieur à 1860 a été détruit en 1867 ; il doit donc s’agir d’un extrait comme on le voit aux mots : « ainsi signé ») mise en ligne par Guy Trolle sur le site geneanet.org (on corrige cependant ici « maire de Couleuvre » en

« marchand de couleurs »).

Georges Champion, maire adjoint au 4ème arrondissement de Paris. »


Son père


Son père Jean Vincent Delarue, fils de l’épicier Pierre-Vincent Delarue, était né le 13 mai 1795 à Paris, s’était marié aussi à Paris le 27 septembre 1821 à Euphrasie Marguerite Amyot. Cité en septembre 1850, « Delarue, percepteur de Sergy, à Pontoise »62 et en octobre 1851 « percepteur des contributions- directes, Pontoise »63. Il meurt à Paris le 16 novembre 1867, âgé de 72 ans, sept ans après son fils aîné.


Fratrie 64


Léon Delarue (1823-?)

Euphrasie Delarue (1825-?)

Pauline Delarue (1827-1847)

Adèle Euphrasie (1834-)


1834. Naissance de sœur Adèle à Pontoise


« N°59. Delarue Adèle Euphrasie. – Du vingt mai mil huit cent trente quatre, dix heures du matin, acte de naissance de Adèle Euphrasie Delarue, du sexe féminin, née ce jourd’hui à sept heures du matin chez ses père et mère en cette ville rue Grande Tannerie, fille du légitime mariage de M. Jean Vincent Delarue, employé, âgé de quarante ans, et de dame Euphrasie Marguerite Amiot son épouse, âgée de trente six ans, mariés à


62 Le Charivari 19/267 (24 septembre 1850), p. 4 et La Sylphide 11/24 (30 septembre 1850), p. 159 : on peut retirer chez lui des billets pour la

« Loterie des lingots d’or ».

63 Archives nationales, minutier central des notaires, MC/ET/XXX/879.

64 État civil de Pontoise (décès de Pauline le 7 mars 1847).

Paris. – Les témoins ont été M. François Bigault de Boureuille, ancien capitaine d’infanterie, cehvalier de Saint-Louis, âgé de soixante-treize ans, demeurant en cette ville rue de la Bretonnerie, et Mr Jean-Baptiste Menestrier, professeur au collèg de cette ville, agé de trente six ans, demeurant en cette ville rue Grande Tannerie. – Sur la représentation de l’enfant, et sur la déclaration du du père qui a signé avec les témoins et nous adjoint au maire de la ville de Pontoise et par lui délégué pour remplir les fonctions d’officier de l’état civil, après lecture faite. – [Signé :] Delarue – De Boureuille – Ménétrier – Martel adj. »


1847-1848. Prospectus du collège de Pontoise 65


« 699. Collège de Pontoise, sous la direction de M. Delarue, principal. (Notice-réclame avec extrait du règlement). Pontoise, Dufey, 1847, 7 p. petit in-8°. – Collection J. D. [=Joseph Depoin].

« 700. Collège de Pontoise, sous la direction de M. Delarue, principal. Études classiques, etc… (Prospectus du…). Pontoise, Dufey, s. d. [Circà 1848], 5 p. in-8°. – Collection J. D. »


Décembre 1849. Mariage à Versailles 66

« 273. M. Delarue Alexandre Vincent et Dme Decret Louise Georgette – Du samedi huit décembre mil huit cents quarante neuf trois heures du soir, acte de mariage de M. Alexandre Vincent Delarue, principal du collège de Pontoise (Seine & Oise) y demeurant, né à Paris (quatrième arrondissement) le quatre juillet mil huit cent vingt deux, fils de M. Jean Vincent


65 Léon Thomas, « Bibliographie de la ville et du canton de Pontoise », in Mémoires de la Société historique et archéologique de l’arrondissement de Pontoise et du Vexin 5 (1883), p. 85.

66 AD78 1112658, saisie de B. G., 2015.

Delarue, percepteur des contributions directes de Cergy et de de Euphrasie Marguerite Amyot, son épouse, demeurans à Pontoise, tous deux ici présents et consentans. – Et delle Louise Georgette Decret, sans profession, demeurant chez ses père et mère à Versailles rue d’Angevillers n°8 née en cette ville le deux janvier mil huit cent vingt quatre, fille de M. Georges Joseph Decret propriétaire, et de de Eléonore Philibertine Joséphine Dumalletra, son épouse aussi présents et consentant.

– Nous adjoint au maire de Versailles – vu les actes de naissance des dits futurs et les publications du dit mariage faites en cette mairie les dimanches dix huit et vingt cinq novembre dernier et les mêmes jours en la mairie de Pontoise, le tout sans opposition. – Après avoir donné lecture aux parties comparantes assistées des témoins ci après nommés des actes sus énoncés relatifs à leur état et aux formalités de mariage ainsi que du chapitre six du titre du mariage sur les droits et

devoirs respectifs des époux, avons reçu la déclaration du dit sr Alexandre Vincent Delarue qu’il prend pour épouse la delle Louise Georgette Decret, et de la part de la dite delle Decret qu’elle prend pour époux le dit sr Delarue ; en conséquence nous avons déclaré au nom de la loi que le dit sr Delarue et la dite dame Decret sont unis en mariage. – Tout ce que dessus fait en présence de M. Jean Baptiste Boucher, docteur en médecine chevalier de la légion d’honneur, agé de soixante six ans, demeurant à Versailles rue Neuve n°9 ami de l’épouse, de

M. Zozime Jean François Augé, directeur de l’école primaire supérieure communale de Versailles, agé de trente six ans, demeurant en cette ville avenue de Saint-Cloud n°36, beau frère de l’épouse ; de M. Jacques Porphyre Delarue, propriétaire, agé de soixante sept ans, demeurant à Saint Ouen l’Aumône (Seine

& Oise) grand oncle paternel de l’époux et de M. Ambroise Margueritte, propriétaire, agée de soixante un ans, demeurant à Paris rue Saint Honoré n°37 oncle maternel du dit époux ; lesquels ont signé avec les époux, les père et mère de l’époux,

ceux de l’épouse et nous adjoint faisant par délégation les fonctions d’officier public de l’état civil après lecture du dit acte de mariage qui a eu lieu en lieu publiquement en cette mairie les jour, mois et an susdits. – [Signé :] Delarue – Decret [paraphe] – J. Delarue – Margueritte – Augé – J. G. Decret – E.

P. J. Dumaletra – A. Delarue – E. M. Amiot – Illisible. »


1850. Naissance à Pontoise de son fils aîné René


« 121 – Delarue Réné Joseph. – Du huit novembre mil huit cent cinquante à une heure et demie après midi, acte de naissance de Réné Joseph Delarue du sexe masculin, né d’hier à onze heures et demie du soir au domicile de ses père et mère à Pontoise rue Basse de la Grande Tannerie fils du sieur Alexandre Vincent Delarue, principal du collège de cette ville agé de vingt huit ans et de dame Louise Georgette Decret, son épouse agée de vingt six ans, mariés à Versailles. – Les témoins ont été M. Jean Vincent Delarue percepteur de contributions agé de cinquante huit ans et M. Jean Claire Petit, ancien greffier au tribunal de Pontoise agé de cinquante deux ans oassés, demeurans tous deux en la dite ville rue de la Bretonnerie. – L’enfant nous a été présenté et la naissance déclarée par mon dit sieur Delarue son père qui a signé avec les témoins et nous maire officier de l’état civil après lecture faite – [Signé :] A. Delarue – Delarue – Petit – Delaissement. »


1851. Recensement de Pontoise


Le recensement de 181 trouve au collège de Pontoise, d’une part : Vincent Alexandre Delarue, principal du collège, 28 ans ; Louise Decret femme Delarue, 26 ans ; René Joseph Delarue, 6 mois ; Marie Voisinn femme Quinet, nourrice. – D’autre part : Pierre Étienne Désiré Manceau, professeur, 21 ans ; Jules Leriche, professeur, 22 ans ; Jules Lolliot, prfesseur, 22 ans ;

Clément Magnan, élève interne 13 ans ; Joseph Laferie, élève interne, 14 ans ; Philippe Legros, domestique du college, 39 ans ; Victoire Muller veuve Haussler, cuisinière, 56 ans ; Charles Buisseret, concierge, 33 ans ; Elise Sabatier femme Buisseret, 32 ans ; Anathole Buisseret, 5 ans.


1852. Naissance de son fils cadet Gabriel


« N°82 – Delarue Louis Gabriel Alexandre. – Du treize août mil huit cent cinquante deux, quatre heures de relevée, acte de naissance de Louis Gabriel Alexandre Delarue, du sexe masculin, né le jour d’hier à quatre heures du soir au domicile de ses père et mère à Pontoise rue Basse de la Grande Tannerie fils du sieur Alexandre Vincent Delarue, principal du collège de cette ville, agé de trente ans et de dame Louise Georgette Decret, son épouse agée de vingt huit ans, mariés à Versailles. –

Les témoins ont été Mr Claude Cussac, âgé de cinquante sept

ans, secrétaire à la mairie de Pontoise demeurant en la dite ville place du Grand Martoi, et Mr Pierre Hippolyte Lamarre, employé, âgé de quarante six ans, demeurant aussi à Pontoise rue de Gisors. – L’enfant nous a été représenté et la naissance déclarée par mon dit sieur Delarue, son père qui a signé avec les témoins et nous maire officier de l’état civil après lecture faite –

[Signé :] A. Delarue – Cussac – Lamarre – Tavernier. »


1853. Naissance de son troisième fils Joseph


« N°85 – Delarue Joseph Marie Lis Ambroise. – Du vingt deux août mil huit cent cinquante trois, onze heures du matin, acte de naissance de Joeph Marie Louis Ambroise Delarue, du sexe masculin, né le jour d’hier à onze heures trois quarts du soir, au domicile de ses père et mère à Pontoise rue Basse de la Grande Tannerie, fils légitime du sieur Alexandre Vincent Delarue, principal du collège de cette ville, agé de trente et un

ans passés et de dame Louise Georgette Decret, agée de vingt neuf ans, mariés à Versailles. – Les témoins ont été Mr Jules François Lolliot, âgé de vingt cinq ans, professeur au collége de Pontoise, y demeurant, et Mr Pierre Étienne Désiré Manceau aussi professeur demeurant à Pontoise, âgé de vingt trois ans. – L’enfant nous a été représenté, et la naissance déclarée, par le dit sieur Delarue, son père, qui a signé avec les témoins et nous maire officier de l’état civil après lecture faite – [Signé :] A. Delarue – J. F. Lolliot – P. Manceau – Tavernier [paraphe]. »


1853. Mutation de Pontoise à Sainte-Ménehould 67


« Collège de Pontoise. — M. Diverrès, principal du collège de Louhans, est nommé principal du collège de Pontoise, en remplacement de M. Delarue, appelé à d’autres fonctions. […]

« Collége de Sainte-Menehould. — M. Delarue, principal du collége de Pontoise, est nommé principal du collége de Sainte- Menehould, en remplacement de M. Florentin, appelé à d’autres fonctions »


1854. Naissance de son fils Alexandre 68


« N°87. Delarue Alexandre Louis Marie Charles. – L’an mil huit cent cinquante quatre le vingt octobre à dix heures du matin, par devant nous Jean François Lalle adjoint délégué par le maire pour remplir les fonctions d’officier de l’état civil de la ville de Sainte-Ménehould, chef-lieu d’arrondissement, département de la Marne, a comparu à la mairie Alexandre Vincent Delarue, principal du collége de cette ville, y demeurant, âgé de trente deux ans ; lequel nous a présenté un


67 Journal général de l’instruction publique et des cultes 22/68 (24 août 1853), p. 531.

enfant du sexe masculin né hier à six heures du soir, à son domicile, de lui déclarant, et de Louise Georgette Decret, son épouse, âgée de trente ans, sans profession, demeurant avec lui, et auquel enfant il a déclaré vouloir donner les prénoms d’Alexandre Louis Marie Charles. Les dites présentation et déclaration faites en présence d’Alexandre Létache, propriétaire, âgé de cinquante ans, et Louis Siméon Galichet, âgé de trente-cinq ans, secrétaire de la mairie, tous deux domiciliés en cette ville ; et ont le père et les témoins signé avec nous le présent acte, lecture faite. – [Signé :] Galichet [paraphe] – A. Delarue – A. Letache – Lalle. »


1855. Décès de son fils Alexandre 69


« N°46. Delarue Alexandre Louis Marie Charles. – L’an mil huit cent cinquante cinq, le vingt un mars à neuf heures du matin, par devant nous Jean François Lalle adjoint délégué par le maire pour remplir les fonctions d’officier de l’état civil de la ville de Sainte-Ménehould, chef-lieu d’arrondissement du département de la Marne, ont comparu à la mairie, Alexandre Vincent Delarue, principal du collége de cette ville, y demeurant, âgé de trente deux ans, père du décédé ci après nommé, et Alexandre Letache propriétaire âgé de cinquante ans, domicilié à Sainte-Ménehould ; lesquels nous a déclaré qu’her à onze heures du soir, est décédé au domicile de son père à Sainte-Ménehould, où il est né et domicilié, Alexandre Louis Marie Charles Delarue âgé de six mois, fils d’Alexandre Vincent Delarue ci-dessus nommé et de Louise Georgette Decret, son épouse, sans profession, âgée de trente ans, demeurant avec lui. Et après nous être assuré de ce décès nous avons rédigé le présent acte que les déclarants ont signé avec

nous, lecture faite. – [Signé :] A. Delarue – A. Létache – Lalle. »


Sept. 1855. Mutation de Sainte-Ménehould à Étampes 70


« Collége d’Etampes. — M. Delarue, principal du collége de Sainte-Menehould, est nommé principal du collége d’Etampes, en remplacement de M. Raimbault, appelé à d’autres fonctions. […] |486 […]

« Collége de Pamiers. — M. Raimbault, principal du collége d’Étampes, est nommé principal du collége de Pamiers, en remplacement de M. Muzac, en disponibilité. […]

« Collége de Sainte-Menehould. — M. Florentin, régent de cinquième au collége de Guéret, est nommé principal du collége de Sainte-Menehould, en remplacement de M. Delarue, appelé à d’autres fonctions. »


Novembre 1855. État des lieux 71

« Travaux au collège dont le devis s’élève à 581f 32c, ajourné à la session de février – Mr le maire expose que le changement de proviseur au collège nécessite des travaux pour approprier les appartements que doit occuper le nouveau maître, que le montant du devis dressé par l’architecte s’élève à 581f 32 que le mauvais état dans lequel se trouve[nt] les appartements le détermine à demander ce vote au conseil. – Le conseil, après en avoir délibéré, considérant que ces travaux dont la plus grande partie sont en platrerie et en peinture ne peuvent être entrepris pendant la saison actuelle, ajourne à se prononcer sur cette

dépense, à sa session ordinaire de février.


70 Journal général de l’instruction publique et des cultes 24/71 (5 septembre 1855), pp. 485-486.

71 Archives municipales d’Étampes. Délibération municipale du 12 novembre 1855 (fos 113-114).

« Collège. Rejet de la construction d’un four. – Une demande de 300f pour la construction d’un four au collège est rejettée à l’unanimité. »


Novembre 1855. Inventaire du collège 72


« Objets mobiliers utiles au collège. Novembre 1855


Propriétaires

Nomb.

Titre des objets

Observations

Cabinet du principal

M. Rimbault


Porte piquée73


La ville


Porte avec encadrement

Ajustée par M. Rimbault.

La ville


Volets


La ville


Cheminée avec chambranle de marbre

Le tablier à M. Rimbault

M. Rimbault


Placards de chaque côté

Nécessaires

M. Delarue

10

Planches des placards

Id.

?


Porte perdue74 donnant dans le salon

La serrure à M. Delarue

Chambre à coucher

La ville


Cheminée avec chambranle de marbre


Id.


Volets 2 paires


M. Rimbault

10°

2

Jalousies

Très utiles

La ville

11°


Porte pleine avec encadrement


Id.

12°


Porte perdue donnant sur la chambre

La serrure à clef à M. Delarue

Id.

13°


Porte perdue donnant ds le cabinet


Chambre à coucher

La ville 14° Porte perdue ouvrant La serrure à


72 Archives municipales d’Étampes 4R 4.

73 Comprenez : piquée des vers.

74 Porte perdue: à laquelle on a donné le même arasement et le même revêtement que la paroi où elle est percée.

dans le salon clef à M. Delarue

Id. 15° Porte perdue donnant ds le cabinet

M. Rimbault 16° Intérieur de la cheminée Incommode La ville 17° Volets 2 paires

M. Rimbault 18° 2 Jalousies Très utiles

M. Delarue 18° Placard à coulisses – tablette – porte-mant.

M. Rimbault 20° Placard sous une fenêtre condamnée

La ville 21° Porte ouvrant dans la salle à manger Chambre au fond

La ville 22° Porte donnant dans l’alcove

Impossible à déplacer

M. Rimbault 23° Placard sous la fenêtre Assez utile La ville 24° Volets

M. Delarue 25° Tuyaux de poêle |2

Cabinet sur la rue

M. Rimbault 26° Fontaine 75 Objet tout mobilier

M. Delarue 27° planches

Salle à manger

La ville 28° Porte de la cloison avec encadrem.

La ville 29° Poêle servant aux 2 pièces

M. Delarue 30° Placard perdu dans le papier

La ville 31° Porte avec encadrement

Antichambre

M. Rimbault 32° Grand placard à 3 portes

La ville 33° Petit placard dans la croisée


Ajustée par M. Delarue


Assez utile. La ville en a un.

M. Rimbault 34° Coisons en bois Assez utile


75 Fontaine : « Vaisseau de cuivre, de grès, de terre, etc. qui sert de réservoir d'eau et qu'on place d'ordinaire dans une cuisine » (Littré).


La ville

35°


Porte vitrée


Corridor

M. Rimbault

36°


Placard ouvrant par

quatre portes doubles

Assez utile

Id. ?

37°


Cloison vitrée

Nécessaire

Infirmerie

M. Delarue

38°

2

Couchettes en fer


Id.

39°

2

Paillasses76


Id.

40°

2

Matelas


Id.

41°

2

Traversins


Id.

42°

3

Rideux de fenêtre et de lits (paire)


Id.

43°

3

Tringles et flèches


M. Rimbault

44°


Commode

Utile pour les maîtres d’études

Il n’y en a pas encore

45°


Placard en chêne

Je dois en faire mettre un que j’ai77.

M. Delarue

46°


Tables de nuit


Id.

47°


Chaises


Id.

48°


Table


La ville

49°


Volets


Id.

50°


Cheminée en pierre


Id.

51°


Porte avec encadrement


Escalier

M. Rimbault

52°


Armoire à habits

Très utile|3

Greniers

La ville

53°


Horloge


La ville

54°


Ifs pour illuminations78


La ville

55°


Chambranle de cheminée en pierre



76 Paillasse : « Amas de paille enfermée dans une toile, dont on garnit les lits » (Littré).

77 Il semble bien que la dernière colonne de ce tableau a été remplie par Delarue.

78 Espèce de charpenterie, de forme trarmoiresiangulaire, employée dans

les illuminations, et destinée à porter plusieurs lampions dont l'assemblage imite un if taillé en pyramide (Littré).


M. Delarue

56°


Poêle à repasser


M. Rimbault

57°


Bibliothèque

Nécessaire pour les maîtres d’études

M. Rimbault

58°


Traiteau à linge

Très utile

M. Delarue

59°


Cordes en crin


?

60°


Ancien placard de la salle à manger


La ville

61°


Grand placard de la chambre du fond



62°


Méthode de lecture

Tout à fait inutile

M. Rimbault

63°


Couchettes en fer


Id.

64°


paillasses


À séparer

65°


Planches et bois


Chambre de bonnes

M. Rimabult

66°

2

Couchettes en fer


Id.

67°


Paillasses


Id.

68°


Matelas


Id.

69°

2

Traversins


Id.

70°




Petit dortoir

La ville

71°


Porte piquée


M. Rimbault

72°

12

Lits d’élève


Id.

73°

1

Lit de maître


Id.

74°


Paillasses


Id. q.q.uns à

M. Delarue

75°


Matelas


Id. Id.

76°


Traversins


Id. Id.

77°


Couvertures laine


Id. Id.

78°


Couvertures coton


Id.

79°


Alcôve – Planches et portemanteaux


La ville

80°

2

placards

Dans le mur

M. Rimbault

81°


Casier à tiroir

Très utile

Id. 82° 2 Lavabo79 et leurs cuvettes

? 83° Tuyau de poêle

M. Rimbault 84° Veilleuse

Id. 85° Table

Id. 86° Chaise

Id. 87° 2 patêres

Id. 88° Couvre-pied jaune du lit du maître

Classe primaire

La ville 89° 6 Tables et leurs bancs Id. 90° 2 Tableaux noirs

[90bis] Balcons et gradins

[99ter] Boîte à papier

Nécessaire |4

Id.

M. Rimbault La ville ?

Id.

91°

92°

93°

94°


2

Chaire 80

Chaise

Poêle en fonte Placards


M. Rimbault ?

95°


Tableau noir mobile

Nécessaire

Id.

96°


Carte murale

Nécessaire

La ville

97°

2

Cercles de fer


M. Delarue

98°

2

Lampes et supports





Salle d’études


La ville

99°


Chaise


M. Delarue

[99bis]


2 lampes et supports


M. Rimbault

100°


Chaise


La ville

101°

6

Tables et leurs bancs


M. Rimbault

102°


Poêle et tuyaux


Id. ?

103°


Tableau noir

Nécessaire

La ville ?

104°

2

placards

L’un fait par





M. Delarue,





l’autre ne lui





appartient.

M. Rimabult

105°

2

Cartes murales

Nécessaire

Id.

106°

2

Volets (pairs)

Classe de 5e et 6e


79 Le mot est attesté en ce sens depuis seulement 1801 environ. Il semble ici traité encore comme invariable (B.G.).

80 On dit aujourd’hui : bureau.

La ville

107°


Volets



[107b]


Boîte à papier


Id.

108°


placard


Id.

109°


Poêle en construction


M. Rimbault

110°

2

Cartes murales

Nécessaire. L’une n’est pas posée encore.

Id.

111°


Tableau noir

Nécessaire

La ville

112°

4

Tables et leurs bancs

M. Delare en a fait cirer2. |5

M. Rimbault

113°


Chaire


La ville

114°


Chaise


M. Rimbault

115°


Sphère

Utile

Classe de 7e et 8e

La ville

116°

4

Tables et leurs bancs


M. Rimbault

117°


Tableau noir

Nécessaire

Id.

118°


Tableau pour la musique

Id.

M. Delarue

118°


En toile cirée

Id.

La ville

120°


Chaire – boîte à papier


M. Rimbault

121°


Chaise


Id.

122°

2

Cartes murales

Nécessaire

Cour et jardin

M. Rimbault

123°


Grille de séparation en

fer

Nécessaire

Id.

124°


48 piquets de fer pour la vigne

Id.

Classe de mathématiques

La ville

125°


Estrade


M. Rimbault

126°


Chaise


La ville

127°


Table avec machines pneumat. et électr.


Id.

128°


Instruments divers de physique


M. Delarue

M. Rimbault

129°


Instruments divers de physique


La ville

130°


Solides de géométrie en plâtre



Id. 131° Solides de géométrie en



M. Rimbault Id. M. Delarue La ville


132°

133°

134°


3

bois Tableau noir

Tuyau du poêle Tables et leurs bancs


Nécessaire

La ville

135°


Cuve à gaz

Réparée par M.





Delarue

La ville

136°


Bouteilles à réactifs

Quelques-unes à M. Favier81

La ville

137°


Boîte à papier


Id.

138°

4

Sphères céleste -





terrestre


?

139°


Cheminée pr la chimie


M. Delarue

140°


Modèles de dessin





linéaire





Dessin


La ville

141°


Tablettes autour de la

M. Delarue a




salle

fait compléter,





les travaux





n’en sont pas soldés. |6

La ville

142°


Tablettes pr les bosses





et les modèles


Id.

143°

15

Bosses méthode Dupuis





[Pas d’item n°144]


M. Delarue

145°

24

Porte-modèles

Ils ne sont pas





encore arrivés

M. Delarue

145°




Id

146°


Modèles en feuille


?

147°

2

Placards sous les

Travaux non




fenêtes Armoire

payé[s]

M. Rimbault

148°

17

Tabourets

Très utiles

Id.

149°


Poêle

Nécessaire

La ville

150°


Tables et leurs bancs


[Id.]

151°


Tableau noir

A y placer




Réfectoire


M. Rimbault

152°


Placard

Nécessaire

La ville

153°

6

Tables et leurs bancs


M. Rimbault

154°


Table pour les maîtres

Nécessaire


81 Professeur de mathématiques.


Id.

155°

2

chaises


M. Delarue

156°


Lampe et support


Id.

157°


Couteau à pain


Bucher. Basse cour

?

158°


Cabanes à lapins. Poulaailler


La ville

159°


Mât de cocagne


?

160°


Échelles. Treillages


M. Rimbault

161°


Mâts pour la tente

Nécessaire


162°


Planches à bouteilles


Dortoir

M. Rimbault

163°


Armoire à habits

Très utile

Id.

164°


Couchettes en fer


Id.

165°


Paillasses


Id.

166°


Matelas


Id.

167°


Couvertures laine


Id.

168°


Couvertures coton


Id.

169°


Lit du maître


Id.

170°


Traversins


Id.

171°


Veilleuse


Id.

172°


Patères

|7

Rimbault

173°


Poêle

Nécessaire

Id.

174°


Alcôve – planches et porte manteaux


Id.

175°


Commode

Utile pour le maître d’études

Id.

176°


Lavabo et leurs cuvettes

Nécessaire

Id.

177°


Casiers à tiroirs

Très utile

Grenier

M. Rimbault

178°


Bois pour la tente

Nécessaire

La ville

179°

2

Chaire[s]


M. Rimbault

180°


Lits


La ville

181°


Cartes sur rouleau


Chapelle

La ville

182°

15

Bancs et petits bancs


Id.

183°


Tableau du maître autel


M. Rimbault

184°

2

Tableau de chaque côté


Id.

185°


Nappe d’autel


Id.

186°


Canons d’autel



Id.

187°

6

Chandeliers


Id.

188°


Crucifix de l’autel

M. Delarue

189°

2

Caisses de fleurs

?

190°


Pots de fleurs en faience

La ville

191°


Bénitiers argentés

M. Rimbault

192°


Tapis

En affreux état

Id.

193°


Chaire


Id.

194°


Chaise et prie Dieu


La ville

M. Rimbault

195°

196°


Balustrade

Statue de la Ste Vierge


Id.

Id.

197°

198°


Christ

Chemin de la croix82


La ville

199°


Boiserie


Id.

200°


Burettes


Id.

201°


Pupitres


Id.

202°


Ornements d’église


M. Delarue 203° Tenture de la tribune |8

M. Rimbault 204° Bois et charpente pr la

tente

Nécessaire

Id. 205° Poêle de la tente Id. La ville 206° Pupîtres de musique

Id. 207° Escalier de meunier

Parloir

M. Rimbault 208° Piano

M. Delarue 209° Planchette inclinée

M. Rimbault 210° Chaises

Id. 211° Poêle Nécessaire

La ville [211b] Volets

212° Portraits en pâte de L. M.83

Lingerie

M. Rimbault 213° Cloison et porte Nécessaire Id. 214° Armoires Id.

La ville 215° Table Id.

Chambre des maîtres

M. Rimbault 216° Poêle Nécessaire


82 Série de de quatorze tableaux réprésentant les 14 stations de la Passion dans la tradition dévotionnelle catholique.

83 Leurs Majestés (Louis-Napoléon Bonaparte et l’impératrice Eugénie).


Id.

217°


Bureau

Id.

Id.

218°


Chaises

Id.

Id.

218°


Servante

Id.

Id.

220°


Tableau noir

Id.

Loge

La ville

221°


Vitrine


M. Rimbault

222°


Poêle

Nécessaire

Chambre du domestique

M. Delarue

223°


Lit


M. Rimbault

224°


Commode


Cuisine

M. Delarue

225°


Fourneau Pauchet84 fixe


M. Rimbault ?

226°


Fourneau mobile

Plus qu’inutile

M. Rimbault

227°


2 bahuts


Id. ?

228°


Table


Id. ?

229°


Billot


M. Rimbault ?

230°


Tablettes et planches


Id.

[230b]

4

Seaux

Nécessaire |9

M. Rimbault

231°


Horloge

Nécessaire

Id.

232°


Chaises


Arrière-cuisine

La ville

233°


Pierre à évier85



234°


Panier à vaisselle



235°


Table



236°


Balances et poids


M. Delarue

237°


Armoire à pain


Id.

238°


Appareil à lessive


Chambre concierge

M. Rimbault

239°


Bouteilles à cirage


Id.

240°


Petits bancs


Id.

241°


Casier à brosses


Id.

242°


Lavabo


Fournil

M. Delarue

243°


Tonneau à encre


M. Rimbault

244°


Porte en bois grillée

Nécessaire

Garde-manger


84 Pauchet, fabricant de fourneaux à Paris dans les années 1840 et 1850.

85 Pierre taillée pour servir à l'écoulement des eaux d'une cuisine.

La ville 245° Porte en bois grillée

Id. 246° Planches du placard


M. Rimbault Fontaine à mettre dans la cour

Nécessaire


Entourage du puits T.L.G.S.D.P. (?)

Caves et madriers |10


« Observations.


« 1° N’ont pas été portés sur le présent inventaire


« Les objets formant l’ameublement essentiellement personnel du Principal.

Les objets appartenant à M. Rimbault évidemment inutiles au collège.


« [2°] Travaux faits par M. Rimbault


« Cloison de l’arrière-cuisine

Lieux d’aisance de la basse-cour – gouttière de la basse-cour Toits à porcs

Percement du mur de la basse-cour et travaux y adhérents Puisard dans la cour

Pavage d’une rigole dans la basse-cour

Plafond de l’entrée dans l’appartement du principal Porte de la chambre à [coucher du] principal Placards dans la grande étude et le petit dortoir Établissement d’un poêle mitoyen entre 2 classes

Établissement de la porte du cabinet du Ppal – et de celle de la salle à manger

Abaissement d’un mur Plantation du bosquet du jardin

« [3°] D’autres travaux faits pendant les vacances 1855- 1856 dans les appartements du Ppal et dans les classes ne sont pas encore soldés. M. Delarue ignore la part qui pourra lui en être attribuée, et s’ils doivent tous être compris dans les dépenses prévues par la ville. »


image

Utilisation des « cercles de fer » (illustration d'un manuel de 1912)


Février 1856. État des lieux 86


« Collège. Travaux d’appropriation à faire au logement du principal. Vote de 500f. – M. le maire rappelle que dans la séance du 12 novembre dernier le conseil a renvoyé à la session actuelle pour être statué sur des travauxd’appropriation à faire dans le logement du principal du collège : travaux qui étaient nécessités par le délabrement des papiers de tenture, la malpropreté des peintures qui sont fort anciennes et le déplacement des meubles du précédent et du nouveau principal.


86 Délibération municipale du 11 février 1856 (fos 113-114).

la ville des enfants qui y sont étrangers ainsi que leurs parents et que la présence de ces familles occasionne des dépenses qui profitent aux habitans ; – Considérant que le college permet aux familles dont la fortune n’est pas considérable de donner à leurs enfans une éducation qui leur permet d’embrasser plus tard une carrière dont dépend leur existence et leur avenir – considérant que s’il est vrai que les enfans peuvent recevoir une pareille instruction dans des pensions libres, il faut reconnaître qu’il existe une différence énorme de garanties que trouveront les parens entre une institution libre et le college communal placé immédiatement sous la surveillance de l’autorité municipale et même de l’autorité supérieure et une institution libre sur laquelle l’autorité locale n’a pas la même action ; – vote à l’unanimité la conservation du college d’Étampes pendant la période de cinq années exigée par la loi du 15 mars 1850 précédemment rappelée. – En conséquence le conseil va avoir à s’occuper de l’examen du budget de cette institution pour l’année 1858. »


Juin 1857. Réclamations du principal précédent 94


« Suite du budget communal 1858. Acquisition de divers objets à M. Rimbault – Dans ses autres propositions de dépenses M. le maire avait fourni une réclamation qui lui a été adressée par M. Rimbault, ancien principal du collège d’Étmpes, pour avoir le remboursement d’une somme de 1124f

qu’il prétend avoir payée pour la pose de divers objets mobiliers nécessaires aux classes et au logement dans le college et pour travaux qu’il avait cru devoir faire executer dans son appartement pour sa plus grande commodité, mais il faut ajouter que la commission s’est transportée sur les lieux et qu’elle a reconnu qu’il n’y avait lieu d’admettre les prétentions


94 Délibération municipale du 5 juin 1857 (f°19)

de M. Rimbault que pour les objets suivans qui deviendront la propriété de la maison du collège, savoir :


Huit cartes murales posées dans les classes

80 f

Poêle dans la grande étude

15

Poêle de la classe de mathématiques

15

Cheminée pour la chimie

10

Instrumens de physique

25

Tuyaux et puisart80

10

Grille dans la cour

80

Cuvette et grille des lieux d’aisance

15

Poêle dans la loge du portier

5

Gouttières

8

Lieux d’aisance établis dans la basse cour

30

Deux petites sphères

10

Estrade pour la classe de mathématiques

2,50

48 piquets de fer pour soutenir les treilles du jardin

100

Fil de fer mécanique

5

80 piquets de bois et perches

20

Fourneau à lessive

20

Cinq jalousies placées au logement du principal

50

Vingt huit tabourets

10

TOTAL

505,50


Le conseil après avoir examiné l’état des réclamations de M. Rimbault, – considérant que les objets qui viennent d’être énumérés sont les seuls que la commune soit obligée de prendre comme devant profiter au college et lui appartenir. – considérant que les autres sommes éclamées par M. Rimbault ont pour objet le déplacement de cloison et de cheminée qu’il a fait sans autorisation et pour la plus grande commodité de son habitation et la construction de placards qu’il a bien le droit d’enlever si mieux il n’aime traiter de gré à gré avec son

successeur, - est d’avis de porter en dépense la somme de 505f50 montant de la réunion des articles ci-dessus détaillés, et de rejetter le surplus de la réclamation de M. Rimbault. – Inventaires des objets mobiliers du collége. – Le consel invite

M. le maire à vouloir bien faire procéder dans le plus bref délai possible à l’inventaire ou au recollement des objets mobiliers qui appartiennent au college, et à engager M. le principal à vouloir bien ne faire faire dans les batimens du college aucuns travaux dussent-ils être avantageux à l’établissement, sans en avoir obtenu l’autorisation.


Juin 1857. Buget du collège. Exercice 1856 95


« Session de mai 1857 – Transcription du rapport de la commission du budget 1858. […] Collège. – Le compte administratif du collège présenté par M. le principal pour l’exercice 1856, offre les résultats suivants.


Recettes


Dépenses


Bons de l’exercice 1855

379,50

Traitements des régents

5.300,00

Rétribution collégiale

1.047,00

Distribution des prix

200,00

Subvention communale

4.035,50

Frais de bureau

25,00

Subvention pour l’école

660,00

Gages du portier

150,00

Rétribution

1728,00

Traitements des instituteurs

2.400,00

Total

7.850,00

Total

8.075,00


« Déficit : 225 F


95 Délibération municipale du 5 juin 1857, f°30.

« Ce déficit résulte de ce que le budget avait prévu tant dans les classes latines que dans l’école primaire supérieure deux demi-bourses qui accordées d’une façon tout exceptionnelle, n’ont pas été renouvelées, et 2 externes de plus qu’il ne s’en est présenté.

« D’après la loi du 15 mars 1850, vous êtes appelés aujourd’hui à garantir pour cinq ans au moins le traitement fixe du principal et des professeurs, lequel sera considéré comme dépense obligatoire pour la commune en cas d’insuffisance des revenus propres au college, de la rétribution collégiale payée par les externes et du produit du pensionnat.

« Le bureau dans sa délibération demande le renouvellement du vote pour le maintien du collège.

« Votre commission malgré la décadence de cet établissement, malgré la somme énorme de 6.000f que les 22 élèves des classes latines coûtent à la ville, a été d’avis de continuer un sacrifice en faveur d’un établissement qui, tout en ne répondant pas à votre attente, n’en rend pas moins des services réels aux élèves, peu nombreux il est vrai, qui le fréquentent.


Recettes


Dépenses


Rétribution collégiale. 20 externes à 60f

1.200,00

Traitement des régents

7.700,00

Subvention (bourse)

660,00

Distribution des prix

200,00

24 externes à 60

1.440,00

Gages du portier

150,00

10 ½ gratuité

300,00

Frais de bureau

25,00



Réparation du mobilier

100,00


3.600,00


8.175,00


« Le déficit est donc de 4.575f.

« Votre commission vous propose de réduire la dépense en rejetant la somme de 100f pour réparation du mobilier – Cette dépense figure cette année pour la première fois dans le budget. La dépense au lieu de 8.175 serait de 8.075 et le déficit de 4.475.


[…]


« Le deuxième article est 1124f pour divers objets et travaux faits au collège par M. Rimbault. Nous proposons de porter l’allocation demandée à 495f au lieu de 1124f, en prenant pour le compte de la commune les objets suivants.


Huit cartes murales

80 f

Poêle dans la grande étude

15

Poêle de la portière

5

Gouttières

8

Lieux d’aisance, la basse cour

30

Deux petites sphères

10

Estrade pour la classe de mathématiques

2

48 piquets de fer pour soutenir les treilles du jardin

100

Fil de fer mécanique

5

80 piquets de bois et perches

15

Fourneau à lessive

20


« Il a été également bien entendu que les objets scellés posés par M. Rimbault sans autorisation ni consentement du maire resteraient à la commune. »


Juillet 1857. Mémoire sur les Récréations 96


96 Recueil des lois et actes de l’instruction publique 10/9 (1857), pp. 382- 383.

« La Société d’éducation de Lyon a tenu, le 30 juillet dernier, une séance publique qui a été honorée par la présence du recteur de l’académie. […] |383

« M. Guillard a captivé l’attention par un remarquable rapport sur les vingt-trois Mémoires qui avaient été envoyés a la Société pour disputer le prix qu’elle avait proposé l’année dernière sur cette question: Des récréations ; leur direction et leur emploi. Après avoir fait ressortir les vues sages et les idées pratiques renfermées dans ces divers Mémoires, le rapporteur s’est arrété plus particulièrement sur les quatre qui ont mérité les suffrages de la Société, et dont le premier, qui a remporté le prix, sera livré à l’impression. Ce Mémoire est l’œuvre bien pensée et bien sentie de M. Duponnois, professeur de seconde au lycée impérial de Mâcon. Les trois autres noms proclamés

sont : M. Delarue, principal du collége d’Étampes, qui a obtenu la première mention avec 100 francs ; Mme Baratte, directrice du pensionnat de Marie-immaculée de Longny (Orne), qui a eu la deuxième mention ; et M. Flichet, propriétaire, agent comptable à Lempdes (Haute-Loire), qui a obtenu la troisième mention honorable. […]

« La question mise au concours pour l’année prochaine, et qui sera annoncée par un programme spécial, est : Des moyens à employer comme stimulant dans l’éducation publique et dans l’éducation privée. »

Août-novembre 1857. Trois courriers au maire 97


« Collège d’Étampes. – M. le maire donne lecture d’une première lettre de M. Delarue principal du collège d’Étampes du 19 août dernier sollicitant pour M. Favier qui a eu jusqu’à la promulgation de la loi dernière le titre de professeur d’instituteur primaire supérieur la faveur d’être nommé régent chargé de la chaire de mathématiques.


« Le conseil, considérant que la loi nouvelle ne reconnaît plus d’école primaire supérieure, que les professeurs chargés des cours primaires sont directement nommés par le ministre regens de ces mêmes cours, - considérant qe depuis dix ans M. Favier a enseigné les mathématiques en qualité d’instituteur primaire, au collège d’Étampes, et qu’à raison de la grande aptitude qu’il a apportée dans cette partie de l’enseignement, il a rendu de grands services à cet établissement, est d’avis qu’il y a lieu d’accorder à M. Favier le titre de régent au collège et de le charger en cette qualité de la chaire de mathématiques, et d’inscrire à l’avenir cette dénomination au budget du collège. » [… ]


« M le maire donne lecture d’une seconde lettre de M. le principal du collège, du 28 octobre dernier, demandant : – 1° la construction d’une voie de communication entre les deux dortoirs. – 2° la confection de deux tables à pupitre pour la salle d’études. – 3° un crédit annuel de deux cent quarante francs destiné à payer une indemnité aux maîtres d’études qui seraient chargés de l’éducation des plus jeunes enfans qui fréquentent la classe élémentaire, éducation qui ne peut être donnée à tous les enfans de cette classe par un seul professeur.


97 Délibération municipale du 16 novembre 1857 (fos).

« Le conseil – Sur le premier point, c’est-à-dire sur la communication entre les deux dortoirs, autorise M. le maire à faire dresser le devis des dépenses que ces travaux devraient occasionner. – Sur le second point, autorise M. le maire à faire confectionner les deux tables à pupître réclamées par M. le principal. – Sur le troisième chef, attendu que la dépense occasionnée par l’instruction dans la ville et notamment au colllège, sont déjà très considérables ; qu’un seul professeur a suffi jusqu’à présent à la nécessité de l’enseignement dans la classe élémentaire, dit qu’il n’y a pas lieu de faire droit à cette dernière réclamation de M. le principal. »


« Enfin M. le maire communique une troisième lettre de M. Delarue l’informant de la vacance d’une demie bourse par le départ du collège de l’enfant du sieur Michaut Preteux auquel elle avait été accordée par délibération du 15 novembre 1855.


« Le conseil, vu la demande produite par les sieurs Brelet, ferblantier, François-Ernest Michaut, menuisier et Prevost charron, tous trois habitans de cette ville reclamant la favur de cette demi bourse au profit de leurs enfans, est d’avis d’accorder la demi bourse vaccante au sieur Brelet pour en faire profiter Jules Brelet son fils qui déjà fréquente le college.


Novembre 1857. Refus de travaux 98


« Collège. – La séance ouverte, M. le maire communique au conseil le devis des travaux réclamés par M. le principal du college d’Étampes, pour établir la communication entre les deux dortoirs ; ce devis dressé par M. Adam, architecte de la ville, en conséquence de la délibération précédente, fixe la dépense à [espace blanc] – Le conseil, délibérant sur cet objet,

considérant que le passage réclamé peut être utile pour la surveillance des enfans pendant la nuit, mais qu’il n’est pas une nécessité absolue, décide qu’il n’y a pas lieu de donner suite à ce projet. »


Février 1858. Courrier au maire 99

« M. le maire donne lecture d’une lettre de Mr Delarue principal du collège annonçant deux vacances dans les demi- bourses. – Une seule demande ayant été adressée par le sieur Michaut, l’une des demi-bourses vacantes lui est accordée par le conseil. »


Mai 1858. Courrier au maire 100


« M. le maire communique une lettre que lui écrit M. Delarue principal du collège l’informant de la vacance d’une demi- bourse et lui exprimant le désir que cette place soit donnée au jeune Dejean, déjà élève du college, une autre lettre de la dame veuve Dejean reclamant la demi bourse vaccante au profit de ce même enfant Paulin Dejean, son petit fils laissé à sa charge par son père.

« Le conseil est d’avis qu’il y a lieu d’accorder cette faveur au jeune Paulin Dejean. »


Mars 1858. Inventaire mobilier 101


« Objets mobiliers du Collège appartenant à la Ville.

« 1° Cabinet du Principal

1° Cheminée

2° Jalousie


99 Délibération municipale du 15 février 1858 (fos).

100 Délibération municipale du 17 mai 1858 (fos).

101 Archives municipales d’Étampes 4R 4.

3° Volets (au grenier)

4° 2 placards moins les planches. N. les porte du placard à droite sont au grenier.

5° Portes doubles donnant dans le salon moins les serrures.

6° 2 petites sphères

« 2° Salon

1° Cheminée

2° Portes doubles donnant dans la chambre moins les serrures

3°Volet

4° Jalousies

« 3° Chambre à coucher

1° Cheminée

2° Volet

3° Jalousie

« 4° Chambre d’enfants

1° Volets

« 5° Salle à manger

1° Poêle moins les tuyaux

« 6° Corridor

1° Cloison vitrée

« 7° Grenier

1° Horloge

« 8° Petit dortoir

1° Armoire

2° Placard

« 9° Dessous de l’escalier

1° Porte des arrêts

2° Cercles de fer de la classe primaire

« 10° Classe primaire

1° 1 Petit tableau noir

2° 2 Grands tableaux noirs et leurs escabeaux 3° 1 Carte murale de France

4° 1 Carte d’Histoire Sainte

5° 1 Tableau d’écriture

6° 6 tables et bancs

7° 1 chaise

8° 11 poêle en fonte et ses tuyaux

« 11° Salles d’études

1° 1 tableau noir

2° 1 poêle en faïence et tuyaux 3° 1 chaire

4°11 tables et leurs bancs 5° 2 cartes murales

6° 1 chaise

« 12° classe de 5e

1° 1 chaire |2

2° 4 tables et bancs

3° 2 cartes murales 4° Tuyaux du poêle 5° 1 tableau noir

« 13° Classe de 7e

1° 1 chaire

2° 4 tables et bancs

3° 2 cartes murales

4° 1 poêle

5° 1 tableau noir

6° 1 tableau de musique

« 14° Cour

1° Grille en fer et treillage 2° Accessoires du puits

3° Fontaine moins les tuyaux

« 15° Jardin

1° Piquets en fer et en bois 2° Berceau

« 16° Classe de Mathématiques

1° Cloison

2° 1 chaire

3° 1 armoire

4° 1 tableau noir

5° 4 tables et bancs

6° 1 cheminée pour la chimie 7° Instruments de Physique

8° Produits chimiques en 6 flacons

« 17° Classe de dessin

1° 2 tables

2° 2 bosses

3° 15 bustes méthode Dupuis 4° tabourets très mauvais

5° Poêle en faïence

6° Planchettes dans le pourtour 7° Placard sous la fenêtre

« 18° Réfectoire

1° 6 tables

2° 2 bancs

« 19° Grenier

1° 1 chaire

« 20° Basse cour

1° Latrines

2° Gouttières

3° Mat de Cocagne 4° Toit à porc

« 21° Chapelle

1° 12 bancs

2° 1 chaire

3° [espace blanc]

4° Tableau du maître autel 5° Tableau de l’Ermite102


102 Il s’agit évidemment d’une représentation de saint Antoine, saint patron de l’établissement.

6°Chandeliers et Christ en bois très mauvais à l’église de Brières

« 22° Arrière cuisine 1° Fourneau à gaz 2° Évier

« 23° Cuisine

1° Casiers et planches

« 24° Loge du concierge

Poêle et tuyaux

« 25° Parloir

Médaillons de L. M.

Certifié conforme au récollement. |3 Fait en présence de monsieur des Varennes, maire, et de M.

Barré, adjoint.

Le jeudi 18 mars 1858

Le Principal, signé : A. Delarue [Signé :] A. Delarue

Le Maire d’Étampes [Signé :] Pommeret des Varennes [paraphe]


[Autre liste, portée par une autre main :]


Huit cartes murales posées dans les classes Poële dans la grande étude

Poële de la classe de mathématiques Cheminée pour la chimie Instruments de physiques

Poële dans la loge du portier Deux petites sphères

Estrade pour la classe de mathématiques

Cinq jalousies placées au logement du principal Vingt huit tabourets

Poêle en fonte

Planches et casier de la cuisine Tableaux noirs des classes.


Novembre 1858. Devis pour travaux 103


« Collége. Vote d’un crédit de 180 f. – M. le Président expose ensuite qu’il est réclamé par M. le Principal du Collège d’Étampes différents travaux détaillés au devis estimatif qui est déposé sur le bureau. Il propose de retrancher quelques uns des travaux demandés et ad’allouer seulement un crédit de cent quatre vingt francs. – Le conseil alloue à l’unanimité le crédit de centquatre vingts francs demandé, à prendre au budget additionnel de 1858. »


Février 1859. Réparation du mur du collège 104


« Collége. Reconstruction de murs de cloture du jardin 650 f.

– Il est donné lecture d’un devis estimatif de la dépense à faire pour reconstruire le mur de clôture du jardin du collège avec la rue des Barnabites. Cette dépense s’élève à la somme de six cent cinquante francs. – Le conseil après en avoir délibréré vote la somme de six cent cinquante francs pour la reconstruction du mur du collège. Cette somme sera prise sur les fonds libres du budget additionnel 1858. »


Mars 1859. Naissance au collège de son 5e fils Georges 105


« N°41. Delarue, Georges-Louis. – Du mercredi neuf mars mil huit cent cinquante neuf, dix heures du matin. – Acte de naissance de Georges-Louis Delarue, du sexe masculin, né d’hier à quatre heures du matin chez ses père et mère, fils en


103 Délibération municipale du 19 novembre 1858.

104 Délibération municipale du 14 février 1859.

105 AD91 4E 1218, saisie de B. G., 2015.

légitime mariage de Vincent Alexandre Delarue, principal du collège de cette ville, âgé de trente-cinq ans, et de Georgette- Louise Decret, son épouse, âgée de trente-deux ans, domiciliés de cette ville, rue Saint-Antoine, numéro vingt. – Les témoins ont été les sieurs Charles Boivin, propriétaire, âgé de trente-sept ans, et Louis Antoine Jacob professeur au collège de cette ville, âgé de quarante un ans, domiciliés de cette ville. – Sur la représentation de l’enfant et sur la déclaration du père d’icelui qui a ainsi que les témoins signé avec nous Ambroise Charles Buchère, second adjoint spécialement délégué par le maire d’Étampes après lecture faite. – Deux mots rayés nuls approuvés. – [Signé :] A. Delarue – L. Jacob – Ch. Boivon – Amb. Buchere adj. »


Janvier 1860. Mutation avortée à Mulhouse 106


« Collèges des départemens.

« (9 janvier 1860.)

« Collége de Mulhouse. — M. Delarue, principal du collége d’Etampes, est nommé principal du collége de Mulhouse, en remplacement de M. Serres, décédé. […]

« (27 janvier 1860.)

« Collége d’Étampes. – M. Delarue, nommé principal du collége de Mulhouse, est maintenu dans les fnctions de principal du collége d’Étampes. […]

« Collége de Mulhouse. – M. Roux, principal du collége de Confolens, est nommé principal du collége de Mulhouse, een remplacement de M. Delarue, maintenu au collége d’Étampes. »


Mars 1860. Naissance au collège de son 6e fils Louis 107


106 Bulletin administratif de l’instruction publique 19/42 (19 janvier 1860), p. 669 et 19/43 (2 février 1860), p. 702.

« N°44. Delarue, Louis Léon. – Du jeudi huit mars mil huit cent soixante, deux heures de relevée. – Acte de naissance de Louis-Léon Delarue, du sexe masculin, né d’hier à dix heures du soir chez ses père et mère, fils en légitime mariage de Vincent Alexandre Delarue, principal du collège de cette ville, âgé de trente-six ans, et de Georgette-Louise Decret, son épouse, âgée de trente-trois ans, domiciliés de cette ville, rue Saint-Antoine, numéro vingt. – Les témoins ont été les sieurs Étienne Brossard, propriétaire, âgé de soixante-sept ans, et Pierre Denis Favier, professeur au collège de cette ville, âgé de trente six ans, domiciliés de cette ville. – Sur la représentation de l’enfant et sur la déclaration du père d’icelui qui a ainsi que les témoins signé avec nous Albin Nicolas Pommeret des Varennes, maire de la ville d’Étampes après lecture faite. – [Signé :] A. Delarue – Brossard – Favier – Pommeret des Varennes. »


Avril 1860. Décès au collège de son 5e fils Georges 108


« N°73. Delarue, Georges Louis Alexandre. – Du lundi neuf avril mil huit cent soixante, onze heures du matin. – Acte de décès de Georges Louis Alexandre Delarue, âgé de treize mois, décédé d’hier, à cinq heures du soir, chez ses père et mère, né en cette ville le huit mars mil huit cent cinquante neuf, fils en légitime mariage de Vincent Alexandre Delarue, principal du collège de cette ville, âgé de trente-huit ans, et de Georgette Louise Decret, son épouse, âgée de trente six [sic] ans, domiciliés de cette ville, rue Saint-Antoine, numéro vingt. – Les témoins ont été le père de l’enfant décédé, et Victor Collot, professeur au collège de cette ville, âgé de vingt huit ans, domiciliés de cette ville, qui ont signé avec nous Albin Nicolas


107 AD91 4E 1218, saisie de B. G., 2015.

108 AD91 4E 1218, saisie de B. G., 2015.

Pommeret des Varennes, maire de la ville d’Étampes après lecture faite du présent et le décès constaté par nous soussigné.

– [Signé :] V Collet – A. Delarue – Pommeret des Varennes. »


Mai 1860. Courrier au maire 109


« Collège- Demi dispense donnée au jeune Carriot. – Vacance d’une demie bourse au collège – nomination de M. Cariot – M. le maire donne lecture au conseil d’une lettre de M. Delarue, principal du collège d’Étampes, annonçant la vacance d’une demi bourse au collège par suite du départ de l’élève Laporte. Il dépose sur le bureau diverses demandes adressées au conseil municipal. Le conseil après en avoir délibéré appelle au bénafice de cette demi bourse le jeune Louis Cariot âgé de 9 ans, dont les parents résident dans cette ville. »


Août 1860. Mutation d’Étampes à Pamiers 110


« Du 24 août 1860.

« […] Collège d’Etampes. — M. Ducourneau, principal en inactivité, est nommé principal du collège d’Etampes, en remplacement de M. Delarue, appelé à d’autres fonctions.

« […] Collège de Pamiers. — M. Delarue, principal du collège d’Etampes, est nommé principal du collège de Pamiers, en remplacement de M. Fabre, mis en congé d’inactivité. […] »


Septembre 1860. Inventaire mobilier 111


  1. Lettre d’envoi de Ducourneau au maire


    109 Délibération municipale du 21 mai 1860 (fo152).

    110 Bulletin administratif de l’instruction publique 11/128 (août 1860), p. 234.

    111 Archives municipales d’Étampes 4R 4.


    Académie de Paris

    Collège communal d’Étampes

    Département de Seine-et-Oise

    Étampes, le 19 novembre 1860


    Monsieur le Maire,


    J’ai l’honneur de vous retourner cijoint l’inventaire des objets mobiliers du collège appartenant à la ville.

    Je suis, avec respect, monsieur le maire, votre très-humbre et très-obéissant serviteur.

    Le Principal

    [Signé :] A. Ducourneau


  2. Inventaire


« Objets mobiliers du Collège appartenant à la Ville.

[N.B. : Cet inventaire suit celui de 1855 ; on porte ici en italiques les additions (B.G.)de 1860]


« 1° Cabinet du Principal

1° Cheminée

2° Jalousie

3° Volets (au grenier)

4° 2 placards moins les planches. N. les portes du placard à droite sont au grenier.

5° Portes doubles donnant dans le salon moins les serrures.

6° 2 petites sphères

« 2° Salon

1° Cheminée

2° Portes doubles donnant dans la chambre moins les serrures

3°Volet

4° Jalousies

« 3° Chambre à coucher

1° Cheminée

2° Volets

3° Jalousie

« 4° Chambre d’enfants

1° Volets

2° Grille extérieure maillée

« 5° Salle à manger

1° Poêle moins les tuyaux

Et colonne en fayence

« 6° Corridor

1° Cloison vitrée

« 7° Grenier

1° Horloge

« 8° Petit dortoir

1° Armoire sur l’escalier moins l’intérieur et le dessus

2° Placard et tablettes

3° Tuyau calorifère doit être demandé

« 9° Dessous de l’escalier

1° Porte des arrêts

2° Cercles de fer de la classe primaire

L’un a été employé au jardin

« 10° Classe primaire

1° 1 Petit tableau noir classe de dessin

2° 2 Grands tableaux noirs et leurs escabeaux 3° 1 Carte murale de France

4° 1 Carte d’Histoire Sainte

5° 1 Tableau d’écriture

6° 6 tables et bancs

7° 1 chaise

8° 11 poêle en fonte et ses tuyaux

« 11° Salles d’études

1° 1 tableau noir

2° 1 poêle en faïence et tuyaux hors de service

3° 1 chaire

10 tables et leurs bancs

5° 2 cartes murales médiocres et démontées avariées

2 volets

« 12° classe de 5e

1° 1 chaire |2

2° 4 tables et bancs

3° 2 cartes murales 4° Tuyaux du poêle 5° 1 tableau noir

« 13° Classe de 7e

1° 1 chaire

2° 4 tables et bancs

3° 2 cartes murales

4° 1 poêle

5° 1 tableau noir

6° 1 tableau de musique

7° Treillage extérieur

« 14° Cour

1° Grille en fer et treillage 2° Accessoires du puits

3° Fontaine moins les tuyaux

« 15° Jardin

1° Piquets en fer et en bois 2° Berceau

« 16° Classe de Mathématiques

1° Cloison

2° 1 chaire

3° 1 armoire

4° 1 tableau noir

5° 4 tables et bancs

6° 1 cheminée pour la chimie

7° Instruments de Physique abandonné

8° Produits chimiques soit 6 flacons

« 17° Classe de dessin

1° 2 tables

2° 2 bancs

3° 15 bustes méthode Dupuis 1 manque

4° tabourets très mauvais nuls

5° Poêle en fayence

6° Planchettes dans le pourtour 7° Placard sous la fenêtre

« 18° Réfectoire

1° 6 tables

2° 2 bancs

5 tiroirs faits par M. Delarue et vendus àM. Ducourneau

« 19° Grenier

1° 1 chaire

« 20° Basse cour

1° Latrines

2° Gouttières

3° Mat de Cocagne 4° Toit à porc

« 21° Chapelle

1° 12 bancs (16 à voir)

2° 1 chaire

Canons en carton

4° Tableau du maître autel 5° Tableau de l’Ermite112

6°Chandeliers et Christ en bois très mauvais à l’église de Brières

« 22° Arrière cuisine

1° Cloison à acheter par la ville 2° Fourneau à gaz


112 Il s’agit évidemment d’une représentation de saint Antoine, saint patron de l’établissement.

3° Évier

« 23° Cuisine

Casiers et planches

Fourneau en terre

« 24° Loge du concierge

Poêle et tuyaux

« 25° Parloir

Médaillons de L. M.

Cloison de la lingerie à acheter par la ville


Certifié conforme au récollement fait en présence de monsieur des Varennes, maire, et de M. Barré, adjoint, le jeudi 18 mars 1858 [sic]

Le Principal, [Signé :] A. Delarue

Le Maire d’Étampes [Signé :] Pommeret des Varennes.


Vu et reconnu exact et conforme aux objets le present le present [sic] état de recolement.

À Étampes le 27 septembre 1860. [Signé :] A. Ducourneau – A. Delarue.


Décembre 1860. Delarue dénigré par son successeur 113


Académie de Paris

Collège communal d’Étampes

Département de Seine-et-Oise

Étampes, le 17 novembre 1860


Monsieur le Maire,


Vous m’avez exprimé le désir de voir le collége d’Étampes revenir aux traditions de l’Université, dont avait cru devoir s’écarter mon prédécesseur.

J’avais pensé tout d’abord qu’il serait prudent d’attendre, pour accomplir cette réforme, jusqu’à la présentation du budget et de consulter en même temps l’autorité académique. Mais, après réflexion, j’ai jugé qu’il était préférable, suivant votre expression, de couper le mal dans sa racine et je me suis mis à l’œuvre.


Lundi prochain, nous serons en mesure de suivre dans notre établissement le plan d’études et les programmes qui sont adoptés dans les colléges et lycées de l’Empire.


J’espère obtenir de bons résultats de cette nouvelle organisation qui a été accueillie avec empressement par tous mes collaborateurs et que le collége d’Étampes devra à votre initiative éclairée.

Je suis avec respect, Monsieur le Maire,

Votre très humble et très obéissant serviteur Le Principal

[Signé :] A. Ducourneau


Décembre 1860. Encore dénigré par son successeur 114


Académie de Paris

Collège communal d’Étampes

Département de Seine-et-Oise

Étampes, le 6 décembre 1860


Monsieur le Maire,


J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint les tableaux indiquant l’emploi du temps de chaque professeur au collège d’Étampes. Vous y verrez que par suite de la nouvelle organisation,

l’enseignement secondaire est entièrement distinct de l’enseignement primaire.


Les deux enseignements ont gagné à cette sparation.Aujourd’hui l’enseignement des langues latine et grecque est aussi complète que possible ; l’explication des auteurs classiques ne laisse rien à désirer


Dans les classes dites de français, les élèves n’avaient l’an dernier qu’une leçon de grammaire par semaine et reçoivent maintenant trois à quatre leçons de deux heures chacune. Ainsi se trouve rétabli à son véritable niveau et avec tous les développements qu’il exige l’enseignement de la langue nationale qui doit être la base de nos études.


Aux termes du programme de l’Université, le cours de dessin d’imitation doit être suivi par tous les élèves à partir de la sixième latine. Jusqu’ici, pendant la leçon de dessin, les élèves de 6e et 5e étaient relégués dans la classe d’écriture avec les

élèves des classes élémentaires et n’y apprenaient absolument rien. Depuis 15 jours, le programme universitaire reçoitune entière application ; l’enseignement du dessin est donné à tous ceux qui doivent en profiter.


Sous l’ancienne organisation, les élèves de latinité, depuis la 5e jusqu’à la 4e inclusivement assistaient trois fois par semaine à une conférence ou répétition commune. Cette répétition, s’adressant à des élèves de force inégale, ne produisait aucun fruit. Il a été remédié à cet abus dès le début. Le principal s’est chargé du cours élémentaire. Les élèves de 5e et 6e ont été confiés à leur professeur respectif, ainsi pour ceux de 3e et 4e. C’était le seul moyen d’obtenir un bon résultat.

La petite classe primaire est dirigée par un maître spécial dont les leçons durent cinq heures par jour. Les tout petis enfants qui n’apprennent qu’à lire restent au collége de 8 à 10 heures le matin et de 2 à 4 hures le soir. Quelques parents auraient voulu que leurs enfats pussent être gardés au collége une heure de plus. À leurs yeux la petite classe primaire est plutôt une garderie qu’une classe. J’ai offert d’ailleurs de les retenir le matin de dix à onze heures. Cette offre aplanira, j’espère, toute difficulté.


Quant à l’instruction donnée à ces commençants, elle a été réduite à sa plus simple expression et debarrassée de ce bagage prétendu scientifique qui ralentissait la marche de ces jeunes esprits, en les surchargeant inutilement.


Javais cru pouvoir empêcher les externes d’entrer au collége avant le commencement des exercices. Je voulais, par ce moyen, les obliger, en restant le plus longtemps possible auprès de leurs familles, à étudier chez eux leurs leçons ou à y faire leurs devoirs. Graces à leur amour immodéré du jeu, la plupart de ces enfants n’attendent même pas pour pénétrer dans la maison, que les repas des pensionnaires soient terminés : aussi ils arrivent presque toujours avec des devoirs négligés et des leçons non sues.


On a dit que les externes entrant pendant la récréation des pensionnaires, rien ne s’opposait à ce qu’ils prissent part aux jeux de leurs camarades. La réponse serait péremptoire, si les externes suivaient régulièrement toutes les études de l’internat. Mais il n’en est pas ainsi. En effet, à l’heure où les pensionnaires préparent leurs devoirs en étudiant leurs leçons, les externes sont livrés aux distractions du dehors, ne travaillent pas ou travaillent peu et viennent uniquement chercher dans les récréations de l’internat un nouvel aliment à leur dissipation.

Mes intentions ont été méconnues ; des pères de famille, au lieu de me seconder, ont préféré se plaindre. À l’exemple de l’un de mes prédécesseurs qui avait été frappé, comme moi, des inconvénients produits par cet état de choses, j’ai dû céder à l’empire des préjugés et d’une mauvaise tradition.


Quoi qu’il en soit, je vous remercie, Monsieur le Maire, de l’extrême bienveillance avec laquelle vous m’avez invité à rapporter une mesure qui soulevait tant de plaintes. Je vous prie d’être bien convaincu que je serai toujours prêt à accomplir, sous les auspices de votre raison éclairée, les améliorations dont me paraîtra susceptible le collége communal d’Étampes.


Je suis avec respect, Monsieur le Maire,

Votre très humble et très obéissant serviteur

Le Principal

[Signé :] A. Ducourneau


Décembre 1860. Décès à Pamiers (Ariège) 115


« N°176. Delarue Alexandre Vincent – L’an mil huit cent soixante et le vingt neuf décembre à onze heures du matin, devant nous Thomas Choit officier de l’université adjoint au maire faisant par délégation les fonctions d’officier de l’état civil de la ville de Pamiers, ont comparu MM. Michel Cazaux professeur de mathématiques, agé de quarante quatre ans, et Michel Delmas, professeur du petit collège, agé de quarante huit ans, habitants de Pamiers, qui nous ont déclaré que Alexandre Vincent Delarue, principal du collège de Pamiers, âgé de trente huit ans, natif de Paris, époux de dame Louise Georgette Decret, est décédé hier à une heure de l’après midi,


115 AD9 4E 2795, saisie de B. G., 2015.

dans l’établissement situé dans cette ville, et avons signé le présent acte avec les déclarants après lecture faite. – [Signé :] Cazaux – Delmas – T. Choit. »


Janvier 1861. Avis de décès et de remplacement 116


« M. Alexandre Delarue, principal du collège de Pamiers, vient de mourir dans cette ville à l’àge de trente-neuf ans. Il avait su donner une vive et heureuse impulsion à cet établissement. Aussi cette perte a-t-elle été vivement ressentie parmi les habitants de la ville. [… ]

« Collège de Pamiers. – M. Bleunard, principal du collège d’Alby, est nomme principal du collège de Pamiers, en remplament de de M. Delarue. »


Janvier 1861. Remplacement 117


« Par arrêtés, en date du 7 janvier 1861, M. Colombier principal du collége de Tulle, est nommé principal du collége d’Albi, en remplacement de M. Bleunard, appelé à d’autres fonctions.

« M. Bleunard, principal du collége d’Albi, est nommé principal du collège de Pamiers, eu remplacement de M. Delarue, décédé. »


116 Recueil des lois et actes de l’instruction publique 14/1 (1861), pp. 16 et 35

117 Journal général de l’instruction publique et des cultes 30/3 (9 janvier 1861), p. 14.

Février 1861. Nécrologie 118


« M. Alexandre Delarue, principal du collège de Pamiers, vient de mourir dans cette ville à l’âge de 39 ans. |75 L’Université qui, depuis quinze ans, le comptait au nombre de ses meilleurs principaux, perd en lui un serviteur dévoué dont elle attendait encore de longs services. Foi sincère et ardente,

caractère droit et sûr, nature bienveillante et expansive, dévouement absolu à ses fonctions, expérience profonde de l’éducation vers laquelle l’appelait d’ailleurs une vocation marquée, M. Delarue offrait, par la réunion de ces qualités, portées chez lui à un haut degré, un type achevé de l’instituteur de la jeunesse, et tout, en lui, inspirait une vive sympathie, et une profonde estime. Les Mémoires qu’il a publiés sur plusieurs questions d’éducation mises au concours par la Société d’enseignement de Lyon, permettaient à l’Université de croire qu’elle avait réellement en M. Delarue un disciple éminent de Rollin. Cette opinion était partagée par toutes les familles qui le voyaient à l’œuvre. À Pamiers, à Étampes, la mort de cet homme de bien a été un deuil public. »


1861. Naissance de son 7e fils posthume, Emmanuel


« N°809 – Delarue Alexandre Vincent de Paule Emmanuel – L’an mil huit cent soixante un et le trente mai à trois heures et demie du soir, par devant nous Constantin Faget chevalier de la légion d’honneur, adjoint au maire de la ville de Carcassonne, département de l’Aude, délégué pour remplir les fonctions d’officier de l’état civil, a comparu la dame Jeanne-Marie Rech, épouse Pons, sage-femme, âgée de soixante ans, domiciliée dans cette commune, laquelle nous a déclaré que dame Louise


118 Journal général de l’instruction publique et des cultes 30/10 (2 février 1861), pp. 74-75.

Georgette Decret, sans profession, âgée de trente sept ans, veuve depuis cinq mois, de monsieur Alexandre Vincent Delarue, principal du collège de Pamiers, Ariège, domiciliée dans cette ville, momentanément à Carcassonne, y a accouché cejourd’hui à cinq heures du matin, rue du Calvaire, trente huit, d’un enfant du sexe asculin, qu’elle nous présente, et auquel elle a déclaré être chargée de donner les prénoms de Alexandre- Vincent de Paul-Emmanuel. Les dites déclaration et présentation faites en présence de messieurs Pierre Pendaries, inspecteur de l’académie, âgé de cinquante trois ans, et Casimir Gaydo, secrétaire de l’inspection académique, âgé de trente ans, domiciliés dans cette commune, lesquels, après lecture faire du présent acte, l’ont signé avec nous et la comparante. – Pons née Rech – Pendaries – Faget adj. »


1862. Autre nécrologie 119


« M. Delarue, principal de collège à Étampes, puis à Pamiers, nous avait été révélé par nos concours : honoré d’abord, en 1857, d’une première mention pour son mémoire sur les Récréations, M. Delarue ne s’était ni contenté ni dèpité de ce succès imparfait, et en 1859, il avait conquis la première palme dans le concours sur les Stimulants. Tout ce qu’il y avait de pieux et de paternel dans cette âme élevée et chrétienne, tout ce qu’elle avait gagné d’expérience en vingt-cinq années d’enseignement, respire dans ce bel ouvrage, et vous avez hautement reconnu son mérite, Messieurs, en le publiant intégralement dans vos Annales. L’organe officiel de l’instruction publique a dit que de tels succès faisaient espérer en M. Delarue un nouveau Rollin, et nous nous associons à cet


119 Annales de la Société d’éducation de Lyon: compte rendu des travaux

(1862), p. 2.

hommage, en regrettant amèrement la perte prématurée d’un correspondant aussi distingué. »


1866. Sa veuve et ses fils à Orléans 120


« Conseil municipal d’Orléans.

« Séance du 19 décembre.

« […] M. le maire rappelle que sur la bourse communale vacante au lycée, il n’a été, le 15 novembre dernier, disposé que d’une demi-bourse ; qu’ainsi l’autre moitié est libre. Il ne se présent qu’un candidat ; mais il est digne de tout l’intérêt du conseil. C’est le troisième fils de Mad. veuve Delarue, inspectrice des salles d’asile du département. Cette dame est chargée d’une nombreuse famille, cinq fils et deux filles ; elle mérite sous tous les rapports la bienveillance du conseil. Le candidat, Joseph-Marie-Louis-Ambroise Delarue, remplit toutes les conditions d’admissibilité prescrites par la loi.

« Le conseil, sur la proposition de M. le maire, l’autorise à disposer en faveur de M. Delarue fils de la demi-bourse communale vacante au lycée. »


1870. Carrière et bienfaisance de sa veuve à Orléans 121


« Il y avait fête, jeudi dernier, à la salle d’asile de Saint- Laurent, dirigée par Mlle Chevallier, qui, sous le patronage de l’administration, a transporté là une méthode toute spéciale, qu’elle appliquait avec tant de succès dans son jardin d’enfants. Chaque année les élèves du Lycée vont visiter l’une des salles d’asile communales de la ville. On sait qu’ils ont pris particulièrement à cœur cette œuvre utile pour l’enfance, et qu’ils donnent au comité de patronage une somme assez


120 Journal du Loiret 49/303 (28 décembre 1866), p. 2.

121 Journal du Loiret 53/77 (31 mars 1870), p. 2.

considérable, prélevée sur leur quête annuelle pour les pauvres, et produit d’une petite offrande faite chaque semaine à cet effet par les enfants dans les classes. – M. le proviseur avait amené à Saint-Laurent une nombreuse division de ses plus jeunes élèves.

« Les jeunes visiteurs prirent un vif intérêt à suivre les ingénieuses leçons et les exercices variés de cette méthode originale, dont beaucoup de détails s’introduiraient avec grand profit dans les écoles des petits enfants. Bientôt ils comblèrent de joie les bambins de l’asile par une large distribution de joujoux aux plus sages, et de gâteaux à tous.

« Cette visite, inspirée par une pensée de charité féconde et toute éducative, avait réuni les représentants naturels de la charité dans cette circonstance. M. l’abbé Poupart, aumônier du Lycée ; Mad. de Cambefort, présidente du comité de patronage : Mad. Bonnichon, secrétaire du comité ; Mesd. les patronesses de la circonscription, et Mad. Delarue, inspectrice des salles d’asile du Loiret.

« Nous ne pouvons qu’applaudir à cette pratique de la bienfaisance qui, sous l’inspiration de leur excellent proviseur, est entrée dans les habitudes des élèves de notre Lycée. »


1872. Mutation de sa veuve à Chartres 122


« Par arrêté de M. le ministre de l’instruction publique, en date du 14 septembre courant, Mad. Delarue, inspectrice des salles d’asile du département du Loiret, a été nommée directrice de l’école normale d’institutrices de Chartres. »


122 Journal du Loiret 55/225 (21 septembre 1872), p. 2.

1884. Sa veuve inspectrice dans le Loiret 123


« Mme Delarue, inspectrice des écoles maternelles pour le département du Loiret. »


1898. Décès de sa veuve


Décédée le 2 mars 1898 à Paris VIe arrondissement, âgée de 74 ans, « inspectrice des écoles maternelles ».


1898. Annonce dans le Figaro 124

« Nous apprenons la mort [...] de Mme Alexandre Delarue, mère du lieutenant-colonel René Delarue, de M. Gabriel Delarue, chef de bataillon d’infanterie ; du R. P. Delarue, Jésuite, du docteur Louis Delarue, de M. Emmanuel Delarue et de Mme Louis Braye. »


123 Almanach national. Annuaire officiel de la République française (1884), p. 728. Cf. aussi Isabelle Havelange, Françoise Huguet et Bernadette Lebedeff, Les inspecteurs généraux de l’Instruction publique. Dictionnaire biographique, 1802-1914, Paris, ENS Éditions, 1986, p. 290.

124 Le Figaro 44/66 (7 mars 1898), p. 2.

1850-1935. Destinée de son fils aîné René


Études primaires à Étampes.

Études secondaires au lycée d’Orléans.

Marié en juillet 1883 à Alger (Algérie) avec Marie Ville.

Marié le 3 août 1891 à Paris avec Madeleine Girard.

Père de René Delarue (1884- 1915) ; de Suzanne Delarue (1893-

1947).

Membre à vie de la Société de géographie depuis 1897.

image

Le général René Delarue en 1913

En 1898 signalé « Lieutenant-colonel du génie breveté à l’état-major de l’armée, officier de la légion d’honneur demeurant boulevard Raspail, 2 » lors du remariage de sa sœur Louise-Marie.

Le 2 mai 1903, il assiste au banquet des anciens élèves du collège d’Étampes, qualifié « colonel commandant le 7e génie à Avignon »125.

Général, commandant de corps d’armée. Chevalier de la Légion d’Honneur.

Décédé le 27 juillet 1935 âgé de 84 ans.


125 Association amicale des anciens élèves du collège Geoffroy Saint- Hilaire, Compte-rendu de l’assemblée générale annuelle et du banquet du 2 mai 1903. Liste alphabétique des membres de l’association, Étampes, O. Lecesne, 1903, p. 18, sous le n°5 de la liste.

1852-1915. Destinée de son fils cadet Gabriel


Études secondaires au lycée d’Orléans.

Elève de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, promotion du Shah (1872-1874).

Carrière militaire (1872-1915)

Marié le 11 juillet 1885 à Alger (Algérie) avec Julie Marie Léonie Ville (née le 12 septembre 1856).

Père de Marie Delarue (1886-?), de Marie Delarue (1886-?) ; Louis Delarue (1887-1891) ; de Jeanne Delarue (1889-?) ; de Geneviève Delarue (1891-1891) ; de Marthe Delarue (1893- 1893) ; de Gabriel Delarue (1897-1918)

En 1898 signalé « chef de bataillon gradé à l’état-major de l’armée, chevalier de la légion d’honneur, rue du Cherche-Midi 74, 2 » lors du remariage de sa sœur Louise-Marie.

image

Général de brigade, chef de bataillon au 89e régiment d’infanterie de ligne.

Commande un Corps Expédition- naire de pacification en Crête (1907- 1909).

Médaille militaire. Commandeur de la Légion d’Honneur (1914). Com- mandeur de l’Ordre du Nichan- Iftikar. Officier de l’Ordre du Dragon de l’Annam. Commandeur de la

Couronne d’Italie.

Le général Gabriel Delarue

On a de lui un discours de 1911 : Discours prononcés au banquet du samedi 10 juin 1911 à Paris par M. le général Gabriel Delarue, et M. Léon Masson (in-8°; 12 p.), Orléans, Association amicale des anciens élèves du Lycée d’Orléans (impr. A. Gout), 1911.

Mort pour la France le 20 mars 1915 à Minaucourt-le-Mesnil- lès-Harlus (Aube), à l’âge de 62 ans (meurt d’une balle dans le crâne en inspectant une tranchée qui venait d’être conquise).

Citation à l’ordre de l’Armée.

Messe : « En l’église Saint-Lambert de Vaugirard, hier matin [30 mars], à onze heures, a été célébré un service pour le repose de l’âme du général Gabriel Delarue, glorieusement tué à la tête de sa division, le 20 mars. De chaque côté de l’autel avaient été disposés des faisceaux de drapeaux. La messe fut dite par l’abbé Jiaillet; l’absoute a été donnée par le chanoine Nègre, curé de la paroisse. Le deuil était conduit par M. Gabriel Delarue, fils du défunt; MM. L’abbé Joseph Delarue, Louis Delarue et Emmanuel Delarue, ses frères ; le capitaine René Delarue, son neveu, et les autres proches parents. Une

nombreuse affluence assistait à la cérémonie. »126

Inhumation au cimetière Montparnasse.

Donne son nom à Pontoise à l’avenue du Général Gabriel- Delarue.


Le nom du Général Delarue est porté sur le mémorial des anciens élèves du collège d’Étampes morts pour la France dans le hall d’honneur de cet établissement


126 Journal des débats politiques et littéraires 127/91 (1er avril 1915), p.

2.

1853-1925. Destinée de son troisième fils Joseph 127


Études secondaires au lycée d’Orléans (boursier). Ordonné prêtre le 8 septembre 1888.

Membre de la Compagnie de Jésus depuis 1891. Religieux jésuite, orientaliste.

On a de lui de copieuses et très savantes recensions de différents ouvrages historiques de fond pour la revue jésuite Études, de 1891 à 1917128.

Mort à Lausanne (Suisse) le 22 décembre 1925, âgé de 72 ans. On a sur lui une notice en français et en arménien : Le Révérend Père Joseph Delarue (in-8° ; portrait en frontispice,

37 p.), Paris, Massis, 1926, par G. Sinapian (alias Krikor Sinapyan), et Bertrand Bareilles (1859-1933).


1856-1934. Destinée de sa 1re fille Louise-Marie


Domiciliée en 1883 à Paris rue de Sèvres, avec sa mère inspectrice des écoles maternelles.

Mariée le 3 février 1883 à Paris VIe arrondissement avec Louis Henri Braye (1849-), employé des postes à Versailles.

Mère d’Emmanuel Braye ; de Marguerite Braye (1886-1914) ; de Marie-Louise Braye.

Morte le 16 août 1934 à Paris, âgée de 78 ans.


127 On remarquera qu’il est par coïncidence l’homonyme de Joseph Delarue, curé de Chatenay un temps défroqué, dont l’histoire fit scandale en 1905 dans le secteur et à l’échelle nationale.

128 Etudes religieuses, philosophiques, historiques et littéraire 2 (1891),

pp. 232-241 ; 4 (1893), pp. 743-745 ; 847-848 ; 910 ; 5 (1894), pp. 275-

277 ; 353 ; 662-663 ; 6 (1895), pp. 586-587 ; 595 ; 678-681 ; 34/71-72

(1897), pp. 561-567 ; 848-849 ; 37/84 (1900), pp. 274-277 ; 39/90 (1902),

pp. 424-425 ; 720-723 ; 40/96 (1903), 232-241 ; 41/100 (1904), pp. 706-

709 ; 42/105 (1905), pp. 255-257 ; 43/109 (1906), pp. 267-268 ; 44/112

(1907), pp. 865-866 ; 54/150 (1917), pp. 802-803 (Ce relevé ne prétend pas être exhaustif).

1857-1942. Destinée de sa 2e fille Marie-Louise

Mariée le 29 septembre 1898 à Paris VIIe arrondissement, âgée de 41 ans, avec Angel Porchon (1852-), notaire à Chevilly (Loiret) et frère d’un professeur du lycée Hoche de Versailles. Son mari est veuf de Gabrielle Marie Louise Niaf morte de ses couches en 1894 ; il est père de quatre enfants qui seront élevés par Marie-Louise Delarue et dont deux mourront pour la France : Marcel (1885-1916), Germaine (1887-), Henriette (1890-) et Robert (1894-1915). La correspondance de Marie Louise Delarue épouse Porchon avec Maurice Genevoix au sujet de la vie et de la mort de Robert Porchon, a été éditée en

2008.129 Morte le 5 août 1942 à Paris, âgée de 85 ans.

1860-1933. Destinée de son 6e fils Louis


Docteur en médecine qui soutient sa thèse en 1874 : Parallèle entre les divers procédés de compression employés dans le but d’obtenir l’hémostase, pendant les opérations (in-4°), Paris, Faculté de Médecine, 1874 (tome 4, n°421).

Marié le 29 juillet 1894 à Morlhon (Aveyron) avec Marie, Joséphine, Pauline, Madeleine Noël (1864-1950).

Père de Marie Louise Alice Delarue (1895-1941) ; d’Alice Marie-Madeleine Alexandrine Renée Delarue (1897-1975) ; Jean Louis Alexandre Henri Emmanuel Delarue (1899-1972) ; d’Alexandre Gabriel Jacques Marie Delarue (1901-1971).

Mort le 26 février 1933 à Paris âgé de 72 ans.


129 Robert Porchon, Carnet de route (suivi de:)] Lettres de Maurice Genevoix (à madame Porchon) et autres documents. Précédé de: Un de

« ceux de 14 », par Michel Bernard ; édition établie et annotée par Thierry Joie, Paris, La Table ronde, 2008 ; rééd. Paris, Succès du Livre, 2009.

1861-1929. Destinée de son 7e fils posthume Emmanuel


Emmanuel Delarue pendant l’année scolaire 1895-1896 suit les cours d’histoire de Charles Bémont à l’École pratique des hautes études130.

Il fut journaliste, qualifié en 1929 « rédacteur à l’Écho de Paris »131.

Mort à Paris le 2 mars 1929 âgé de 67 ans et célibataire.


130 Annuaire de l’École pratique des hautes études. 4e section, Sciences historiques et philologiques (1897), p. 122.

131 Avis de décès dans Le Gaulois 64/18777 (4 mars 1929), p. 2 : « Notre confrère, M. Emmanuel Delarue, rédacteur à l’Écho de Paris, vient de mourir » ; Avis de l’Écho de Paris 46/18039 (3 mars 1929), p. 2 : « Nous

avons la douleur d’apprendre la mort, à son domicile, 21, rue de Fleurus, de

M. Emmanuel Delarue, rédacteur à l’Écho de Paris. – Il était le frère et le beau-frère du général et de Mme René Delarue, du général Gabriel Delarue, mort pour la France, et Mme Gabriel Delarue, du R. P. Joseph Delarue, décédé, du docteur et Mme Louis Delarue, de Mmes Braye et Porchon. – Ses obsèques auront lieu le mardi 5 mars, à midi, à l’église Notre-Dame-des- Champs. Ni fleurs ni couronne. – Le présent avis tient lieu de faire-part. »


TABLE DES MATIÈRES GÉNÉRALE

Préface 5-9

  1. Le collège d’Étampes (prospectus, 1855) 11-20

  2. Religion catholique et religion naturelle.

    (Réponse à Jules Simon, 1856)

    21-72

    Table partielle 71

  3. Des moyens stimulants à employer dans l’éducation privée et publique (1859)

    73-170

    Table partielle 167-170

  4. Dossier documentaire (1822-1942) 171-234



    ISSN 2272-0685

    Publication du Corpus Étampois

    Directeur de publication : Bernard Gineste 12 rue des Glycines, 91150 Étampes redaction@corpusetampois.com


    BHASE n°15 (avril 2015)

    Alexandre Delarue

    théologien, pédagogue et père de famille,

    principal du collège d’Étampes de 1855 à 1860

    Préface 5-9

    1. Le collège d’Étampes

      (prospectus, 1855)

      11-20

    2. Religion catholique et religion naturelle.

      (réponse à Jules Simon, 1856)

      21-72

      Table partielle 71

    3. Des moyens stimulants à employer dans l’éducation privée et publique (essai de 1859)

      73-170

      Table partielle 167-170

    4. Dossier documentaire sur Alexandre Delarue

171-234